Cette position ne s'accorde pas aisément avec le programme économique de Macron. Certes, son
programme inclut des propositions importantes quant à l'offre, mais il prévoit aussi de stabiliser la
production et envisage surtout une augmentation des dépenses en faveur des infrastructures
publiques, de la digitalisation et des énergies propres pour doper la croissance potentielle.
Malgré sa nette victoire électorale, Macron aura à mener une bataille difficile pour appliquer son
programme économique. Même si l'Assemblée nationale qui va être élue en juin soutient ses
réformes, l'opposition de la rue sera au moins aussi forte qu'elle l'a été au cours des années
précédentes.
L'Allemagne a néanmoins de bonnes raisons de soutenir les réformes économiques de Macron,
qu'elles s'appliquent à l'offre ou la demande. La France et l'Allemagne sont étroitement
dépendantes l'une de l'autre, autrement dit la réussite de Macron constitue un véritable enjeu pour
l'Allemagne.
Le gouvernement allemand ne peut (heureusement) décider du niveau des salaires, mais il pourrait
dans son propre intérêt préparer l'avenir en investissant davantage dans le capital humain et social
(notamment dans les écoles, dès les maternelles à l'université, et dans les infrastructures comme
les routes, les ponts et l’internet). Cela réduirait le coût d'usage du capital pour les entreprises, ce
qui rendrait l'investissement privé plus attractif. Cela créerait également des actifs domestiques et
réduirait l'exposition du pays au risque du crédit étranger. La réduction de l'excédent des comptes
courants de l'Allemagne suppose aussi que ses partenaires aient une meilleure position en terme de
passif financier net.
Si l'Allemagne et la France de Macron ne parviennent pas à s'entendre, les conséquences seront
lourdes pour les deux pays. Aucun agent extérieur malveillant n'impose le populisme à l'Europe ; il
est apparu de l'intérieur, alimenté par des griefs réels et très largement répandus. Ces griefs ne sont
pas exclusivement économiques, pourtant la géographie du populisme épouse celle du malaise
économique de l'UE : trop d'Européens ont été perdants pendant trop longtemps. Si Macron ne
parvient pas à tenir ses promesses, un ou une eurosceptique comme Marine Le Pen pourrait
remporter la prochaine élection présidentielle française.
Pour éviter cela, Macron doit faire preuve de plus de fermeté que ses prédécesseurs pour appliquer
des mesures difficiles mais bénéfiques à moyen ou long terme. Il pourrait s'inspirer de l'ancien
chancelier allemand Gerhard Schröder qui en 2003 avait donné la priorité aux réformes plutôt
qu'au respect rigoureux du Pacte de croissance et de stabilité de l'UE. Il fallait alors une plus
grande marge de manœuvre budgétaire pour amortir les effets de l'adaptation de l'économie aux
réformes audacieuses du marché du travail qu'il avait entreprises. Sa décision de privilégier les
réformes plutôt que le respect obstiné des règles s'est révélée judicieuse.
C'est le moment pour Macron de marcher sur ses traces. Il semble avoir opté lui aussi pour un
pragmatisme raisonné plutôt que pour l'application aveugle de règles rigides (En
principe/généralement, règles ne peuvent accommoder toutes les circonstances). Heureusement
les principes politiques ne sont pas gravés dans le marbre, pas même en Allemagne. Rappelons-
nous que l'Allemagne s'est opposée vigoureusement à une union bancaire de la zone euro et au
Mécanisme européen de stabilité qui ont fini par voir le jour (mais ce fut "trop tard et trop peu"
disent certains).
L'Europe est en plein bouleversement, tandis que son système politique est miné de l'intérieur (et
de plus en plus vulnérable à une pression de l’extérieur, russe par exemple). La peur de "l'autre" et
l'impression que le commerce est un jeu à somme nulle prennent racine. Ce contexte appelle à un