longue

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L2 Mathématiques
2012–2013
Algèbre et Arithmétique 3
Devoir maison : ensemble quotient, groupe quotient, corps des
fractions (version longue).
Relations d’équivalence
1. Soit 𝐸 un ensemble. Se donner une relation ℛ sur 𝐸, c’est se donner une condition portant
sur les couples (𝑥, 𝑦) d’éléments de 𝐸, qui pour chaque couple est soit vraie, soit fausse. Si
elle est vraie pour le couple (𝑥, 𝑦) on écrit « 𝑥ℛ𝑦 ». Par exemple, la condition
∀(𝑥, 𝑦) ∈ R2 ,
𝑥ℛ𝑦 ⇔ 𝑥 < 𝑦
définit une relation ℛ sur R.
En d’autre termes, et plus formellement, se donner une relation revient à se donner une
partie 𝐹 de 𝐸 × 𝐸. La relation ℛ associée à cette partie est alors définie par
∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 ,
𝑥ℛ𝑦 ⇔ (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐹.
2. Soient 𝐸 et 𝐹 des ensembles et 𝑓 : 𝐸 → 𝐹 une application. On définit une relation ℛ sur
𝐸 par
∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , 𝑥ℛ𝑦 ⇔ 𝑓 (𝑥) = 𝑓 (𝑦)
Vérifier que la relation ℛ est
– symétrique, c’est-à-dire vérifie ∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , 𝑥ℛ𝑦 ⇔ 𝑦ℛ𝑥
– réflexive, c’est-à-dire vérifie ∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑥ℛ𝑥
– transitive, c’est-à-dire vérifie ∀(𝑥, 𝑦, 𝑧) ∈ 𝐸 3 , (𝑥ℛ𝑦 et 𝑦ℛ𝑧) ⇒ 𝑥ℛ𝑧
Plus généralement, une relation sur 𝐸 qui vérifie ces trois propriétés est appelée une relation
d’équivalence sur 𝐸.
3. La notion d’ensemble quotient par une relation d’équivalence, qui va être discutée ci-dessous,
peut d’un certain point de vue se résumer de la façon suivante : le « plus généralement » dans
la dernière phrase du numéro précédent est en fait de trop. On va voir que n’importe quelle
relation d’équivalence sur 𝐸 peut se définir à partir d’une certaine application 𝑓 : 𝐸 → 𝐹
(pour un certain ensemble 𝐹 ) par la condition (*) ci-dessus.
4. Soit 𝐸 un ensemble et ℛ une relation d’équivalence sur 𝐸. On définit une relation ℛ′ sur
𝐸 × 𝐸 par
∀((𝑥1 , 𝑦1 ), (𝑥2 , 𝑦2 )) ∈ (𝐸 × 𝐸)2 ,
(𝑥1 , 𝑦1 )ℛ′ (𝑥2 , 𝑦2 ) ⇔ (𝑥1 ℛ𝑥2 et 𝑦1 ℛ𝑦2 )
Vérifier que ℛ′ est une relation d’équivalence sur 𝐸 × 𝐸.
Ensemble quotient :
définition par propriété universelle
5. Soit 𝐸 un ensemble et ℛ une relation d’équivalence sur 𝐸. Si 𝐹 est un ensemble et 𝜋 : 𝐸 → 𝐹
est une application, on dit que 𝜋 est compatible à ℛ si on a la propriété
∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 ,
𝑥ℛ𝑦 ⇒ 𝜋(𝑥) = 𝜋(𝑦).
Soit 𝜋 : 𝐸 → 𝐹 une application compatible à ℛ et 𝜙 : 𝐹 → 𝐺 une application. Vérifier
que l’application 𝜙 ∘ 𝜋 : 𝐸 → 𝐺 est compatible à ℛ.
Un ensemble quotient de 𝐸 par ℛ est un couple (𝐹, 𝜋) où 𝐹 est un ensemble et 𝜋 une
application de 𝐸 vers 𝐹 compatible à ℛ, qui vérifie en outre la propriété suivante, appelée
propriété universelle de l’ensemble quotient : pour tout ensemble 𝐺 et tout morphisme
𝜙 : 𝐸 → 𝐺 compatible à ℛ, il existe une unique application 𝜙′ : 𝐹 → 𝐺 vérifiant 𝜙′ ∘ 𝜋 = 𝜙.
