PLATON : LE BANQUET (Συμποσίον) - Traduction de Victor COUSIN.
Platon, « Œuvres (Tome septième, Volume VI) », « Le banquet, ou de l’amour »,
Pichon et Didier, 1831.
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/banquet.htm
APOLLODORE
C’est la transmission inter-générationnelle qui donne consistance à la pertinence
clinique de ce récit, fait attesté par la « passe » qui en est fait d’un narrateur à un
autre, oralement, jusqu’à ce que son texte ne soit plus soumis qu’au bon vouloir
de son traducteur, et à la compréhension qu’en a son lecteur.
Appollodore raconte qu’un jour, 236 un de ses ami lui demande ce qu’il s’est
« passé chez Agathon le jour où Socrate et Alcibiade y soupèrent », et qu’il s’en
dit qu’on y avait parlé d’amour. Un homme peu sûr lui en avait rapporté un bout
qu’il tenait de Phénix. Apollodore y étais-il vraiment ?
Il répond qu’ 237 « il y a plusieurs années qu’Agathon n’a mis le pied dans
Athènes », et qu’il n’y a que trois ans qu’il fréquente Socrate.
Agathon avait remporté un prix de tragédie la veille, Apollodore dit 238 qu’il
tient le récit d’Aristodème, qui était présent, qui l’avait conté à Phénix, et qui
était épris de Socrate. Appollodore avait toutefois demandé confirmation de
certains points à Socrate.
Ils en discutèrent sur le chemin, ce qui a permis à Appollodore de raviver le
souvenir pour nous le raconter aujourd’hui.
Importance de la culture orale et de la mémorisation
« Aussi bien, outre le profit que je trouve à parler ou à entendre parler de
philosophie, il n'y a rien au monde où je prenne tant de plaisir, tout au
contraire des autres discours. »
Mise en perspective et aveu de sa jouissance à conter cette histoire, au titre de
son amour du discours philosophique (analyste ?).
« Je me meurs d'ennui quand je vous entends, vous autres riches et gens
d'affaires, parler de vos intérêts; et je déplore votre aveuglement : vous
pensez faire merveilles, et en vérité vous ne faites rien de bon »
Discours hystérique de remise en question d’un discours capitaliste
« Peut-être vous 239 aussi, de votre côté, me croyez-vous fort à plaindre , et
vous avez bien raison de le croire ; mais moi, je ne crois pas que vous êtes à
plaindre, j'en suis sûr »
Apollodore se fait l’avocat du groupe de ses auditeurs, auxquels il attribue une
remise en question de son propre discours, pour mieux appuyer de façon
humoristique son propre discours hystérique à leur endroit.
« Tu es toujours le même, Apollodore: toujours disant du mal de toi et des
autres, et persuadé que tous les hommes, excepté Socrate, sont misérables
(…).il y a toujours quelque chose de cela dans tes discours »
Un de ses amis adopte un discours hystérique vis-à-vis de son discours
hystérique, considérant le résultat de celui-ci comme un savoir universitaire
dont il serait lui-même l’objet (au sens “cible”) : en gros, il l’accuse de les prendre
pour des cons et d’être maso.
Appollodore revendique le droit à l’erreur, mais assure de sa volonté de raconter
« la chose » telle qu’elle lui a été racontée.
240 Appolodore rencontre Socrate « qui sortait du bain et qui avait mis des
sandales, ce qui ne lui était pas ordinaire »
« il lui avait demandé où il allait si beau »
Le discours passe ici de la troisième personne à la première personne.
« Je me suis fait beau pour aller chez un beau garçon »
Socrate propose à Aristodème de l’accompagner, en tant qu’ « honnête homme »,
bien que n’y ayant pas été invité, comme Homère
1
avait « fait venir (à un) festin
(…) 241 un inférieur ».
Aristodème se défend d’être un honnête homme, et assure qu’il dira « que c’est
(Socrate) qui (l’a invité) ».
Socrate lui dit qu’ils sont « deux »
2
(qu’ils forment un groupe), et qu’ils
trouveront bien quoi dire.
Au milieu du chemin, Socrate, pensif, dit à Aristodème d’aller devant. Agathon
l’accueille au moment où les hôtes allaient être servis, 242 et lui dit qu’il avait
cherché à l’inviter, avant d’envoyer un « enfant » chercher où Socrate s’était
attardé. Il demande (DM) qu’on lave les pieds d’Aristodème avant qu’il s’asseye
« à côté d'Eryximaqué ».
