L'illusion du clivage gauche-droite
Faire de la politique autrement, en 2016, c'est avant tout être capable de distinguer une erreur et de
prendre conscience d'une illusion. L'erreur est de penser que le remède prescrit par le FN guérirait
une France minée par le chômage de masse.
L'illusion est de croire que la réaffirmation artificielle du clivage gauche-droite, en déclin depuis les
années 1980, permettrait de répondre plus efficacement aux défis posés par la profonde mutation
des structures économiques et sociales.
Dans une société où les changements s'accélèrent, la démocratie doit donc changer de rythme et
faire évoluer deux aspects fondamentaux du pouvoir : l'horizontalité et la verticalité.
L'horizontalité, indispensable à la délibération, pourrait être renforcée en facilitant le recours à des
initiatives populaires relayées in fine par les parlementaires. La verticalité, nécessaire à la prise de
décision efficace, pourrait être clarifiée en abaissant le nombre de députés requis pour créer un
groupe à l'Assemblée Nationale, ce qui réduirait l'influence des partis et permettrait de mieux
refléter les nuances de l'identité politique des électeurs.
En France, de plus en plus de citoyens ne se sentent plus tenus de se définir eux-mêmes par rapport
à la ligne de fracture gauche-droite, ni même de justifier leurs opinions en fonction de ce clivage.
Cette mutation des identités politiques traditionnelles n'est pas négative en soi. Elle devrait être
analysée comme l'opportunité d'accélérer la recomposition salutaire du corps politique français.
Faire de la politique autrement nécessitera donc de saisir cette opportunité afin de pousser les
acteurs politiques à la définition d'un projet de société ambitieux pour « ne plus sacrifier la prochaine
génération à la prochaine élection » selon la formule de Jan Tinbergen, prix Nobel d'économie.
(1) Hervé Berville, économiste, chargé de programme à l'Institut pour l'Innovation de l'université de
Stanford (Californie).