Ce document provient de l’Agrithèque. Toute reproduction sous quelque forme que ce soit, n’est autorisée que dans le cadre de l’usage privé du copiste ou après autorisation obtenue auprès des Chambres d’Agriculture de Bretagne. 32 herbivores / 23-30 décembre 2011 Optimiser le traitement des mammites Autant il est rentable de traiter rapidement une mammite clinique sur une vache jusque là saine, autant il est illusoire de vouloir guérir en lactation une infection ancienne. Optimiser les traitements passe donc par la qualité de la détection, mais aussi par une bonne stratégie de gestion des échecs de traitement. par Marylise Le Guénic Pôle herbivores [email protected] La détection des mammites cliniques La méthode de référence reste l’observation systématique des premiers jets dans un bol à fond noir. Elle a le mérite de détecter rapidement les modifications du lait. En cas de doute, on peut la compléter par la réalisation d’un CMT en fin de traite, pour vérifier que les quelques grumeaux correspondent bien à une inflammation. La mesure de la conductivité permet aussi de repérer les infections mammaires. Pour être fiable, elle doit reposer sur des comparaisons entre quartier et entre traites et donc être intégrée au système de traite informatisé. Les alertes doivent être validées par l’observation du lait avant de déclencher un traitement de mammite clinique. Lorsqu’on traite une mammite clinique sans symptômes généraux, on a 9 chances sur 10 d’obtenir la disparition des grumeaux et de l’inflammation visible. Par contre, la disparition de l’infection et un retour à la normale des comptages cellulaires sont beaucoup plus aléatoires : les chances de guérison bactériologique en lactation varient de 50 % pour le staphylocoque doré, à 70-80 % pour les streptocoques et même à plus de 90 % pour les colibacilles. Bien détecter les mammites cliniques pour traiter immédiatement Comme on ne connaît pas la bactérie responsable de la mammite qui vient d’être détectée, on traite en général par voie intra-mammaire avec des médicaments contenant des antibiotiques à large spectre, c'est-à-dire susceptibles d’agir aussi bien sur les colibacilles que sur les staphylocoques ou streptocoques. Or, dès que l’inflammation devient importante, les conditions de diffusion du médicament peuvent être modifiées : les canaux peuvent être obstrués par des grumeaux et l’inflammation modifie la nature du milieu. Sans compter que certaines bactéries ont la capacité d’entrer et de persister à l’intérieur des cellules et donc d’être à l’abri de certains antibiotiques. La seule manière de limiter ces inconvénients est de détecter les herbivores / 23-30 décembre 2011 Ce document provient de l’Agrithèque. Toute reproduction sous quelque forme que ce soit, n’est autorisée que dans le cadre de l’usage privé du copiste ou après autorisation obtenue auprès des Chambres d’Agriculture de Bretagne. mammites cliniques le plus tôt possible, pour mettre en place immédiatement un traitement. Respecter la prescription Un traitement antibiotique ne doit jamais être sous-dosé ou interrompu avant son terme. Ceci pour éviter de sélectionner des bactéries résistantes. Il faut donc respecter les doses, fréquences d’administration et durée de traitement prescrites, même s’il y a disparition des signes cliniques avant la fin du traitement. Rappelons que la disparition des signes cliniques ne signifie pas obligatoirement que la bactérie ait été éliminée. En cas d’échec ou de récidive, changer de traitement Inversement, notamment avec le streptocoque uberis, il peut être normal d’avoir encore des grumeaux au bout de 48 h de traitement : l’inflammation peut se poursuivre quelques jours alors que les bactéries ont été détruites. Cependant, on doit observer une amélioration à 48 h et une disparition des grumeaux à 5 jours. Sinon, il faut changer de traitement : on choisira alors un traitement adapté aux mammites chroniques c'est-à-dire plutôt ciblé gram + (staphylocoques et streptocoques) et souvent de plus longue durée d’action. Le vétérinaire fera le choix des molécules et de la voie d’administration selon le profil des infections dans l’élevage. Ce même traitement, dit "de seconde intention" doit être utilisé en cas de récidive dans le mois, ou de rechute sur un quartier infecté (persistance de comptages cellulaires élevés). Du registre des traitements au protocole de soins Enregistrer les traitements sur le registre des traitements sanitaires permet de vérifier l’efficacité des traitements à posteriori. Cela permet au vétérinaire prescripteur de réajuster le protocole de soins au cours de la visite bilan sanitaire ou en cours d’année si nécessaire. Ces obligations réglementaires sont donc aussi et avant tout, des garants de l’optimisation des