Gérard CONDE, «
Le Timbre d’argent
: bien plus qu’un galop d’essai…
» Mai 2017
On peine à suivre Saint-Saëns, en revanche, quand, dans le même texte, il
met l’accent sur « les motifs caractéristiques circulant dans toute l’œuvre
comme le sang dans les veines et se transformant selon les circonstances ».
Ce vain souci de se présenter en compositeur moderne frise l’imposture.
Car les thèmes les plus saillants, ceux du
Tableau
et de
Fiametta
(entendus
dès l’ouverture), de
Circé
ou du
Timbre
et de ceux des
Rêveries
ou de
Colère
de Conrad s’inscrivent dans la tradition très française des motifs de
rappel, introduits au gré des circonstances, plutôt que dans la catégorie des
Leitmotive
dont se nourrit le tissu symphonique. Il est vrai que les récits,
composés après coup pour remplacer les dialogues sont agrémentés de
citations plus ou moins saillantes des quelques-uns des motifs que l’on
vient de citer ou en ajoutent comme celui du
Diadème
qu’on pourrait
appeler de façon plus large
L’Amour du luxe
– « l’amour » à cause de la
sensualité mélodique du motif et le « luxe » conçu comme l’antithèse de
l’art, désintéressé et authentique : l’objet de luxe n’est destiné qu’au
paraître, c’est une chimère, tandis que l’objet d’art ne s’en soucie pas : il
« est », la beauté est sa raison d’être, celle de l’objet de luxe est seulement
de « paraître ».
Un détail, voire une hypothèse, mais qui vient à l’appui du souci de Saint-
Saëns de conférer au sujet de son ouvrage une signification plus profonde
qu’il n’y paraît ; une signification un peu lourde à porter pour ses frêles
épaules, mais justifiant mieux le sous-titre
Drame lyrique
:
D’intrigue écrit-il en 1914, il n’y en pas, et la pièce aurait peu de valeur
si l’on ne s’apercevait que son véritable sujet n’est autre chose que la
lutte d’une âme d’artiste contre les vulgarités de la vie […]. L’idéal de
l’artiste est dans l’art ; sa nature humaine le pousse à le chercher
ailleurs et jamais il ne le trouvera, parce que l’art, basé sur la Nature,
n’est pas la Nature, et que l’artiste, s’il cherche imprudemment son idéal
dans la Nature, n’y peut rencontrer que des illusions.
Et Saint-Saëns de donner l’exemple du chœur « Carnaval, carnaval » chanté
en coulisses à l’acte 1 « écrit dans un style dont la vulgarité, odieuse à
l’artiste, est destinée à l’irriter. Il est de mauvais goût et mal prosodié ». Il
faut cependant y regarder à deux fois pour se montrer aussi affirmatif. Il
aurait pu citer à meilleur escient la chanson de Spiridion « De Naples à
Florence » ou le brindisi « Vivat, vive le vin »… Ce serait oublier la
coquetterie de Saint-Saëns qui, très conscient de sa supériorité, n’avouait
comme défauts que ceux qui passeraient pour des qualités chez tant
d’autres. Mal prosodié, ce chœur ? Soit, admettons. Intentionnellement ?
C’est moins sûr, car il a eu la main un peu trop légère et là serait le vrai
défaut : l’effet ne porte pas. Une romance de jeunesse inédite,
Lamento