le cerveau : quel type de machine - Laboratoire Matière et Systèmes

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LE CERVEAU :
QUEL TYPE DE MACHINE ?
Jean-Pierre HENRY
Directeur de recherche émérite au CNRS Laboratoire Ma6ère et Systèmes Complexes UMR 7057 CNRS – Université Paris 7 Diderot Modératrice : Rodica RAVIER
Mardi 25 novembre 2014
Salle Jules Bordet, Ins6tut Pasteur Le cerveau ne doit donc pas être autre chose, à notre avis, qu'une espèce de bureau téléphonique central : son rôle est de « donner la communica<on », ou de la faire a?endre. Il n'ajoute rien à ce qu'il reçoit ; mais comme tous les organes percep<fs y envoient leurs derniers prolongements, et que tous les mécanismes moteurs de la moelle et du bulbe y ont leurs représentants aFtrés, il cons<tue bien réellement un centre, où l'excita<on périphérique se met en rapport avec tel ou tel mécanisme Henri Bergson Ma<ère et Mémoire (1896) INTRODUCTION •  LES NEURONES DANS LE CERVEAU •  LA COGNITION •  LA MÉMOIRE •  LA CONSCIENCE Introduc6on: Les neurones Des cellules pas comme les autres Le neurone: du morphologique au fonc<onnel •  Le neurone permet la circula<on de l’informa<on, avec ses composantes électrique et chimique •  L’entrée se fait par les dendrites avec appari<on d’un courant électrique qui se propage le long de l’axone •  A l’extrémité, libéra<on du neurotransme?eur contenu dans les vésicules synap<ques •  Celui-­‐ci en se combinant avec des récepteurs localisés sur sur les dendrites (ou le corps cellulaire) déclenche l’appari<on d’un poten<el électrique La composante électrique: le poten<el d’ac<on •  L’intérieur du neurone est à un poten6el néga6f •  L’addi<on de charges posi<ves (dépolarisa6on) au dessus d’un seuil crée une onde de dépolarisa<on (poten6el d’ac6on) •  Le poten<el d’ac<on est stéréotypé (invariance de forme); il n’est pas propor<onnel à la dépolarisa<on De nombreuses illustra<ons sont empruntées à Neuroscience, Purves et al, Sinhauer La propaga<on du poten<el d’ac<on •  Le poten<el d’ac<on se propage le long d’un axone (ou d’une dendrite) sans affaiblissement •  La vitesse de propaga<on dépend du diamètre; dans certains axones longs, la présence d’une gaine de myéline (substance blanche) accélère la vitesse •  La forme du poten<el d’ac<on implique une phase réfractaire qui limite la fréquence des poten<els d’ac<on (≈ 200 Hz) La transmission synap<que •  L’arrivée du poten<el d’ac<on à la terminaison ouvre des canaux perméables aux ions Ca2+ •  Ceux-­‐ci déclenchent la fusion des vésicules synap<ques contenant le neurotransme?eur (Exocytose) •  Son arrivée sur les récepteurs de la cellule post-­‐synap<que ouvre des canaux et l’entrée des ions dépolarise ou hyperpolarise la cellule Deux propriétés importantes: 1-­‐ La connec<vité 2-­‐ La plas<cité synap<que •  L’arrivée du neurotransme?eur peut aussi induire dans le neurone aval des phénomènes intracellulaires qui modifient l’efficacité de la synapse •  Il peut y avoir une mise en route du programme géné<que •  Cela peut résulter dans la synthèse de nouvelles synapses •  Leur stabilité introduit une mémoire à long terme Plas<cité synap<que (2) •  À long terme, on observe des modifica<ons morphologiques du neurone cible •  Augmenta6on du nombre d’épines dendri6ques sur les dendrites •  De telles modifica<ons nécessitent une synthèse de protéines et donc une ac6va6on de gènes •  Le neurotransme?eur agit sur des récepteurs qui déclenchent une cascade de réac<ons intracellulaires Originalité des réseaux neuronaux •  Les signaux électriques (poten<els d’ac<on) sont tout ou rien et stéréotypés •  La fréquence des poten<els ne peut dépasser 200 Hz (très faible par rapport à un ordinateur: 3 GigaHz) •  La nature du neurotransme?eur (une centaine) introduit une première diversité (synapses inhibitrices et excitatrices) •  Certains récepteurs déclenchent des réac<ons intracellulaires, allant jusqu’à une synthèse protéique •  La plas<cité synap<que peut s’exercer sur des échelles de temps très longues (phénomènes de mémoire) INTRODUCTION •  LES NEURONES DANS LE CERVEAU •  LA COGNITION •  LA MÉMOIRE •  LA CONSCIENCE Le cerveau est l’extrémité d’un tube! •  Au cours de la gesta<on, le système nerveux apparaît comme un tube dont l’extrémité antérieure va se différencier pour former le cerveau •  À gauche, vue latérale; à droite, vue de dessus •  À ce stade, la par<e creuse est bien visible •  Des structures se forment par stric<on et repliement Régionalisa<on du cerveau adulte •  On dis<ngue, en avant, cortex frontal (bleu), limité en arrière, par le sillon central et en dessous, par la scissure de Sylvius •  En arrière du sillon central et au dessus de la scissure, les cortex pariétaux (orange) •  En dessous de la scissure de Sylvius, les cortex temporaux •  Derrière le sillon pariéto-­‐
