LES PARALYSIES OCULOMOTRICES
DOSSIER
Pratiques en Ophtalmologie • Mai 2011 • vol. 5 • numéro 44 125
DIAGNOSTIC CLINIQUE
La paralysie du VI se caractérise
par une atteinte du muscle droit
latéral, empêchant l’abduction
de l’œil paralysé. Parallèlement,
le muscle antagoniste, le droit
médial, devient dominant et en-
traîne un strabisme paralytique
convergent ou ésotropie
(Fig. 1)
.
Au verre rouge, la diplopie bino-
culaire est de type homonyme
(non croisée) horizontale, aug-
mentant dans le regard latéral
du côté atteint et de loin. Un tor-
ticolis est retrou tête tournée
du côté paralysé (1,3).
Le test de Hess-Lancaster est
un test rouge-vert qui permet
de faire le diagnostic de l’œil
et des muscles paralysés et de
reconnaître les hyperactions
musculaires secondaires à la pa-
1 Opthalmologie NHC, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
ralysie. Il consiste en un relevé
graphique de l’oculomotricité
dans les différentes positions
du regard. L’œil paraly a un
cadre plus petit que la normale
(par hypoaction du muscle pa-
ralysé), l’œil controlatéral a un
cadre plus grand que le normale
(par hyperaction de l’agoniste
controlatéral suivant la loi de
Hering). Ainsi dans une paraly-
sie du VI, le cadre sera plus petit
dans le champ temporal de l’œil
atteint par rapport au côté sain
(Fig. 2)
(1, 2).
L’examen clinique sera complé-
par un examen neurologique
complet comprenant une ana-
lyse systématique de l’ensemble
des paires crâniennes et par un
examen ophtalmologique, no-
tamment un fond d’œil recher-
chant un œdème papillaire as-
socié.
FORMES CLINIQUES
On distingue habituellement les
formes congénitales des formes
acquises.
xxxxx
xxxxx
xxxxxx
xxxxx
Figure 1 - Paralysie du VI droit : ésotropie et paralysie de l’abduction de l’œil droit.
Figure 2 - Paralysie du VI droit : test de Hess-Lancaster. Le cadre est plus petit dans le
champ temporal de l’œil droit par rapport au côté gauche.
La paralysie du nerf abducens (VI)
est la plus fréquente des paralysies
oculomotrices. Le VI innerve un
seul muscle oculomoteur : le droit
latéral. La paralysie du VI entraîne
un déficit ou une paralysie de l’ab-
duction, à l’origine d’une diplopie
binoculaire horizontale. Les étiolo-
gies sont variées et nécessitent un
bilan orienté. Le pronostic dépend
de l’étiologie, mais est bien souvent
favorable, avec une grande majorité
de récupération spontanée.
Introduction
4 La paralysie du nerf abducens
VIe paire crânienne
Dr Arnaud Sauer1, Pr Claude Speeg-Schatz1
LES PARALYSIES OCULOMOTRICES
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126Pratiques en Ophtalmologie • Mai 2011 • vol. 5 • numéro 44
Les paralysies congénitales du VI
sont rares. Il existe une forme bé-
nigne du nourrisson, unilatérale,
le plus souvent spontanément
résolutive dans les six premiers
mois de vie. Les formes bilaté-
rales s’intègrent le plus souvent
dans des formes syndromiques
complexes. Les deux formes les
plus classiques sont le syndrome
de bius et le syndrome de
Stilling-Duane.
LE SYNDROME DE MÖBIUS
Le syndrome de Möbius associe
une diplégie faciale, une para-
lysie bilatérale de l’abduction
et souvent des anomalies géné-
rales (malformations des extré-
mités, atteintes des dernières
paires crâniennes, retard men-
tal). Dans la majorité des cas,
le syndrome de Möbius résulte
d’anomalies vasculaires préna-
tales du tronc cérébral (1).