traitements. Que faire d'un quartier incurable qui récidive sans cesse ? Si on ne peut pas sortir la vache du troupeau, on peut être tenté de tarir ce quartier pour limiter les traitements et la contagion des autres vaches à la traite. C’est possible à condition : ● De le faire en dehors d’une phase clinique. ● De surveiller attentivement, surtout les premiers jours et de reprendre traite et traitement en cas d’inflammation. ● De ne pas injecter de médicaments, si on souhaite livrer le lait des trois autres quartiers (risques de résidus dans le lait des trois autres quartiers, les médicaments pouvant passer d’un quartier à l’autre via la circulation sanguine, selon des règles de diffusion complexes). ● De ne pas injecter d’antiseptiques dans le quartier (risques de résidus, voire risques pour la vache en cas d’utilisation de produits caustiques). C’est bien l’arrêt de la traite qui tarit ! Mais, cela déséquilibre le faisceau trayeur d’où une dégradation de la traite.Il s’agit donc d’une solution de secours, à utiliser de façon occasionnelle. Savoir arrêter les frais Les chances de guérison au troisième traitement sont très faibles. Au delà, elles sont quasiment nulles. Il est donc possible, voire souhaitable, de ne pas traiter après la deuxième récidive dans un quartier, s’il n’y a que des signes locaux (dans tous les cas, le lait modifié ne doit pas être livré). Il reste impératif de traiter immédiatement une mammite avec des signes d’inflammation de la mamelle importants ou a fortiori avec des signes généraux, tels que fièvre ou abattement. ➤➤➤ Mammites avec symptômes généraux En cas de mammites avec symptômes généraux (fièvre, abattement), le traitement a pour but essentiel de rétablir l’état général et de lutter contre une éventuelle septicémie. L’éleveur ne se retrouve plus en face d’un traitement de mammites, mais d’une maladie qui peut mettre en quelques heures en danger les fonctions vitales de l’animal : cela relève de l’urgence vétérinaire. 33 34 herbivores / 23-30 décembre 2011 Optimiser le tr Quand recourir aux analyses ? Faut-il traiter les vaches à cellules ? Traiter les mammites subcliniques en lactation représente un coût et une astreinte liés au traitement et à la non commercialisation du lait, qui ne sont pas toujours rentabilisés par le bénéfice qu’on peut attendre du traitement. Il est illusoire d’espérer la guérison d’une infection ancienne en lactation. Par contre, il peut être judicieux de traiter, par voie locale ou générale, des vaches nouvellement infectées, à condition de le faire avec des traitements appropriés (autorisation de mise sur le marché avec indication "mammites subcliniques") et dans le cadre du respect des prescriptions du vétérinaire. La précocité du traitement augmente les chances de guérison, mais traiter systématiquement les vaches, dont le comptage cellulaire individuel passe au-dessus de 300 000 cellules par ml, conduirait à traiter des inflammations de courte durée à pathogènes mineurs (taux élevé de guérison spontanée). On prendra donc plutôt comme repère une augmentation sur deux ou trois contrôles. La réalisation d’un CMT permettra de repérer le quartier infecté. Les conditions de rentabilité d’un tel traitement sont : ● le choix des vaches traitées (première ou deuxième lactation, infection récente, CMT très positif), ● l’existence de pénalités pour cellules, ● un renforcement de la prévention pour éviter les ré-infections, ● la réalisation du quota. Il est particulièrement intéressant de le faire dans les situations où l’éleveur jette du lait (dépassement de quota, tri des vaches leucocytaires, poudre de lait pour les veaux). Le seul coût du traitement est alors celui du médicament. Si les conditions de rentabilité ne sont pas remplies, mieux vaut donc attendre le tarissement où les chances de guérison sont supérieures (70 % pour le staphylocoque doré, plus pour les streptocoques) La bactériologie permet de caractériser la (ou les) bactéries présentes dans un échantillon. Elle peut être, ou non, suivie d’un antibiogramme. Ces examens sont coûteux et rarement indispensables. Ils ne sont utiles que comme outils intégrés dans un plan de lutte. La bactériologie peut venir confirmer l’analyse de la situation vis-à-vis des infections mammaires. Elle peut être remplacée ou précédée par des méthodes moins onéreuses, comme, par exemple, les comptages de staphylocoques dorés sur lait de tank, qui donnent une estimation de la présence de cette bactérie. L’antibiogramme consiste à mettre en contact la bactérie isolée avec des disques imbibés d’antibiotiques. Le souci est qu'un antibiotique très efficace dans la boîte au laboratoire peut ne pas parvenir à diffuser dans la mamelle en concentration suffisante jusqu’aux bactéries. Donc l’antibiogramme ne sert