occipital, le cortex occipital Nombre de neurones •  Chez l’homme, le nombre de neurones est es<mé à 10 à 100 milliards (1010-­‐1011) •  Autres types cellulaires: les cellules gliales, peut-­‐être 3 fois plus nombreuses •  Un neurone peut être contacté par de nombreuses dendrites, 1 000 à 10 000 •  L’énormité de ces chiffres rend difficile la lecture des circuits neuronaux (Changeux, Décembre 2009) Méthodes d’imagerie des neurones: Technique Brainbow (manipula<on géné<que) •  Les animaux manipulés expriment les 3 protéines colorées •  Coupes du cervelet montrant 341 axones et 93 neurones; la qualité permet des reconstruc<ons détaillées (à droite) (Livet et al (2007) Nature, 450, 56) Méthodes d’imagerie des neurones: La méthode CLARITY sur des cerveaux en<ers Passage du cortex vers l’hippocampe puis le thalamus (Chung et al (2013) Nature , Avril ) Aspect fonc<onnel: Méthode op<que pour suivre le cerveau pendant la vision chez la larve de Danio •  On exprime la protéine sensible au Ca2+ dans le tectum op<que •  La larve est immobilisée et elle « voit » une proie (paramécie) (Muto et al (2013) Curr Biol, 23, 1) L’optogéné<que, une méthode op<que pour modifier l’ac<vité du cerveau (Bi et al (2006) Neuron, 50, 23) •  L’algue verte Chlamidomonas possède une protéine à ré<nal, différente de la rhodopsine, ChR2 •  Ce?e protéine à 7 hélices est un canal ca6onique qui s’ouvre à la lumière •  Par manipula<ons géné<ques, on peut exprimer ce?e protéine dans une popula<on de neurones •  Ils répondent alors à la lumière par des signaux électriques •  L’expérimentateur peut s6muler un neurone d’un réseau in vivo, à l’aide d’un faisceau lumineux (laser, diode) Aspect fonc<onnel: L’enregistrement électrique •  Pour mesurer l’ac<vité électrique de réseaux complexes, in vivo ou sur des tranches, on u<lise des électrodes extracellulaires, souvent quatre (dessin) mais parfois jusqu’à 100 (nanotechnologies) •  Chaque électrode enregistre des choses différentes •  Deux types de signaux: des pics rapides (rouges) et des « oscilla<ons » correspondant les uns, à des poten<els d’ac<on et les autres, aux ondes de l’EEG (Figure: Karim Benchenane, ESPCI) Aspect fonc<onnel: L’Imagerie par Résonance Magné<que fonc<onnelle (IRMf) •  Ce?e technique est maintenant de pra<que courante •  Elle permet de rejoindre la psychologie cogni6ve et les neurosciences •  La résolu<on spa<ale dans l’imagerie cérébrale correspond à des millimètres (quelques millions de neurones) •  Résolu<on temporelle: 5 à 6 s •  « C ’est vouloir connaître les fleurs d’un jardin en observant les zones arrosées » L Cohen Principe: La dépense énergé<que croît pendant l’ac<vité neuronale (1) •  Un sujet réalise une tâche: observa<on visuelle •  Par la technique PET (Positron Emission Tomography, marquage par des isotopes éme?eurs de positrons), on mesure différents paramètres et on effectue la différence avant et pendant la tâche •  On observe des varia<ons dans la zone occipitale du cortex, où s’effectue le traitement de l’informa<on visuelle •  La circula6on sanguine, l’u6lisa6on du glucose et la teneure en oxygène augmentent (ME Raichle (2009) Trend Neurosc, 32, 118) Principe: le signal RMN augmente avec l’arrivée de sang oxygéné (2) (ME Raichle (2009) Trend Neurosc, 32, 118) •  L’IRM (basée sur les propriétés magné<ques des H+de l’eau) image les <ssus nerveux •  Le fer de l’hémoglobine desoxygénée (Magné<que, globules bleus) interfère avec le signal RMN •  On voit la circula<on contrastée en noir (en haut) •  Dans O2 pur, l’hémoglobine est oxygénée, la circula<on n’est plus visible •  L’augmenta<on de circula<on après ac<va<on neuronale donne le même effet Principe: l’IRMf procède par différence entre deux situa<ons (3) •  Les méthodes d’imagerie fonc<onnelles (PET et surtout IRMf) perme?ent de cerner une zone impliquée dans la réalisa<on d’une tache (ME Raichle (2009) Trend Neurosc, 32, 118) Le