LE SYNDROME
DE STILLING-DUANE
Celui-ci est une atteinte congé-
nitale du VI, liée à une agénésie
complète ou partielle du noyau
et du tronc du VI, associée à une
innervation aberrante du droit
latéral par des fibres destinées
au droit médial. Le tableau cli-
nique comporte du même côté
une paralysie de l’abduction et
une rétraction du globe lors de
l’adduction. La fente palpébrale
s’élargit lors de l’abduction en
raison de la contraction des
obliques. Elle se trécit en ad-
duction par une traction du
globe dans l’orbite liée à l’asso-
ciation de la co-contraction des
deux droits horizontaux et de
l’effet "corde de rappel" du droit
latéral fibrosé (2).
Le syndrome de Stilling-Duane
est habituellement crit
comme un syndrome de restric-
tion et un diagnostic différentiel
des paralysies du VI, mais il est
en fait une atteinte congénitale
du VI. Il atteint plus souvent les
filles et l’œil gauche. La majorité
des cas sont sporadiques, mais
des formes héréditaires sont
rapportées dans la littérature et
plusieurs mutations sont impli-
quées. Des anomalies associées
sont présentes chez un quart des
patients environ.
ETIOLOGIES DES
PARALYSIES DU VI
Chez l’enfant, on évoquera prin-
cipalement les étiologies congé-
nitales, traumatiques et tumo-
rales (4).
Les principales causes chez
l’adulte comprennent les ma-
ladies vasculaires, les trauma-
tismes et les tumeurs cérébrales
(1, 3, 5).
Des atteintes isolées transitoires
sont retrouvées aussi au cours
des maladies infectieuses, fé-
briles et après vaccinations. Les
HTIC primaires ou secondaires
sont souvent responsables d’une
paralysie du VI bilatérale car ce
nerf présente un trajet long à
la base du crâne, donc sensible
aux variations de pression céré-
brale. D’autres signes cliniques
comme un œdème papillaire de
stase bilatéral, des acouphènes
et des éclipses visuelles sont
alors souvent retrouvés.
Dans les atteintes nucléaires,
on retrouve souvent une at-
teinte d’une ou plusieurs autres
paires crâniennes et une para-
lysie de la latéralité du regard.
Les causes sont principalement
ischémiques, tumorales ou par
démyélinisation.
L’atteinte du VI dans l’espace
sous-arachnoïdien est dite "non
localisatrice". Des étiologies va-
riées sont évoquées : inflamma-
toires (SEP, lupus ou sarcoïdose),
tumorales, traumatiques et in-
fectieuses (maladie de Lyme, sy-
philis…).
Dans le sinus caverneux, la sé-
miologie est souvent plus riche
avec des associations à un syn-
drome de Claude-Bernard Hor-
ner homolatéral, une paralysie
du III et/ou du IV ou une atteinte
du trijumeau. Les étiologies sont
diverses : tumorales, vasculaires
(thromboses et anévrismes de la
carotide interne, fistules caroti-
do-caverneuses), ischémiques
(maladie de Horton et diate),
inflammatoires (sarcoïdose, tu-
berculose et syndrome de Tolo-
sa-Hunt), infectieuses et trauma-
tiques (1, 6).
DIAGNOSTICS
DIFFÉRENTIELS
Le principal diagnostic différen-
tiel est représenté par l’atteinte
myogène du muscle droit latéral
dont les principales étiologies
sont la myasthénie, les myosites,
rarement les myopathies dysthy-
roïdiennes. Les traumatismes,
par lésion directe du muscle et/
ou incarcération musculaire
et les spasmes en convergence
peuvent poser aussi le problème
du diagnostic différentiel (1, 5).
CONDUITE À TENIR
DEVANT UNE PARALYSIE
ACQUISE DU VI
CHEZ L’ENFANT
Les examens complémentaires
doivent avant tout éliminer une
tumeur intracrânienne. Une IRM
brale, ou à défaut un scan-
ner, doit être pratiquée dans les
meilleurs délais. Si l’imagerie -
brale est normale, une ponc-
tion lombaire, à la recherche
d’une cause infectieuse ou in-
flammatoire, sera indiquée (4).