Groupe quotient d’un groupe commutatif :
définition par propriété universelle
6. Soit G un groupe et H un sous-groupe de G. Soit I et J des groupes, 𝜋 : G → I un morphisme
de noyau contenant H et 𝜙 : I → J un morphisme. Vérifier que le noyau de 𝜙 ∘ 𝜋 : G → J
contient H.
On suppose désormais G commutatif. Un quotient du groupe G par le sous-groupe H est un
couple (I, 𝜋) où I est un groupe commutatif et 𝜋 un morphisme de groupes de G vers I de
noyau contenant H, qui vérifie en outre la propriété suivante, appelée propriété universelle
du groupe quotient : pour tout groupe J et tout morphisme 𝜙 : G → J tel que Ker(𝜙)
contient H, il existe un unique morphisme 𝜙′ : I → J vérifiant 𝜙′ ∘ 𝜋 = 𝜙.
7. Nous allons montrer dans la suite qu’un ensemble ou un groupe quotient existe toujours,
par une construction explicite.
Mais nous allons d’abord voir, en admettant provisoirement l’existence d’ensembles ou de
groupes quotients, comment un certain nombre de leurs propriétés peuvent se retrouver
directement à partir de la propriété universelle.
Le but est de soutenir le slogan suivant : « peu importe finalement la façon dont on construit
un quotient, ce qui sert vraiment est la propriété universelle ».
On verra en particulier que la propriété universelle implique qu’un ensemble ou un groupe
quotient, s’il existe, est en un certain sens unique. On pourra donc parler de « l’ » ensemble
quotient ou « du » groupe quotient (pour peu qu’ils existent).
Deux résultats utiles
8. Soient 𝐸 et 𝐹 des ensembles et 𝜏 : 𝐸 → 𝐹 une application. Montrer que 𝜏 est surjective
si et seulement si pour tout ensemble 𝐺 et toute paire 𝜙1 , 𝜙2 d’applications 𝐹 → 𝐺, on a
𝜙1 ∘ 𝜏 = 𝜙2 ∘ 𝜏 si et seulement si 𝜙1 = 𝜙2 .
9. Soit G un groupe commutatif (noté additivement) et H un sous-groupe de G. On note
𝑖 : H → G le morphisme injectif déduit de l’inclusion H ⊂ G. On suppose qu’il existe un
morphisme 𝑗 : G → H tel qu’on ait 𝑗 ∘ 𝑖 = IdH . Montrer qu’on a 𝑗 2 = 𝑗. Soit I le noyau de
𝑗. Montrer que pour tout 𝑔 ∈ G, on a 𝑔 − 𝑗(𝑔) ∈ I. Montrer que l’application 𝑔 ↦→ 𝑔 − 𝑗(𝑔)
est un morphisme de groupes surjectif de G vers I de noyau H.
Propriétés de l’ensemble quotient
10. Dans les numéros 10 à 13, 𝐸 est un ensemble, ℛ une relation d’équivalence sur 𝐸 et (𝐹, 𝜋)
est un ensemble quotient de 𝐸 par ℛ.
11. Déduire du critère du numéro 8 que 𝜋 est surjective (appliquer la propriété universelle de
(𝐹, 𝜋) à 𝜙1 ∘ 𝜋 = 𝜙2 ∘ 𝜋).
12. Soit 𝑥 ∈ 𝐸 et 𝐸 → {0, 1} l’application définie par
∀𝑦 ∈ 𝐸,
𝜙(𝑦) = 0 ⇔ 𝑥ℛ𝑦.
Vérifier qu’elle est compatible à ℛ. En appliquant la propriété universelle de (𝐹, 𝜋) à 𝜙,
montrer que pour tout 𝑦 ∈ 𝐸 vérifiant 𝜋(𝑦) = 𝜋(𝑥), on a 𝜙(𝑦) = 0 (c’est-à-dire 𝑥ℛ𝑦). En
particulier on a 𝜋(𝑥) = 𝜋(𝑦) si et seulement si 𝑥ℛ𝑦.
Pour résumer, on a donc démontré à partir de la propriété universelle qu’un ensemble
quotient (𝐹, 𝜋), s’il existe, vérifie toujours les propriétés suivantes :
(a) 𝜋 est surjective ;
(b) pour tout (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , on a 𝜋(𝑥) = 𝜋(𝑦) si et seulement si 𝑥ℛ𝑦.