cerveau est organisé en aires fonc<onnelles: Broca et l’aphasie •  Paul Broca (1824-­‐1880), enfant prodige et scien<fique produc<f a examiné un malade, Leborgne, qui ne disait qu’un mot « Tan » •  A sa mort (neurosyphilis), on observa une lésion de la par<e postérieure du lobe frontal gauche •  Broca désigna ce?e zone comme l’aire de la parole et souligna la latéralisa<on (on parle avec l’hémisphère gauche) •  Ces travaux furent complétés par Wernicke (parole fluide mais pas de syntaxe) Wernicke:"ça alors, je suis en sueur, je suis terriblement nerveux, vous savez, de temps en temps, je me laisse raVraper, je ne peux pas être raVrapé, je ne dirai rien du gourcias, voilà un mois [...] il faut que je courre à droite à gauche, que je surveille, le narbot et tous ces trucs." Le cerveau est organisé en aires fonc<onnelles: Déjérine et la lecture •  En 1892, le neurologue JJ Déjérine décrit le premier cas d’alexie pure. •  En une nuit, le pa<ent perd la capacité de lire sans que son acuité visuelle ne soit affectée •  Il trace difficilement les le?res, mais ne les nomme pas; la reconnaissance des chiffres n’est pas affectée •  La zone affectée est localisée (autopsie) : occipito-­‐temporale gauche Le cerveau est organisé en aires fonc<onnelles: Penfield et l’Homunculus •  Wilder Penfield (1891-­‐1976) est un neurochirurgien américain et canadien, opérant des épilepsies graves •  Après trépana<on, il s<mule légèrement le cerveau de pa<ents éveillés pour localiser la zone déclenchant la crise •  Il effectue ainsi de mul<ples s<mula<ons qui lui perme?ent d’établir des cartes des aires sensorielles et motrices L’Homunculus de Penfeld (2) •  Pour les aires sensorielles, il effectue des mesures électriques sur le cortex après s<mula<ons locales périphériques •  L’aire sensorielle est dans la par<e antérieure du cortex pariétal •  Elle se présente sous forme d’une carte: « somatotopique », représentant le corps (homunculus) déformé en fonc<on de la sensibilité; des cartes semblables existent pour les aires motrices •  Établies dans les années 1950, ces cartes sont toujours u<lisées Interface Cerveau-­‐Machine Développement d’une neuroprothèse •  Images IRMf •  Jaune: flexion de doigt •  Rouge: prise de la main •  Bleu: haussement d’épaule •  Vert: pincement des lèvres •  Les deux carrés noirs correspondent aux électrodes •  Chez une pa<ente paralysée depuis 13 ans, on implante 2x96 électrodes (2 fois 4x4 mm) •  L’appren<ssage commence par suivre l’ac<vité neuronale quand le bras bouge avec 7 degrés de liberté •  Après extrac<on et développement d’algorithme, c’est la pa<ente est capable de manœuvrer le bras avec des mouvements naturels (Collinger et al (2013) The Lancet,381, 557) Interface Cerveau machine: Neuroprothèse Collinger et al (2013) The Lancet,381, 557) Peut-­‐on induire un comportement? (1) •  Chez une souris, on va introduire géné<quement le canal ChR2 (canal ca<onique sensible à la lumière) dans les neurones du cortex sensorimoteur (cellules colorés) •  Après ouverture d’une fenêtre crânienne, l’illumina<on des neurones transformés (fluorescents) produit des poten<els d’ac<on détectables in situ, dépendants de l’intensité lumineuse et de la fréquence (Huber et al(2008) Nature, 451, 61) Peut-­‐on induire un comportement? (2) •  Quand la souris est dans le port central, elle peut recevoir des impulsions lumineuses (s<mula<on du cortex) •  Si elle est s<mulée et va dans le port de gauche, elle est récompensée, pas à droite; en l’absence de s<mula<on, la récompense est inversée •  À droite: réponses correctes (o) et incorrectes (o) en fonc<on du temps et de l’intensité de s<mula<on Ce que nous avons appris •  Le cerveau comporte 100 milliards de neurones, chacun effectuant en moyenne 1000 contacts •  Des méthodes originales perme?ent d’accéder à l’organisa<on cellulaire, mais on est loin de connaître tous les circuits •  On peut accéder au fonc<onnement in situ des neurones par des méthodes op<ques, électriques ou par l’IRM fonc<onnelle •  Le cerveau est un assemblage d’aires fonc<onnelles (centres de calcul) à différentes échelles •  La connaissance de ce?e « géographie » permet d’envisager le développement d’interface cerveau-­‐
