Chapitre 3 : quelques éléments sur la production de droit législatif et

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ÉCONOMIE DU DROIT
Séance 1 – jeudi 4 octobre 2012
[email protected]
-> On travaillera sur un « marché » du droit.
Bibliographie :
McKaay et Stephan Rousseau (2008) ANALYSE ECONOMIQUE DU DROIT , Dalloz (Thémis)
Anthony Ogus et M. Faure, ECONOMIE DU DROIT : LE CAS FRANÇAIS . Édition Panthéon Assas.
Thierry Kirat, ECONOMIE DU DROIT , Repère, édition la découverte
Bruno Deffains, E. Langlais, A NALYSE ECONOMIQUE DU DROIT , 2010
Harnay, Marciano, POSNER : L’ANALYSE ECONOMIQUE DU DROIT , Michalon.
Samuel Mercuro, Steeve Medema, 1997, E CONOMICS AND THE LAW .
Schäfer et Ott, 2004. THE ECONOMIC ANALYSIS OF CIVIL LAW .
Évaluation :
2h
deux questions : une question générale (réflexion, transversale, requérant des
connaissances d’économie du droit voire plus large en éco ou en droit),
-> problématique + un plan, une vraie introduction, une petite conclusion
+ une question plus courte de cours.
CHAPITRE 1 - PRESENTATION ET CONCEPTS
FONDAMENTAUX DE L’ECONOMIE DU DROIT
Définition – « Law and economics » ou « économie du droit ». Utilisation des outils et
de la méthodologie de la science économique pour analyser les phénomènes juridiques.
Sujet d’analyse :
La nature et l’origine du système juridique existant.
Ce sont les effets de la structure juridique sur l’efficacité allocative (= efficacité de
l’économie). Ex : regarder si les règles de responsabilité en vigueur incitent les agents à
prendre des décisions efficaces.
Les conditions nécessaires au développement et à l’émergence de structures
juridiques efficaces
L’application/mise en œuvre de la structure juridique
Traditionnellement on considère que l’économie du droit est née dans les années 50-60
au sein de l’université de Chicago. Les pères fondateurs sont notamment :
* Henry MANNE
* Ronald COASE
* G. CALABRESI
* R. POSNER
Ces deux derniers sont des praticiens ce qui traduit la démarche pragmatique initiale
dans l’économie du droit.
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Vraie montée en puissance de l’économie du droit à partir des années 1970 -> c’est un
mouvement de pensée assez récent.
On va s’intéresser dans ce cours ce qui ressort de l’école de Chicago, et ses
prolongements. On s’intéressera aussi par la force des choses au système de Common Law
en raison de l’origine essentiellement anglo-saxonne de l’économie du droit.
1. LA METHODE ECONOMIQUE ET LE DROIT
1.1. Le concept de rareté
La rareté justifie le recours à la science économique. En effet pendant longtemps on a
considéré que l’économie étudiait tout ce qui avait un rapport avec la richesse.
J.B. Say (1803) : l’économie étudie la manière dont se
forment, se distribuent et se consomment les richesses.
Cette définition implique une série de choix qui nous conduit à une 2nde définition :
l’économie est la science des choix. Sachant que la science économique va être préoccupée
par l’utilisation des ressources dans une situation de rareté. La rareté faisant qu’un choix
prive de la possibilité d’en faire un autre.
Lionel Robbins, (1932) : l’analyse économique étudie
la
façon dont les individus ou la société emploient les ressources
rares à des usages alternatifs en vue de satisfaire leurs besoins.
Cela va conduire à une 1ère opposition entre
les biens libres -> bien disponible en abondance, pour lequel le marché et le prix
n’ont pas de signification.
les biens privés (≈ biens économiques) -> bien non disponible de façon limitée donc
qui est soumis à une contrainte de rareté.
Idée du coût d’opportunité : coût de sacrifice, satisfaction à laquelle on renonce en
effectuant un choix plutôt qu’un autre. C’est la valeur du bien ou service de l’essai, ou un
coût de renonciation ou un coût de sacrifice.
L’économie du droit va appliquer ces définitions de l’économie à des domaines qui
n’appartiennent pas traditionnellement à l’économie.
1.2. Une extension
l’investigation économique
progressive
du
champ
de
ROBBINS lui-même souligne que sa définition n’exclue aucun domaine de l’activité
humaine en tant que tel. Dès lors que ces activités impliquent un arbitrage entre différentes
alternatives dans un contexte de rareté.
Tout type de comportement humain appartient au domaine des généralisations
économiques et il n’y a donc pas de limites à l’objet de la science économique.
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Cette idée va être reprise une trentaine d’années plus tard : Gary BECKER (prix
Nobel). Dans son discours Nobel en 1992 va dire la même chose que ROBBINS. Alors qu’il
est de l’école de Chicago.
Gary BECKER (1992) — Toute question qui pose un problème
d’allocation de ressource et de choix dans une situation de
rareté
caractérisée
par
l’affrontement
de
finalités
concurrentielles relève de l’économie.
Cela va justifier, pour BECKER, d’utiliser l’analyse économique pour étudier les
comportements hors marché / non-marchand.
Ça va justifier « l’impérialisme économique ».
À partir des années 1960, BECKER va s’attacher à analyser l’ensemble des sciences
sociales en utilisant le prisme micro-économique (en particulier, la sociologie).
Il va s’attacher à étudier des comportements humains qui jusqu’alors n’étaient
étudiés que par la sociologie, sous l’angle économique.
BECKER est connu pour ses travaux sur l’économie de l’éducation. Par ailleurs il est
à l’origine de la notion de capital humain.
BECKER nous explique que l’éducation est un investissement au même titre qu’un
investissement en machines ou en équipements. Qu’il est donc possible d’une analyse
micro-économique. Et que les individus vont choisir un niveau d’investissement en
éducation optimal en comparant les gains et bénéfices actualisés de cet investissement
dans le temps.
BECKER analyse ce qui concerne la famille. Il va proposer une analyse de la famille
comme une PME. Famille = PME. En particulier, la fonction de production de la famille c’est
des enfants.
BECKER est également à l’origine de l’économie du crime. -> Le choix de s’engager
dans une activité criminelle c’est une décision économique : on va comparer des avantages
et des coûts. On compare le gain qu’on retire d’un crime, p. ex. le vol, qu’on balance avec le
coût qui est calculé par le risque d’être arrêté. Le coût est une probabilité, et aussi en
fonction de la peine prévue pour un tel crime.
 Cette économie a donné lieu à la théorie économique de la dissuasion.
Ce n’est pas quelque chose de détacher du réel. Cette théorie va vraiment être à la base
d’un certain nombre de politiques judiciaires.
À retenir : BECKER ouvre la voie à l’étude par l’économie de comportements jusqu’alors
non marchands, non traités par l’économie mais par d’autres sciences sociales. Il a ouvert la
voie à une grande littérature économique : la théorie du langage, l’économie de la religion,
l’économie des interactions sociales, l’économie du terrorisme, liberté d’expression,
comportements d’adoption (marché d’enfants), dons d’organe.
1.3. L’économie du droit comme théorie des choix
rationnels : le droit est un système d’incitations
Tous les comportements étudiés vont tomber sous l’hypothèse économique de
rationalité.
Pour les économistes, le droit = système d’incitations.
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1.3.1. L’hypothèse d’individualisme méthodologique
et de rationalité individuelle : l’homo œconomicus
Individualisme méthodologique : l’individu = unité de base pertinente pour l’analyse.
≠ Des analyses de type holiste : elles mettent en avant la société et les institutions à
l’échelle de l’analyse.
Selon l’individualisme méthodologique, les phénomènes macro dans une société
peuvent se réduire à/ou être expliqués par les choix individuels. Cette hypothèse permet de
recourir à la notion d’homo œconomicus caractérisé par une rationalité individuelle qui va
constituer l’hypothèse comportementale principale de l’analyse économique du droit.
L’homo œconomicus est un être rationnel : il met en œuvre des moyens pour atteindre
des fins.
La rationalité économique signifie que les individus cherchent toujours le maximum de
satisfaction et donc exploitent toujours toute occasion d’améliorer leur situation.
Un individu est dit rationnel lorsqu’il choisit un comportement optimal par rapport au
but qu’il cherche à atteindre. Ces buts étant clairement identifiés par l’individu.
Toute action, par suite est le résultat d’un calcul. En d’autres termes, c’est donc le
résultat d’une analyse coût-avantage par laquelle un individu évalue et compare les gains et
coûts associés à une action, une décision, ou un comportement. Il choisit donc la décision
ou le comportement relatif du coût ou de l’avantage.
 En d’autres termes on est en présence d’une rationalité optimisatrice.
On va la qualifier parfois de rationalité substantive.
Elle opère sous contrainte de ressources. Donc finalement le postulat de rationalité va
avoir une double signification.
Tout comportement humain va être étudié comme la maximisation d’un objectif sous
contrainte. La solution de ce problème va donner un équilibre individuel.
 L’équilibre est défini comme la situation telle qu’aucune force n’est mise en œuvre
pour modifier la situation dans un sens ou dans un autre.
Séance 2 – jeudi 11 octobre 2012
1.3.2. Le droit comme système d’incitation
Rq : modèle néoclassique, conditions de la CPP, notamment l’information parfaite.
L’économie du droit considère qu’il existe un marché du droit. Sur ce marché, il y a
des offreurs et des consommateurs de règles juridiques. Sur ce marché, les règles vont
finalement associer des « prix » à certains types de comportement. En faisant varier les
règles, on va pouvoir orienter les comportements des agents en faisant indirectement varier
les prix associés à ces comportements. Ex : si une règle devient plus sévère (-> elle rend plus
coûteux un certain comportement), l’offre de ce comportement par les agents va diminuer.
À contrario si la règle devient plus laxiste, l’offre de ce comportement va augmenter.
C’est une analogie imparfaite, en particulier l’utilisation de la notion de prix est
sujette à caution. Par conséquent le droit est conçu comme un système d’incitations qui
vont encourager ou dissuader certains comportements.
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Théorie économique de la dissuasion (« Crime and Punishment : an economic
approach », Gary Becker, JPE, 1968 + George Stigler, « Theory of public enforcement »)
Toutes les hypothèses de la microéconomie peuvent s’appliquer à son
comportement pour le criminel. Cela signifie que le criminel va faire une analyse coûtavantage pour s’engager dans une activité criminelle.
C= p. f.
C : coût
P : probabilité d’être prix
F : « fine » -> amende pris au sens large, ça peut être une amende monétaire ou non
monétaire
Mon analyse coût-avantage donnera la chose suivante : lorsque l’espérance de gains du
comportement illégal est supérieur au coût éventuel de la sanction alors on s’engage dans
ce comportement illégal.
Si on veut augmenter le niveau de dissuasion, on peut soit augmenter la probabilité de
repérer les criminels, ou le choix d’augmenter la sanction qu’ils encourent. Dans les deux
cas ces deux politiques conduiront à l’augmentation du coût du comportement illégal pour
le criminel.
Niveau de dissuasion : D* -> socialement optimal souhaité par la société.
Becker : il est probablement préférable d’augmenter le niveau de la sanction encourue
parce que manipuler « f » est moins couteux pour la société que d’augmenter « p ».
Le niveau optimal de dissuasion, du point de vue social, on peut le définir comme R m=Cm.
On retrouve chez Becker un point d’optimum caractérisé par une condition de 1 ère ordre
semblable à la micro-économie classique.
En conséquence il n’est pas rationnel pour les autorités publiques d’augmenter à
l’infini leur effort de dissuasion : les moyens consacrés à la dissuasion. Il existe
symétriquement un niveau de tolérance optimal. Cela implique que dans certains cas
certaines fraudes sont impunies et doivent le rester parce qu’elles sont trop coûteuses à
sanctionner au regard du bénéfice qu’elles représentent.
La tolérance est justifiée non par laxisme, bonté d’âme ou idéologie mais par le calcul
économique. Il convient de prendre en compte certains bénéfices que ces comportements
rapportent à la société.
La forme de la politique de dissuasion :
C’est globalement moins couteux pour la société d’augmenter l’amende que
d’augmenter la probabilité (p). Néanmoins l’augmentation du niveau de la sanction se
heurte au principe de la dissuasion marginale. C’est dire qu’en fait plus une sanction est
déjà élevée, plus l’augmentation de cette sanction va produire un effet de plus en plus
faible.
Il faut observer une gradation dans les peines pour que celles-ci demeurent
effectivement dissuasives. En d’autres termes, il serait inefficace de sanctionner un délit de
faible ampleur par une sanction importante puisqu’une telle sanction risquerait d’entraîner
de la part des agents la substitution de comportements plus graves, socialement plus
nuisibles aux petits délits.
Le principe de dissuasion marginale : il faut qu’on grade les sanctions de façon
marginale entre les différentes peines pour les faires coïncider aux types de comportements
qu’on souhaite réprimer en tenant compte des délits qu’on souhaite réprimer.
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L’analyse de la dissuasion a des implications sur la forme de la sanction en fonction de la
nature du délit. On a notamment l’idée avec cette théorie que la délinquance « en col
blanc » serait plus efficacement dissuadé par des amendes que par des peines
d’emprisonnement en raison des capacités financières de ces auteurs.
Le taux de substitution entre le temps de prison et la sanction est tel que la dissuasion
optimale est censée pouvoir s’obtenir au seul moyen des amendes. Idée : le coût
d’opportunité de cette délinquance en col blanc est élevé en cas de prison car renonciation
à des gains importants. Du coup pour dissuader la délinquance en col blanc on peut payer
des peines d’amende élevée qui vont dissuader le délinquant d’entrer dans un
comportement illégal.