13. Soient (𝐹1 , 𝜋1 ) et (𝐹2 , 𝜋2 ) deux ensembles quotients de 𝐸 par ℛ. Vérifier qu’il existe
une unique application 𝜙𝐹1 ,𝐹2 : 𝐹1 → 𝐹2 vérifiant 𝜙𝐹1 ,𝐹2 ∘ 𝜋1 = 𝜋2 (utiliser la propriété
universelle de (𝐹1 , 𝜋1 )). Soient (𝐹3 , 𝜋3 ) un autre ensemble quotient de 𝐸 par ℛ. Montrer
qu’on a 𝜙𝐹2 ,𝐹3 ∘ 𝜙𝐹1 ,𝐹2 = 𝜙𝐹1 ,𝐹3 . En déduire qu’il existe une unique bijection 𝜙 de 𝐹1 sur
𝐹2 vérifiant 𝜙 ∘ 𝜋1 = 𝜋2 .
On voit ainsi que les ensembles quotients (𝐹1 , 𝜋1 ) et (𝐹2 , 𝜋2 ) sont uniquement déterminés
à une bijection unique près. Pour cette raison on peut parler de « l’ » ensemble quotient
(avec un article défini). On le note (𝐸/ℛ, 𝜋).
Propriétés du groupe quotient
14. Dans les numéros 14 à 17, G est un groupe commutatif, H est un sous-groupe de G et (I, 𝜋)
un quotient du groupe G par le sous-groupe H
Soit 𝜋
̃︀ : G → 𝜋(G) l’application qui à 𝑔 ∈ 𝐺 associe 𝜋(𝑔). Vérifier que Ker(̃︀
𝜋) contient H.
En appliquant la propriété universelle de (I, 𝜋) à 𝜋
̃︀ montrer qu’il existe un morphisme
𝑗 : I → 𝜋(G) vérifiant 𝑗 ∘ 𝑖 = Id𝜋(G) . En utilisant le numéro 9, montrer alors que 𝜋 est
surjective.
15. On suppose qu’il existe un groupe J et un morphisme G → J de noyau H. Montrer que
Ker(𝜋) = H.
16. Soit X l’ensemble des parties de G qui sont de la forme 𝑔 + H où 𝑔 est un élément de G. À
tout élément 𝑔 de G on associe l’ application 𝜏𝑔 : X → X qui à une partie 𝐴 associe 𝑔 + 𝐴.
Vérifier que 𝜏𝑔 est bien définie et est une bijection. Montrer que l’application G → SX
qui à 𝑔 associe 𝜏𝑔 est un morphisme de groupes de noyau H. Notez que d’après 15, on en
déduit que 𝜋 est de noyau H.
Pour résumer, on a montré à partir la propriété universelle qu’un groupe quotient (I, 𝜋), s’il
existe, satisfait toujours les propriétés suivantes :
(a) 𝜋 est surjectif ;
(b) Ker(𝜋) = H.
Pour la deuxième propriété, il n’est en fait pas tout à fait vrai qu’on a utilisé uniquement la
propriété universelle : la construction utilisée revient en fait quasiment à une construction
explicite du groupe quotient, comme on va le voir plus loin.
17. Soient (I1 , 𝜋1 ) et (I2 , 𝜋2 ) deux groupes quotients de G par H. Montrer qu’il existe un
unique isomorphisme 𝜙 : I1 → I2 vérifiant 𝜙 ∘ 𝜋1 = 𝜋2 (indication : on peut recopier presque
mot à mot la démonstration utilisée dans le cas des ensembles quotient).
On voit que les groupes quotients (I1 , 𝜋1 ) et (I2 , 𝜋2 ) sont uniquement déterminés à un
isomorphisme unique près. Pour cette raison on peut parler « du » groupe quotient de G
par H (avec un article défini). On le note (G/H, 𝜋).
Construction de l’ensemble quotient
18. Soit 𝐸 un ensemble et ℛ une relation d’équivalence sur 𝐸. Dans ce numéro et dans 19, nous
construisons un ensemble quotient de 𝐸 par ℛ. Soit 𝜋 : 𝐸 → 𝐹 une application surjective
et qui vérifie
∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , 𝑥ℛ𝑦 ⇔ 𝜋(𝑥) = 𝜋(𝑦) (*).