machine INTRODUCTION •  LES NEURONES DANS LE CERVEAU •  LA COGNITION •  LA MÉMOIRE •  LA CONSCIENCE L’informa<on dans le cortex visuel (1) Hubel et Wiesel, Prix Nobel 1981 À la sor<e de la ré<ne, chaque neurone (nerf op<que) est associé avec un pe<t champ visuel circulaire •  Les neurones ganglionnaires de la ré<ne se proje?ent de manière ordonnée dans le corps géniculé latéral •  On retrouve une carte: le champ op<que droit (venant des 2 yeux) est dans le corps gauche •  Chaque corps géniculé se proje?e sur le cortex visuel, occipital •  On implante des électrodes dans les neurones du cortex visuel et on cherche l’illumina<on qui produit un effet L’informa<on dans le cortex visuel (2) •  Les neurones ne répondent plus à un simple champ circulaire, mais à des formes complexes •  Par exemple, ils réagissent à des barres, en tenant compte de leur orienta<on (cellules simples) •  D’autres (cellules complexes) vont réagir à l’orienta6on sans référence à la posi<on •  Enfin, certaines (hypercomplexes) réagiront à un « bord ver<cal » ou à un « angle » ou à un « coin » L’informa<on dans le cortex visuel (3) •  Ces réponses sont dues à l’associa<on au niveau du cortex de neurones simples du corps géniculé •  On explique ainsi la réponse à une barre •  Le résultat est que l’image ini6ale est transformée en une mul6tude d’images parallèles correspondant à des analyses différentes: fréquence spa<ale ou orienta<on (filtre 2D de Gabor) •  La percep6on sera l’intégra6on de ces images •  Le cortex dispose de banques de données Spécialisa<ons dans l’aire occipito-­‐temporale gauche: Étude par IRMf (imagerie fonc<onnelle) •  La zone occipito-­‐temporale gauche est ac<vée par la vision des mots et non par leur écoute •  D’autres s<muli ac<vent ce?e aire: les maisons/paysages, les visages et les objets •  Il semble y avoir une spécialisa<on, mais la résolu<on de l’IRM est grossière (5 à 10 mm3 ~ 106 neurones) •  L’aire est une mosaïque de neurones très spécialisés L’alexie pure est associée avec une lésion localisée •  L’IRM confirme que des pa<ents a?eints d’alexie pure ont une lésion occipito-­‐temporale gauche (à gauche) •  Des pa<ents épilep<ques s<mulés directement dans ce?e aire montrent une alexie temporaire (à droite) •  L’aire correspondante a été nommée « visual word form area », aire de la forme visuelle des mots (Dehaene et Cohen (2011) Trends Cogn Sc, 15, 254) L’aire VWFA reconnaît des formes abstraites (1) •  L’aire est capable de reconnaître un mot indépendamment de l’écriture choisie: anglaise, minuscule, majuscule •  À ce niveau, il y a déjà une reconnaissance d’invariants Voir « Les Neurones de la lecture » Stanislas Dehaene, Odile Jacob L’aire VWFA reconnaît des formes abstraites (2) •  Si on présente au sujet deux images symétriques dans un miroir, l’aire correspondante est ac<vée de la même manière •  Si un mot et son image miroir sont présentées, seule l’image directe ac<ve VWFA •  Si on présente des « bigrames » (2 le?res), l’ac<va<on augmente avec la fréquence du bigrame dans la langue Une hypothèse sur le code neuronal des mots écrits •  Un neurone serait sensible à des formes de plus en plus abstraites, depuis le noyau géniculé jusqu’à VWFA •  Cela correspondrait à des connec<ons de neurones du niveau inférieur •  Au niveau VWFA, reconnaissance de bigrames et mots simples •  Selon ce?e hypothèse, l’appren6ssage de la lecture doit se faire analy6quement (Dehaene et al (2005) Trends Cogn Sc,9, 335) La lecture, un processus d’analyse massivement parallèle •  Il y a des chaînes d’analyse de différents niveaux •  Les interac<ons d’un niveau à l’autre sont posi<ves et néga<ves « Il nous faut imaginer un immense hémicycle -­‐c’est le lexique mental-­‐ où sont rassemblés des dizaines de milliers de démons en compé<<on. Chaque démon est le représentant d’un mot. Il entend bien le faire savoir en criant vigoureusement lorsqu’il pense que son mot doit être défendu. Lorsqu’un mot apparaît sur la ré<ne, tous les démons l’examinent simultanément; ensuite, ils se manifestent s’ils es<ment que leur mot a des chances d’être présent. » Oliver Selfridge Le fonc<onnement du système de la lecture •  Traitement en parallèle: gain de temps énorme. L’IRM montre que le traitement d’un mot est largement indépendant de sa longueur •  Simplicité de fonc6onnement: chaque « démon » (neurone) effectue une tâche de reconnaissance simple. Analogie avec l’analyse des formes du cortex visuel •  Compé66on et robustesse: même si le « démon » n’est pas complètement