Remarques :
- c’est ce qui concerne les arguments pour la dépénalisation du droit des affaires.
- cet argument introduit une discrimination entre riches et pauvres. Aux riches : les
sanctions monétaires. Aux pauvres : la prison. Car ils ne sont pas solvables.
Les limites :
Problème de mesure / de calcul : de façon les quantités marginales sont difficiles à
mesurer. Dans la pratique, ça peut amener à utiliser le coût moyen plutôt que le coût
marginal.
Ça ne prend pas en compte le rôle des émotions dans le choix d’un comportement
illégal. Idée : il y aurait un gain non monétaire à frauder : le plaisir de l’acte illégal. Il est
difficile d’adapter la sanction pour en tenir compte, notamment parce que ça va être une
donnée éminemment personnelle. Si c’est le cas, l’augmentation de la sanction n’accroit pas
toujours la dissuasion. Là, on a une série d’exemples traités par les économistes du droit : ce
qui est les crimes passionnels ou encore ce que les économistes du droit appellent les
« hate crimes ». Ils ne sont pas liés aux incitations du système juridique.
le fraudeur peut avoir un gout pour le risque -> augmenter la peine reviendrait à
l’inciter de s’engager dans le comportement illégal.
ø de prise en compte la réaction des fraudeurs à une modification des incitations,
notamment elle ne prend pas en compte la capacité du fraudeur à s’organiser pour réagir à
une augmentation de la sanction. Ex : dans le domaine fiscal, on va avoir de l’évasion fiscale
qui renvoie au comportement illégal. On va avoir aussi des stratégies d’évitement fiscal, qui
entre dans le cadre de la légalité.
Cette théorie de la dissuasion elle nourrit un grand nombre de politiques judiciaires à
l’heure actuelle.
Il existe de nombreuses études empiriques qui valident effectivement la théorie
économique de la dissuasion. On a le plus souvent un effet en ce sens qui est marqué.
1.3.3. La description des comportements des agents
par l’économie du droit
?
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Séance 3 - jeudi 18 octobre 2012
1.4. Contestation et enrichissement de l’hypothèse de
rationalité
1.4.1. La contestation
Hypothèse de rationalité standard : contestation par les économistes hétérodoxes
au motif qu’elle ferait de l’homo œconomicus un être froid, égoïste, calculateur, asocial. Ça
ne permettrait pas de rendre compte de l’ensemble des comportements humains,
notamment de certains comportements apparemment irrationnel, p. ex. les
comportements altruistes.
Cependant BECKER et d’autres économistes ont réussi à intégrer le comportement
altruiste dans l’analyse économique.
1.4.2. Réponses et enrichissements
 Réponse de Milton FRIEDMAN.
Le propos de FRIEDMAN est de s’opposer à la critique d’irréalisme faite à l’analyse
néoclassique. L’économie est une science. Comme toute science, c’est à partir de la
confrontation aux faits qu’on peut juger de sa pertinence.  théorie -> expériences ->
validation de la théorie ou rejet -> si rejet -> recherche d’une théorie alternative.
FRIEDMAN en déduit que ce n’est pas sur le réalisme des postulats et des
hypothèses qu’il faut juger de la pertinence de l’analyse économique, mais sur sa capacité à
rendre compte de la réalité. En effet les hypothèses sont simplificatrices, mais elles
permettent de construire un modèle qui permet de rendre compte des comportements
réels observés dans la réalité.
C’est la confrontation aux faits qui donnera la validation de la théorie.
Pour illustrer son propos, FRIEDMAN va utiliser plusieurs exemples. Notamment, le
joueur de billard : celui-ci quand il joue son coup ne procède pas à des calculs de trajectoires
et d’angles : il n’est pas rationnel car il joue à l’intuition. Cependant à la fin, tout se passe
comme s’il y avait procédé.
L’analyse coût-avantage, l’agent ne la fait pas complètement, pas toujours, n’en a
pas toujours conscience. Cependant ses choix sont tout de même valablement décrits par
cette rationalité postulée.
« La question adéquate à poser concernant les postulats
n’est pas celle de savoir s’ils sont empiriquement réalistes, car
ils ne le sont jamais mais s’ils constituent des approximation
suffisamment correctes par rapport au but recherché ». –
Milton FRIEDMAN
 Enrichir et étendre le concept de rationalité
La 2ème ligne d’arguments serait de dire que les agents ont quand même une
certaine forme de rationalité. Des agents économiques vont essayer de trouver cela.
On veut montrer que certains comportements, a priori irrationnels, ne le sont
qu’en apparence. Idée : étendre, tordre suffisamment le concept de rationalité
économique, pour qualifier de rationnel des comportements.
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Deux manières :
On va reconnaître que la rationalité doit se distinguer de l’omniscience. L’homo
œconomicus n’est pas un puissant calculateur disposant d’informations instantanées,
parfaites, sans coûts. On fait sauter une hypothèse importante de la CPP.
P. ex. on va reconnaître que l’homo œconomicus peut se tromper, parce que
l’information est coûteuse. Dans certains cas, comme le calcul économique exige du temps
et de l’information et qu’il celui-ci est coûteux, dans certains cas l’agent va refuser de
supporter ce coût.
On repousse cependant l’analyse coût avantage plus loin. Le consommateur va
accepter d’investir en informations si le coût se compense par le gain espéré de la décision.
On part alors d’une situation d’ignorance rationnelle.
Exemple: le vote serait un acte rationnel. On va dire que dans certains cas, il est
rationnel pour l’électeur d’être ignorant, parce qu’il est trop couteux pour lui d’être informé
sur toutes les dimensions de son vote. Conséquence : les électeurs ne vont pas
complètement s’informer, et ils vont en partie voter sur la base de leur idéologie.
 Concept de rationalité limitée.
Ça va être une forme affaiblie de rationalité optimisatrice de l’analyse
néoclassique. Ce concept va être avancé par l’économiste Herbert SIMON.
La capacité de l’esprit humain à formuler et résoudre des
problèmes complexes est très réduite comparé à la taille des
problèmes — Herbert SIMON
Raisons à la rationalité limité :
  Complexité des facteurs : phénomènes naturels, progrès techniques,
évènements politiques et économiques  tout ça ensemble (imbrication).
Les agents économiques ne maitrisent pas les interconnexions entre tous ses
éléments, et ne peuvent pas prévoir par exemple tout ce qui est effets pervers.
  Incertitude : les agents ne peuvent pas optimiser leurs choix car ils ne peuvent
pas connaître l’ensemble des éléments en jeux et la totalité des actions possibles.
Conséquence :
Les agents ne vont pas rechercher un optimum (≠ à la rationalité optimisatrice) mais ils
vont simplement choisir la 1ère solution satisfaisant un certain nombre de critères fixés par
rapport au modèle de la réalité qu’ils se sont construits.
  Les contextes organisationnels. SIMON cherche à comprendre la différence
entre les décisions qui sont effectivement prises dans les organisations et celles qu’aurait
dicté un pur calcul optimisateur. Cela va l’amener à prendre en compte tout ce qui est p. ex.
jeux de pouvoir au sein des organisations, alliance, compétition, coopération,
antagonisme… Il va montrer que les organisations sont morcelées en sous-groupes, en souscoalition, qui peuvent avoir des intérêts et des objectifs divergents. Par suite, l’organisation
n’a pas d’objectif naturel. Mais son objectif c’est celui sur lequel les sous-coalitions qui la
composent peuvent, ou veulent bien s’entendre.
Corollaire : s’il n’y a pas d’objectif naturel, il va falloir amener les agents constitutifs
de l’organisation à agir dans un sens favorable aux objectifs sur lesquels ils se sont
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entendus. Pour cela, pour encadrer les comportements des uns et des auteurs,
l’organisation va mettre en place des procédures, donc un développement de la rationalité
limitée  développement de la RATIONALITÉ PROCÉDURALE. On va dire qu’un
comportement ou une décision est rationnel si elle est conforme aux procédures qui ont
permis sa production, conforme au modèle de la rationalité qu’on s’est construit.
On se comporte rationnellement dès lors qu’on est conforme au modèle de la
réalité qu’on s’est construit. C’est dans la lignée des travaux de Herbert SIMON. C’est une
idée beaucoup développe par un économiste contemporain : John ELSTER qui développe
beaucoup cette idée de rationalité procédurale.
En particulier, on va raconter l’histoire d’Ulysse et des sirènes. Ulysse se fait
acheter à un mât pour ne pas être entrainé dans les flots, mais pour quand même pouvoir
entendre le chant des sirènes. Par ailleurs il met des bouchons dans l’oreille de ses marins
pour éviter qu’ils n’entendent le chant. ELSTER donne une relecture de cette histoire. Il dit
que ce sont des histoires de rationalité procédurale. Il dit que ça permet à Ulysse
d’atteindre des objectifs qu’il s’est fixé : ne pas se noyer, et entendre le chant des sirènes,
puis à long terme de rentrer chez lui. Au regard de la façon dont il se représente le monde,
les deux procédures sont deux décisions rationnelles. De rationalité procédurale : ce sont
des procédures qui vont contraindre la prise de décision Ulysse. Sans ces décisions, Ulysse
aurait pris ensuite une mauvaise décision : il aurait pris la décision de sauter par dessus bord
et de se noyer. Ça lui permet d’être rationnel au regard de ses objectifs, sa propre
préservation.
L’idée de la rationalité procédure s’applique dans les entreprises par p. ex. le
contrôle hiérarchique, la limitation du pouvoir de décision…
Maintenant : développements plus récents pour enrichir la conception économique
de l’homo œconomicus de façon à en faire un homo sapiens. On va essayer non plus
d’appliquer l’économie à d’autres sciences sociales comme dans la tradition bekerienne,
mais maintenant s’intéresser aux autres sciences sociales pour les intégrer à l’analyse
économique.
À cet égard on parlera d’une économie « inspirée ». -> Référence à l’ouvrage d’un
économiste de Bruno FREY. Son idée c’est d’introduire des motivations psychologiques dans
les décisions de l’agent. Ça va donner lieur à de l’économie comportementale. Celle-ci a
une déclinaison directe en économie du droit : éco du droit comportementale / behavioural
law and economics
Il faut dissocier les motivations extrinsèques et intrinsèques
-> motivation extrinsèque : appliquées à l’agent en dehors de cet agent, typiquement
toutes les incitations, p. ex. monétaires : on travaille pour avoir un salaire. Également les
sanctions de type amende, prison. Ce sont des incitations de type extrinsèque. On fait
quelque chose du fait d’une menace extérieure. -> analyse économique du droit standard.
-> motivation intrinsèque : qui sont liées à l’agent de façon interne, p. ex. sa
sensibilité à autrui (= principe de sympathie). Ça peut être sa moralité personnelle, son
éthique. Ça peut être aussi ses émotions.
Cette approche comportementale a été décriée parce qu’en fait, les opposants disent
que c’est du coup par coup. On met en évidence de comportements anormaux // à
l’hypothèse standard de rationalité. On ne donne pas de contre-modèle plus global.
Du coup les tenants de l’approche standard essaie de montrer que les apports de
l’économie comportementale peuvent être intégrés à leur modèle standard.
 Intégration de la sociologie
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La sociologie peut apporter à l’économie. Il s’agit d’intégrer les normes sociales à
l’analyse. Ex : les travaux d’Éric POSNER. L’idée c’est de comprendre pourquoi les normes
sociales induisent chez les individus des comportements qui peuvent être contradictoires
avec l’hypothèse de rationalité.
2. CONSEQUENTIALISME DE L’ECO DU DROIT ET EFFICACITE
2.1. Conséquentialisme et évaluation du droit
L’éco du droit = projet d’évaluation des règles de droit. Tout projet d’économie du
droit c’est d’évaluer les règles de droit par leurs effets sur la société dans son ensemble.
C’est en ce sens qu’on parle de « conséquentialisme » de l’économie du droit. À savoir, on
s’intéresse aux effets des règles sur le comportement et sur les choix. En ce sens,
l’économie du droit va fondamentalement de deux approches : du positivisme juridique
puisque celui-ci considère qu’une règle est légitime du simple fait qu’elle est produite par
les autorités légitimes pour la produire.
C’est différent de l’approche déontologique qui considère que la valeur d’une
action ou d’un comportement réside dans cette action ou dans ce comportement même et
pas dans ces conséquences.
Le projet c’est d’évaluer les conséquences d’une règle de droit. Donc, l’idée c’est
d’évaluer économiquement les règles de droit. La production du droit ne peuvent pas être
réalisés avec les ressources du droit (-> Richard POSNER).
Finalement le droit et les juristes ne peuvent pas grand chose sans les économistes.
« Le droit n’est pas une discipline autonome en ce sens qu’il
ne permet pas sans aide extérieure de produire des décisions
juridiques qui ne soient pas simplement des jugements de
valeur. » — R. POSNER
« Le droit manque de technique convaincantes pour trancher
les différends autrement que par la force ou quel qu’autre
méthode non analytique équivalente de résolution des conflits
tel que le vote ». — R. POSNER
 « Lorsqu’on adopte une approche pragmatique du droit, les résultats sont blessants
pour l’amour propre des juristes puisque le droit ne s’avère incapable de traiter un certain
nombre de questions cruciales sans l’appui d’autres disciples » notamment la science
économique. »
 Il existe de nombreuses questions juridiques où les juristes traditionnels ne peuvent
pas traiter sans en déférer aux experts d’autres disciplines.
Le droit n’est pas une discipline autonome.
L’économie du droit va devoir fournir aux juristes des critères d’évaluation pour leur
permettre de fonder leur décision.
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Le droit comme ensemble de règles existantes ne fournit pas systématiquement au
décideur de quoi étayer son choix, c’est le cas en particulier lorsqu’il n’existe aucun
document juridique (texte de loi, précédents) pouvant aider les juges à prendre leur
décision.
