Endocardites infectieuses

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Endocardites infectieuses
T Doco-Lecompte, C Selton-Suty
Infectiologue et Cardiologue
Définition
 Décrite par Sir William Osler en 1855
 Infection secondaire à la greffe et à la
multiplication d’un agent infectieux sur
l’endocarde valvulaire ou sur du matériel
prothétique intracardiaque au cours d’une
bactériémie
 Fixation de l’agent infectieux, bactérie ou
levure favorisée par des lésions
valvulaires préexistantes
Incidence
cas/million
 Maladie peu fréquente : incidence standardisée
sur l’âge et le sexe en 1999 : 30 cas par an et
par million d’habitants, soit un peu moins de
2000 cas par an en France
 Âge moy: 59 ans, 2/3 pts>50 ans, 2/3 hommes
160
140
120
100
80
60
40
20
0
femmes
hommes
1519
2024
2529
3034
3539
4044
4549
5054
5559
6064
6569
7074
7579
8084
8589
ans
9094
Physiopathologie
Lésion de l’endothélium
vasculaire + traumatisme +
turbulences
Dépôts fibrinoplaquettaires
Endocardite thrombotique
non bactérienne
Barrière muqueuse ou
autre, tissu colonisé
Traumatisme
Bactériémie
Adhérence + colonisation + végétation
Végétations : macroscopie
Bioprothèse infectée,
végétations sur l’anneau
Végétations sur le bord libre
de cusps aortiques
Conséquences physiopathologiques
Maladie locale
Maladie générale
Délabrements valvulaires
Métastases septiques
Fuites valvulaires
Emboles artériels
Extension aux tissus voisins
Anévrysmes mycotiques
Complexes immuns
circulants
Insuffisance cardiaque
Troubles de la conduction
Cardiopathies sous-jacentes
 Valvulopathies natives :