sa<sfait, il tente sa chance. Un mot mal orthographié (astrqlabe) sera reconnu dans un temps très court Le problème inverse: Je vois ce que tu vois (1) •  On montre rapidement au sujet des images de visages ou de maisons •  On image l’aire fusiforme (visages) et l’aire parahippocampale (maisons) •  Un observateur des diagrammes prédit avec 85% de chances les images présentées au sujet (Haynes et Rees (2006) Nature Rev Neurosc, 7, 523) Je vois ce que tu vois (2) •  Dans l’expérience précédente, le sujet observait des catégories (visages, maisons) et l’analyse était faite sur les aires spécialisées •  Peut-­‐on aller plus loin et décrypter des images « brutes » dans le cortex visuel primaire (occipital) ? •  L’expérience a été faite avec des images composées d’une matrice de 10 x 10 carrés de contraste variable Je vois ce que tu vois (3) •  L’image, composée à par<r du damier 10 x 10, est décomposée en images plus simples, comportant un pe<t nombre d’éléments •  On établit un décodeur associant à chaque image simple les voxels associés •  L’image complexe est recons<tuée par combinaison linéaire des images simples (Miyawaki et al (2008) Neuron, 60, 915) Je vois ce que tu vois (5) (Miyawaki et al (2008) Neuron, 60, 915) Ce que nous avons appris •  Depuis l’entrée par les organes sensoriels, l’informa<on est décomposée en éléments simples •  Des aires spécialisées u<lisent ces éléments pour construire des concepts abstraits •  Le passage vers les aires supérieures se fait d’arrière en avant; la lecture est un bon exemple •  L’IRMf est un ou<l très performant pour les analyses de ce type •  L’IRMf permet le développement de l’analyse inverse: deviner les percep<ons d’après l’imagerie INTRODUCTION •  LES NEURONES DANS LE CERVEAU •  LA COGNITION •  LA MÉMOIRE •  LA CONSCIENCE « Les mémoires » •  On dis<ngue mémoires déclara6ve et procédurale •  La première est consciente; elle concerne des évènements autobiographiques et historiques, et le cogni<f (séman<que) •  La seconde est inconsciente et nécessaire à la vie quo<dienne ( je fais du vélo); le condi<onnement à la peur est de ce type •  En fonc<on de la durée, on dis<ngue une mémoire immédiate perme?ant le fonc<onnement du cerveau, mémoire de travail à capacité limitée et nécessitant un transfert vers la mémoire à long terme Mémoire et neurologie •  Le cas de HM: un jeune homme avec une épilepsie grave •  Il est opéré en 1953 à l’âge de 27 ans; une par<e importante de l’hippocampe lui est re<rée •  Il a perdu la mémoire déclara6ve à long terme •  Il oublie tout fait après qqes minutes; ne se souvient de rien après 1953 •  Il a toujours ses souvenirs anciens; son intelligence n’est pas affectée •  Il a vécu jusqu’en 2008, à l’âge de 82 ans L’hippocampe •  L’ hippocampe est, comme l’amygdale, une structure du lobe temporal interne L’hippocampe des chauffeurs de taxi londoniens •  L’IRM peut servir à mesurer le volume d’une structure cérébrale •  On a comparé le volume de l’hippocampe postérieur de chauffeurs de taxi londoniens •  L’exercice de leur profession nécessite une connaissance parfaite de la carte •  Comparés à ceux de la popula<on, les chauffeurs ont un hippocampe plus développé •  Ces varia<ons sont associées avec l’exercice de la profession (Maguire et al (2000) Proc Natl Acad Sc US, 97, 4398) La mémoire déclara<ve à court terme passe par l’hippocampe (1) •  On enregistre l’ac<vité électrique de neurones de l’hippocampe chez un sujet éveillé observant de courtes séquences vidéo •  On a une réponse à un seul clip! (Gelbard-­‐Sagiv et al (2008) Science, 322, 96) La mémoire déclara<ve à court terme passe par l’hippocampe (2) •  Une fois la vision finie, on demande au sujet de se rappeler les séquences et de commenter ses souvenirs •  Quand le sujet se remémore la séquence qui ac<vait les cellules pendant la vision (les Simpson), les mêmes cellules se réac<vent Rôle du sommeil dans le renforcement de la mémoire •  Le sommeil est une succession de phases •  Les phases I à IV correspondent à du sommeil de plus en plus profond •  La phase REM (mouvements oculaires rapides) est le sommeil paradoxal (rêve?) •  Pendant la phase IV de grandes ondes traversent le cerveau •  Elles correspondent à des mises en phase de l’ac<vité électrique neuronale avec ac<va<on dans les pics (Diekelmann and Born (2010) Nature Rev Neurosc,11, 