Du coup il peut exister des vides juridiques, donc l’économie doit dans ce cas
proposer au juge des critères de production de décisions.
2.2. Quels critères d’évaluation ?
2.2.1. Les critères économiques traditionnels
En économie, le critère essentiel est un critère d’efficacité allocative qui cherche à
empêcher le gaspillage de ressources rares. Pour déterminer des situations efficace
socialement, on détermine les fonctions de bien être social. Évidemment, ces fonctions de
bien être ont fait débat.
J. BENTHAM : le bien être social est une fonction des utilités individuelles des différents
membres de la société. On parle de fonction utilitariste puisque l’utilité totale de la société
va être sensible à la variation de bien être des chacun des membres de la société.
W= U1+ U3 + U3+…+ Un
Le problème de ces fonctions de bien être social c’est qu’elles posent le problème
de la définition proprement dite .
J. NASH p. ex. va considérer que la fonction est multiplicative : W= U1.U3.U3. … .Un
Pour BERGSON-SAMUELSON : ø de forme particulière de la fonction de bien être
sociale.
Ce genre de fonction de bien-être social est de relativement peu d’aide pour
l’économie du droit et pour le juriste qui veut prendre une décision efficace.
S’ajoute à cela, au delà de la fonction de bien-être social, d’autres débats.
- Sur quel ensemble l’agrégation doit-elle s’effectuer ? -> p. ex. prend-on seulement les
individus vivants ? les générations futures aussi ?
- doit-on distinguer plusieurs utilités, p. ex. (J.S. MILL) entre les utilités intellectuelles et
celles matérielles…
 On va se tourner vers ce qu’on appelle la nouvelle économie du bien être.
Originalité : dire que les utilités individuelles ne sont pas mesurables. Donc en fait, ça
veut dire qu’à partir de l’utilité cardinale qu’on avait jusqu’à présent, on va recourir de
préférence au concept d’utilité ordinale. Ce sont des niveaux d’utilité qu’on peut classer,
mais on ne peut pas mesurer combien d’unité d’utilité chaque panier de bien rapporte.
On va utiliser le critère de PARETO. Il va simplement dire qu’une situation est plus
efficace qu’une autre compte tenu des dotations initiales données, impossible d’augmenter
le bien être d’un individu sans diminuer le bien être d’un autre individu. On obtient donc
dans ce cas un optimum de PARETO. Cette efficacité particulière est qualifiée d’efficacité
parétienne.
Remarque : une telle situation n’est pas nécessairement juste. Il est possible,
notamment, que la recherche de règles juridiques au sens de Pareto soit contradictoire avec
d’autres principes de l’éco du droit comme la justice sociale.
 dilemme efficacité / équité
Le critère de Pareto peut être lui aussi faiblement opérationnel pour l’économie du
droit. En fait, il va représenter un critère conservateur qui permet de conserver les
situations acquises.
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Le critère de KALDOR-HICKS va être utile pour l’économie du droit. C’est une forme
de critère dégradé de Pareto. L’idée était la suivante : qu’une situation va être efficace au
sens de KALDOR-HICKS si ce changement fait en sorte que les gains de l’ensemble des
individus affectés soient au moins positifs ou nuls.
Le critère de KH exige une compensation potentielle des perdants. Il suffit, en d’autres
termes, que le gain retiré par les gagnants du changement soit suffisamment élevés pour
compenser potentiellement les pertes des perdants pour que le changement ait lieu.
La compensation n’a pas besoin d’être effective, elle peut rester potentielle si les
gagnants ne compensent pas réalité les perdants. Pour autant le changement aura lieu (la
décision sera prise, etc).
Le critère KH est plus souple que le critère de Pareto. C’est pour ça que quelques
fois qu’on parle pour le critère KH de critère Pareto-faible. Chez Pareto, pour qu’un
changement ait lieu, les perdants doivent être compensés de leur perte par les gagnants.
Chez Kaldor-Hicks, il suffit que les gagnants gagnent plus que ce que perdent les perdants et
qu’ils les compensent. On a un déplacement par rapport à Pareto. C’est moins statique.
Pour que la compensation ait lieu, la puissance publique et en général le système
judiciaire doive intervenir pour mettre en place des transferts. Ça peut se mettre en place
via un système de subventions, d’impôts, de compensations diverses…Un Kaldor Hicks
compensé revient à un Pareto. Dans la réalité, les transferts compensatoires ne sont pas
systématiquement effectués. Et ceci est particulièrement le cas lorsque les effets
redistributifs sont négligeables : on considère que ça ne vaut pas la peine d’organiser le
transfert de manière globale de façon autoritaire. C’est également le cas lorsque les effets
redistributifs sont désirables du point de vue des objectifs que la collectivité s’est donnée.
Ce critère de KH va largement alimenter l’analyse économique du droit. Il va être
utilisé comme légitimation du critère de maximisation de la richesse.
Séance 4 – jeudi 25 octobre 2012-10-25
2.2.2. Le critère de maximisation de la richesse (CMR)
Ce critère va reposer sur une large utilisation du principe de KH puisque dans l’idée
de maximisation de la richesse, l’idée de consentement va être centrale, et que ce
consentement s’appuiera la notion de compensation potentielle, qui est celle du critère de
KH.
Toutefois le critère de maximisation de la richesse se distingue du principe de KH,
on va considérer qu’une transaction est désirable dès lors qu’elle accroit la richesse de la
société. Elle va se définir comme la somme de l’ensemble des biens et services tangibles et
intangibles définis en termes monétaires ou équivalents.
La richesse est définie sur une base monétaire, on suppose que toute préférence
peut se traduire en termes monétaires (c’est une des critiques de ce critère).
Ou encore, chaque individu est capable d’évaluer les conséquences monétaires
d’une transaction donnée.
Ce qui nous intéresse : l’objectif est de maximiser l’utilité globale.
Le CMR ≠ utilitarisme classique  car le CMR repose sur l’idée de consentement des
individus. Donc il ne repose pas sur un objectif global de maximisation du bien être social.
Une décision sera efficace uniquement si les agents affectés par cette décision consentent à
cette décision.
En d’autres termes, il ne suffira pas pour que cette décision soit efficace qu’elle
augmente de façon globale le bien être sociale au risque de défavoriser des individus du
groupe.
13
Idée : le consentement des individus va donner une indication de la valeur des
biens. Cette valeur sera déterminée non pas comme un prix de marché mais sous la forme
d’une disposition à payer des individus. C’est l’équivalent de ce que l’économie appelle un
prix de demande  le prix que les individus sont prêts à payer pour obtenir un bien.
Parallèlement on définira également une disposition à accepter une compensation,
qui est quelque fois qualifiée de « prix d’offre » et qui indique ce que les agents sont
disposés à accepter pour céder un bien ou service qu’ils possèdent. Concrètement si on
reprend le schéma traditionnel d’un marché standard avec les prix en abscisses et les prix en
ordonnée, on a une offre et une demande. L’économie du droit nous dit que le P d’équilibre
sur le marché ne sera pas le prix d’échange mais le prix de disposition à payer de l’agent sur
le marché.
Une richesse qui certes a une définition quelque peu restrictive car elle est
considérée pouvoir s’exprimer sans problème dans une forme monétaire, mais un calcul de
la richesse qui prend explicitement en compte l’avis des individus et non pas un prix de
marché.
Résumé : la richesse de la société ne comprend pas seulement sa valeur marchande,
c’est-à-dire le produit (Prix X Quantité) de tous les biens et services fabriqués dans la
société, mais aussi le surplus total des consommateur et des producteurs engendrés par ces
biens et services.
 La définition du marché qui est adoptée est particulièrement large, puisque cette
définition est étendue à deux types de marché :
 Les marchés implicites : lieu d’échange de biens et services dont la valeur peut être
monétisée par référence à des substituts vendus sur des marchés explicites.
Ex : le marché de la santé, en tant que tel, n’est pas un marché sur lequel on a un prix. Le
bien « santé » ne se voit pas associé immédiatement un prix. En revanche, on peut donner
une valeur et un prix au bien santé en se référant à des marches explicites, parallèles, sur
lesquels ont vend des produits qui contribuent à entretenir la santé.
Ex 2 : marché comportant des externalités, comme du bruit. Il n’existe pas de marché où
on peut acheter ou vendre du bruit, mais on peut donner une valeur au bruit, car on peut
sur des marchés parallèles, explicites, acheter des biens pour prévenir contre le bruit. Ça va
attribuer la valeur qu’on donne au bruit, donc qu’on donne à un environnement calme. On
n’a pas de marché explicite, mais on peut approximer un prix en retrouvant la valeur sur des
marchés parallèles qui donnent des indications de ce qu’on est disposé à payer pour obtenir
ce bien.
 Les marchés hypothétiques. On se réfère aux cas des échanges involontaires. C’està-dire des échanges qui ne se produisent pas sur des marchés en tant que tel (des marchés
explicites) puisqu’il n’y a pas de la part des agents de volonté d’entrer dans un processus
d’échanges, parce que sur ces marchés hypothétiques, les coûts de transaction sont trop
élevés et découragent donc la négociation privée. C’est un concept dû à Ronald COASE. Au
moins dans la définition de COASE, ce sont les coûts de recours au marché : le coût
d’identité, p. ex. le partenaire commercial avec qui on va échanger, le coût de négocier les
conditions d’échange, le coût de faire appliquer l’échange tel qu’on l’a négocié.
14
Exemple de marché hypothétique : le marché sur lequel on échange des accidents.
Si un agent blesse un autre, on peut difficilement dire que l’échange entre les deux agents,
que cet échange soit volontaire. P. ex. si un agent casse la jambe d’un autre agent, on ne
peut pas dire qu’il y a un marché où on achète à l’autre agent de lui casser la jambe.
Dans ces cas là l’échange n’est pas volontaire. Faire mettre les agents d’accord sur
le marché, les coûts seraient trop importants. Au final, dans ces situations les agents ne
peuvent pas se mettre d’accord sur un prix commun. Donc, par suite, cela empêche la
réalisation effective de la transaction. Qui reste de fait une transaction hypothétique.
Dans ce cas, sur les marchés hypothétiques il faut avoir recours à une instance
tierce, pour déterminer le prix de réalisation de la transaction. Cette instance tierce, ce sera
p. ex. le juge. Ce prix permettra la réalisation effective de la transaction dans la mesure où
le tribunal déterminera le dédommagement, c’est-à-dire le prix à payer.
On dit que le juge imite le marché. On dit quelques fois, qu’il « mimic the market ».
L’analyse éco du droit est ancrée dans une tradition de common law avec une
production de droit qui est assez largement de nature jurisprudentielle.
L’idée est de rétablir une forme de transaction, pas totalement volontaire, mais rétablir
une idée d’échange.
Les avantages du critère de maximisation de la richesse :

Le CMR préserve les droits individuels : compte tenu de la nécessité d’un
consentement, on ne sacrifie pas les intérêts individuels à l’intérêt social. Ex : un assassin
qui assassine un individu qui mène une vie misérable. Si on applique un critère utilitariste
traditionnel, où ce qu’on maximise c’est le bien être global, on peut dire que d’une certaine
façon, avec le critère d’utilitarisme général, l’assassin est utilitariste, il augmente l’utilité de
la société. L’assassin est efficace au sens de l’utilitarisme classique.
Mais il ne le sera pas au regard du CMR, car avec ce critère, il va falloir demander le
consentement de la personne pour l’assassiner. L’assassin ne pourra pas dédommager la
personne. Via le CMR on a une préservation des droits individuels qu’on n’a pas avec
l’utilitarisme classique.

Le CMR préserve les droits des groupes. On ne sacrifie pas les droits de certains
groupe au bonheur total. Même raisonnement : avant de sacrifier des groupes, il faut
acheter leur consentement. Il est alors probable que le consentement coûte trop cher pour
les « bourreaux » et que donc le groupe ne pourra pas être sacrifié.
Ex : relecture économique des génocides via cet argument.
Le CMR écarte les risques de comportements asociaux, puisque ce sont les victimes
potentielles qui déterminent elles-mêmes le niveau de compensation qu’elles souhaitent
obtenir.

Le CMR a des vertus incitatives fortes. Comme il est basé sur la richesse monétaire,
il incite à l’effort, il faut acquérir de la richesse pour pouvoir acheter des consentements.

Vertus de « justice social » (≠ Rawls) dans la mesure où en mettant l’accent sur les
droits individuels, il implique la création de droits exclusifs, étendus à l’ensemble des choses
rares allant de la propriété personnelle et de la propriété réelle jusqu’au corps humain ou
encore aux idées.
15
Ce sont les individus qui valorisent le plus le droit qui se les approprient par
application du CMR
Ça va justifier un système de propriétaires naturels. Dans ce sens, on va conclure
que « law and economics is moral » (POSNER). Dans le sens où elle rejoint les attentes de
l’économie rejoint la morale.
Critiques :
Cependant ce critère a fait l’objet de contestations importantes de la part de juristes, de
philosophes du droit, et même d’économistes.
L’hypothèse monétaire des agents est restrictive. Toutes les préférences ne
peuvent pas être exprimées sous forme monétaire.
Hypothèse de rationalité des individus.
Critique // à la mise en pratique du CMR. En disant que malgré tout, il existe des
situations où il est délicat d’évaluer les dispositions à payer et à accepter des compensations
des agents. En particulier dans les situations impliquant des risques de blessure et de mort.
Le CMR ne prend pas en compte l’existence de droits inaliénables. En d’autres
termes, tout choix, aussi inhumain soit-il, est considéré comme possible dès lors qu’il
s’appuie sur une transaction (même hypothétique).
