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Société Française de Rhumatologie
Les Publications sélectionnées
Revue du Rhumatisme 71 (2004) 11- 16
Rôle de l’ostéoprotégérine dans l’inflammation et la polyarthrite rhumatoïde
Role for osteoprotegerin in rheumatoid inflammation
Nathalie Saidenberg-Kermanac’h a,*, Martine Cohen-Solal b, Natacha Bessis a, Marie-Christine DeVernejoul b,
Marie-Christophe Boissier a
a Groupe de recherche en immunopathologie et immuno-intervention (Upres EA-3408) et service de rhumatologie (hôpital Avicenne, AHAP), université Paris 13, UFR Léonard-de-Vinci, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny, France
b INSERM U349, centre Viggo-Petersen, hôpital Lariboisière, Paris, France
Reçu le 20 janvier 2003 ; accepté le 13 mars 2003
Résumé
L’ostéoprotégérine (OPG), membre de la famille des récepteurs au TNF et exprimée par les ostéoblastes, est maintenant reconnue pour
son action sur la régulation du métabolisme osseux. Elle inhibe la résorption osseuse en se fixant avec une forte affinité à son ligand
RANKL bloquant ainsi la liaison de RANKL avec son récepteur : RANK. Ce système est régulé par les hormones calciotropes. L’OPG
semble également être un facteur important de modulation du système immun. Les souris déficientes en RANKL développent des
anomalies immunologiques sévères en plus d’une ostéopétrose et des données récentes montrent que les lymphocytes T activés
expriment l’ARN messager de RANKL. La sécrétion de RANKL par les cellules T activées est capable d’induire une ostéoclastogenèse. Ces
mécanismes sont favorisés par certaines cytokines comme le TNF-a, l’IL-1, l’IL-17 qui sont à la fois des cytokines pro-inflammatoires et
en même temps des cytokines de la résorption osseuse. Inversement ce système est bloqué par l’OPG, l’IL-4 ou l’IL-10, cytokines antiinflammatoires mais également inhibitrices de la formation d’ostéoclastes. Au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR), les cellules T
activées de la synoviale expriment RANKL. Les synoviocytes sont capables de se différencier en cellules « ostéoclastes like » dans
certaines conditions et notamment lorsqu’ils sont cultivés en présence de M-CSF et RANKL. Il serait donc possible que les érosions
osseuses de la PR soient le résultat d’une activation du système RANKL/ RANK par les lymphocytes T activés. Ceci ouvre bien entendu
des perspectives de traitement par l’OPG qui bloque ce système.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Osteoprotegerin (OPG), a member of the TNF-receptor family expressed by osteoblasts, has documented effects on the regulation of
bone metabolism. OPG inhibits bone resorption and binds with strong affinity to its ligand RANKL, thereby preventing RANKL from
binding to its receptor RANK. This system is regulated by calcium-modifying hormones. OPG may also be pivotal in modulating the
immune system. RANKL-deficient mice exhibit both severe immunological abnormalities and osteopetrosis, and activated T cells express
RANKL mRNA. RANKL secretion by activated T cells may induce osteoclastogenesis via a mechanism enhanced by several cytokines (TNFa, IL-1, and IL-17) that promote both inflammation and bone resorption. Conversely, this mechanism is inhibited by OPG, IL-4, and IL10, which have antiinflammatory effects and inhibit osteoclast formation. Activated T cells in the rheumatoid synovium express RANKL.
Synoviocytes can differentiate to osteoclast-like cells under specific conditions, particularly when they are cultured with M-CSF and
RANKL. Thus, the bony erosions seen in RA may result from RANKL/RANK system activation by activated T cells. This raises the
possibility that OPG therapy to block this mechanism might prove beneficial in patients with RA.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéoprotégérine ; Astéolyse ; Inflammation
Keywords: Osteoprotegerin; Osteolysis; Inflammation
L’ostéoprotégérine (OPG) est une cytokine, membre de la superfamille des récepteurs au TNF dont l’activité principale se situe sur l’os en
bloquant la résorption osseuse. Son rôle d’inhibiteur de la résorption osseuse est bien établi, mais sa place dans les processus
inflammatoires et particulièrement dans la résorption osseuse liée à ces phénomènes d’inflammation reste à définir.