« un autre esclave vint annoncer qu'il avait trouvé Socrate sur la porté de la
maison voisine, mais qu'il n'avait point voulu venir »
1
Iliade, II, v. 408. Le proverbe (
cf
. Athénée, IV, 27. Zenobius, II,
19)
2
Iliade, X, 224.
Agathon lui dit « ne le quitte point qu'il ne soit entré » (DM), Aristodème
demande qu’on le laisse tranquille (DH), que ça lui prend souvent, et qu’à son
avis, il arrivera bientôt.
Agathon s’adresse à ses esclaves en les appelant « enfants » et en leur
demandant de le 243 regarder lui et ses « amis comme des hôtes que vous
auriez vous-mêmes invités ».
Agathon jouit de masquer plus ou moins humoristiquement son discours du
maître d’une couche de fausse humilité.
Chaque fois qu’Agathon veut faire appeler Socrate (DM), Aristodème l’en
empêche (DH). Socrate paraît après donc les avoir « selon sa coutume » fait
attendre jusqu’à moitié souper.
« Viens, dit-il, Socrate, que je m'approche de toi le plus que je pourrai, pour
tâcher d'avoir ma part des sages pensées que tu viens de trouver ici près »
Agathon jouit de sa fausse modestie.
Socrate lui renvoie le compliment : « Plut à Dieu, dit-il, que la sagesse, Agathon,
fut quelque chose qui pût passer d'un esprit dans un autre, quand on
s'approche (…).Ce serait à moi de m'estimer heureux d'être auprès de toi, (…)
car pour la mienne, c'est quelque chose de bien 244 médiocre ».
Socrate remet en question hystérico-humoristiquement (DH) le savoir (DU)
qu’on lui impute, en renvoyant la balle, tout auréolé qu’est Agathon de son prix
de tragédie, décerné collectivement par une assemblée de 30 000 grecs (DM).
Agathon désigne (DM) Bacchus comme juge (DU) de cette question de sagesse,
remise à la fin du souper. À ce moment, « on parla de boire », Pausanias
3
proposant de ne pas abuser, vu la jaille de la veille 245, ce qu’Aristophane
4
,
reconnaissant sa jouissance alcoolique de la veille, approuve.
Éryximaque approuve cette approbation, et demande à Agathon son avis. Celui-ci
s’inclut dans le groupe des « GDB ».
« Où en est Agathon? - Où vous en êtes »
Éryximaque s’en réjouit à son titre et s’exclut d’un groupe de « braves » (où
figurent manifestement Agathon et Pausanias) et s’inclut dans un groupe « de
petits buveurs » avec Aristodème, Phèdre et les autres. Il place Socrate dans une
position d’exception : lui « boit comme il veut ».
3
d'après Élien, V. H. II, 21 , Pausanias aurait été l'amant d'Agathon,
avec lequel il se serait retiré avec lui a la cour d'Archélaüs
4
Le célèbre comique.
Éryximaque, après avoir acté le consensus autour de la modération, en profite
pour arguer (DM) de son « expérience de médecin » pour un message de
modération, que Phèdre approuve 246. Éryximaque, attendu que personne « ne
forcera personne » à boire, propose « que l’on renvoie cette joueuse de flûte »
et propose « la matière » de la conversation.
Il se fait témoin de l’ « indignation » qu’a montré Phèdre à propos du manque de
poésies à propos du 247 « si grand dieu » qu’est l’Amour. Éryximaque veut donc
« faire (sa) cour », et qualifie le groupe qu’ils forment comme particulièrement
propice, sous réserve de consensus collégial, à une prise de parole à tour de rôle
248 réintérant l’attribution de la paternité de ce thème à Phèdre.
Socrate présume de ce consensus (DM), et que lui même « fait profession de ne
savoir que l’amour » (DA ?). Il nomme particulièrement Agathon, Pausanias,
Aristophane, tout en faisant remarquer que la distribution de la parole proposée
les défavorise, vu qu’ils sont « assis les derniers » (constitution spatiale du
groupe, DM), et qu’il en seront peut-être réduits à devoir se contenter de « leur
donner (leur) approbation ». Il prend toutefois une position d’autorité (DM) :
« Que Phèdre commence donc ».
« Le sentiment de Socrate fut unanimement adopté ».
Le narrateur (Appollodème) rappelle qu’il ne saurait s’être parfaitement rappelé
de ce qu’une personne (Aristodème), n’ayant pas pu elle non plus parfaitement
s’être rappelée, lui a transmis.
249 Phèdre : « il n’y a point de dieu plus ancien que (l’amour, qui) n’a ni père
ni mère », personne même n’a jamais cherché à leur en inventer
56
. 250
Phèdre met l’amour en position de meilleur agent de “plus-de-bien” pour le
groupe “Hommes”, l’objet d’amour “ayant” l’amant et l’amant aimant “un” objet.