Ex : transaction sur les droits de l’homme. On dirait que ce sont des droits
fondamentaux, substantiels de l’humanité, et à côté de ça on aurait une vision très
économique, qui dirait que si les individus sont d’accord pour faire des transactions sur les
droits de l’homme, mais après tout pourquoi pas.
Les choix guidés par le critère de maximisation de la richesse s’effectuent en réalité
sous la contrainte de la distribution de droits existants. Ça va impliquer que la capacité des
agents à acheter des consentements va dépendre de leur richesse ou de leur dotation
initiale. Par suite, si l’allocation initiale des dotations ou des droits est injuste, alors le CMR
va perpétuer les injustices. En d’autres termes, ce CMR ne comporte aucune préoccupation
pour l’inégalité.
Assouplissement progressif du CMR qui va être de moins en moins justifié par ses
partisans, mais justifié de manière de plus en plus pragmatique. Concrètement, on va moins
discuter de ses implications en termes de droits individuels, droits naturels. Il est de moins
en moins justifié éthiquement, et de plus en plus discuté de façon pragmatique.
On a de + en + privilégier le principe de consentement, plutôt qu’une version
stricte, dure du CMR.
16
CHAPITRE 2. ANALYSE ECONOMIQUE DE LA
PRODUCTION DE DROIT PAR LES JUGES
Le droit est un mode de coordination des agents. Alors il y a une première question qui
va se poser : s’agit-il d’un ordre spontané ou d’un ordre construit ? L’analyse éco va
proposer deux modèles explicatifs de l’origine des règles de droit.
1ère modèle : conception ascendante de la justice et du droit  « bottom up ».
2nde modèle : conception descendante de la justice  « top-down ».
Ces deux modèles décrivent deux types de système de juridique. D’une part, les
système de droit coutumier. Et d’autre part, les autres systèmes. On entend par là, les
systèmes de common law, et d’autre part les systèmes de droit civil (systèmes continentaux,
droit romano-germanique). Ces ≠ systèmes correspondent à des conceptions différentes du
juge. Ce sont ces conceptions du juge que l’on va étudier successivement sous l’angle
économique.
I. L’ANALYSE ECONOMIQUE DES SYSTEME DE DROIT
COUTUMIER
1ère question : quels modèles économiques peut-on mobiliser pour analyser l’émergence
et l’apparition des coutumes ?
2nde question : quels sont les avantages et inconvénients de ces systèmes ?
1.1. Les coutumes comme fondements du droit
Coutume : règles tacites qui n’ont pas besoin d’être formulées explicitement pour
exister.
On peut les définir comme des conventions, pour les distinguer en ce sens des
institutions, qui seraient des règles plus formelles et qui seraient d’avantage dans la
tradition du contrat social dans la tradition de Rawls, Buchanan, Rousseau.
Cependant de plus en plus, on utilise le mot « institutions » comme terme englobant
dans lequel on met les institutions formelles et informelles. Les individus n’ont pas décidé
explicitement de créer les coutumes ou de les inventer afin de les imposer à une
communauté d’individus.
Les coutumes sont au contraire des règles qui émergent spontanément de la
répétition des interactions entre individus, lorsque les individus font face à des problèmes
récurrents. Elles résultent donc d’un processus d’essai et d’erreurs  « trial and error
process » Cela conduit les individus, à terme, à l’adoption de solutions identiques,
partagées. Ces solutions donnent naissance à ce qu’on appelle des régularités
comportementales.
Le terme est notamment utilisé par un économiste, spécialiste des conventions, qui
s’appelle SUGDEN. Elles deviennent ensuite des précédents historiques, avant de se
transformer enfin en règle coutumière. Personne n’a cherché à imposer son mode de
comportement, mais chacun utilise une même règle parce qu’il sait que l’autre l’utilise.
Les coutumes se présentent comme règles de connaissances communes. C’est ainsi
qu’elles sont définies par deux auteurs : SCHOTTER & LEWIS.
17
La règle va pouvoir s’analyser comme un « club juridique » ( -> théorie
économique des clubs). Rappel : un bien de club = concept d’éco publique, c’est une forme
particulière de bien collectif. On va rappeler les caractéristiques d’un bien éco pur : non
exclusivité et non rivalité. Un bien de club ça va simplement être un bien collectif impur,
impur parce que ne satisfaisant pas les conditions du bien public pur : on peut en exclure
certains consommateurs de l’utilisation, en organisant p. ex. un péage à l’entrée, un droit
d’entrée, un abonnement…
C’est un bien qui va rester non rival. (Déf° : la consommation pour un agent ne
réduit pas la consommation des autres agents -> le bien reste disponible pour les autres
consommateur.)
La règle va fonctionner comme un club juridique. À savoir : il va s’agir d’un bien
collectif non rival. L’intégralité de la règle doit pouvoir être consommée par l’intégralité des
consommateurs. Mais en revanche, il va être possible d’exclure certains consommateurs de
la consommation de la règle.
L’ensemble des agents s’étant accordé sur un comportement standard avec pour
effet une réduction de l’incertitude qu’il supporte dans les transactions avec les autres
membres du même club, donc une facilitation des échanges, donc un accroissement de
l’efficacité économique.
Ex : si on s’entend sur l’ensemble des règles commerciales communes, on va
pouvoir échanger, faire des transactions moins risquées, plus enrichissantes. Ex : la lex
mercatoria, qu’on peut mettre progressivement en place par les marchands.
Ce club juridique par ailleurs résulte des externalités d’adoption.
Externalité : c’est l’effet d’une activité impliquant initialement deux ou plusieurs parties
à une transaction qui produit en outre des effets involontaires sur des tierces parties.
 Externalité d’adoption : ça va être l’externalité subie par les tierces parties, en
particulier les autres consommateurs de l’adoption par un agent particulier d’une certaine
règle. Pour le dire autrement : quand on adopte une certaine règle juridique, ça va avoir des
effets sur d’autres agents.
Séance 5 – jeudi 8 novembre 2012
 Externalité d’adoption directe : l’utilité retire de la consommation de la règle par un
de ses utilisateurs va dépendre positivement du nombre des autres utilisateurs. Cette
notion d’externalité elle a été développée pour des réseaux techniques, comme la
téléphonie. Elle existe aussi pour des réseaux juridiques. En effet, la règle de droit va
fonctionner comme une technologie.
Par conséquent, des externalités d’adoption lui seront associées. Plus le nombre
d’utilisateurs d’une règle est important, plus les coûts de transactions supportés par les
utilisateurs dans son utilisation sont faibles. En effet le partenaire commercial utilise la
même règle, donc les dispositions d’un contrat seront plus faciles à déterminer.
Cela encourage le développement des échanges. L’économie du droit va prévoir
que la croissance et le développement économiques seront plus importants -> idée reprise
et développée par la macroéconomie du droit dans les années 2000. On montre que la
qualité de la règle de droit est un facteur explicatif de la croissance, à côté des autres
facteurs traditionnels.
18
 Externalité d’adoption indirecte : plus le nombre d’utilisateurs adoptant une
technologie est élevé, plus les offreurs sont incités des produits compatibles avec cette
technologie, plus ils sont enclins à offrir des produits interopérables.
En conséquences : qualité générale du service accrue pour les consommateurs.
Si les consommateurs de règles adoptent en grand nombre une règle donnée,
l’incitation à produire et à adopter des produits juridiques compatibles est élevé. Ex : des
dispositifs juridiques précisant l’application de cette règle de droit, ou encore des règles
juridiques complémentaires, de façon à bénéficier de ce que l’économie du droit appelle
complémentarités institutionnelles.
Des dispositifs du droit du travail vont accompagner certains dispositifs de droit
financier qui vont accompagner certains dispositifs de droit des sociétés. C’est une incitation
à mettre en place un droit du travail cohérent avec ce droit des sociétés.
Compte tenu de ces externalités d’adoption, chaque individu a intérêt à rejoindre
le club juridique auquel est associé le plus grand nombre de membres, pour autant que ce
club n’ait pas encore atteint sa taille optimale. Risque si taille optimale atteinte : perte
d’efficacité du fait de effet de congestion / effet d’encombrement.
Du coup, il va y avoir une path dependence (dépendance au sentier, dépendance à
la trajectoire).
Ce terme signifie que la taille passée du club est importante, en ce qu’elle
détermine la taille présente et donc la taille future du club. Donc sa taille anticipée.
Autrement dit : c’est parce qu’une technologie a été adoptée par le passé, qu’elle est dans
le présent, et qu’elle le sera dans le futur. On est en présence d’un effet auto-renforçant ou
un effet cumulatif ou encore un effet boule de neige.
En pratique, ce qui déterminera le décollage ou non d’un club juridique, c’est le fait
qu’à un moment donné du temps ce club regroupe un nombre suffisant d’agents pour
inciter d’autres agents à adopter la règle. L’adoption de cette règle peut se faire y compris
lorsque les agents n’ont pas, individuellement, une préférence pour cette règle mais
auraient à titre privé préféré une règle avec un autre contenu.
Pour autant, la perte d’utilité privée qu’ils subissent du fait du choix d’une règle
différente de leurs préférences privées peut être compensé par les gains retirés des
externalités d’adoptions liées à la règle choisie.
Dans ce système de coutumes, la normativité des coutumes est indépendante d’un
système de sanctions. L’intervention de l’État n’est pas nécessaire dans ce système, en effet
les individus respectent les règles qui ont émergées de leurs interactions parce qu’ils
anticipent que les autres individus vont également les respecter. Dans ce cas, tous utilisent
la convention parce qu’elle permet de faire des anticipations stables sur le comportement
d’autrui et également d’influencer ces comportements.
Les conditions d’émergence des coutumes
Une coutume ne peut émerger qu’à la condition qu’un nombre suffisant d’individus
respectent et utilisent la coutume.
On peut le représenter graphiquement en se posant la question suivante : qu’est ce
qui fait qu’en présence de certaines régularités comportementales certaines deviennent des
coutumes et d’autres non ?
19
Offre croissante en fct° de la
taille du club. Particularités: qui sont
les offreurs de droit? Ce sont aussi
les consommateurs de la règle car
membre du club J. Ils sont offreurs //
à ceux qui n’ont pas encore adopté
la règle.
Tout d’abord on considère que le
P de la règle est élevé. Ex: coût de
raccordement au réseau, cout
d’achat d’un équipement. Ou encore le cout de migration d’une règle à l’autre. Ex: pour les
entreprises le C du passage d’une norme comptable à une autre. On va considérer que la
demande est relativement faible. Cmt représenter la demande? -> on la fait en rouge
Au début; le club n’est pas attractif pour ceux qui ne l’ont pas rejoint. On va représenter
une demande de manière qu’au début; il n’y a pas grand chose car le club est petit. Ensuite,
le club est rejoint par quelques personnes très riches.
Rq: équilibre au point 0.
Pour une raison ou
une autre, on va avoir
un petit m, qui est le
nombre d’adhérents
au club qui est atteint.
Idée de « m » : masse
critique. On peut la
définir comme la taille
du réseau à partir de
laquelle se produit un
effet déclenchant et à
partir de laquelle de plus en plus d’agents sont attirés par le club et les externalités
d’adoption, qui leur sont associées.
First adopters: ils décident d’adopter une tech alors même que les externalités sont
faibles. Ils ont en fait une préférence privée très forte pour cette règle. Ça justifie leur
adhésion: ils gagnent beaucoup en terme d’utilité privée à adopter cette règle.
Ces quelques agents vont contribuer à lancer un mvt. -> début d’incitation à rejoindre le
club. Ce début d’incitation va se traduire par quelques agents, jusqu’à « m ».
S: il est mieux parce qu’il est plus efficace. Il est également plus stable. Car quand on est
à S, on ne peut pas s’en éloigner durablement vers la droite. La demande est insuffisante
pour soutenir l’offre. on reviendra vers S.
Alors que si on est à gauche, à M, on n’a pas encore atteint la taille optimale. Des agents
sont encore incités à adopter la règle. Elle va alimenter l’offre. On se déplace vers S. L’offre
doit être revue à la hausse.
Entre 0 et M, la demande est insuffisante pour soutenir l’offre. L’offre doit être revue à
la baisse. M constitue un équilibre mais un équilibre instable, car si on s’éloigne, on s’en
éloigne de manière irréversible vers l’équilibre zéro si on s’en éloigne vers la gauche, et on
s’en éloigne vers S si on s’en éloigne vers la droite, puisque dans ce cas, la demande
anticipée nourrit l’offre jusqu’à l’égalisation entre offre et demande.
20
Si M = éq instable alors 0 et S sont des équilibres stables. On les qualifie d’état
absorbant, puisqu’ils absorbent ce qui est autours.
Ces schémas expliquent pourquoi toutes les irrégularités de comportement ne
donnent pas naissance à des règles coutumières.
Il existe un seuil critique à atteindre pour que les coutumes puissent apparaître.
Ce seuil constitue une condition suffisante. Mais on a également une condition
nécessaire pour l’émergence des coutumes. -> l’environnement dans lequel les interactions
entre les individus prennent place doit être non conflictuel, donc pacifique.
Pour que les individus puissent répéter les interactions il faut qu’ils aient envie de les
répéter. Cette volonté de répétition requière de la confiance.
Cette confiance existe si les préférences individuelles sont alignées.  théorème
d’alignement (de Robert COOTER). Dans ce contexte, cela signifie que les individus ont une
position claire et identifiée dans le jeu, et leurs préférences sont connues.
1.2. Le fonctionnement des systèmes de droit coutumier
1.2.1 Le rôle du juge et les conflits
Environnement coopératif. Cela ne signifie pas qu’il n’y a jamais de conflits. Des litiges
peuvent apparaître pour plusieurs raisons.
