Nutrition en cancérologie digestive [email protected] Cours intensif de cancérologie digestive Jeudi 15 novembre 2007 Quelle est la bonne propositions ? La prévalence de la dénutrition au cours d’un cancer digestif/ORL est a. P < 10% b. 10% < P < 20% c. 20% < P < 30% d. 30% < P < 40% e. 40% < P Réponse e. Epidémiologie Suivi retrospectif d’une cohorte (SGA avant 72h, n = 709) * 20% de cancer dans la cohorte * Etude multivariée (modèle de Cox) ! La dénutrition tue autant que le cancer ! Correia et al. Clin Nutr 2003;22:235-9 Epidémiologie Prévalence de la dénutrition en fonction du type de cancer * 7606 patients: 81% hospitalisés, 11% HAD Perte pondérale en fonction du type de cancer * risque de dénutrition si cancer (p < 0.001; OR = 2.4 [IC95%: 2,1-2,8]) 100% 80% 54% 53% 57% 77% 60% 40% 20% 20% 22% 26% 25% 11% 12% 22% ORL (105) Tube digestif (232) Organes génitaux (310) Hémopathie + Poumon (310) 21% 0% perte poids >10% 5%<perte poids<10% pas d'amaigrissement Kruizenga et al. Clin Nutr 2003;22:147-152 NutriCancer 2005 Prévalence de la dénutrition (n=2068) Niveau National (n=1903) Patients dénutris 39% Région Nord Est (n=636) Patients dénutris 61% Patients non dénutris 38% 62% Patients non dénutris IMC < 18,5 (patient âgé de 18 à 74 ans) IMC < 21 (patient de 75 ans et plus) Ou Amaigrissement ≥ 10% du poids depuis le début de la maladie Hébuterne et al. Nutr Clin Métabol 2006 NutriCancer 2005 Hébuterne et al. Nutr Clin Métabol 2006 Cachexie cancéreuse Etiologie multifactorielle de la dénutrition lors du cancer Intérêt de la nutrition lorsqu’il y a un projet thérapeutique Van Cutsem et al. Eur J Oncol Nurs 2005;9S2:51-63 Cachexie cancéreuse Physiopathologie de la cachexie cancéreuse Intérêt de la nutrition en particulier lorsqu’il y a un projet thérapeutique Barber et al. World J Surg 2005;24:681-9 Diagnostic de la dénutrition sévère Perte de poids Importance et rapidité d’installation ≥ 5 % en 1 mois ≥ 10 % en 6 mois IMC Taille et poids mesurés < 18,5 si âge < 75 ans < 21 si âge ≥ 75 ans Une perte de 5 kg doit attirer l’attention Biologie Albumine (Transthyrétine) Albu ≤ 30 g/l Ou (TTR ≤ 0,15 g/l) ! Aucun de ces critères n’est infaillible! ! Un IMC normal n’exclut pas une dénutrition ! ! Un sujet obèse peut-être dénutri ! ESPEN Guidelines. Clin Nutr 2006;25 Nutrition périopératoire Morbidité et mortalité postopératoire (cancer colorectal) * 68 patients non dénutris versus 33 dénutris * Morbidité 31% versus 52% et mortalité 6% versus 12% Meguid et al. Surg Clin North Am 1986;66:1167-76 Complications post-op / intensité de la dénutrition (n = 395) Degré de dénutrition faible modérée sévère NRI Complications majeures infectieuses 9,1 3,7 21,4 23,6 19,4 42,9 Complications majeures non infectieuses The Veterans Affairs N Engl J Med 1991;325:525-32 Intérêt d’une PEC nutritionnelle en chirurgie Nutrition périopératoire Nutrition post-opératoire de principe : Quels malades ? * Chez tous les malades ayant reçu une nutrition artificielle pré-opératoire * Chez les malades n’ayant pas reçu une nutrition artificielle pré-opératoire et qui présentaient un état de dénutrition grave * Chez les malades incapable de reprendre une alimentation couvrant 60% des besoins dans un délai de 7j post-opératoires * Chez tout patient présentant une complication post-opératoire précoce responsable d ’un hypermétabolisme Conférence de Consensus de la SFAR 94 Intérêt NE peri-op vs. NPT Meta-analyse NP vs. NE (20) ou orale (7) (27 ERC, n = 1828) * infections avec NE RR = 0.66 [IC 95%: 0.56 - 0.79] * mortalité en cas de malnutrition (NP/NE/AO) RR = 3.0 [IC 95%: 10.9- 