L’OPG est une protéine sécrétée. Sa forme a été bien conservée durant l’évolution puisqu’il existe une forte homologie entre la protéine
du rat, de la souris et de l’homme avec une analogie de 94 % entre le rat et la souris et 89 % entre la souris et l’homme. Elle comporte 2
domaines fonctionnels. La partie N-terminale contient 4 séquences riches en cystéines permettant la liaison avec le ligand (celui-ci étant
communà tous les récepteurs du TNF). Le domaine C terminal n’a pas d’homologie avec d’autres protéines connues. Chez l’homme, l’OPG
est fortement exprimée dans le poumon, le rein, l’intestin, la rate, le thymus et le coeur. Elle est également détectée dans les cellules
ostéoblastiques et l’ARNm d’OPG a également été retrouvée dans les cellules dendritiques et dans des cellules lymphocytaires [1].
1. Rôle de l’ostéoprotégérine dans la résorption osseuse
L’OPG joue un rôle central dans la régulation du métabolisme osseux en inhibant la différenciation et l’activation des ostéoclastes [2] et
en augmentant l’apoptose des ostéoclastes [2]. Il a été montré que l’OPG native et recombinante bloque in vitro la formation de cellules
multinucléées « osteoclastlike » et diminue l’expression des marqueurs ostéoclastiques : le récepteur à la calcitonine, l’intégrine avb3 et
la phosphatase acide résistante au tartrate (TRAP). Seule la partie N terminale de la protéine est responsable de cette action. L’OPG est
synthétisée par les ostéoblastes et son expression est régulée par les facteurs de croissance et les hormones stéroïdiennes : TGF-b et
BMP-2, facteurs favorisant la différenciation ostéoblastique peuvent induire l’expression d’OPG ; les agents calciotropes (vitamine D,
prostaglandines E2, et hydrocortisone) qui augmentent la résorption diminuent l’expression d’OPG par les ostéoblastes [3].
Les souris transgéniques qui hyperexpriment le gène de l’OPG ont une masse osseuse augmentée de manière analogue aux souris qui
développent une ostéopétrose (op/op) [4]. L’administration d’OPG recombinante chez la souris normale augmente la masse osseuse au
tibia et au fémur, et chez la souris ovariectomisée compense les effets osseux de la carence en estrogène. Les souris transgéniques
déficientes en OPG (OPG–/–) développent une ostéoporose sévère avec une densité minérale osseuse réduite et des fractures multiples
[5].
Le ligand de l’OPG, RANKL (receptor activator of NFjB ligand), (également appelé OPGL ou ODF), est une protéine transmembranaire,
activateur de la différenciation ostéoclastique à partir de précurseurs hématopoïétiques murins ou humains. RANKL peut être clivé et
donner une forme soluble active. RANKL active la différenciation ostéoclastique, stimule l’activation des ostéoclastes et augmente leur
survie [6] en se liant à son récepteur RANK, présent sur les précurseurs ostéoclastiques ou les ostéoclastes matures et entraîne ainsi une
résorption osseuse [6]. Le signal moléculaire passe par le recrutement de protéines appartenant à la famille des protéines TRAF [7]. Ceci
entraîne une activation de la voie des facteurs de transcription NF-jB et Jun N-terminal. Parmi ces protéines, TRAF-6 joue probablement
un rôle important : les souris TRAF-6–/– développent une ostéopétrose avec une absence complète d’ostéoclaste.
L’OPG est une cytokine antagoniste qui agit comme un régulateur négatif de l’activation et du développement ostéoclastique en
séquestrant son ligand, RANKL. Celui-ci se lie avec une forte affinité et spécifiquement avec l’OPG. L’effet est un blocage de la résorption
osseuse.
RANKL est principalement exprimé par les cellules de la lignée ostéoblastique mais aussi par d’autres types cellulaires et notamment par
les lymphocytes T [8]. L’expression de RANKL par les ostéoblastes est augmentée par les agents qui augmentent in vitro le
développement des ostéoclastes tels que la vitamine D3, l’IL-1, PGE2, PTH (et diminuent également l’expression de l’OPG par les
ostéoblastes) [9]. In vivo, les souris traitées par RANKL ont une perte osseuse prononcée avec hypercalcémie alors qu’une délétion en
RANKL entraîne l’absence d’ostéoclastes mature et une ostéopétrose [8].
Au cours du remodelage osseux, il existe donc une régulation par les hormones calciotropes et les cytokines de la résorption osseuse
avec une modulation de l’expression d’OPG et de RANKL.