114) Ac<vités coordonnées et sommeil (3) •  Enregistrement réel d’un pa<ent en sommeil profond •  Rouge: Scalp EEG; bleu: EEG profond •  Noir: ac<vité individuelle au niveau d’une électrode •  Les zones grisées marquent les périodes « up », ac<ves •  Certains groupes de neurones (cortex, hippocampe) peuvent se décharger de manière coordonnée •  Remarque: pas de coordina<on sur tout le cortex Sommeil et mémoire (1) •  Le sujet doit effectuer une tâche: se souvenir de la disposi<on de pions •  Pendant l’appren<ssage, on diffuse un parfum •  Pendant le sommeil en phase IV, on diffuse la même odeur •  Les performance sont améliorées après le sommeil; pas d’effet pendant REM ou au réveil •  Pendant l’émission des odeurs, l’hippocampe est ac<vé Sommeil et mémoire (2) •  Pendant la veille, les s<mula<ons sensorielles abou<ssent à l’hippocampe où se façonne la mémoire épisodique •  Durant le sommeil, le cerveau est « off-­‐line ». Les souvenirs accumulés dans l’hippocampe (mémoire de travail) sont transférés vers le cortex frontal, siège de la mémoire à long terme •  Les transferts sont réglés par les ac<vités rythmiques: ondes lentes, cortex frontal; fuseaux, thalamus-­‐cortex; ondula<ons, hippocampe •  Les posi<ons des messages par rapport aux rythmes sont des marqueurs (Rasch and Born (2013) Physiol Rev,93, 681) Mémoire et modèles animaux •  Des rats plongés dans une piscine apprennent à retrouver une zone moins profonde où ils ont pied •  Ce?e appren<ssage disparaît si l’hippocampe est lésé •  Ces expériences montrent que la mémoire de travail passe par l’hippocampe •  La mémoire à long terme est plus diffuse dans le cortex frontal « Les cellules de lieu » •  Si on enregistre l’ac<vité de neurones de l’hippocampe, on constate qu’un neurone ne s’ac<ve que quand la souris est dans une posi<on donnée •  Chacune des images de droite correspond à un neurone; la couleur correspond aux posi<ons de la souris qui allument ce neurone •  La souris a une carte de son environnement dans son hippocampe: ces neurones sont des cellules de lieu (Figure: Karim Benchenane, ESPCI Disposi<on des neurones de lieu (1) (Dombeck et al (2010) Nature Neurosci, 13, 1433) •  On u<lise un disposi<f de réalité virtuelle pour analyser l’ac<vité de cellules de lieu exprimant une protéine reporter de Ca2+ pendant le déplacement virtuel de la souris dans un couloir Disposi<on des neurones de lieu (2) •  En a, repérage de cellules suivies •  En b, ac<vité en f(t) des cellules repérées avec en bas la posi<on dans le couloir •  Résultats agrandis en c, d, e •  En f, on voit qu’il n’y a pas de représenta6on géographique du couloir dans la disposi6on rela6ve des neurones de lieu Disposi<on des neurones de lieu La mémoire spa<ale est stabilisée pendant le sommeil •  Le rat parcourt une piste en forme de 8 (RUN). On enregistre les ac<vités des neurones de lieu dans le cortex visuel (CTX, RUN) et dans l’hippocampe (HP, RUN) •  Après l’appren<ssage, le rat dort et on fait un enregistrement pendant le sommeil profond (POST). On retrouve les même séquences pour les mêmes neurones de lieu (plus rapides) (Ji and Wilson (2007) Nature Neurosci,10, 100) Des brèves phases de consolida<on arrivent pendant la veille •  La par<e centrale montre l’ac<vité de cellules de lieu pendant une expérience de déplacement linéaire •  Pendant des phases de repos, avant ou après le test, on observe l’ac<va<on directe ou reverse de la même séquence; en général, directe, avant et reverse, après. Ces séquences sont très accélérées. •  Ce phénomène concerne une expérience en cours ou ancienne: mécanisme d’actualisa6on de la mémoire (Carr et al (2011) Nature Neurosci,14, 147) Les cellules de lieu décrivent la trajectoire vers le but en mémoire •  Sur la piste équipée avec 36 puits, seul un con<ent une récompense (chocolat liquide); dans une expérience, celui-­‐ci sera alterna<vement dans un puits au même emplacement puis dans un puits variable •  On enregistre l’ac<vité des cellules de lieu pendant le déplacement et la corréla<on entre les deux permet de décoder une trajectoire imaginée par le rat quand il s’arrête (Pfeiffer et Foster (2013) Nature, 497, 74) Les cellules de lieu décrivent la trajectoire vers le but en mémoire Comment sont connectées les cellules de lieu? •  A gauche, ac<vité d’une cellule de lieu pendant un déplacement 2D: ac<vité: points