1ère raison : les individus ont des référentiels différents, car ils appartiennent à des clubs
juridiques différents. Le litige va concerner une règle coutumière qui n’est pas parfaitement
identifiée. Dans ce cas, dans les systèmes coutumiers, on va recourir à une tierce personne
pour résoudre ce litige. Cette personne c’est le « juge ».
Le juge est considéré comme un médiateur, comme un arbitre. Son rôle n’est pas
de créer une nouvelle règle. Son rôle c’est de chercher dans l’ensemble des coutumes et des
règles qui existent, celles qui sont susceptibles de s’applique au cas concerné.
La qualité du juge, c’est son expérience, c’est sa réputation. Mais ce n’est pas sa
rationalité -> il n’est pas conçu pleinement comme un agent économique rationnel
maximisant une fonction d’utilité (ce qu’il sera dans la prochaine conception du droit que
nous verrons plus tard). C’est simplement un arbitre, chargé de départager des demandes
concurrentes des parties au conflit sur la base d’une coutume qu’il doit identifier. Le juge,
dans ce cas de figure,
doit connaître un nombre suffisant de cas pour trouver les solutions qui
s’appliquent.
Le juge doit connaître les règles, et des litiges antérieurs.
Ensuite, il doit être connu et accepté par les parties.
De ce système de droit, on a un nombre d’illustrations assez important. Conceptions du
juge les plus anciennes :
1) C’est la conception du juge qui prévaut dans les sociétés primitives. L’éco du droit =
construction intellectuelle anglo-américaine. Rq : ex qui revient toujours = indiens
d’amérique, qui fonctionnent sur un système de médiation de ce type.
2) La deuxième conception c’est le juge de la common law dans la GB traditionnelle
entre le 16ème et le 18ème siècle.
3) Et enfin, il y a plus près de nous, ce modèle de juge fait penser aux arbitres en droit
commercial.
21
1.2.2. Avantages et inconvénients
Avantages :
La formation du droit coutumier correspond à un mode décentralisé de « production »
de droit.
Et, en ce sens, on attend de ce droit qu’il soit flexible et qu’il s’adapte plus ou
moins rapidement aux besoins des parties et de la société.
Dans un tel système de droit, il n’y a pas de monopole de la production de droit par
une entité spécifique. En particulier, par un État central. On attend de ce droit, qu’il soit
efficace au sens de correspondre aux besoins des parties, de la société. Et plus imperméable
aux lobbyings des groupes de pression que le droit législatif.
Rq : école du « public choice » vise à donner une lecture économique de la décision
politique. Les demandeurs ce sont des groupes de pression, et les offreurs ce sont les
administrations, les législateurs. Idée : les groupes de pression vont acheter aux
producteurs de droit des dispositions juridiques qui leur sont favorables, en échange
notamment de soutien électoral.
Dans cette ligne d’analyse, le droit est sensible aux intérêts particuliers, qui ne
maximise pas forcément le bien être social. Dans les débats de l’École des choix publics et
de l’analyse éco du droit plus axée sur le juge. Idée : les ≠ types de formation de droit
correspondraient à des performances ≠ de l’efficacité du droit pour la société.
Enfin, les règles sont peu couteuses à faire respecter parce qu’elles se créent dans
les interactions interindividuelles, qu’elles émergent des pratiques des individus. Et que de
ce fait, elles sont acceptées dans la pratique.
Inconvénients :
…plusieurs inconvénients non notés
problème d’information, problème de connaissance de la coutume. Solution
possible : codification.
délimitation géographique de la coutume
problème du passager clandestin, dans ce cas le risque c’est que les
comportements conflictuels deviennent la règle. Qu’il y ait disparition de la confiance et que
donc les règles coutumières ne puissent plus émerger. Solution : recourir à un droit plus
formel.
Un 2ème problème c’est que on souligne l’importance de la confiance pour que la
coutume puisse émerger. Et dans certains cas, l’environnement n’est pas coopératif. Dans
ce cas, les règles coutumières ne vont pas pouvoir émerger.
Question des interactions entre individus appartenant à des clubs différents.
* Problème de conflits de règles.
* Connaissance de la coutume qui s’applique. Coutume = tacite. Il n’y a que
l’observation des comportements qui peut renseigner le nouvel entrant. Cet apprentissage
ne peut se faire que par la pratique. Cet apprentissage peut être couteux.
Codification = Remède aux inefficacités du droit coutumier. Idée : c’est de dire qu’l peut
exister des asymétries d’information entre les parties. Du coup, cette situation va conduire à
une inefficacité, qui va prendre deux formes.
* Une 1ère forme : ce qu’on appelle l’inertie juridique.
* 2NDE forme : instabilité juridique.
22
 L’inertie : situation liée à une incertitude des agents sur la volonté des autres agents
d’appliquer ou pas la coutume. Idée : l’information des agents est imparfaite quant aux
préférences des uns et des autres sur les règles. Problème : un agent peut ne pas avoir
d’incitations suffisantes à adopter une règle quand il n’est pas certain que les autres vont
faire pareil. Dans ce cas, comme il est incertain quant au fait de profiter ultérieurement des
gains associés aux externalités d’adoption, il peut refuser de supporter les coûts de
changement, ce qu’on a appelé les fameux « switching costs ».
Conséquence : persistance de la coutume en place / du statut quo même si celui-ci
est inefficace. C’est-à-dire que même si dans la situation informée les agents auraient tous
préféré changer de règle.  Situation de « lock-in », dans une règle coutumière inefficace.
Du coup il peut persister une situation de diversité juridique, à savoir que les
agents ne vont pas tous migrer vers la même coutume et donc de bénéficier des
externalités d’adoption correspondante puisque leur incertitude quant au comportement
des autres les incites à maintenir le statut quo. En conséquence de quoi la diversité
juridique ne résultera pas d’une préférence sociale pour la diversité mais simplement du
coût du changement de règles alors même que dans certains cas de figures, la diversité
juridique soit intéressante pour les agents car elle leur permettrait de sélectionner les règles
qui correspondent le plus à leurs attentes.
Aucun agent ne souhaite lancer le changement le premier et en supporter le coût sans
avoir la garantie d’être suivi par les autres.  Problème du « first mover ».
Idée : le changement juridique correspond à un bien collectif, qui satisfait les propriétés
de non rivalité et de non exclusion.
Par conséquent, il peut entrainer des comportements de passagers clandestins. Chaque
joueur souhaitant profiter de l’instauration de règles communes mais ne souhaitant pas
supporter le coût du changement. Les changements ne sont en général pas simultanés mais
séquentiels, et le coût du changement est supporté avant tout par les first mover sous la
forme notamment d’une incompatibilité provisoire.
Conséquence : chaque joueur préfère attendre que les autres aient changé, mais
personne n’initie le mouvement. Par suite, le changement n’a jamais lieu, même s’il était
socialement efficace.
Séance 6 – jeudi 15 novembre 2012
1.2.4. La codification comme remède aux inefficacités
du droit coutumier.
Dans les clubs juridiques, les agents évoluent dans des environnement caractérisés par
des asymétries d’information (quelles règles les autres adoptent, ont adoptées, vont
adopter?). Cette asymétrie informationnelle est à l’origine d’inefficacités du processus de
coordination par le marché. Deux types de problèmes qui peuvent causer des asymétries
d’information :
– L’inertie juridique qui peut, elle-même, être de deux types :
* L’inertie liée à l’incertitude de chaque agent sur la volonté d’adopter la règle des
autres. Chaque agent ne connait pas de manière certaines les préférences des autres sur la
règle. De ce fait, chaque agent ne va pas avoir les incitations suffisantes pour adopter une
règle des lors qu’il n’est pas certain que les autres vont également cette règle. En d’autres
termes, il existe une inertie juridique du fait de la peur des agents de perte de gains
23
d’externalités positives.
Les coûts de migration (le cout de changement d’une règle a une autre, switching cost)
ont deux conséquences : une inertie juridique (maintien du statut quo juridique), on
maintient la règle juridique même si elle est inefficace car les gains de changement ne
compensent pas les coûts que les agents doivent supporter pour changer.
En d’autres termes, on peut rester sur une règle inefficace alors que tous auraient
préfère en changer du fait que l’on ne sait pas si les autres vont vouloir changer
(phénomène du lock-in). La seconde conséquence est l’entreprise diversifiée : chaque agent
a intérêt de rester dans le club juridique dont il fait partie pour éviter les coûts du
changement, aussi il y aura maintien de plusieurs clubs juridiques et d’un niveau de coûts de
transaction élevés pour des agents appartenant à des clubs différents quand ils échangent
entre eux, la diversité juridique résulte d’un effet d’inertie et ne reflète donc pas d’une
préférence sociale pour la diversité (phénomènes de concurrence juridiques, de shopping
juridiques).
* L’inertie résultant du fait que personne ne souhaite initier le changement sans avoir la
garantie d’être suivie par les autres. On identifie un phénomène de passager clandestin, à
savoir que l’ensemble des joueurs souhaitent bénéficier de règles communes et pourtant
aucun ne souhaite supporter le coût du changement, sachant que les changements sont
séquentiels (et non simultanés) et que le coût de ceux-ci est supporté par les « first
movers » du fait que c’est eux qui supportent le coût de l’incompatibilité provisoire.
Aussi, existe-t-il un phénomène d’attentisme ou chaque joueur préfère attendre que les
autres aient changé, personne n’initie le changement, le changement n’a donc jamais lieu.
Problème du passager clandestin.
– Des changements trop importants et trop rapidement : la mauvaise information des
agents sur le comportement des autres qui font que certains agents vont être incités à
changer de règles juridiques ce qui fait perdre aux membres du club juridique qu’ils ont
quitté le gain associé aux externalités d’adoption que la coordination rapportait à
l’ensemble de ces membres. Ce problème est dit de la ≪ base installée ≫.
Il existera deux types de coûts :
* un coût lie à l’incompatibilité juridique
* un coût lie à l’impossibilité d’obtenir un engagement des membres du club à rester
dans celui-ci, c’est ce que l’on appelle le « coût du commitment ».
En définitive, le changement ne devrait pas se faire du fait qu’il y a une perte
d’externalités à la coordination.
Cette inefficacité peut se produire même si le changement se fait pour une règle
intrinsèquement supérieure du fait d’une perte sociale. Dès lors que le coût de départ de
certains n’est pas compensé par les gains de ceux qui partent.
=> Dans les deux cas le marché ne permet pas d’internaliser correctement les
externalités d’adoption. On se tourne donc régulièrement vers le financement public. D’où
l’intervention d’une autorité de codification.
La production décentralisée de droit sous une forme coutumière ne permet pas
l’internalisation des externalités d’adoption. Donc pour atteindre une solution efficace, une
intervention externe va s’avérer nécessaire qui va s’apparenter à une standardisation des
technologies juridiques. Cette standardisation va prendre la forme de la codification de la
coutume, qui va jouer le rôle de solution aux inefficacités du marché.
24
Fonctions de la codification :
1° Sélectionner une règle parmi les diverses règles qui peuvent exister dans la
communauté.
-> lorsqu’une règle unique n’a pas pu émerger sur le marché. La codification = substitut
au processus de marché afin de rendre possible l’internalisation des externalités latentes.
Idée : le code de ce fait, va résoudre les problèmes d’information des agents en
indiquant clairement quelle règle prévaut. Le code constituera une information juridique et
se substituera à la communication entre les agents. En particulier, si on reprend les
problèmes d’instabilité, le code sanctionnera les comportements de passager clandestin.
2° Remplacer une règle inefficace.
-> Situation dans laquelle la règle ayant émergé du fonctionnement normal du marché
est inefficace : situation de « lock-in »
La codification peut servir à accroitre la performance du marché à travers la
production d’une règle intrinsèquement supérieure à celle jusque là utilisée par les agents.
Idée : la codification organise la migration conjointe de tous les agents vers une règle
préférée par tous mais dont l’obtention n’a pas pu être atteinte spontanément par le biais
des mécanismes de marché.
Exemple pour les f° 1 et 2
Code Civil Allemand de 1996
Code Hammourabi
Code Justinien
Code Napoléon
3° Codification / transcription
-> se contente d’enregistrer des solutions efficaces socialement qui ont été atteintes par
le biais des mécanismes de marché. Idée : dans cette 3ème fonction, la codification joue le
rôle de complément et non plus de substitut du marché. Dans ce cadre, elle va avoir un pur
rôle d’information. Ex : codification du droit administratif.
Exemple
USA : aux USA on a des codifications de ce type là. Notamment, tout ce qui est code
commercial aux USA ou Code de consommation, qui ont fonctionné de la sorte.
Problèmes principaux :
1) Timing de l’intervention des autorités de codification. Double risque : qu’elles
interviennent trop tôt ou trop tard.
* Trop tôt : risque que l’autorité sélectionne une règle qui n’est pas la règle efficace que
les agents auraient sélectionné suivant le mécanisme des externalités d’adoption. Ce
problème existe d’autant plus que les autorités de codification ne sont pas omniscientes,
elles peuvent souffrir d’une information incomplète.
* Trop tard : coût pour les agents en termes d’externalités d’adoption non réalisées.
2) Il est possible que les autorités de codification ne soient pas bienveillante, et ne
cherchent pas à maximiser le bien-être social mais au contraire à poursuivre des intérêts
privés qui sont soit ceux de l’autorité de codification soit les intérêts de groupes de
pression.
25
= situation de capture de la production de la réglementation et plus généralement
des règles de droit par des groupes d’intérêt particulier.
Cf. Public Choice / G. STIGLER. Insiste sur le fait que les autorités productrices des règles
de droit ne cherchent pas forcément à systématiser le bien-être social.