2. Modulation du système immun par l’ostéoprotégérine
En plus de la régulation du remodelage osseux, un faisceau d’arguments plaide pour une interaction du système RANKL/ RANK / OPG
avec la réponse immunitaire. Il semble que RANKL, RANK et OPG soient impliqués dans la réponse immune par les cellules T et
dendritiques [10]. L’expression de RANK a été détectée sur les cellules dendritiques (CD) et son activation par RANKL prévient l’apoptose
(en augmentant Bcl-xl) et augmente la durée de vie des cellules dendritiques entraînant une prolifération des cellules T (activées par les
CD) [10]. Tous ces effets sont supprimés en présence d’OPG : l’OPG diminue la production de cytokines engendrées par la stimulation
des CD par RANKL, c’est-à-dire des cytokines pro-inflammatoires comme IL-6, IL-11 et des cytokines produites par la prolifération des
lymphocytes T (IL-12, IL-15) [11,12].
RANKL et RANK sont également essentiels au développement des tissus lymphoïdes. Les souris déficientes en RANKL ou RANK
développent des anomalies immunologiques sévères secondaires au développement anormal des lymphocytes B et des thymocytes et
une réponse inadaptée des lymphocytes T stimulés par les cellules dendritiques [12,13]. De même, en plus d’une ostéopétrose sévère,
ces animaux présentent une hypoplasie du thymus et des plaques de Peyer, une complète absence de ganglion et une splénomégalie
témoignant d’une hématopoïèse extramedullaire [12,13]. Le système RANKL/RANK est donc essentiel à 2 fonctions pivots du système
immun : d’une part le développement précoce et la maturation des cellules pré-B et pré-T dans la moelle et dans le thymus, d’autre part
l’interaction entre les CD matures et les cellules T.
3. RANKL et lymphocytes T
Plusieurs études ont montré que l’expression de l’ARNm de RANKL était augmentée dans les cellules T activées [14]. L’expression de
RANKL est retrouvée à la surface des cellules T murines activées alors qu’elle est absente sur les cellules quiescentes. Il a également été
montré que les cellules T activées sécrètent la forme soluble de RANKL dans le milieu de culture [15].
Kong et al. [15] ont montré que les 2 formes de RANKL (solubles et transmembranaires) produit par les cellules T activées étaient
capables d’induire une ostéoclastogenèse : in vitro, le développement de cellules ostéoclastiques est observé lorsque des précurseurs
hématopoïétiques de moelle de souris sont cultivés avec des cellules T CD4+ ou avec le surnageant de ces cultures. Cet effet est
spécifiquement bloqué par adjonction d’OPG au milieu de culture alors qu’il n’est pas bloqué par l’adjonction d’anticorps anticytokines
[15]. En présence d’OPG, l’IL-1, l’IL-6, le TNF-a, l’INF-c, l’IL-3 et le GM-CSF n’entraînent pas le développement d’ostéoclastes suggérant
que RANKL sécrété par les lymphocytes T est le facteur crucial du développement ostéoclastique [15].
Pour évaluer in vivo dans quelle mesure l’activation des lymphocytes T pouvait affecter le remodelage osseux par l’intermédiaire de
RANKL, des souris CTLA4–/– ont été étudiées. Ces souris ont des lymphocytes T spontanément activés et présentent une ostéoporose
sévère. Si l’on transfert des cellules de la moelle de souris CTLA4 –/– à des souris déficientes en lymphocytes (souris rag1–/– ayant par
ailleurs une physiologie osseuse normale), les souris greffées diminuent leur densité minérale osseuse totale et trabéculaire par rapport
aux souris témoins. Histologiquement, il existe une résorption osseuse très importante avec une augmentation du nombre d’ostéoclastes.
L’injection journalière d’OPG chez les souris CTLA4–/– bloque l’action de RANKL, augmente la densité osseuse et diminue le nombre
d’ostéoclastes [15]. Enfin, chez le volontaire sain, une étude récente montre que les lymphocytes T activés exprimant RANKL sont
capables d’induirent la formation de cellules « ostéoclastes like » à partir de cellules mononuclées du sang périphériques [16]. Il existe
donc des arguments pour penser que les lymphocytes T peuvent agir sur la résorption osseuse par l’intermédiaire de RANKL : ces
résultats montrent que l’activation des lymphocytes T in vivo conduit à une perte osseuse via l’action de RANKL.