1/3 des cas d'endocardites,
Cœur gauche > cœur droit
Insuffisance > rétrécissement
Orifice aortique > orifice mitral
Origine dégénérative ou athéromateuse > RAA
 Matériel intracardiaque :
 Prothèse valvulaire : 20% des cas ,
 Sondes de pacemaker : 5%.
 ATCD d'endocardite : environ 10% des cas
Cardiopathies sous-jacentes
 Absence de cardiopathie sous-jacente
antérieurement connue : environ 50% des
cas
 Plusieurs raisons évoquées :
diminution des valvulopathies post
rhumatisme articulaire aigu,
augmentation des endocardites du cœur
droit chez les toxico,
cardiopathies méconnues : prolapsus
valvulaire mitral, bicuspidie aortique,
cardiopathies dégénératives du sujet âgé
Cardiopathies à risque
 Cardiopathies à haut risque :
Prothèses valvulaires
Cardiopathies congénitales cyanogènes
Antécédent d'endocardite infectieuse
 Cardiopathies à risque modéré:
Valvulopathies : insuffisance aortique, insuffisance
mitrale, rétrécissement aortique
Prolapsus valvulaire mitral avec fuite et/ou
épaississement valvulaire
Bicuspidie aortique,
cardiopathies congénitales non cyanogènes sauf CIA
(communication interauriculaire)
Cardiomyopathies obstructives
Situations à risque d’endocardite
• Dentaires : foyer infectieux, soins y compris détartrage
• ORL : foyer amygdalien, chirurgie
• Cutanées : plaies infectées, dermatoses…
• Urinaires : infection, chirurgie prostate
• Génitales : infection, intervention
• Iatrogènes : KT (dialyse), chirurgie...
• Digestives : tumeurs, diverticulose, chirurgie digestive
Signes cliniques
Manifestations générales
 liées à l’infection
 Fièvre : constante, de tous types, d’intensité très
variable : "tout patient porteur d'une lésion cardiaque à
risque présentant une fièvre inexpliquée doit être
considéré comme suspect d'endocardite«
 Altération de l’état général : anorexie,
amaigrissement, sueurs, pâleur
 Splénomégalie
Manifestations cardiaques
 Souffle d’apparition récente ou
récemment modifié ; plutôt souffle de
régurgitation (diastolique aortique,
systolique mitral)
 Manifestations d’insuffisance cardiaque
dyspnée (différents stades NYHA)
Manifestations extracardiaques
 Signes cutanés :
 purpura pétéchial : cutané, des muqueuses
(conjonctival, buccal, membres inférieurs)
 Faux panaris d’Osler : pulpe des doigts,
fugace
 Placards érythémateux de Janeway
 Signes rhumatologiques : arthralgies, arthrites,
spondylodiscites.
 Signes neurologiques : emboles cérébraux,
hémorragie cérébrale, abcès cérébraux,
méningites
Lésions cutanées
Manifestations
extracardiaques
 Signes ophtalmologiques : FO :
tâches de Roth (hémorragies et
exsudats)
 Signes respiratoires :
pneumopathie dans les
endocardites du cœur droit
 Signes rénaux : protéinurie,
hématurie, insuffisance rénale
par atteinte glomérulaire, souvent
d'origine immunologique
Complications générales
d’ordre infectieux
 La non maîtrise de l'infection malgré un
traitement médical adapté
 persistance de la fièvre,
 de la positivité des hémocultures
 et du syndrome inflammatoire
 Lié à non maîtrise locale et/ou à évolution
propre d’un foyer infectieux métastatique
Complications cardiaques
 Progression des lésions au niveau cardiaque :
 apparition d'un abcès annulaire,
 extension de l'infection à d'autres valves,
 aggravation des fuites avec mauvaise tolérance
hémodynamique responsable de
 L'insuffisance cardiaque qui apparaît parfois
brutalement suite à une déchirure de l'appareil
valvulaire ou sous valvulaire, ou qui évolue d'autres
fois plus progressivement.
 Les troubles de la conduction : BAV, surtout dans
EI aortiques, par extension de l'infection au septum
interventriculaire et atteinte du Faisceau de His
Autres complications
 Les phénomènes emboliques présents dans
environ 40% des cas, affectent le cerveau, le
poumon, les coronaires, les artères
périphériques, la rate et les autres viscères.
 Autres manifestations neurologiques à type
d'hémorragie, de méningite septique ou
aseptique
 Les anévrismes mycotiques dans 5% des EI,
peuvent se localiser au niveau de l'aorte
proximale, des artères viscérales, des
extrémités, et du cerveau. Risque de rupture.
Anévrysme mycotique
Examens complémentaires
Examens biologiques

A visée diagnostique :
 Hémocultures : 2 flacons (aérobie et anaérobie), 3/24 heures,
espacées au moins d ’une heure, à l ’acmé thermique ou lors
des frissons.
 Culture et anapath des valves en cas d’intervention

A visée évolutive :
 Bilan immunologique : Immuns complexes circulants, facteurs
rhumatoïdes
 Fonction rénale, hématurie, protéinurie/24 h

Dosage des antibiotiques dans le suivi du traitement
Echocardiographie
Voie transthoracique et transoesophagienne ++
 Les lésions élémentaires de l’endocardite
 La végétation
 présente dans 85-90 % des endocardites,
 masse mobile appendue à structure intracardiaque
 décrit l’aspect, la taille (> 2 mm), l’implantation, la
mobilité, l’évolution sous ttt (1/3 disparition, 2/3 fibrose)
 L’abcès
 espace clair, lavé (=pseudoanévrysme) ou non par flux
 La désinsertion de prothèse
 Fuite paraprothétique,
 mouvement anormal de l’anneau
Echocardiographie
 Les lésions destructrices associées




capotage de la sigmoïde aortique
rupture d’un cordage mitral
perforation valvulaire
fistulisation d’un abcès vers une autre cavité
 Le retentissement hémodynamique
 Quantification des fuites ++ et des obstructions
 La cardiopathie sous jacente





