
 
Le système des Agences, créé en réponse aux revendications de sécurité sanitaire émergeant des 
divers scandales dénonçant les alliances politico-industrielles et la négligence des préoccupations 
de santé publique, propose ainsi une organisation de l'évaluation du risque fondée sur l'autonomie 
et la procéduralisation de l'expertise, afin d’obtenir un gain d'objectivité scientifique. Ce 
dispositif permet de déconfisquer l'expertise des circuits ministériels classiques, de promouvoir 
une plus grande transparence, et de démontrer la prise en charge des intérêts de sécurité sanitaire. 
En excluant autant que possible les intérêts professionnels dans un modèle de purification de 
l'expertise, l'Agence tend à substituer à la confiscation de l'expertise par des alliances politico-
industrielles une mise à disposition des capacités d'expertise pour les associations de 
consommateurs. L'articulation entre science et administration que propose l'AFSSA reste ainsi 
inspirée du modèle français rationnel-légal de l'expertise, dans le sens où l'énoncé d'expertise 
reste un monopole étatique justifié par une référence au mythe latourien des « faits parlants » 
[note de bas de page] B. Latour, Politiques de la nature, comment faire entrer les sciences en 
démocratie, Paris, La Découverte, 1999[/] : les contraintes de la nature seraient révélées au 
scientifique qui devient le porte-parole incontestable de la réalité pour ses concitoyens. 
L'externalisation de l'expertise à l'AFSSA promeut moins une « mise en discussion » de l'action 
publique qu'une indiscutabilité supérieure de l'action publique fondée sur la mobilisation de la 
science pure au service de l'Intérêt Général. Elle risque ainsi de continuer à occulter le moment de 
confrontation des intérêts et de choix politique qui existe au sein même des activités et des débats 
d’experts.  
 
[sous-titre] partie 2 : Le rôle de la parole des experts dans l’ouverture d’un débat sur la gestion du 
risque [/] 
 
Cependant, l’externalisation de l’expertise, répondant notamment à une exigence de transparence, 
s’accompagne par ailleurs d’une systématisation de la publicité donnée aux énoncés d’expertise. 
Les conséquences de ce principe de transparence sont importantes, et obligent le chercheur à 
déplacer son regard des arcanes des cabinets ministériels où se joue traditionnellement la 
décision, vers les arènes sociales de construction et de formulation des problèmes publics [note 
de bas de page] Hilgartner, S. and Bosk, C. L., 1988, “The rise and fall of social problems : a 
Public Arenas Model”, American Journal of Sociology, vol. 94, n°1, pp. 53-78.[/]. C’est à cette 
condition que l’on peut rendre compte de la façon dont les agences contribuent, en dépit d’un 
certain conservatisme inspiré du modèle de l’Etat savant, à un éloignement d’une forme de 
gouvernement technocratique et à un renouvellement de la politisation des questions sanitaires. 
 
Dans le cas de l’AFSSA, les avis, disponibles sur Internet, sont relayés par les médias sur certains 
sujets sensibles et font l’objet de conférences de presse. Il s’agit alors de prendre en compte 
également la manière dont la parole des experts influe sur la structuration des idées et des 
arguments circulant dans l’espace public et contribue, à côté de celle d’autres porte-parole, à 
développer et à défendre des « preuves publiques » [note de bas de page] Sur la notion de preuve 
publique voir : Latour B. et Weibel P., Making things public. Atmospheres of democracy, 
Germany, MIT Press and ZKM Karlsruhe, 2005, ainsi que la conférence EASST, Paris, 25-28 
août 2004. Lemieux C. et Barthe Y. (« les risques collectifs sous le regard des sciences du 
politique. Nouveaux chantiers, vieilles questions », Politix, 44, 1998, pp 7-28) utilisent le terme