8.56] Braunschweig et al. Am J Clin Nutr 2001;4:534-42 Intérêt NE > NP post-opé NE (159) vs. NP (158) pour cancer gastro-intestinal (RC) * NE des complications post-op (34% vs. 49%; p < 0.005) * Et de la durée de séjour (13.4 j vs. 15.0 j; p < 0.009) * Mais les effets adverses (35% vs. 14%; p < 0.0001) Bozzetti et al. Lancet 2002;358:1487-92 Quelle est la mauvaise proposition ? L’immunonutrition periopératoire en cas de chirurgie de cancer gastrointestinal a. Est préconisée en préopératoire chez les dénutris comme chez les non dénutris b. Diminue les complications infectieuses postopératoires c. Diminue la durée de séjour postopératoire d. Diminue la mortalité postopératoire e. Est contre-indiquée chez les patients septiques avec troubles hémodynamiques Réponse d. Méta-analyse Impact® en chirurgie 10 études en pré ou péri-op et 7 en post-op (17 ERC, n = 2305) * complications infectieuses post-op de 39% à 61% * de la DDS de 2 J en moyenne * Surtout si administration en pré-op (0,5 à 1 L, 5 à 7 J avant) * de 46% les fuites anastomotique en chir GI quant “I” donné en pré-op * coût global Intérêt en pré-op dans la prophylaxie des complications post-op Waitzberg et al. World J Surg 2006;8:1592-1604 “I” CO pdt 5j avant chirurgie pour cancer gastro-intestinal * Sujets de 65 ans d’âge moyen avec amaigrissement < 10% * 1 l = 1000 kcal enrichi en arginine, -3, nucléotides Intérêt de la CO avec immunonutriments en période pré-opératoire Gianotti et al. Gastroenterology 2002;122:1763-70 “I” Arrêté du 05 octobre 2006 Nutrition périopératoire des patients ayant une chirurgie digestive carcinologique majeure programmée * En préopératoire: tous les patients, quelque soit l'état nutritionnel (7 j, 1000 kcal) * En postopératoire: patients dénutris avant l’intervention (≥ 7j, 500 à 1000 kcal jusqu’à alimentation orale > 60% des besoins) * Contre-indication: patients septiques avec troubles hémodynamiques Ordonnance de médicaments et de produits et prestations d'exception * Oncologue, anesthésiste-réanimateur, gastro-entérologue, chirurgien digestif + “I” - Avis CEPP (HAS) CI :sepsis avec choc hémodynamique SFCD Dérive des prescriptions 5 études Dont 2 études “I” vs. std Efficacité “périop” Comparables “pré” et “péri” Effet sur infection et DDS Pas d’effet sur la mortalité Côté “smart” Coût , isocalorique L “I” n’est pas le meilleur moyen de nourrir un patient au long cours PEC nutritionnelle lors la chirurgie digestive du cancer Apport oral possible Oui Perte de poids < 10 % Non Perte de poids ≥ 10 % Intestin fonctionnel Oui Non Oral Impact® (3 unités/j) Impact® en NE 1000 ml Impact® en NE 1000 ml NP + alimentation orale + 500 ml NE hypercal + alimentation orale + 500 ml NE hypercal si poids ≤ 50 kg + 750 ml NE hypercal si poids ≤ 60 kg + 1000 ml NE hypercal si poids ≤ 70 kg (30 à 35 kcal/kg/j glucido-lipidiques) Pas de nutrition spécifique Impact® en NE 1000 ml/j NE complication ou si alimentation orale < 60%* des besoins du patient dans les 7 j suivant l’intervention + 500 ml NE hypercal + Alimentation orale Poursuite NE standard + alimentation orale * Alimentation < 50% des plateaux En pré opératoire: 7 j avant l’intervention En post opératoire: 7 j après l’intervention Après la période post opératoire Certains paradoxes ont la vie dure ! La SNG postopératoire * Il est recommandé de ne pas utiliser d’aspiration digestive systématique après chirurgie vésiculaire ou gastrique (grade A) * Il est recommandé de ne pas utiliser d’aspiration digestive après chirurgie colique élective (grade A) La jeûne post-opératoire * L’utilité du jeûne alimentaire n’étant