L’amour inspire la bonne conduite (« honte du mal et (…) émulation du bien)
mieux que naissance, honneurs et richesses. Phèdre le juge indispensable à ce
que tout « particulier » (individu) ou « état » (groupe) fasse quelque chose « de
beau (ou) de grand ».
Phèdre continue dans un principe d’exception (DM) : « il n’y aurait (…)
personne (…) devant qui (un homme coupable) eût tant de honte de paraître
que devant ce qu’il aime, (ni d’être) aimé (...) surpris en (…) faute (devant) son
amant ».
Versant imaginaire enchantement ») de cette exception (DM) : «
(Aucun) peuple (n’aurait) plus (…) horreur du vice et (ne rechercherait plus) la
vertu (…(qu’) un état ou une armée (…) composée (…) d’amans et d’aimés »,
recherche de savoir (DU) qui leur assurerait la victoire, l’amant préférant mourir
5
Hésiod. Théogon.,v. 116, 117, 120. Les vers 118 et 119 des éditions paraissent
avoir été ignorés de Platon. Voyez Theogonia Hesiodea, de Wolf, 76, 78.
6
Voyez les Fragmens de Parménide, par Fulleborn, p. 86
que d’abandonner l’aimé, ou même que d’être vu par l’aimé en train de déserter.
L’amour fait des hommes amoureux des « héros », là ou les autres dieux ne font
que leur inspirer « de l’audace »
7
.
Exception (DM) : « Il n'y a que parmi les amans que l'on sait mourir l'un pour
l'autre ». Renforcement de l’universalité de cette exception : « des hommes,
mais des femmes même ». Statut d’exception d’Alceste par rapport au groupe
“habitant-e-s de la Grèce”, et par rapport à ses propres parents
8
, la faiblesse de
leur lien de parenté, en comparaison son amour, les rendants étrangers au
groupe que forme leur couple : 252 « les dieux (…) lui rendirent avec l'âme de
son époux la sienne propre ».
D’ailleurs, même Orphée se retrouve dans le groupe des mortels (il se trouve
ravalé au rang de musicien pour n’avoir pas renoncé à sa vie par amour) à côté
de cette exception permise par le courage d’un amour parfait
9
qui place l’objet
aimé au dessus que sa propre existence (et donc, l’objet au dessus du sujet ; ou
encore, “l’être aimé” au-dessus de “l’être aimant” (cf. Daniel Balavoine « Aimer
est plus fort que d’être aimé »).
De même, les dieux « ont honoré Achille » qui a préféré la promesse de la mort
s’il vengeait son ami Patrocle, à celle d’ « une longue vieillesse (…s’il tuait
Hector…) ». Remarque bizarre de Phèdre qui place Achille comme « aimé » de
Patrocle selon des critères subjectifs, mais différencie « ce que l’on fait pour ce
qu’on aime » de « ce qu’on fait pour celui dont on est aimé » : « celui qui aime
est quelque chose de plus divin que celui qui est aimé », d’où la récompense
supérieure accordée à Achille (« l’aimé ») qu’à Alceste (« l’aimant »).
254 Pausanias : Remise en question (DH) du discours de Phèdre : ce savoir sur
l’amour (DU) « serait bon s’il n’y avait qu’un Amour » : duquel parle-t-on
(inclusion du groupe).
Le savoir apparu dans la situation groupale prétextée par Agathon, orchestrée
par Eryximaqué et cautionnée par Socrate, savoir révélé par Phèdre, est remis en
question dans l’universalité de son exception comme non-respectueux de la
singularité du lien transférentiel.
Pour Pausanias, c’est sûr (DU), il y a deux Vénus, donc il y a deux Amours : « un
céleste, l’autre populaire ». 255 « rien (…) n'est bon en soi, mais peut le
devenir par la manière dont on le fait (…) selon les règles de l’honnêteté ou
non. Il en est de meme d’aimer ».
« L’Amour populaire (…commun…) n’inspire que des actions basses, (aimer)
plutôt le corps que l’âme (…), déraisonnable, (qui) n’aspirent qu’à la
jouissance (…) peu importe le moyen (et ils) s’attachent à tout ce qui se
présente », un amour sans objet défini, sans sublimation du désir.
7
Iliade, X, 482; XV, 262.
8
Euripide, Alceste, 15, et le fragment de Musonius dans Stobée. Florileg. 64.
9
Virgile, Géorgiq. IV.
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