A la une / Actualité Le duel Obama-Romney vu d’Algérie La US “Election Night” à Alger Comme en 2008, l’ambassade américaine à Alger a organisé une “nuit électorale” à laquelle étaient conviés des acteurs politiques associatifs et des journalistes. Reportage. Une grande salle aménagée pour la circonstance, des écrans de télévision installés idéalement et des serveurs aux petits soins, distribuant aux convives du jour des petits fours et des boissons : mardi soir à l’ambassade des États-Unis d’Amérique, sur les hauteurs d’Alger, il n’y avait pas la grande foule de 2008, lorsqu’un Noir américain partait, pour la première fois dans l’histoire, à la conquête de la Maison-Blanche, mais suffisamment de personnes dont des représentants de partis politiques algériens, d’animateurs associatifs et de journalistes pour assister à l’élection américaine dans une ambiance bon enfant dont seuls les Américains ont le secret. Inspirés comme toujours, même à des milliers de kilomètres de Washington, ils ont fait les choses en grand. À la dimension de leur pays, de sa puissance et de sa notoriété. Rien n’a été négligé, pas même les pin’s à l’effigie des deux partis politiques, le Parti démocrate de Barack Obama et le Parti républicain de Mitt Romney. Deux mannequins en carton représentant les deux candidats sont installés dans les coins de la salle tandis que les hôtes distribuaient des prospectus retraçant leur parcours avec le sourire toujours aux lèvres. “C'est vraiment un grand plaisir pour moi de vous voir tous ici ce soir. Je suis impressionné de voir combien d'entre vous sont intéressés par notre processus électoral et pour savoir qui sera le prochain président des États-Unis d'Amérique”, lance d’emblée, dans un court discours, l’ambassadeur Henri Ensher. Passées les formules de politesse de circonstance, le diplomate se lance dans une longue litanie louant la démocratie de son pays et administrant au passage une grande leçon aux dirigeants d’autres contrées où l’horloge politique est encore figée au noir et blanc. “Vous verrez comment fonctionne le processus électoral et vous verrez comment notre gouvernement utilise des contrôles et des contrepoids (…), vous verrez, aussi, comment le collège électoral, comparé au vote populaire, fait en sorte que notre processus soit aussi juste et démocratique que possible.” “Notre processus électoral est une démonstration de ce que doit être une véritable démocratie quand il s'agit d'élections nationales”, dit-il avant d’envoyer un message à ces régimes bâtis sur la fraude, foulant au pied la souveraineté populaire. “Maintenant plus que jamais, les citoyens du monde entier doivent participer aux élections (…) et plus que jamais les gouvernements doivent reconnaître que les élections démocratiques sont essentielles pour asseoir leur autorité légitime.” Les spéculations sur le futur vainqueur n’ont pas encore commencé, mais certains affichent leur préférence, tandis que d’autres préfèrent se focaliser sur le déroulement du scrutin, véritable fête populaire où la bonne ambiance le dispute à l’engagement citoyen. L’Amérique et nous “Même si je suis convaincu que ce modèle électoral est adapté seulement aux USA, je caresse le rêve qu’il soit adapté à l’Algérie”, glisse Hichem Baba Ahmed, plus connu sous la signature du HIC, caricaturiste fétiche d’El Watan. Affalé dans un fauteuil, il fixe stoïquement la chaîne CNN qui a mis les petits plats dans les grands pour rendre compte en temps réel des projections électorales dans chaque État. “C’est joyeux, on a l’impression que c’est une fête. Leur système électoral paraît compliqué, mais il est intelligent, à mon sens, surtout que le choix est simple”, dit-il. Son souhait ? Qu’Obama décroche un second mandat. “Vu l’instabilité dans la région, on n’a pas besoin d’un président comme Romney”. Ce regard admirateur sur la santé démocratique US et son système électoral semble laisser aussi rêveur Me Hakim Saheb, responsable au RCD. “C’est un moment de convivialité, d’expression citoyenne, un moment d’affermissement de la conscience américaine. C’est ce qui fait d’ailleurs la force de l’Amérique”, soutient-il. En homme politique avisé, il ne manque pas de faire le parallèle avec l’Algérie. “J’aurais souhaité que les Algériens puissent vivre les mêmes émotions, le même suspense jusqu’à la dernière minute et non pas les parodies électorales où on connaît les résultats à l’avance”, regrette-t-il. Rédacteur en chef à l’Expression, Brahim Takheroubt, considère que “l’élection américaine nous intéresse du moins au double plan politique et économique avec les changements qui s’opèrent dans la région”. Il est trois heures du matin passées du mercredi et les premières projections tombent dans le Nebraska, le Dakota du Nord, le Texas, le Wyoming et le Missouri. Barack Obama est annoncé vainqueur dans le Michigan, à New York et dans le New Jersey. Robert, Américain travaillant en Algérie depuis quelques années et fin connaisseur de la carte politique américaine, désigne à ceux qui l’interrogent les États où se jouera l’issue du scrutin au fur et à mesure que les résultats tombent. “La Virginie, c’est important, le New Hampshire aussi”, dit-il. Il se hasarde à quelques parallèles avec quelques départements algériens provoquant l’hilarité de ses interlocuteurs. “Le Texas, c’est un peu Tizi Ouzou, un pied dedans, un pied dehors. Djelfa, c’est Kansas City et Tlemcen, la Géorgie.” À 4h15, la Pennsylvanie, État-clé, tombe dans l’escarcelle d’Obama. Sa victoire commence à se dessiner en dépit de certaines avancées de Mitt Romney dans quelques États. Mais lorsque la chaîne CNN annonce aux alentours de 5h10 la victoire d’Obama dans l’Iowa, un autre État-clé, un tonnerre d’applaudissements retentit dans la salle, tandis que des images montraient les partisans d’Obama investir certaines places, notamment à Chicago, son fief. L’heure est aux embrassades. À l’extérieur de l’imposant édifice, une pluie fine tombe et les premières lueurs du jour apparaissent sur Alger qui, autre pays, autres mœurs, se prépare à des élections locales dans une indifférence sidérale. Comme c’est loin, Washington… K. K.