4. Rôle des cytokines pro-inflammatoires sur le système RANKL /RANK/ OPG
Le lien entre système immun et résorption osseuse se renforce lorsque l’on sait que certaines cytokines comme le TNF-a, l’IL-1, l’IL11, et
l’IL-17 qui régulent les fonctions immunes sont également impliquées dans la régulation de l’homéostasie osseuse : de nombreuses
cytokines proinflammatoires ont aussi une action d’activation de la résorptionosseuse. Ces cytokines favorisant la résorption osseuse ont
été détectées dans la synoviale de patients présentant une polyarthrite rhumatoïde (PR) (IL-1, IL-6, IL-11, IL-17, M-CSF, TNF-a, PTHrp )
[17,18] et ont été impliquées dans l’inflammation synoviale et dans la résorption ostéocartilagineuse par l’intermédiaire de stimulation de
médiateurs ostéoclastiques [19]. Du fait du rôle essentiel de RANKL, RANK et OPG dans le métabolisme osseux et immun, l’hypothèse a
été émise que ces cytokines et le système RANK/RANKL convergeaient pour entraîner une résorption osseuse par l’intermédiaire d’une
régulation du ratio RANKL/ OPG.
Effectivement, il a été montré que IL-1, IL-11, IL-17, TNF, PTHrp et PGE2 augmentent l’expression d’ARNm de RANKL par les
lymphocytes T et que PTHrp et PGE2 diminuent celle d’OPG [19,20]. L’IL-6, cytokine à fort potentiel de résorption est capable d’induire la
formation de ARNm de RANKL dans un système de culture de cellules stromales de moelle de rongeurs mais pas humaine [21].
L’injection d’IL-7 chez la souris entraîne une augmentation de la résorption osseuse. Les souris génétiquement modifiées pour le
récepteur de l’IL-7 augmentent leur masse trabéculaire osseuse comparées aux souris normales. Il semblerait que l’IL-1 et le TNF-a
induisent la production par les cellules stromales et les ostéoblastes d’IL-7 qui elle-même induit une ostéoclastogenèse par
l’intermédiaire du système RANKL et cela indépendamment de la présence de M-CSF [22]. Chez l’homme, l’IL-17 provenant de
l’activation des lymphocytes T semblent jouer un rôle important dans la résorption osseuse par l’intermédiaire de RANKL [23]. L’effet de
L’IL-1 et TNF-a est moins clair puisqu’ils stimulent à la fois RANKL et OPG. Par ailleurs, ces 2 cytokines peuvent induire une activation
ostéoclastique par un mécanisme indépendant de RANKL [24,25].
Enfin, l’interferon-c (INF-c) est également acteur dans le système RANKL/RANK. On sait qu’il existe une augmentation de la destruction
osseuse chez les souris n’ayant pas d’INF-c-R (INFc-R–/–), suggérant le rôle important de l’INF-c dans le remodelage osseux. Dans un
système de cocultures de cellules de moelle et de lymphocytes T chez la souris, l’interféron sécrété par les lymphocytes T entraîne une
diminution de la formation d’ostéoclastes, mécanisme dépendant de RANKL alors qu’il a peu d’effet sur la prolifération et la survie des
cellules de moelle, dépendant de M-CSF, laissant penser que l’INF-c interfère sélectivement avec le signal provenant de RANKL. L’INF-c
inhibe l’activation de ces voies de transcription par RANKL en inhibant l’expression de TRAF-6 de façon relativement sélective (Fig. 1).
Cependant, l’INF-c seul n’est pas efficace sur TRAF-6 et nécessite la présence de RANKL. En outre, la dégradation de TRAF-6 nécessite
son ubiquitination. Celle-ci est initiée par RANKL mais l’activation du système ubiquitine–protéasome est également sous la dépendance
de l’INF-c. Il semble donc y avoir des interactions entre INF-c et RANKL avec une balance entre RANKL et INF-c expliquant une perte
osseuse moins importante qu’attendue [15]. Les lymphocytes T produisent RANKL, mais sont également liées au métabolisme osseux par
l’intermédiaire d’autres cytokines. Il est important de noter que certaines de ces cytokines dérivées des cellules T comme l’INF-c, l’IL-4 et
l’IL-10, peuvent aussi inhiber la formation d’ostéoclastes in vitro [15].
Fig. 1. Mécanisme d’action moléculaire.
La liaison de RANKL à son récepteur membranaire RANK entraîne le recrutement de protéine de la famille TRAF et l’activation de la voie NFjB
et JNK. L’INF-c inhibe ce signal mais en présence de RANKL suggérant des interactions entre INF-c et RANKL dans l’ostéoclastogenèse.