pas démontré en chirurgie colorectale élective, la réalimentation précoce et progressive dès le lendemain de l’intervention, sous réserve de sa tolérance immédiate, est recommandée (grade A) SFCD. Ann Chir 2005;130:108-24 Quelle est la mauvaise proposition ? Toute perte de poids avant une chimiothérapie pour cancer gastrointestinale a. Augmente la toxicité de celle-ci b. Entrainera une diminution de sa durée totale c. Retentie sur la qualité de vie des patients d. Augmente la mortalité des patients e. Permet une meilleure réponse au traitement Réponse e. Nutrition et chimiothérapie Chimio pour cancer gastro-intestinal (basé sur 5FU, n = 1555) * des doses de départ chez patients avec perte de poids (n = 584) Habituellement la réduction du temps de traitement était due à sa toxicité Andreyev et al. Eur J Cancer 1998;34:503-9 Nutrition et chimiothérapie de la toxicité de la chimio en dépit de doses (poids ) Pourcentage de patients avec une perte de poids en fonction de la toxicité des chimiothérapies: mucites Grade 0 Grade 1-2 Grade 3-4 p Oesophage 54% 47% 64% 0,52 Estomac 43% 57% 69% 0,003 Pancréas 49% 56% 75% 0,48 Colon rectum 44% 57% 67% 0,001 Tout site confondu P<0,0001 Andreyev et al. Eur J Cancer 1998;34:503-9 Nutrition et chimiothérapie de la toxicité de la chimio en dépit de doses (poids ) Pourcentage de patients avec une perte de poids en fonction de la toxicité des chimiothérapies: syndrome mains-pieds Grade 0 Grade 1-2 Grade 3-4 p Oesophage 50% 55% 29% 0,82 Estomac 43% 61% 75% 0,0007 Pancréas 42% 64% 87% 0,0001 Colon rectum 47% 52% 80% 0,065 Tout site confondu P<0,0001 Andreyev et al. Eur J Cancer 1998;34:503-9 Nutrition et chimiothérapie Perte de poids indice de performance et la qualité de vie Andreyev et al. Eur J Cancer 1998;34:503-9 Nutrition et chimiothérapie Perte de poids mortalité Andreyev et al. Eur J Cancer 1998;34:503-9 Nutrition et chimiothérapie Perte de poids mortalité Globalement la de poids le risque de mortalité (RR = 1.4 [IC95% = 1.25-1,63]) La stabilisation du poids X2 la médiane de survie (p < 0.0004): 15.7 mois si poids stable versus 8.1 mois si poids continuait à Andreyev et al. Eur J Cancer 1998;34:503-9 Nutrition et chimiothérapie Nutrition parentérale totale * Conclusions négatives des méta-analyses (interprétation !) * Efficacité nutritionnelle clinique et biologique * des complications infectieuses (liées ou non au cathéter) * Pas d ’effet bénéfique sur tolérance de la chimiothérapie * Tendance à réponse tumorale au traitement et survie * Effet sur qualité de vie Nutrition entérale standard et complémentation orale * Etudes moins nombreuses et plus hétérogènes qu’en NPT * Pas de bénéfice sur réponse tumorale, survie ou tolérance * Pas d ’étude comparative NE versus NPT (sauf greffe) Nutrition et Allo-GCSH avec CMA Résultats d’une NE précoce dans les 100 j post greffe * 8 DCD (1 infection)/94 avec NE vs. 9 DCD (4 infections)/27 sans NE NE 92% Sans NE 67% p < 0.001; log-rank Seguy et al. Transplantation 2006;6:835-9 Seguy et al. Nutr Clin Métabol 2006 Nutrition et radiothérapie Nutrition parentérale totale * Résultats aussi décevants que pour la chimiothérapie * Réservée aux complications aiguës de grade 3 ou 4 (RTOG/EORTC) * Complications tardives (grêle radique) Nutrition entérale standard et complémentation orale * Intérêt en cas de sténose de l’œsophage * Amélioration de la tolérance et de la compliance * Pas d ’effet sur la survie démontré * Complications tardives (grêle radique) Nutrition et radiothérapie Suivi diététique (radiothérapie sur K ORL et digestifs) * Groupe I: contrôle prise en