Aortique (bicuspidie, Rao…),
mitrale (PVM, valve dystrophique, …)
Cardiomyopathie obstructive,
Cardiopathies congénitales,
Prothèse valvulaire
Echocardiographie
 Examen très important
 Pour le diagnostic positif
 Pour l’évaluation hémodynamique et le
diagnostic de sévérité
 Pour la prise en charge thérapeutique
 Décision chirurgicale
 Suivi sous traitement médical (répéter
l’échographie au minimum une fois par
semaine si le patient est traité
médicalement)
Végétations mitrale et aortique
Végétation tricuspide chez un
toxicomane
Végétation sur sonde de PM
Abcès de l'anneau mitral
Abcès aortique
Germes responsables
Streptocoques et
Entérocoques
Streptocoques oraux non groupables :
S oralis, S sanguis, S parasanguis, S mitis,
S gordonii ; origine buccodentaire
Streptocoques du groupe D :
S gallolyticus (ex bovis), S infantarius.
Origine digestive : lésions du tube digestif +++
(K, polype, diverticulose)
Entérocoques :
E faecium, E faecalis : Porte d’entrée
urinaire ou digestive
Staphylocoques
 S aureus : sur valve native ; tableau aigu.
Destruction valvulaire +++, abcès…
Porte d’entrée cutanée (endocardites du
toxicomane à Staphylocoques du cœur
droit)
 Staphylocoques à coagulase négative :
endocardite sur prothèse, sur PM, tableau
subaigu
EI à hémocultures négatives
 Traitement
 HACCEK
antibiotique préalable
(Haemophilus sp,
Actinobacillus
 Coxiella burnetti
actinomycetemcomitans,
(fièvre Q)
Cardiobacterium
 Bartonella : B
hominis,
quintana, B henselae
Capnocytophaga sp,
Eikenella corrodens,
Kingella kingae)
 Agents fungiques :
Aspergillus, Candida
Bilan complémentaire d'une EI
1- Rechercher une porte d’entrée :
- Streptocoques d’origine dentaire : OPT, consultation
dentaire, Rx des sinus
- Streptocoques d’origine digestive (S bovis et
entérocoques) : coloscopie, scanner abdominal
- Staphylocoques : plaie cutanée…
2- Rechercher une localisation septique :
scanner cérébral, scanner thoraco abdominal (coeur droit :
pneumopathie)
3- Bilan immunologique :
Complexes immuns circulants, facteurs rhumatoïdes
4- Bilan préopératoire :
Scanner cérébral, thoracoabdominal, coronarographie,
échodoppler des Vx du cou, EFR.
Traitement
 Les buts du traitement
 éradiquer l'infection,
 maintenir une hémodynamique correcte,
 prévenir et traiter les complications.
 Deux volets
 ttt médical pour tous
 ttt chirurgical en cas d'atteinte valvulaire
importante
 Traitement préventif
Traitement antibiotique
Principes du traitement