II. L’analyse économique du juge comme créateur de
droit : la production de jurisprudence
Le juge ne se contente pas d’identifier les coutumes et de les faire respecter, il créé
de nouvelles règles en suivant un comportement d’agent économique rationnel.
2.1. La rationalité des juges
2.1.1.Le juge maximise
individuelle
une fonction d’utilité
Les juges sont censés être rationnels, réagissant à des incitations et maximisant une
fonction « objectif », une fonction d’utilité. Par cette hypothèse, l’économie du droit
cherche à démystifier la figure du juge.
Pour l’analyse économique du droit la représentation du juge comme imperméable
aux intérêts particuliers et sans objectif personnel, autrement dit comme « figure
désintéressée » d’une mauvaise interprétation de leur situation institutionnelle.
Traditionnellement, le juge est considéré comme indépendant. En outre, il
bénéficie de garanties d’inamovibilité. Les juges peuvent paraître isolés des mécanismes
incitatifs traditionnels qui s’appliquent aux agents économiques. En particulier, le salaire
ainsi que les promotions d’un juge, normalement n’est pas corrélé au contenu de ses
décisions.
Les juges vont maximiser la « même chose que tout le monde ». Ils vont avoir une
fonction objectif dans laquelle on trouve à la fois des fonctions monétaires et des fonctions
non monétaires.
Arguments monétaires ->
Fonction monétaire de l’utilité : salaires, primes,
avantages pécuniaires divers.
Le juge fait un arbitrage entre salaire et loisirs. Le salaire doit compenser le juge de la
désutilité induite par le travail. Les individus qui embrassent la caractère judiciaire se
caractérisent par un degré élevé d’aversion au risque.
Arguments non monétaires ->
développé par deux auteurs GREENBERG et
HALEY (1986). Dans le privé un juge pourrait monnayer ses compétences juridiques contre
un salaire plus élevé. S’il choisit de devenir juge, c’est qu’il retire de cette occupation des
gains privés d’une autre nature que monétaire qui le compensent pour le différentiel de
salaire avec le secteur privé.
Ils sont divers et imprécis, comme le pouvoir, le prestige, la sécurité de l’emploi…
Exemples :
 la promotion à un niveau hiérarchique à un niveau plus élevé. Pb : c’est + difficile
de distinguer d’un effet monétaire. De plus on peut aussi en avoir dans le secteur privé.
 le pouvoir
HIGGINS, RUBIN, 1980
WEBER
26
« Tout homme qui fait de la politique aspire au pouvoir soit
parce qu’il le considère comme un moyen au service d’autres
fins, idéales ou égoïstes, soit qu’il le désire pour lui-même en
vue de jouir du sentiment de prestige qu’il confère ». - WEBER
 On trouve l’idée que le pouvoir = moyen d’imposer ses préférences idéologiques à
la collectivité. C’est le point de vue repris par Richard POSNER.
On devient juge car ça donne la possibilité de régler un certain nombre de problèmes
d’une façon qui est cohérente avec ce qui est conforme à ses valeurs -> satisfaction d’ordre
idéologique.
L’explication principale du comportement du J est à rechercher ailleurs que dans les
facteurs pécuniaires ou politiques. Une piste cohérente avec les hypothèses normales de
l’analyse économique est que les juges cherchent à imposer leurs préférences et valeurs
personnelles à la société.
Ça explique la sensibilité des juges à une annulation de leurs décision par un tribunal
supérieur.
Cette annulation anéantit l’effet de la décision du juge à la fois pour les parties
concernées, mais aussi pour ceux qui se trouvent dans le même cas.
Idéologie : « des facteurs spécifiques au juge tel son
appartenance
politique,
ses
activités
professionnelles
précédentes, son statut économique et sa religion ».
Rq : c’est une vision de l’idéologie du juge assez « USA ». L’appartenance politique du
juge aux USA est importante, car ils sont désignés sur ces considérations.
Les préférences et les valeurs personnelles du juge ne se confondent pas
nécessairement avec son intérêt particulier, étroit. L’objectif du juge peut être la défense de
l’intérêt général, la défense du bien public…Au moins tels qu’il les conçoit.
Quand on parle de fonction d’utilité privée du juge, il ne faut pas donner une analyse
trop égoïste ou étroite de l’analyse économique de celle-ci. Conférer les débats dans
l’analyse économique sur l’ « altruisme intéressé », cf. travaux de Gary BECKER qui montre
que dans une fonction d’utilité individuelle, un individu peut tout à fait inclure l’utilité
d’autres agents. À l’origine, il utilise cette notion lorsqu’il a étudié l’économie de la famille,
et il avait considéré que le père de famille était intéressé par le niveau d’utilité des autres
membres de la famille, et qu’il prenait ses décisions personnelles en tenant compte de leur
impact sur les autres membres du groupe familial. Si on généralise cette approche à des
situations hors cadre familial, cela permet de prendre en compte l’utilité des autres agents
dans la fonction individuelle du juge et son éventuelle prise en compte de l’intérêt général.

du prestige et de la réputation
Ils vont être définis notamment par rapport aux collègues et experts juridiques, et
par tous ceux qui ont un « pouvoir de sanction » sur le juge.
27
Ex : ses décisions sont critiquées ou renversées par des juges de même niveau ou de
niveau supérieur.
Cf. travaux de MICELI et COSGEL (1994). Il y a eu des modélisations sur les questions de
prestige. Ça peut expliquer pourquoi le juge choisit ou non de suivre un précédent (décision
prise par un autre juge).
 Valeur de consommation pure (= directe) de la décision judiciaire par le juge.
Idée développée par Richard POSNER en 1994. Idée qu’on produit une décision parce
qu’elle plait au juge, qu’il la trouve bonne.
C’est une valeur comme celle ressentie par les créateurs.
« Puisque (…) les artistes créent des œuvres d’art qui
changent parfois la sensibilité et les juges rendent des décisions
qui changent parfois les pratiques sociales ou commerciales. Les
artistes imposent leur vision esthétique à la société, les juges
imposent leur vision politique ». POSNER
L’idée qu’on retire de cette idée de consommation pure c’est que les juges aiment
leur métier, ils produisent des décisions pour retirer une satisfaction de l’exercice de ce
métier.
Ça fait l’objet d’études empiriques. Mais elles se heurtent à des difficultés de mesure de
la production réelle du juge.
KIMENYI, SCHUGGHART, TOLLISON (1985), ils ont essayé de mesurer l’hypothèse de
substitution entre salaire et idéologie.
Schéma 1
Idée : plus le revenu est élevé,
moins le juge a besoin d’idéologie
pour être satisfait.
Empiriquement
on
peut
comparer des juges américains qui
sont payés de manière différentes
(dans différents États).
Cette hypothèse est plutôt
non vérifiée. De façon générale, on
s’aperçoit que les différentiels de salaire marquant les situations des juges en poste dans les
différents États américains ne s’accompagnent pas d’un effet quantitatif significatif sur le
volume des affaires traitées, mais au contraire, les juges américains semblent plutôt se
comporter en maximisateur de leur richesse.
Donc : rejet des économistes de l’intérêt général de la f° d’utilité du juge, au motif
que cette hypothèse reviendrait à placer les juges et leur activité hors du champ de l’analyse
économique.
28
Pour POSNER, les juges ne sont ni des titans ni des saints mais simplement des
agents économiques rationnels.
2.2. La production de jurisprudence par le juge
LANDES et POSNER (1976) -> définition de la jurisprudence comme un « stock de
capital ». C’est une forme de capital immatériel qui va entrer comme « input » dans la
fonction de production du juge. De la même façon, qu’on a un certain output qui peut ê le
nb de décision rendue, va ê la f° d’un capital physique (ex : équipement, nb de tribunaux, du
travail des juges -> personnel dans les tribunaux), et la jurisprudence. Cette jurisprudence va
correspondre à une forme de capital particulière  un capital juridique. Les juges vont
utiliser les décisions produites antérieurement pour rendre de nouvelles décisions, selon le
mécanisme du précédent.
𝑦 = 𝑓 (𝐾, 𝐿, 𝐽)
Séance 7 – jeudi 22 novembre 2012
Question de l’indépendance des juges vis à vis du pouvoir politique.
L’AED se demande :
- l’indépendance judiciaire existe-t-elle ?
- si oui, comment l’expliquer dans un cadre économique
Les économistes calculent des indicateurs d’indépendance qui vont rendre compte
d’une distinction traditionnelle en sciences politiques entre
-> indépendance formelle
-> indépendance substantielle
Formelle
Les garanties de l’indépendance sont inscrites dans les textes juridiques,
comme la Constitution, Code, lois. Cependant cette indépendance formelle ne garantie pas
à elle seule l’existence de décisions judiciaires indépendantes dans les faits.
Substantielle L’indépendance du fond des décisions judiciaires. C’est plus compliqué à
mesurer. On va recourir à un certain nombre de voix détournées.
Ex : enquêtes d’opinion, la variation des budgets judiciaires. Ainsi si variation importante
= moyen pour un gouvernement de faire pression sur les juges.
On regardera aussi les mécanismes de communication plus ou moins injonctifs
qu’on peut avoir entre le ministère et l’administration judiciaire. Toutes ses mesures sont
des approximations. On va pour autant s’en servir dans les années récentes dans le cadre de
la macroéconomie du droit .
Ça s’inscrit dans une série de recherches qui ont pour objectifs d’observer les
déterminants institutionnels de la croissance et du développement, selon les pays. En
d’autres termes, il s’agit d’une nouvelle série d’analyse de la croissance.
Les premières analyses ont insisté sur le rôle des facteurs de production : capital et
travail, et sur la façon dont le progrès technique affectait la productivité de ces facteurs de
production.
 Modèle de croissance exogène (SOLOW) le progrès = manne tombée du ciel qui va
permettre de repousser les limites de la frontière de production.
29
 Modèle de croissance endogène : incorpore le progrès technique dans les facteurs de
production.
 Modèle qui met en exergue de la qualité des institutions (années 2000) pour
expliquer la croissance et le développement.
Le résultat général de ces travaux c’est de dire que la démocratie, la stabilité des
institutions, le faible niveau de corruption vont être corrélés positivement à la croissance et
au développement.
Dans ce cadre on va montrer que l’indépendance de la justice est elle même
positivement corrélée à la croissance.
Si le juge est indépendant, les agents économiques seront incités à accroitre le
volume des transactions commerciales et économiques qui, le plus souvent, prennent la
forme de contrat. En effet, ils anticipent que les tribunaux feront respecter les termes des
contrats et qu’ils seront en mesure, en cas de rupture du contrat, de récupérer une partie
des actifs qu’ils ont engagé dans la transaction. Du coup, ils sont incités à engager les
transactions commerciales et économiques, celles-ci ont pour effet une création de richesse
accrue dans la société et de la croissance et du développement.
Si on revient microéconomique, on peut se poser la question de quel est l’intérêt
des décideurs politiques à l’indépendance judiciaire dès lors que ces décideurs politiques
ont à leur disposition des moyens effectifs pour contrôler les juges. En particulier, les
budgets de la justice.
 LANDER & POSNER
Dès lors que les agents politiques sont des agents
économiques rationnels qui sont intéressés par la poursuite de leurs objectifs personnels,
comment expliquer qu’ils consentent à l’indépendance des juges, alors que celle-ci peut
aller à l’encontre de leurs intérêts ?
Ces économistes vont montrer que les décideurs politiques ont un intérêt à
l’indépendance de la Justice. Ils vont reprendre l’idée de marché politique (dans les travaux
de l’école des choix publics). Idée : ce marché politique, la règle de droit (la décision
politique), c’est un produit comme un autre qui s’échange sur un marché. On a des offreurs
de droit sur ce marché, qui sont les décideurs politiques comme le législateur, le
gouvernement, les autorités publiques. On a des demandeurs de droit qui sont en fait des
groupes d’intérêt (théorie éco des groupes de pression), qui vont acheter au décideur
public des règles favorables. Ce sera p. ex. des règles protectrices type quota de production.
En échange, ces groupes participent au financement des campagnes électorales des
décideurs politiques.
Ce modèle est très bien adapté à la réalité institutionnelle américaine. Mais il est
encore relativement pertinent par rapport au modèle français.
Idée : ce cadre se situe dans une logique de vote prospectif. Cela signifie que c’est
avant qu’on sache qui va gagner. Dans cette logique, rien ne garantie au groupe d’intérêt
que le décideur politique, une fois élu, va respecter sa parole.
Face à l’incertitude, la valeur de la décision électorale pour les groupes diminue,
puisqu’en fait si le décideur politique néglige ses engagements, les groupes d’intérêt vont
être incités à payer une somme moindre en échange de la production de cette décision.
Si le juge est indépendant, ça veut dire qu’il va appliquer le droit qui est produit
par le décideur politique, et pas un droit qui va fluctuer selon qui est au pouvoir. Si on a un
juge indépendant, le groupe d’intérêt peut s’attendre à ce que cette décision soit appliquée
de façon stable dans le temps. Si le groupe d’intérêt s’attend à la permanence de la décision
30
par le juge indépendant, quelle que soit la couleur politique, alors le décideur politique peut
vendre plus chère le droit qu’il va créer.
En résumé :
Le décideur politique a intérêt à garantir la stabilité de sa décision dans le temps de
façon à la vendre plus chère au groupe d’intérêt. Parmi les moyens dont les décideurs
politiques disposent pour assurer une durabilité importante à leurs décisions, il y a
l’indépendance de la justice, puisqu’elle assure que les juges ne prendront pas des décisions
différentes selon la couleur du décideur politique. Ça assure que les décisions prises ne
seront pas remises en cause même lorsque le décideur politique n’est plus au pouvoir. On
peut donc dire que l’indépendance de la justice résulte d’un calcul intertemporel du
décideur politique qui échange un moindre contrôle présent sur les décisions du juge contre
un accroissement de son contrôle futur.