Vérifier que (𝐹, 𝜋) est un ensemble quotient de 𝐸 par ℛ (en d’autres termes montrer que
(𝐹, 𝜋) satisfait la propriété universelle du quotient).
19. Pour 𝑥 ∈ 𝐸, soit 𝐸(𝑥) = {𝑦 ∈ 𝐸, 𝑥ℛ𝑦}. Vérifier que pour tous 𝑥, 𝑦 ∈ 𝐸 on a 𝐸(𝑥) = 𝐸(𝑦)
si et seulement si 𝑥ℛ𝑦. Soit 𝐹 l’ensemble des parties de 𝐸 qui sont de la forme 𝐸(𝑥) pour
un certain 𝑥 ∈ 𝐸 et 𝜋 l’application qui à 𝑥 ∈ 𝐸 associe l’ensemble 𝐸(𝑥) ∈ 𝐹 . Vérifier que
𝜋 est surjective et satisfait la propriété (*). Ainsi (𝐹, 𝜋) est bien un ensemble quotient de 𝐸
par ℛ.
20. Soit ℛ′ la relation d’équivalence sur 𝐸 × 𝐸 définie au numéro 4. Soit (𝐸/ℛ, 𝜋) l’ensemble
quotient de 𝐸 par ℛ. Soit 𝜋 × 𝜋 l’application 𝐸 × 𝐸 → 𝐸/ℛ × 𝐸/ℛ définie par (𝑥, 𝑦) ↦→
(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)). Montrer que (𝐸/ℛ × 𝐸/ℛ, 𝜋 × 𝜋) est un ensemble quotient de 𝐸 × 𝐸 par ℛ′ .
Construction(s) du groupe quotient
21. Soit G un groupe commutatif et H un sous-groupe de G. Dans les numéros 21 à 24,
nous construisons un groupe quotient (I, 𝜋) de G par H. Nous allons en fait donner deux
constructions : l’une à partir de la construction du numéro 16, et l’autre utilisant la notion
d’ensemble quotient.
Soit I un groupe et 𝜋 : G → I un morphisme surjectif de noyau H. Vérifier que (I, 𝜋)
est un groupe quotient de G par H, en d’autres termes que I est commutatif et que (I, 𝜋)
satisfait la propriété universelle du groupe quotient.
22. Première construction du groupe quotient
On considère à nouveau le morphisme G → SX défini au numéro 16. Soit I l’image de G
dans SX et 𝜋 : G → I le morphisme induit. Vérifier que (I, 𝜋) est un quotient de G par
H.
23. Seconde construction du groupe quotient
Soit ℛH la relation définie sur G par 𝑔ℛ𝑔 ′ si et seulement si 𝑔 − 𝑔 ′ ∈ H. Vérifier que ℛH
est une relation d’équivalence sur G et que (G/ℛH , 𝜋) est un ensemble quotient de G par
ℛH .
24. Le numéro précédent nous incite à construire un groupe quotient de G par H en mettant
une structure de groupe sur l’ensemble quotient sur G/ℛH . Rappelons que l’on note 𝜋
l’application quotient 𝜋 : G → G/ℛH .
Soit G × G → G/ℛH l’application définie par (𝑥, 𝑦) ↦→ 𝜋(𝑥 + 𝑦). Montrer qu’il existe une
unique application 𝑠 : G/ℛH × G/ℛH → G/ℛH vérifiant
∀(𝑥, 𝑦) ∈ G2 ,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)) = 𝜋(𝑥 + 𝑦).
(utiliser le numéro 20 et la propriété universelle de (G/ℛH × G/ℛH , 𝜋 × 𝜋). Vérifier les
propriétés suivantes
∀(𝑥, 𝑦, 𝑧) ∈ G3 ,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝑠[𝜋(𝑦), 𝜋(𝑧)]) = 𝑠(𝑠[𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)], 𝜋(𝑧))
∀(𝑥, 𝑦) ∈ G2 ,
∀𝑥 ∈ G,
∀𝑥 ∈ G,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)) = 𝑠(𝜋(𝑦), 𝜋(𝑥))
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(0)) = 𝜋(𝑥)
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(−𝑥)) = 𝜋(0).