Traitement antibiotique bactéricide
ß-lactamine + aminoside
Toujours en IV, à hautes doses
Durée longue : minimum 2 semaines jusqu’à
6 semaines en IV
Surveillance du ttt méd
 Efficacité : t°, négativité des hémocultures,
syndrome inflammatoire biologique
 Tolérance : dosage sanguin des
antibiotiques, surveillance de la fonction
rénale, surveillance du capital veineux +++
 Surveillance cardiaque +++ : auscultation
biquotidienne, échographie régulière
Traitement chirurgical
Traitement chirurgical
 environ 50% des patients
 Indications : (ESC 2009) à discuter ++
 Hémodynamiques
 Insuffisance cardiaque sur fuite valvulaire aiguë
 Infectieuses
 Abcès, fistule
 Persistance fièvre,
 Champignons et germes multirésistants
 Emboliques
 Végétations longues (> 10 mm) chez patient ayant
déjà fait au moins 1 épisode embolique
 Végét > 15 mm
Aspects techniques :
Principes de chirurgie
 Chirurgie de type carcinologique
 Excision de tous les tissus infectés
 Deux types de gestes
 Réparation valvulaire
 Remplacement valvulaire par une
prothèse
Prothèses
Traitement préventif
Traitement préventif
 antibioprophylaxie chez tout patient à
haut risque devant subir un geste à
risque
 diffusion de la carte de prévention
chez tout cardiaque à risque
 Importance d’une bonne hygiène
cutanée et bucco dentaire (lavage des
dents biquotidien, visite chez le
dentiste biannuelle, désinfection de
toute plaie cutanée)
Diagnostic d'une EI :
critères de Duke (University)
 Endocardite possible
 signes cliniques évocateurs mais ne
permettant pas la classification en EI certaine
ou en EI exclue
 Endocardite exclue
 diag différentiel expliquant les signes cliniques
 disparition des manifestations d'EI en
l'absence ou avec moins de 4 jours d'AB
 absence de lésions histologiques à la chir ou
à l'autopsie en l'absence d'AB (ou < 4 jours)
 Endocardite certaine :
1a) Preuve anatomopathologique ou microbiologique :
- mise en évidence du microorganisme : culture ou
examen histologique de la végétation, ou de l’abcès
intracardiaque
ou
- lésion anatomopathologique: présence de la
végétation ou d’un abcès, confirmé par l’histologie
1b) Critères cliniques :
- 2 critères majeurs, ou
- 1 critère majeur and 3 mineurs, ou
- 5 critères mineurs
Critères majeurs (1)
 Hémocultures positives
 au - 2 hémocultures positives à germe typique
 S. viridans, bovis, HACCEK ou
 S. aureus communautaire ou entérocoque en
l'absence de foyer infectieux primitif
 hémocultures positives à micro-organisme
compatible à condition que,
 les hémocultures soient prélevées à plus de 12
heures d'intervalle,
 ou que 3/3 ou la majorité des hémocultures soient
positives avec intervalle entre la première et la
dernière > 1h
Critères majeurs (2)
 Démonstration de l'atteinte endocardique
 aspects caractéristiques à
l'échocardiographie
 masse oscillante, appendue sur une valve ou
son appareil sous-valvulaire, ou sur le trajet d'une
régurgitation, ou sur du matériel implanté, en
l'absence d'autre explication anatomique
 abcès
 désinsertion prothétique partielle récente
 nouveau souffle de régurgitation valvulaire
Critères mineurs (1)
 Prédisposition : cardiopathie à risque ou
toxicomanie
 Fièvre > 38°C
 Phénomènes vasculaires : embols
septiques artériels, embolie pulmonaire,
anévrysme mycotique, hémorragie
intracrânienne, hémorragies
conjonctivales, taches de Janeway
Critères mineurs (2)
 Phénomènes immunologiques :
glomérulonéphrite, faux panaris d'Osler,
taches de Roth, facteur rhumatoïde
 Arguments microbiologiques : hémoc
positives ne remplissant pas les critères
majeurs, ou démonstration sérologique d'une
infection évolutive à un micro-organisme
capable de causer une EI
 Echocardiographie : aspect compatible avec
une EI sans atteindre un critère majeur
Conclusion
 Affection peu fréquente à multiples facettes, dont la
présentation évolue au fil du temps, mais qui garde une
mortalité et une morbidité non négligeables
 Documentation bactériologique et échocardiographique
indispensable
 Traitement antibiotique long, ttt chir 50% des cas
 Coopération cardiologue, infectiologue, bactériologiste
et chirurgien cardiaque +++
 Surveillance à distance,
 Conseils de prévention +++, diffusion de la carte éditée
par la FFC et la SPILF
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