 CRAIN & TOLLISON
Ils expliquent que si les groupe d’intérêt paient suffisamment cher pour une règle
constitutionnelle, c’est aussi une solution pour eux pour obtenir la stabilité de leur décision.
Mais c’est très couteux.
 ERIC RAMSEYER, 1994
Problème non pris en compte par l’analyse de LANDES et POSNER : ils ne prennent pas
en compte l’hétérogénéité des décideurs politiques. Dans cette hétérogénéité, on a l’idée
que tous ne sont pas systématiquement et équitablement favorables à l’indépendance. En
effet l’indépendance judiciaire est un obstacle à la réalisation pour les décideurs politiques
de gains à court terme.
L’indépendance dépend de la bonne volonté des décideurs politiques. : elle dépend de
leur coopération.
L’indépendance va être analysée comme un bien collectif pur. Non rivalité, non
exclusion. Si un décideur politique ne respecte pas l’indépendance une fois, à une période
donnée, alors le bien collectif n’est pas produit, alors ça ne va pas inciter l’ensemble des
décideurs politiques sur l’ensemble des périodes à ne plus répéter cette indépendance.
Quand un décideur politique fait défection sur une période pour réaliser un gain à court
terme, alors il perd les gains associés à la coopération (au respect de l’indépendance).
Ça peut être assimilé au dilemme du prisonnier. Pb : la communication.
Problème : chacun va choisir de charger l’autre. Le choix par chaque joueur de la
stratégie dominante conduit à un équilibre non coopératif -> ne pas coopérer / ne pas
coopérer, et cela en résultat de la mise en œuvre des rationalités individuelles de chaque
joueur. Cette rationalité conduit à un équilibre sous optimal collectivement, puisque
collectivement, un équilibre coopérer/coopérer aurait conduit à une situation Pareto
supérieure dans laquelle chacun des deux joueurs aurait obtenu un gain individuel
supérieur.
Cela explique le choix de la non indépendance plutôt que de l’indépendance, parce
que le raisonnement est pour l’instant limité à une seule période. En revanche, si on
introduit une hypothèse de répétition du jeu sur plusieurs périodes, on montre que
l’indépendance peut s’imposer comme résultat des interactions stratégiques des agents.
Compte tenu du niveau des gains, les agents vont anticiper que sur plusieurs périodes, le
choix de la stratégie coopérative leur rapporte des niveaux de gains qui peuvent être plus
élevés que la non-coopération à court terme.
31
Si le jeu est à horizon infini, il dure indéfiniment, la coopération peut émerger,
puisque les gains de la coopération, même actualisée, deviennent supérieurs aux gains de la
non coopération. Si le jeu se joue en horizons finies, et qu’il est répété sur un nb limité de
périodes, alors on va dévier à la dernière période. On va non coopérer. Implication :
incitation à dévier à la dernière période. Anticipant cette stratégie de défection, ils vont ê
incités à faire défection dès l’avant dernière période. Finalement, l’indépendance n’est
respectée ni à la 1ère période ni aux suivantes.
Le raisonnement des individus par récurrence à rebours ou induction à rebours.
Séance 8 – jeudi 29 novembre 2012
Un décideur politique qui anticipe de ne pas être réélu sur les périodes futures peut
décider de sous-investir en indépendance dans le présent. Il désincite les joueurs des autres
périodes à coopérer eux-mêmes puisqu’ils anticipent des comportements de déviation ou
des comportements de défection de la part des autres décideurs politiques.
Dans un jeu répété à horizons infinies, l’indépendance constitue la solution
coopérative, qu’ils ont intérêt à récompenser et à favoriser.
Un parti au pouvoir qui anticipe de rester en place pendant un certain nombre de
mandat, va être incité à ne pas respecter l’indépendance judiciaire, puisque ce parti anticipe
peu de gains sur les périodes futures en résultat d’une réciprocité des autres joueurs.
A contrario, les parties qui ne sont pas aux affaires, ont en revanche intérêt à
l’indépendance. Si on est dans l’opposition, on a intérêt à ce que les juges soient
indépendant pour garantir la stabilité des décisions que j’ai prises hier en réaction des
demandes de groupes d’intérêt qui m’ont soutenu hier.
1ère condition :
Anticipation du caractère répété des élections (qualité
démocratique du processus électoral).
2ème condition : la contribution des politiques à l’indépendance va dépendre des
probabilités de victoire des différents partis. Idée implicite : il faut qu’on ait un rapport de
force politique équilibre. On doit pouvoir s’attendre à une alternance régulière.
LANDES & POSNER (1975) : dans ce texte qui est le fondement théorique de ce
qu’on vient de développer, les auteurs essaient de vérifier empiriquement leur analyse.
Dans un 1er temps, ils ne parviennent à corroborer leur théorie.
RAMSEYER (1994), et dans un autre texte qu’il a écrit avec RAASMUSEN en 1997 :
Dans les 2 textes, on voit des démarches intéressantes. Dans le 1er, on voit l’exemple du
Japon impérial et l’exemple du Japon après 1945. On note que aussi bien dans le Japon
impérial que le Japon après guerre, on a une forte stabilité des autorités au pouvoir
(Empereur, puis partis).
Lorsqu’il y a une faible alternance politique, on remarque une forte dépendance de
la justice -> si on anticipe de rester longtemps au pouvoir, on n’a peu d’intérêt à contribuer
à l’indépendance de la justice.
Dans le 2ème texte, le test est fait sur les USA au 20ème siècle. On trouve le même
résultat mais sur l’hypothèse inverse : l’alternance politique s’accompagne d’une plus
grande indépendance de la justice.
Dans les États fédérés, où la concurrence politique est la plus forte, on attend une
indépendance judiciaire plus forte.
STEPHENSON (2003), qui va dans le même sens. On a le même résultat. On va
trouver une compétition électorale forte qui va de pair avec un pouvoir judiciaire
indépendant (USA).
32
Les limites de l’analyse :
1° Comment expliquer l’origine de l’indépendance ?
 BOUDREAU et PRITCHARD, 1994
Cette théorie n’explique pas la contribution du joueur de 1 ère période à
l’indépendance. Pour comprendre l’indépendance, on doit faire l’hypothèse que certains
joueurs ont une préférence donnée pour l’indépendance, une préférence exogène pour la
coopération.
Donc on ne fait que repousser le problème d’un cran. Pourquoi cette préférence ?
L’économie expérimentale récente montre que certaines caractéristiques, notamment
socio-culturelles des agents, peuvent expliquer des préférences plus ou moins grandes pour
la coopération. On remarque que les femmes coopèrent plus que les hommes. On fait jouer
aussi des étudiants. On remarque des différences selon les origines des étudiants. Ceux
d’économie sont ceux qui coopèrent le moins.
Ces analyses n’ont pas permis de trouver l’origine de l’indépendance judiciaire.
Un bout de réponse peut cependant être fourni par la théorie des jeux : les
stratégies TIT-FOR-TAT (ou donnant-donnant), qui sont développés par AXELRODE.
Comment peut-on expliquer l’émergence de la coopération ? La guerre 14-18 : en
1917, il y a une stabilisation du front, on fusille plein de gens, parce que du côté État-major
allemand et du côté État-major français, les gens ont arrêté de se tirer dessus. Il y a eu un
relâchement. AXELRODE a remarqué que s’est mis en place une coopération entre les deux
armées, qui s’est faire sans préoccupation préalable, qui fait que les joueurs vont se
contenter de reproduire la décision de l’autre.
Dans la théorie de AXELRODE, il y a une personne qui va décider de coopérer.
L’autre a le choix entre coopérer et bombarder. Ensuite, ce qu’AXELRODE montre, c’est que
si l’autre fait défection, jamais on n’a intérêt à coopérer ensuite. Défection 1x = défection
pour toutes les périodes suivantes.
Stratégie qui rapporte le gain le plus élevé pour les joueurs : on débute par jouer
coopératif puis on sanctionne infiniment toute défection de l’autre. La période qui rapporte
les gains les plus élevés, même si à une période du jeu, il peut arriver qu’elle corresponde à
une perte envers l’adversaire. De la sorte, AXELRODE explique l’émergence de la
coopération dans les tranchées. De la sorte, on peut l’appliquer à nos décideurs politiques, à
savoir un décideur politique peut décider de coopérer en 1 ère période, et de punir ensuite
systématiquement toute défection des joueurs suivants.
On a supposé que les juges étaient des acteurs rationnels. Mais on pourrait objecter que
les seuls vraiment intéressés sont ceux qui jouent le dilemme du prisonnier, donc les
décideurs politiques. Donc ils instrumentaliseraient les juges. On pourrait se demander alors
où est l’intérêt du juge.
Ensuite, critique : dans cette analyse qui est une analyse en termes d’intérêts
particuliers, il est paradoxal que le juge ne soit pas considéré lui-même, explicitement,
comme un agent individuel poursuivant son intérêt particulier, et poursuivant la
maximisation de la fonction objectif.
Aussi ils pourraient décider
d’être indépendant si ce sont ses valeurs
d’être dépendant si c’est dans son intérêt
33
On a voulu compléter la théorie par d’autres pour expliquer l’indépendance judiciaire
sous l’angle économique :
1° Explication de l’expertise judiciaire
L’indépendance judiciaire serait à l’origine de bénéfices informationnels pour les
décideurs politiques, parce que les juges auraient un avantage informationnel par rapport
au décideur politique sur les conséquences des décisions législatives.
Ils sont plus proche du terrain que le législateur. Les juges permettent aux décideurs
politiques d’obtenir une information peu couteuse. Indépendance judiciaire : doit permettre
une économie de coût en terme d’expertise.
2° VOICT + SALZBERGER, (2002)
Dans leur article, ils expliquent que l’indépendance judiciaire constitue non seulement
une délégation de pouvoir du décideur politique au juge, mais aussi une délégation de
responsabilité. Le juge indépendant permet au décideur politique de faire porter au juge la
responsabilité de décisions impopulaires tout en conservant la possibilité de réclamer pour
eux la responsabilité positive des décisions populaires. Donc il ne faut pas que le décideur
politique soit en mesure d’influencer le juge.
3° L’indépendance judiciaire peut permettre de stabiliser les décisions politiques.
Le paradoxe de CONDORCET :
Si j’ai trois agents, et trois choix possibles. C’est qu’il existe toujours une majorité des
2/3 contre n’importe quelle décision.
C’est le joueur qui possède la maitrise de l’agenda (= agenda setter), donc qui décide de
l’ordre dans lesquels les choix sont votés. En fonction de la façon dont on organise le vote,
on a potentiellement la possibilité de faire en sorte qu’il y ait une majorité qui vote en
faveur de ce qu’on souhaite. Il peut en résulter une instabilité politique avec des majorités
cycliques.
On peut toujours manipuler les votes. Les décisions sont instables. Elles sont
stables si on fait sauter une condition dans les règles de majorité. Si on introduit un
dictateur, la décision qui en sort sera stable.
Si on fait le lien avec le juge : déléguer la prise de décision à un juge indépendant
permet de lutter contre ces majorités cycliques et de stabiliser la décision politique.
La législation s’analyse comme un contrat incomplet, à savoir qu’il est incomplet
parce que trop couteux, pour les décideurs politiques, de prévoir dans les textes législatifs,
l’ensemble des dispositions devant s’appliquer dans l’ensemble des circonstances
susceptible d’occurrence.
Le juge doit compléter le droit, en fonction des cas dont il est saisi. Le juge est dit
« législateur interstitiel ». La loi = texte incomplet, il y a des interstices. Le juge doit
compléter le droit.
Si le juge est indépendant, le droit sera complété de façon efficace.
Un certain nombre de travaux s’intéressent à l’indépendance du juge par rapport aux
parties au procès. On peut dire que ces travaux considèrent que la prise de décision du juge
est influencée par les montants relatifs des parties au procès, en dépense de procès.
La décision favorable du juge est supposé augmenté avec l’investissement des parties au
procès, en dépense de procès.
Ces dépenses de procès, ce sont les frais d’avocat. Toutes les dépenses en
information destinées à convaincre le juge du bien fondé de la position.
34
Plus récemment les analyses ont intégré les « mérites intrinsèques du cas » : des
fois même avec beaucoup d’investissement en argent dans un procès, des éléments
objectifs vont avoir une influence sur la décision du juge. Dans ces analyses, de façon
générale, le juge a un rôle le plus souvent passif, qui se contentent de réagir au montant
relatif des dépenses des parties, mais n’expriment pas de préférences personnelles sur
l’issue du cas. Ce modèle se rapproche des modèles de recherche de rente dans lesquels, un
producteur de décision politique, p. ex. le législateur est supposé produire des règles plus
ou moins favorables à certains groupes d’intérêt en fonction de l’investissement de ces
groupes de pression en recherche de rente. C’est la raison pour laquelle ils n’ont pas
d’originalité théorique particulière.
Séance 9 – jeudi 6 décembre 2012
III. LES CONSEQUENCES DE L ’HYPOTHESE DE RATIONALITE DES
AGENTS SUR L ’EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE
3.1. Comportements judiciaires et efficacité du droit
Si les juges sont rationnels, l’économie du droit va leur fournir des outils pour leur
permettre de produire des décisions efficaces par l’exercice de leur rationalité. -> approche
pragmatique du droit : le droit doit fournir des solutions à des problèmes qui se posent en
pratique et non pas fournir une théorie du droit qui s’appliquerait dans tous les cas.