En déduire que la loi de composition interne 𝑠 munit G/ℛH d’une structure de groupe
commutatif, d’élément neutre 𝜋(0), et que 𝜋 : G → G/ℛH est alors un morphisme de
groupes. En utilisant 21, vérifier que (G/ℛH , 𝜋) est un quotient du groupe G par le
sous-groupe H.
Le cas des groupes non commutatifs
25. Soit G un groupe, non nécessairement commutatif et H un sous-groupe de G. Un quotient
du groupe G par le sous-groupe H est un couple (I, 𝜋) où I est un groupe et 𝜋 un morphisme
de groupes de G vers I de noyau H, qui vérifie en outre la propriété suivante : pour tout
groupe J et tout morphisme 𝜙 : G → J tel que Ker(𝜙) contient H, il existe un unique
morphisme 𝜙′ : I → J vérifiant 𝜙′ ∘ 𝜋 = 𝜙.
On suppose désormais H distingué dans G. Reprendre alors, en faisant les adaptations
nécessaires, la démarche entreprise pour les groupes commutatifs (c’est-à-dire les numéros
14 à 17 puis 21 à 24). On montrera en particulier que si H est distingué dans G, un
quotient de G par H existe, est uniquement déterminé à isomorphisme unique près, et est
caractérisé par la propriété d’être un morphisme surjectif de noyau H. On pourra remplacer
l’utilisation du résultat du numéro 9 par l’utilisation du résultat suivant, que l’on admettra
(la démonstration n’utilise pas d’outils hors programme, mais est difficile) : soient G et G′
des groupes et 𝜏 : G → G′ un morphisme ; alors 𝜏 est surjectif si et seulement si pour tout
groupe G′′ et toute paire 𝜙1 , 𝜙2 de morphismes G′ → G′′ , on a 𝜙1 ∘ 𝜏 = 𝜙2 ∘ 𝜏 si et seulement
si 𝜙1 = 𝜙2 . On notera l’analogie de ce résultat avec celui du numéro 8.
Corps des fractions : définition par propriété universelle
26. Soit 𝐴 un anneau commutatif intègre (rappelons qu’en particulier 𝐴 ∖ {0𝐴 } n’est pas vide).
On dit qu’un morphisme d’anneaux 𝜄 : 𝐴 → 𝐵 rend les éléments non nuls de 𝐴 inversibles
si on a 𝜙(𝐴 ∖ {0𝐴 }) ⊂ 𝐵 × . Si 𝜄 : 𝐴 → 𝐵 est un tel morphisme et 𝜙 : 𝐵 → 𝐶 un morphisme
d’anneaux, vérifier que 𝜙 ∘ 𝜄 rend les éléments non nuls de 𝐴 inversibles. Vérifier qu’un
morphisme rendant les éléments non nuls de 𝐴 inversibles est injectif.
Un corps des fractions de 𝐴 est un couple (𝐵, 𝜄) où 𝐵 est un anneau commutatif et 𝜄 un
morphisme d’anneaux de 𝐴 vers 𝐵 rendant les éléments non nuls de 𝐴 inversibles et qui
vérifie en outre la propriété suivante, appelée propriété universelle du corps des fractions :
pour tout anneau commutatif 𝐶 et tout morphisme d’anneaux 𝜙 : 𝐴 → 𝐶 rendant les
éléments non nuls de 𝐴 inversibles, il existe un unique morphisme d’anneaux 𝜙′ : 𝐵 → 𝐶
vérifiant 𝜙′ ∘ 𝜄 = 𝜙.
27. Montrer que si 𝜄 est l’injection déduite de l’inclusion naturelle Z ⊂ Q alors (Q, 𝜄) est un
corps des fractions de Z. La notion de corps des fractions vise à généraliser à un anneau
intègre quelconque la construction de Q à partir de celle de Z. Nous allons montrer plus loin
qu’un corps des fractions existe toujours par une construction explicite, mais nous allons
d’abord dégager quelques unes de ses propriétés à l’aide de la propriété universelle. Nous
verrons en particulier qu’un corps des fractions est uniquement déterminé à un isomorphisme
unique près, c’est pourquoi l’on pourra parler « du » corps des fractions.