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CHEZ L’ADULTE
DE MOINS DE 50 ANS
En cas d’atteinte non trauma-
tique, isolée du VI, il est né-
cessaire de pratiquer un bilan
neuroradiologique. S’il est né-
gatif, des examens sanguins à
la recherche d’un syndrome
inflammatoire et une consulta-
tion neurologique avec ponction
lombaire sont demandés (1).
CHEZ L’ADULTE
DE PLUS DE 50 ANS
Après 50 ans, la maladie de Hor-
ton doit être recherchée (VS en
urgence) et un bilan cardiovas-
culaire est réalisé afin d’éliminer
les facteurs de risque comme
une HTA ou un diabète. En de-
hors de ces causes, l’atteinte du
VI isolée, le plus souvent d’ori-
gine vasculaire, se résout géné-
ralement en 6 à 8 semaines et
ne nécessite pas d’exploration
supplémentaire. Il n’y a pas d’in-
dication à un bilan neuroradio-
logique (1).
Les atteintes bilatérales impo-
sent un bilan neuroradiolo-
gique. En cas de normalité, une
ponction lombaire avec prise
de pression à la recherche d’une
HTIC est indiquée (1).
PRINCIPES DE
LA PRISE EN CHARGE
Le traitement étiologique, par-
fois urgent (compression ané-
vrysmale, Horton…), est indiq
devant toute paralysie oculo-
motrice. Les mesures mises en
place par l’ophtalmologiste dé-
pendent de la gêne ressentie par
le patient (diplopie invalidante)
et du moment de cette prise en
charge. La majorité des paraly-
sies du VI va s’arranger spon-
tanément entre 6 semaines et
6 mois.
À la phase aiguë de la paralysie,
une occlusion de l’œil atteint est
souvent proposée afin de sup-
primer la diplopie. Si l’acuité
visuelle le permet, on réalise
une occlusion alternante, systé-
matique chez l’enfant en raison
du risque d’amblyopie. Quand
l’angle de déviation est stable et
peu important (maximum 20-
25 dioptries) des prismes à bases
temporales peuvent être posés
devant l’œil paralysé ou répartis
sur les deux yeux.
Après 3 à 6 mois d’évolution, un
traitement par toxine botulique
peut être proposé. L’injection
réalisée dans le droit médial ho-
molatéral à la paralysie permet
de limiter sa contracture et de
soulager la diplopie persistante.
Les résultats sont controversés
selon les études (7). L’effet se-
condaire principal est la surve-
nue d’un ptosis transitoire par
diffusion de la toxine.
En cas de persistance après 6 à
12 mois d’évolution, la chirur-
gie est le traitement de choix. Le
protocole est guidé par un test
de duction forcée. Si l’œil paraly-
passe la ligne médiane, le trai-
tement repose sur l’association
recul du droit médial-résection
du droit latéral. Si l’œil ne passe
pas la ligne médiane, une tech-
nique de transposition muscu-
laire type "Hummelsheim" par
déplacement des droits verti-
caux fonctionnels, est indiquée.
CONCLUSION
Les paralysies du VI regroupent
un grand nombre d’étiologies.
Le pronostic dépend de la cause
et de l’âge de survenue. Il est
souvent favorable chez l’adulte
après 50 ans avec une grande
majorité de récupération spon-
tanée. Chez l’adulte jeune et
l’enfant, les causes tumorales et
inflammatoires sont les plus fré-
quentes et le pronostic ainsi plus
variable. n
Mots-clés :
Paralysie du VIe, Nerf abducens
1. Cochard-Marianowski C, Roussel B, Vignal-
Clermont C. Paralysies oculomotrices. EMC
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2. Espinasse-Berrod M. Strabologie : ap-
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palsy. Optometry 2006 ; 77 : 534-539.
6. Vignal C, Miléa D. Neuro-ophtalmologie
Atlas en ophtalmologie Paris : Elsevier-Mas-
son 2002 : 188-211.
7. Rowe FJ, Noonan CP. Botulinum toxin for
the treatment of strabismus. Cochrane Data-
base Syst Rev 2009 : CD006499.
BiBliographie
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