charge classique n=31 * Groupe II: suivi hebdomadaire nutritionnel n=29 Perte de poids après 12 semaines (kg) Groupe I 4,7 Groupe II 0,4 p < 0,001 Moyenne de l’évaluation de l’activité physique en fonction du temps (semaines) p = 0,012 0 4 8 12 Groupe I 88,7 78,8 75,1 76 Groupe II 86,1 82,1 85,3 85,8 Moyenne de l’indice global d’évaluation de la qualité de vie (QLQ-C30) en fonction du temps (semaines) p = 0,009 0 4 8 12 Groupe I 75,3 59,5 62,4 62,6 Groupe II 67,7 63,7 66 72,7 Isenring et al. Br J Cancer 2004;91:447-52 Nutrition et radiothérapie Suivi diététique et CO (radiothérapie sur K colorectal) * Groupe I : n=37 conseils diététiques (6 semaines) * Groupe II : n=37 prescription de 2 CO * Groupe III : n=37 contrôle (prise en charge classique) Altération du statut nutritionnel A la fin de la radiothérapie GI GII GIII GI GII GIII Stabilisation ou amélioration du statut nutritionnel A la fin de la A trois mois radiothérapie GI GII GIII GI GII GIII 3 10 24 36 34 19 34 A trois mois 18 3 27 13 1 Nb de patients ayant une altération du statut nutritionnel (p<0,002) Nb de patients avec une stabilisation ou du statut nutritionnel (p<0,001) Ravasco et al. J Clin Oncol 2005;23:1431-8 Nutrition et radiothérapie Suivi diététique et CO (radiothérapie sur K colorectal) * Groupe I : n=37 conseils diététiques (6 semaines) * Groupe II : n=37 prescription de 2 CO * Groupe III : n=37 contrôle (prise en charge classique) anorexie nausée/vomissement diarrhée GI fin Rx à3 thérapie mois 33 7 34 0 34 0 GII fin Rx à3 thérapie mois 33 8 33 10 34 12 GIII fin Rx à3 thérapie mois 34 22 34 15 35 28 Evolution des 6 items de QoL relatifs aux fonctions Fin Rx Thérapie à 3 mois GI 6 amélioration 6 amélioration G II 3 amélioration 2 amélioration G III 6 détérioration 6 détérioration Ravasco et al. J Clin Oncol 2005;23:1431-8 Nutrition au stade de la cachexie Résultante de l’insuffisance d’apport et de l’hypercatabolisme Modalités de nutrition adaptées aux différents stades (palliatif) Place limitée de la NP (sauf carcinose, sténoses digestives) Intérêt de la SNG (éviter sensation de faim et de soif) NE intensive non justifiée et peu efficace ( inflammation) Diététique et compléments (adaptés contexte et psychologie) Approche récente basée sur modulation réponse inflammatoire? EPA Diminution de la production cytokines pro-inflammatoires Modulation de la réponse inflammatoire Atténuation de la cachexie Inhibition de la fonte musculaire induite par le PIF Etudes cliniques randomisées et EPA 60 K métastatiques (3 g EPA + Vit E vs. placebo) Gogos et al, Cancer 1998; 82:395-402 Etudes cliniques randomisées et EPA • Etude multicentrique (K gastrointesti ou pulmonaires avancés) * 3 groupes: 2g EPA (n=175); 4 g EPA, (n=172); placebo, (n=171) Meilleure réponse en cas de K gastrointestinal Fearon et al. J Clin Oncol 2006; 24:3401-7 Etudes cliniques randomisées et EPA Etude multicentrique (K gastrointesti ou pulmonaires avancés) Pas d’effet significatif sur la survie Fearon et al. J Clin Oncol 2006; 24:3401-7 Conclusion Dépister précocement le risque nutritionnel (lors diagnostic) Privilégier la NE +++ Intérêt de la nutrition periopératoire avéré Intérêt de l’immunonutrition periopératoire pour cancer GI Pas de nutrition systématique lors de la radio-chimiothérapie La dénutrition faisabilité et toxicité des traitements Cas particulier en cas d’obstruction Privilégier la qualité de vie chez le patient en soins palliatif Cancer, nutrition et QOL Intérêt d’associer les PEC (phase palliative et curative) PEC thérapeutique globale du cancer Marin Caro et Al. Clin Nutr 2007; 26:289-301