5. Polyarthrite rhumatoïde et ostéoprotégérine
Une hyper-résorption osseuse locale ou générale a été reportée dans la PR, le lupus ou d’autres affections inflammatoires (hépatite, HIV,
leucémie, maladies auto-immunes et allergiques), suggérant là encore que l’activation du système immun peut affecter la physiologie
osseuse. La PR est une maladie caractérisée par la destruction progressive des articulations résultant d’une inflammation chronique avec
activation des lymphocytes T. Dans cette pathologie qui associe inflammation et destruction osseuse, les interactions entre le système
RANKL/RANK/OPG et leslymphocytes T pourrait expliquer une partie des phénomènes pathologiques. Le mécanisme de la destruction
osseuse et cartilagineuse est mal connu. Il semble en partie être médié par des protéinases comme les métalloprotéases sécrétées par
les synoviocytes activés et les chondrocytes [35,37,38]. Cependant, des études récentes suggèrent que les ostéoclastes jouent un rôle
important dans l’érosion osseuse de la polyarthrite rhumatoïde [23,26,27] et notamment que la synoviale pathologique contient tous les
éléments du système RANKL.
5.1. Présence d’ostéoclastes
Des cellules multinucléées ayant les critères des cellules ostéoclastiques (expression de la TRAP, récepteur à la vibronectine, récepteur à
la calcitonine et capacité à former des lacunes de résorption sur l’os) ont été observées à la jonction entre le panus synovial et l’os chez
la souris arthritique [28] et dans la diaphyse tibiale chez le rat après induction d’une arthrite à adjuvant. Ces cellules se forment à
l’intérieur du tissu synovial, en l’absence d’ostéoblastes et proviennent probablement d’une différenciation à partir de la lignée monocytes
macrophages [29]. De plus, les macrophages synoviaux sont capables in vitro de se différencier en cellules « ostéoclastes like » en
présence de cellules fibroblastiques synoviales [26,27,30] ou en présence de M-CSF et RANKL. Ceci suggère que la synoviale rhumatoïde
contient à la fois des progéniteurs ostéoclastiques et les cellules pouvant permettre leur différenciation (Fig. 2). Enfin, des souris
déficientes en RANKL, c’est-à-dire n’ayant pas d’ostéoclastes fonctionnels, ne développent pas d’érosions osseuses après induction d’une
arthrite alors qu’elles présentent des signes cliniques d’inflammation articulaire [31].
5.2. Présence de RANKL
RANKL joue probablement un rôle important dans la différenciation ostéoclastique des cellules de la synoviale rhumatoïde. Il est en effet
intéressant de constater que l’expression de RANKL est retrouvée dans la synoviale aux sites où se développe l’érosion osseuse et où est
également retrouvé son récepteur RANK [28]. Inversement, RANKL n’est pas présent dans les synoviales non pathologiques suggérant
que l’ARNm de RANKL est associé à la synoviale pathologique de la PR [30]. Ces résultats ont été confirmés chez l’homme : RANKL a
également été localisé par hybridation in situ et immunohistochimie sur les cellules T à l’intérieur des synoviales pathologiques de
patients porteurs de PR, alors qu’il n’est pas retrouvé dans des synoviales normales ou des synoviales de patients présentant une
arthrose [27]. La présence d’ostéoclastes est également retrouvée dans les sites où RANKL est le plus exprimé c’est-à-dire à la jonction
entre le panus synovial et l’os [32,33]. Les taux d’OPG sont abaissés et de RANKL augmentés dans le liquide articulaire de patients
présentant une PR. Cependant, une étude comparant les liquides articulaires de patients porteurs de PR à des sujets sains ou porteurs de
pathologies dégénératives a mis en évidence une augmentation du taux d’OPG et de RANKL chez les patients ayant une PR mais avec un
ratio OPG/RANKL similaires. Les taux étaient diminués après traitement par anti-TNF [34]. À noter dans cette étude qu’il semble y avoir
une forte corrélation positive entre les taux d’OPG et l’âge chez les sujets sains uniquement.
Fig. 2. Mécanisme de résorption osseuse au cours de la polyarthrite rhumatoïde.
La synoviale contient tous les facteurs nécessaires à l’ostéoclastogenèse.