rouges; noir: trajectoire de la souris •  Les cellules de lieu sont en aval de cellules du cortex entorhinal •  A droite, ac<vité d’une de ces cellules de grille (grid cell), son champ forme une grille qui est un repère pour l’organisa6on des cellules de lieu Les cellules de grille (Buzsaki et Moser (2013) Nature Rev Neurosc, 16, 130) •  En haut, le champ des cellules de grille change: du côté dorsal, le champ est plus restreint; l’échelle des cartes change •  Quand l’environnement change, la carte est retracée; pour retrouver une carte, il faut effectuer une rota<on et une transla<on •  Chaque cellule de grille a une carte; une cellule de lieu est reliée à plusieurs cellules de grille et elle s’allume quand les nœuds des cartes convergent Ce que nous avons appris •  La mémoire déclara<ve fait appel à l’hippocampe, une pe<te structure des lobes temporaux •  Le sommeil renforce la mémoire et cela passe par l’hippocampe; il y aurait un passage de l’hippocampe vers les lobes frontaux •  Chez les rongeurs, le rôle de l’hippocampe a été précisé dans la mémoire spa<ale •  Les cellules de lieu et les cellules de grille fournissent des cartes et perme?ent une localisa<on (Prix Nobel de John O’Keefe et May-­‐Bri? et Edvard Moser) INTRODUCTION •  LES NEURONES DANS LE CERVEAU •  LA COGNITION •  LA MÉMOIRE •  LA CONSCIENCE Comment les neurosciences abordent la « conscience » •  « l’âme est un rapport à soi » Descartes •  « l’autre moi-­‐même » Antonio Damasio; conscience du soi: c’est l’expression de l’homéostasie (op<mum physiologique) par le biais du système nerveux sympathique (végéta<f) •  Une défini<on objec<ve: un état permebant une réponse (déclara6ve ou comportementale) à une s6mula6on •  Mais, la communicabilité peut être limitée Etats végéta<fs et conscience (1) •  Dans l’état végéta6f, le pa<ent a des alternances de veille/
sommeil •  Il ne réagit pas à des s<muli externes, il ne communique pas •  Mais, l’IRMf permet la communica<on chez certains pa<ents •  Si on propose à un sujet soit d’imaginer qu’il joue au tennis soit qu’il se déplace dans son appartement, des aires différentes sont ac<vées (Owen et Coleman (2008) Nature Rev Neurosc, 9, 235) Etats végéta<fs et conscience (2) •  Chez certains pa<ents, peu nombreux (ligne 1), ce?e capacité est maintenue •  L’expérimentateur au pied du lit, propose au malade des situa<ons et l’IRMf est similaire à celle de témoins •  On peut alors « converser » en a?ribuant à une situa<on la valeur d’un OUI, et à l’autre un NON Communica6on Scans. Mon6 MM et al. N Engl J Med 2010;362:579-­‐589. Sensa<on consciente et inconsciente (1) Sf, same face; of, opposite face; sh, same house; oh, opposite house •  L’étude de la conscience se concentre sur le passage de percep<on inconsciente à consciente (surtout visuelle) •  Un exemple est la fusion des couleurs •  On présente à chaque œil une image (visage, maison) en couleurs complémentaires •  Le sujet ne perçoit plus les images (Moutoussis et Zeki (2002) Proc Natl Acad Sc US, 99, 9527) Sensa<on consciente et inconsciente (1) •  En imagerie fonc<onnelle, les images non perçues consciemment sont vues par le cerveau dans les mêmes aires que la percep<on consciente •  En A, percep<on des visages, ligne supérieure, consciente, inférieure inconsciente •  En B, même chose pour les maison •  La percep6on consciente apparaît comme plus intense Le passage inconscient -­‐> conscient S Dehaene et JP Changeux (1) •  On définit l’inconscient comme un s6mulus « sub-­‐liminal » •  Une image est montrée pendant un temps très court, encadrée d’autres images: le sujet n’a pas conscience de ce?e image •  Pourtant elle laisse une trace détectable en IRMf, au même endroit que l’image consciente (VWFA ) •  L’image consciente allume d’autres aires plus antérieures •  La conscience est dans ces différences (Dehaene et Changeux (2011) Neuron, 70, 200) Le passage inconscient -­‐> conscient S Dehaene et JP Changeux (2) •  Par une technique de type électroencéphalogramme, on analyse la ciné6que des ac<va<ons consciente et inconsciente •  L’ac<va<on dans le cortex frontal est consciente et tardive (Sergent et al (2005) Nat Neurosc,8, 1391) Le passage inconscient -­‐> conscient S Dehaene et JP Changeux (3) •  Chez un pa<ent épilep<que, on fait des enregistrements sur neurone unique dans le cortex frontal •  Des neurones sont sensibles