pas à définir les traitements efficaces, mais les traitements inefficaces : si la bactérie est résistante dans la boîte, elle le sera dans l’animal (sauf exception). Il est rarement utile en matière de mammites. On le mettra en œuvre en cas d’échecs répétés de traitements apparemment bien conduits ou dans des situations d’infections à staphylocoques dorés, résistants aux pénicillines. Dans tous les cas, ces analyses doivent être faites sur du lait de quartier récolté dans des conditions d’asepsie très rigoureuses (désinfection des trayons, tube stérile, pas de contamination du tube au moment du prélèvement). Vacciner les vaches laitières contre les mammites ? La vaccination a pour but de créer un premier contact entre les antigènes portés par les bactéries pathogènes et le système immunitaire de l’animal, pour que / 23-30 décembre 2011 herbivores le traitement des mammites (suite) celui-ci développe des défenses spécifiques (anticorps notamment). Les objectifs de la vaccination peuvent être de plusieurs ordres : prévenir les nouvelles infections cliniques ou subcliniques, supprimer les infections cliniques ou en réduire la gravité, réduire le niveau cellulaire, réduire le nombre de traitement. Mais la vaccination contre les mammites se heurte à plusieurs difficultés majeures qui expliquent la difficulté de mise au point de vaccins efficaces : ● les espèces et les souches bactériennes responsables de mammites sont très diverses. Cette diversité s’observe souvent y compris à l’échelle de l’élevage. ● les défenses immunitaires en matières de mammites sont surtout non spécifiques, c'est-à-dire qu’elles reposent surtout sur les leucocytes, et peu sur les anticorps. Un vaccin est actuellement autorisé en France. Il cible les infections à staphylocoques (staphylocoque doré et staphylocoques coagulase négative) et les infections à colibacille. Streptocoque uberis, un des principaux responsables d’infection mammaire clinique et subclinique n’est pas visé par ce vaccin. Les résultats d’essais réalisés dans des troupeaux confrontés à des antécédents d’infections mammaires à staphylocoques ou colibacilles montrent une réduction du pourcentage de mammites cliniques et de mammites subcliniques pendant les 130 premiers jours de lactation, une réduction des comptages cellulaires et du nombre de traitement. Une des conditions d’efficacité est d’avoir réalisé des analyses bactériologiques préalables pour vérifier la prédominance des staphylocoques et/ou du colibacille. Il est aussi impératif de respecter le protocole de vaccination : trois injections sont nécessaires à des délais précis par rapport au vêlage et l’une par rapport à l’autre.Il faudra s’assurer du respect de l’ensemble des précautions d’emploi, y compris notamment pour l’utilisateur. La mise en place et le suivi d’un protocole de vaccination ne peuvent être faits que par le vétérinaire de l’élevage. La stratégie de vaccination doit obligatoirement s’inscrire dans un plan de maîtrise global des infections dans le troupeau. C’est une mesure possible d’un plan d’action qui contribuera à la limitation des infections. Ce ne peut pas être une mesure isolée. Que penser des traitements alternatifs ? La piste des huiles essentielles semble la plus prometteuse. Elles peuvent avoir des effets sur les bactéries ou sur le système immunitaire. Pour l’instant, les essais par voie intra-mammaire à l’aide d’huiles essentielles, connues pour leurs effets sur les bactéries (bactéricide) et autorisées en contact alimentaire, n’ont pas été concluants : le lait a inhibé l’action bactéricide de ces huiles. D’autres pistes sont explorées. L’homéopathie n’a pas fait l’objet d’évaluation scientifique. En l’état actuel des connaissances, les moyens les plus efficaces pour limiter le recours aux antibiotiques pour le traitement des mammites restent la détection et la mise en place précoce de traitement antibiotique par voie intramammaire et la gestion rationnelle des échecs de traitement. On peut cependant y adjoindre des traitements complémentaires tels que des pommades décongestionnantes, de l’ocytocine pour obtenir une traite complète ou des anti-inflammatoires lorsque l’inflammation est importante. Traitements des mammites cliniques à partir d’un mélange d’huiles essentielles : FRAB/GAB56 : Interbiobretagne. Résultats d’expérimentations et de suivis techniques. Elevage bovin biologique. Edition 2008. Pour en savoir plus : Vous pouvez retrouver sur Synagri.com les fiches "Santé du troupeau" : ● Traitement des mammites en lactation. ● Traitement des vaches à cellules en lactation. ● Analyse de lait : bactériologie et antibiogramme. ● Examen des premiers jets. L’ensemble du cahier "Santé du troupeau" est disponible auprès de Madeleine Lefaucheur (02 96 79 21 63). 35