Les cellules T activées et les fibroblastes synoviaux expriment
RANKL. L’expression de RANKL est favorisée par la présence de cytokines
inflammatoires comme l’IL-1 et le TNF-a présents dans la synoviale rhumatoïde.
RANKL interagit spécifiquement avec son récepteur RANK présent
sur les précurseurs ostéoclastiques et permet la différenciation des ostéoclastes
et leur activation. Ces effets sont inhibés par l’OPG.
5.3. Lymphocytes T
Les cellules T activées expriment RANKL et sont capables d’induire la formation d’ostéoclastes fonctionnels [14]. Ces cellules constituent
la majeure partie de la population cellulaire de la synoviale rhumatoïde. Dans l’arthrite à adjuvant chez le rat Lewis, les lésions
dépendent de l’activation des lymphocytes T. Il a été montré que RANKL était exprimé à la surface des lymphocytes T activés isolés de
rats présentant des signes cliniques de début d’arthrite et l’ARNm de RANKL peut être détecté dans les cellules synoviales et les cellules
de l’infiltrat inflammatoire par hybridation in situ. Si les rats sont traités au début de la maladie par l’OPG pendant 7 jours, il n’y a plus de
perte osseuse alors que les rats non traités développent des lésions de destruction cartilagineuse et osseuse sévères. En revanche, il n’y
a pas d’effet sur la sévérité des signes cliniques inflammatoires. L’activation des lymphocytes T peut donc réguler la résorption osseuse
par l’intermédiaire du système OPG/RANKL chez les rats arthritiques [15].
Une deuxième source de RANKL dans la synoviale de PR est sans doute les fibroblastes synoviaux stimulés par de nombreuses cytokines.
Au cours de l’arthrite à adjuvant, les fibroblastes synoviaux et les cellules inflammatoires expriment fortement RANKL. Les animaux
développent au bout de 7 jours une perte corticale et trabéculaire, associée à une augmentation du nombre d’OC et du nombres
d’érosions osseuses [15]. Des fibroblastes de synoviale rhumatoïde cultivés avec des cellules mononuclées du sang périphérique
induisent une ostéoclastogenèse en présence de 1,25(OH)2D3 et les cellules de surface expriment alors fortement RANKL alors que la
production d’OPG dans les surnageants de ces cultures est considérablement réduite [27]. L’adjonction d’OPG inhibe la formation
d’ostéoclastes dans ce modèle de culture [27].
Ces données suggèrent que l’activation des lymphocytes T au cours de la PR conduit à la formation d’ostéoclastes dans la synoviale ;
probablement médié par la sécrétion de RANKL par les cellules T activées dans un microenvironnement favorable à la différenciation
ostéoclastique à partir de macrophages synoviaux. Ceci pourrait expliquer une partie de la destruction osseuse survenant au cours de la
PR.
6. Perspectives
L’augmentation de la résorption osseuse induite par l’élévation du ratio RANKL/OPG fait envisager des traitements par administration
d’OPG recombinante dans diverses affections. Une étude récente chez la femme postménopausée a confirmé son action in vivo sur la
résorption osseuse : une simple injection mensuelle diminue de 80 % les concentrations de deoxypyridinoline [35]. De plus,
l’administration d’OPG recombinante semble très bien tolérée [35].
Dans la PR, l’administration d’OPG pourrait également devenir une nouvelle arme thérapeutique permettant de lutter contre la résorption
osseuse liée à l’inflammation. Kong et al. [15] ont administré de l’OPG chez le rat et ont obtenu un bon effet sur la résorption osseuse
mais pas sur l’inflammation, suggérant que le blocage de RANKL par OPG n’interfère pas dans ce modèle avec la réponse immune et
inflammatoire dépendant des lymphocytes T [15]. La suppression de l’expression de RANKL et de l’IL-17 par les cellules synoviales lors
d’un traitement par IL-4 dans un modèle d’arthrite au collagène chez la souris, semble prévenir la survenue d’érosions articulaires [36].
Le système RANKL, RANK OPG est donc au coeur des processus pathologiques au cours de la PR. Il pourrait expliquer en partie la perte
osseuse péri-articulaire. Cependant, de nombreux points restent à approfondir notamment les mécanismes d’action précis et les relations
pouvant exister entre ce système et la réponse inflammatoire. Ceci permettra peutêtreà l’avenir des thérapeutiques plus appropriées et
moins agressives.
Références
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© SFR - N. Saidenberg-Kermanac’h et al. / Revue du Rhumatisme 71 (2004) 11–16
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