à une image (world trade center) •  L’image est exposée pendant des temps courts variables •  Quand elle est vue (points bleus), le neurone s’allume •  Un signal posi6f dans la par6e antérieure du cortex signifie conscience (Quiroga et al (2008) Proc Natl Acad Sc US, 105; 3599) Un neurone sensible à Whoopi Goldberg Le passage inconscient -­‐> conscient S Dehaene et JP Changeux (4) •  10 pa<ents, 178 électrodes •  Protocole : mots masqués, masque avant et après; mots non masqués, masque seulement avant •  On analyse les signaux électriques associés aux mots masqués ou non en faisant une soustrac<on avec un blanc (Gaillard et al (2009) PLoS Biol, 7, e1000061) Le passage de l’inconscient au conscient s’accompagne de: •  varia<ons de poten<el plus tardives et plus persistantes, surtout dans le cortex frontal •  une augmenta<on tardive de la puissance des rythmes béta (50-­‐100 Hz) et le développement de leur synchronisa<on •  une augmenta<on de la causalité à grande distance entre les ac<vités de paires d’électrodes Le passage inconscient -­‐> conscient S Dehaene et JP Changeux (5) •  Hypothèse: la conscience est associée avec l’envahissement des cortex préfrontal et pariétal •  L’IRMd met en évidence des fibres longues qui relient les aires sensorielles au cortex frontal, dans les deux sens •  C’est par ces fibres que se ferait l’envahissement (et le retour) au delà d’un « point d’allumage » •  Ce?e hypothèse est soutenue par des cas neurologiques Le passage inconscient -­‐> conscient S Dehaene et JP Changeux (6) •  Un argument: la perte de conscience durant l’anesthésie est brutale •  Elle est associée avec une diminu<on de l’ac<vité des neurones cor<caux et une diminu<on des ondes de l’électroencéphalogramme; rien de tel au niveau sous-­‐cor<cal Le passage inconscient -­‐> conscient Un modèle (Changeux Dehaene) •  Dans le modèle Global Neuronal Workspace (Espace de travail neuronal global), l’ac<va<on des neurones des espaces sensoriels tend à informer le cortex frontal •  Tant qu’un seuil n’est pas franchi, la sensa<on est inconsciente (elle peut être enregistrée dans la mémoire) •  Quand l’allumage se fait, les neurones longs transfèrent vers le cortex frontal, qui informe les autres aires sensorielles (réverbéra6on) (Lire « Le code de la Conscience » Stanislas Dehaene, Odile Jacob) Ce que nous avons appris •  Pour pouvoir poser le problème, il faut une défini<on de la conscience: un état perme?ant une réponse (déclara<ve ou comportementale) à une s<mula<on •  Toutefois, a?en<on, la conscience peut exister et la communica<on interdite •  Une analyse du passage inconscient vers conscient montre des critères perme?ant de définir la conscience •  Le point crucial de l’hypothèse Dehaene-­‐Changeux est l’existence d’un « espace de travail neuronal global », ac<vé au-­‐delà d’un seuil Quelques réflexions: cerveau et machine •  Une hypothèse américaine, la Singularité, propose que les progrès informa<ques perme?ront le dépassement par la machine des performances du cerveau •  Le test de Turing est des<né à savoir si une machine peut penser. Résultats ambigus •  Le cerveau est une « machine » lente, mais pour prendre conscience d’une image 0,3sec suffisent, soit le temps de qqes dizaines d’opéra<ons: c’est une machine massivement parallèle •  La plas<cité synap<que permet l’adapta<on des réseaux: le cerveau peut modifier son cablage Quelques réflexions: impacts sociétaux •  L’interface cerveau-­‐machine est prome?eur (prothèses, ré<ne) •  Le développement se prolonge jusqu’à 20 ans; des circuits compensateurs peuvent contrecarrer les effets du vieillissement •  La méthode naturelle d’appren<ssage de la lecture est la méthode syllabique •  Sommeil et mémoire se complètent •  Les états comateux doivent être redéfinis •  MAIS, les grandes pathologies psychiatriques et les maladies neurodégénéra<ves restent incomprises Quelques réflexions: le futur •  L’Europe (Human Brain Project) et les USA (BRAIN ini<a<ve) sou<ennent de très gros programmes de recherche •  L’objec<f principal est d’effectuer une carte 3D de toutes les connec<ons du cerveau (Connectomique) •  A-­‐t-­‐il un sens? Votre cerveau est différent du mien, mais votre ADN est aussi différent du mien et le séquençage du génome humain a changé le développement de la géné<que 
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