Propriétés du corps des fractions
28. Soit (𝐵, 𝜄) un corps des fractions de 𝐴. Soit
{︀
}︀
𝐶 = 𝜄(𝑎)𝜄(𝑎′ )−1 , (𝑎, 𝑎′ ) ∈ 𝐴 × 𝐴 ∖ {0𝐴 } ⊂ 𝐵.
Vérifier que 𝐶 est un sous-anneau de 𝐵. Montrer que 𝐶 est un corps.
Notons 𝜏 le morphisme injectif déduit de l’inclusion 𝐶 ⊂ 𝐵. En appliquant la propriété
universelle, montrer qu’il existe un morphisme d’anneaux 𝑗 : 𝐵 → 𝐶 tel que 𝑗 ∘ 𝜏 = Id𝐶
Montrer que 𝑗 est injectif (on pourra s’inspirer du numéro 9) et en déduire que 𝐶 = 𝐵.
En particulier 𝐵 est un corps (ce qui justifie la terminologie « corps des fractions »).
29. Soient (𝐵1 , 𝜄1 ) et (𝐵2 , 𝜋2 ) deux corps des fractions de 𝐴. Vérifier qu’il existe un unique
morphisme d’anneaux 𝜙𝐵1 ,𝐵2 : 𝐵1 → 𝐵2 vérifiant 𝜙𝐵1 ,𝐵2 ∘ 𝜄1 = 𝜄2 (utiliser la propriété
universelle de (𝐵1 , 𝜄1 )). Soient (𝐵3 , 𝜄3 ) un autre corps des fractions de 𝐴. Montrer qu’on a
𝜙𝐵2 ,𝐵3 ∘ 𝜙𝐵1 ,𝐵2 = 𝜙𝐵1 ,𝐵3 . En déduire qu’il existe un unique isomorphisme 𝜙 de 𝐵1 sur
𝐵2 vérifiant 𝜙 ∘ 𝜄1 = 𝜄2 .
Construction(s) du corps des fractions
30. Passons à la démonstration de l’existence du corps des fractions. Nous allons d’abord donner
une construction valable dans la situation où 𝐴 est un sous-anneau d’un certain corps K,
situation très largement rencontrée dans la pratique. Puis nous passerons au cas général.
31. Soit 𝜄 : 𝐴 → 𝐵 un morphisme d’anneaux rendant les éléments non nuls de 𝐴 inversibles.
On suppose qu’on a
{︀
}︀
𝐵 = 𝜄(𝑎)𝜄(𝑎′ )−1 , (𝑎, 𝑎′ ) ∈ 𝐴 × 𝐴 ∖ {0𝐴 } .
Montrer que (𝐵, 𝜄) est un corps des fractions de 𝐴.
32. On suppose que 𝐴 est un sous-anneau d’un corps K.
Soit
{︁ 𝑎
}︁
′
𝐵=
,
(𝑎,
𝑎
)
∈
𝐴
×
𝐴
∖
{0}
⊂ K.
𝑎′
Vérifier que 𝐵 est un sous-anneau de K contenant 𝐴. Notons 𝜄 le morphisme d’anneaux
déduit de l’inclusion 𝐴 ⊂ 𝐵. Montrer que (𝐵, 𝜄) est le corps des fractions de 𝐴.
Quel est le corps des fractions de Z[𝑖] ?
33. On pose B = 𝐴 × 𝐴 ∖ {0𝐴 }. Vérifier que les formules
(𝑎1 , 𝑎′1 ) ⊕ (𝑎2 , 𝑎′2 ) = (𝑎1 𝑎′2 + 𝑎2 𝑎′1 , 𝑎′1 𝑎′2 )
et
(𝑎1 , 𝑎′1 ) ⊗ (𝑎2 , 𝑎′2 ) = (𝑎1 𝑎2 , 𝑎′1 𝑎′2 )
définissent des lois de compositions internes ⊕ et ⊗ sur B, et que ces lois sont associatives
et commutatives. (B, ⊕) est-il un groupe ? La loi ⊗ est-elle distributive par rapport à la
loi ⊕ ?
On définit une relation ℛ sur B par
∀((𝑎1 , 𝑎′1 )(𝑎2 , 𝑎′2 )) ∈ B2 ,
(𝑎1 , 𝑎′1 )ℛ(𝑎2 , 𝑎′2 ) ⇔ 𝑎1 𝑎′2 = 𝑎2 𝑎′1 .
Vérifier que ℛ est une relation d’équivalence sur B. Soit (B/ℛ, 𝜋) l’ensemble quotient.
Montrer qu’il existe une unique application 𝑠 : B/ℛ × B/ℛ → B/ℛ vérifiant
∀(𝑥, 𝑦) ∈ B2 ,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)) = 𝜋(𝑥 ⊕ 𝑦)
et une unique application 𝑚 : B/ℛ × B/ℛ → B/ℛ vérifiant
∀(𝑥, 𝑦) ∈ B2 ,
𝑚(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)) = 𝜋(𝑥 ⊗ 𝑦).
(utiliser le numéro 20 et la propriété universelle de l’ensemble quotient (B/ℛ × B/ℛ, 𝜋 × 𝜋).
Vérifier les propriétés suivantes
∀(𝑥, 𝑦, 𝑧) ∈ B3 ,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝑠[𝜋(𝑦), 𝜋(𝑧)]) = 𝑠(𝑠[𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)], 𝜋(𝑧))
∀(𝑥, 𝑦, 𝑧) ∈ B3 ,
𝑚(𝜋(𝑥), 𝑚[𝜋(𝑦), 𝜋(𝑧)]) = 𝑚(𝑚[𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)], 𝜋(𝑧))
∀(𝑥, 𝑦) ∈ B2 ,
∀(𝑥, 𝑦) ∈ B ,
2
𝑚(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)) = 𝑚(𝜋(𝑦), 𝜋(𝑥))
∀𝑥 ∈ B,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(0𝐴 , 1𝐴 )) = 𝜋(𝑥)
∀𝑥 ∈ B,
𝑚(𝜋(𝑥), 𝜋(1𝐴 , 1𝐴 )) = 𝜋(𝑥)
∀𝑥 = (𝑎, 𝑎′ ) ∈ B,
∀𝑥 = (𝑎, 𝑎′ ) ∈ B,
∀(𝑥, 𝑦, 𝑧) ∈ B3 ,
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)) = 𝑠(𝜋(𝑦), 𝜋(𝑥))
𝑠(𝜋(𝑥), 𝜋(−𝑎, 𝑎′ )) = 𝜋((0𝐴 , 1𝐴 ))
𝑚(𝜋(𝑥), 𝜋(𝑎′ , 𝑎) = 𝜋((1𝐴 , 1𝐴 ))
𝑚(𝜋(𝑥), 𝑠[𝜋(𝑦), 𝜋(𝑧)]) = 𝑠(𝑚[𝜋(𝑥), 𝜋(𝑦)], 𝑚[𝜋(𝑥), 𝜋(𝑧)])
En déduire que (B/ℛ, 𝑠, 𝑚) est un anneau commutatif. Montrer que l’application 𝜄 :
𝐴 → B/ℛ à 𝑎 associe 𝜋(𝑎, 1𝐴 ) est un morphisme d’anneaux qui rend les éléments non
nuls de 𝐴 inversibles. En utilisant le numéro 31, montrer que (B/ℛ, 𝜋) est un corps des
fractions de 𝐴.
Dans la pratique, pour (𝑎, 𝑎′ ) ∈ (𝐴 ∖ {0𝐴 })2 , l’élément 𝜋(𝑎, 𝑎′ ) ∈ B/ℛ est noté 𝑎𝑎′ , et pour
𝑥, 𝑦 ∈ B/ℛ, on note 𝑠(𝑥, 𝑦) = 𝑥 + 𝑦 et 𝑚(𝑥, 𝑦) = 𝑥 × 𝑦 ou 𝑥 𝑦.
Vérifier qu’on retrouve les règles usuelles de calcul des fractions (𝑎, 𝑏 désignent des éléments
de 𝐴 et 𝑎′ , 𝑏′ des éléments de 𝐴 ∖ {0𝐴 } :
𝑎
𝑏
𝑎 𝑏′ + 𝑎′ 𝑏
+
=
𝑎′
𝑏′
𝑏 𝑏′
𝑎
𝑏
𝑎 𝑎′
×
=
𝑎′
𝑏′
𝑏 𝑏′
𝑎
𝑏
= ′ ⇔ 𝑎 𝑏′ = 𝑏 𝑎′ .
𝑎′
𝑏
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