On va donc faire du cas par cas, et celui-ci on le gère au moyen d’une analyse
coûts-avantages. Ça nous renvoie à la non-autonomie du droit. Le droit n’est pas une
discipline autonome, il a besoin des outils d’économie pour produire des solutions.
Le juge va alors utiliser la critère de maximisation de la richesse (CMR).
Deux dimensions :
- Une dimension positive (= descriptif, ≠ normatif qui est ce qui doit ê) : on considère
que les décisions judiciaires maximisent effectivement la richesse, et que les règles
produites par le juge sont effectivement efficaces. On suppose que les juges tiennent
effectivement un raisonnement économique même si implicitement.
- Dimension normative : les décisions du juge doivent faire tendre les règles de droit vers
l’efficacité. Le critère de maximisation de la richesse devrait leur servir quand ils sont
confrontés à des cas nouveaux ou en situation d’incertitude forte (quand ils n’ont pas les
précédentes décisions judiciaires).
Partant de là, les économistes du droit se sont posés la Q de savoir si le droit, en
l’étudiant de façon approfondie, est-il vraiment efficace ou pas ?
-> étude de savoir si la Common Law est efficace OU est-ce qu’elle devrait tendre vers
l’efficacité de par les comportements des juges.
Deux types de débat ont coexisté :
1- Le juge a-t-il une préférence pour l’efficacité ?
Plusieurs arguments :
Oui, les juges sont efficaces, ils ont une préférence pour l’efficacité. Argument : le
critère d’efficacité est le seul qu’ils aient à leur disposition. L’autre ça serait la redistribution,
mais il n’y a pas d’outil scientifique pour décider des cas en fonction de l’idée de
redistribution. (Argument faible).
Si les juges sont des agents éco rationnels et intéressés par leur fonction objectif
personnelle, et celle-ci n’est pas nécessairement alignée avec l’efficacité.
35
De nombreux auteurs disent que les juges poursuivent des objectifs non économiques.
Ce qui va avant tout guider leur décision, c’est leur conception du droit. (RUEFF, DWORKIN,
MICHELMAN).
Au final, le dialogue entre les économistes du droit et les philosophes du droit ne va pas
déboucher sur un consensus. Ce que les économistes vont essayer de faire, c’est de
regarder si en pratique les évolutions du droit et en particulier de la Common Law semblent
ou pas aller vers plus d’efficacité.
Analyse économique de la responsabilité (CALABRESI), 1970 « The costs of
accidents : a legal and economic analysis ». -> on peut déterminer un régime de
responsabilité optimal par un objectif de minimisation des coûts nets associés aux
accidents.
Ils vont être définis comme la somme de 3 types de coûts :
le coût de l’accident proprement dit
le coût de la prévention de l’accident
le coût administratif lié au fonctionnement du service judiciaire
Ces 3 coûts permettent de figurer le régime de responsabilité optimale, cad lorsque la
somme de ces coûts est la plus faible.
Critique de CALABRESI : c’est la critique du régime de responsabilité américain, sans
proposer d’alternatives concrètes.
En réaction, R. POSNER va construire une théorie économique de la responsabilité :
« Theory of Negligence ». Il explique que les juges prennent des décisions qui sont
économiques, puisqu’ils comparent (implicitement ou explicitement) des niveaux de coûts.
Il va reprendre une jurisprudence célèbre : United States vs Carole Towin, 1947, rendue
par le juge HAND. Dans cette affaire, le juge HAND va fonder la détermination de la
responsabilité entre auteur du dommage et victime sur la notion de négligence. -> pour
déterminer si quelqu’un est responsable ou non d’un dommage, il faut comparer deux types
de coût :
- La probabilité du dommage x le coût du dommage (p.c)
- M : coût d’évitement de ce dommage
Si le coût d’évitement du dommage était inférieur au coût espéré, alors la partie à
l’origine du dommage doit être tenue pour responsable parce qu’il aurait été efficace
qu’elle engage une activité de prévention, d’évitement. À contrario si le coût de la
prévention est très élevé, alors l’auteur du dommage ne doit pas être tenu pour
responsable. On parle alors de responsabilité résiduelle de la victime en cas de
comportement non négligeant du coupable.
Cette théorie de la responsabilité est fondée sur l’idée d’externalité. En effet le
dommage = externalité exercée par l’auteur du dommage sur la victime. Ce n’est pas la
cause qui détermine la responsabilité mais c’est la comparaison des coûts de p.c et de M.
Pour POSNER, la Common Law serait efficace, parce que, selon lui, elle procède à
une telle comparaison des coûts.
Il existe également une règle de responsabilité stricte. Elle désigne pour
responsable du préjudice, l’auteur du dommage, que son comportement ait été entaché
d’une faute ou non. Ça résulte en une indemnisation quasiment assurantielle des victimes.
On la justifie dans le sens où cette règle s’applique où il est moins couteux de
modifier les actions du défendant que celles du plaignant. On la justifie en disant que pour
ces situations, la règle de négligence serait inefficace.
36
ERSTEIN, va défendre la responsabilité stricte en disant que la règle de négligence est
compliquée à utiliser. Puisque l’économie ne suffit pas à fonder la décision de justice, alors
le juge doit recourir à d’autres critères. Pour ERTEIN, ça peut constituer une menace pour
les libertés individuelles.
On compare le coût du dommage subi par une partie avec le coût d’évitement subi par
l’autre partie.
Il existe de situations où la règle de négligence est inapplicable car aucune partie n’a eu
de comportements impropres du point de vue moral ou économique.
Un individu doit avoir causé un dommage pour être tenu pour responsable. En d’autres
termes, il faut avoir agi pour être responsable. Là on va avoir toute une série de
controverses assez intéressantes sur le droit de non assistance à personnes en danger.
Les effets de l’assurance sur le système de responsabilité civile :
Sachant en fait que dans ce cadre, l’analyse économique va considérer deux types
d’assurance. Le 1er type d’assurance est l’assurance que l’individu souscrit pour le cas où il
se trouve en situation de victimes.
Cette assurance représente dans une situation de responsabilité pour faute où l’auteur
du dommage n’est pas tenu pour responsable, parce qu’il a mis en œuvre le niveau de
précaution optimal. Donc la victime n’est pas remboursé par l’auteur du dommage mais par
l’assurance.
Cas inverse : l’assurance en responsabilité. C’est l’assurance souscrite par l’auteur du
dommage pour le cas où le juge le tiendrait pour responsable.
 Il faut mettre en rapport ces assurances avec les problèmes de aléa moral.
C’est un comportement opportuniste ex post, parce que mis en œuvre après passation
d’un contrat. Idée : le titulaire d’un contrat d’assurance va mettre en œuvre des
comportements plus risqués parce qu’il sait qu’il est assuré, et qu’en cas de dommage, il ne
supportera pas lui même le coût lié à son comportement.
C’est cette réduction de la précaution en situation d’assurance qui a justifié l’interdiction
de l’assurance responsabilité en France, jusqu’à 1845.
Pour lutter contre les problèmes d’aléa moral, l’assurance met en place des systèmes de
bonus malus. C’est une gestion statistique du risque moral.
Ou encore la mise en place d’actions de monitoring : c’est contrôler l’assuré par des
sanctions, donc augmenter sa prime etc.
Il existe aussi des mécanismes de franchise : moduler l’exposition personnelle au risque
de l’assuré par l’existence de franchises par chaque dommage.
Le risque moral de telle façon que le comportement de l’assuré soit le même comme s’il
n’avait pas d’assurance. Mais dans cas, les incitations à la prise de précaution optimale ne
sont pas la conséquences du régime de responsabilité mais la conséquence des conditions
efficaces du contrat d’assurance.
La sélection adverse :
Forme d’asymétrie informationnelle ex ante qui porte sur le type ou les caractéristiques
ou la qualité du bien. Ici, l’idée c’est que l’offreur, le vendeur de façon générale d’un certain
bien, peut dissimuler son type réel (bon risque ou mauvais risque). Cf. le marché des
voitures d’occasion. La demande d’assurance est supérieure pour les mauvais risques, parce
que les agents cherchant à s’assurer connaissent le niveau de risque réel qui leur est
associé. Si les risques se réalisent et que la compagnie d’assurance doit dédommager les
37
assurés, soit elle fait faillite. Soit elle augmente les primes d’assurance demandées aux
agents, ce qui fait fuir les bons risques et à terme ne permet pas non plus la survie de la
compagnie. À l’extrême on peut voir une disparition du marché de l’assurance. Cette idée va
être développée par George PRIEST à la fin des années 1980.
PRIEST va montrer que la sélection adverse va être contrôlée par l’assurance-dommages
qui permet un meilleur contrôle de la sélection adverse car les victimes ont une incitation à
transmettre l’information sur les vrais niveaux de risque à l’assureur alors qu’au contraire
l’assurance responsabilité ne permet qu’un faible contrôle de la sélection adverse.
L’assurance obligatoire :
Dans certains cas l’assurance responsabilité peut être rendue obligatoire par le
législateur.
Pour l’économie, le choix de s’assurer ou non peut être simplement lié au degré
d’aversion au risque, variable entre individus.
Justification de cette obligation :
- la rationalité limitée
- lorsque la décision de ne pas s’assurer (insolvabilité p. ex.) affecterait un tiers,
notamment la victime. Si l’assureur peut moduler le comportement de la victime alors
l’effet préventif peut être restauré.
b) Le droit des contrats :
On va commencer par montrer que l’analyse économique va repartir de l’idée de contrat
incomplet, sachant qu’en fait un contrat complet, c’est un contrat où les parties précisent
dans le contrat les conséquences de leurs engagements dans toutes les situations possibles.
Concrètement ça implique que les parties possèdent toute l’information suffisante pour
rédiger un contrat associant de façon bijective un état de nature (certaines conditions
économiques, technologiques, sociales) avec une disposition juridique.
Cette hypothèse d’information irréaliste est donc de façon générale, les contrats
sont incomplets. Le rôle des tribunaux, c’est de compléter ces contrats ex-post. Cela évite le
coût de tout prévoir et de tout préciser ex-ante. Dans ce cadre, l’objectif d’un droit des
contrats efficaces va être de réduire le coût d’écriture et de négociation des contrats en
fournissant, p. ex. des contrats type, avec dans ces situations, on recourra à des dispositions
supplétives. Elles fixent des conditions standard pour différents types de contrats. Elles vont
s’appliquer si les parties n’en décident pas autrement.
2ème objectif d’un droit des contrats efficace est de lutter contre les comportements
opportunistes des cocontractants.
Plus précisément, l’objectif est d’éviter que des transactions inefficaces ne substituent à
des transactions efficaces dans le cas où le contrat ne donne pas lieu à une transaction
instantanée.
En d’autres termes, quand il existe un décalage temporelle dans la réalisation des
engagements des cocontractants, un droit efficace doit contraindre les cocontractants à
respecter leurs engagements.
De ce fait, l’analyse économique du droit va déterminer des conditions dans
lesquelles il est efficace de respecter, et alternativement de rompre un contrat.
C’est ce qu’on appelle le principe de l’inexécution efficace qui va prendre
finalement la forme suivante : c’est de dire qu’il peut être Pareto optimal que le juge
autorise la rupture d’un contrat dès lors que des changements de circonstance entre la date
de la passation du contrat et sa réalisation, motivent cette rupture avec l’idée qu’on peut
avoir un contrat efficace au moment où on le rédige mais que l’environnement change.
38
Cette doctrine de l’inexécution efficace est particulièrement développée en droit
anglo-saxon, moins en droit français.
S10 – jeudi 20 décembre 2012
3.2.Les explications alternatives
Elles supposent la rationalité du juge, une action de ces juges en faveur de l’efficacité.
Mais elle néglige totalement le rôle éventuel joué par les parties au procès dans l’évolution
du droit, en particulier dans la marche du droit vers l’efficacité.
Des modèles évolutionnistes ont recours à l’hypothèse du recours au procès sélectif. Ça
pose une hypothèse de recours contentieux sélectif (= selective litigation).
Cela signifie que seules les meilleures règles vont être sélectionnées et vont donc
survivre dans la concurrence entre règles.
Les auteurs principaux qui ont développé cette idée : RUBIN et PRIEST. En effet, les
règles inefficaces vont être d’avantage contestées devant les tribunaux que les règles
efficaces.
Les parties qui ont un intérêt à long terme à la production d’une règle jurisprudentielle
favorable vont avoir intérêt à contester la règle inefficace devant les tribunaux jusqu’à ce
qu’elle soit remplacée par une règle qui leur est favorable.
Si la nouvelle règle est efficace, l’incitation des parties à contester la règle va
disparaître. Il y a donc une élimination progressive des règles inefficaces, avec un
mécanisme de sélection des règles de type « main-invisible », à savoir que les
comportements des parties dépendent de leur intérêt personnel. L’efficacité est donc une
conséquence involontaire de la recherche de l’intérêt personnel. On se retrouve dans un
cadre proche de celui de la main invisible.
La tendance des règles à devenir de + en + efficace dépend de ce que les parties qui
bénéficient de règles efficaces investissent d’avantage dans les procès que les autres.
Les deux parties au procès bénéficient toute deux de l’augmentation de l’efficacité, mais
dans des proportions différentes, à savoir la partie pro-efficacité gagne d’avantage que la
partie adverse, elle est donc incitée à investir d’avantage.
En revanche, comme on raisonne au niveau de l’efficacité globale, la partie adverse
certes investit moins l’autre partie, mais dans la mesure où elle peut espérer au moins une
compensation de la part de l’autre partie suite au changement de jurisprudence, elle est
incitée à investir relativement moins pour défendre la règle existante qui est inefficace.
Ça rappelle le critère de Kaldor-Hicks (critère d’efficacité du droit). -> critère de
Pareto, mais on peut recourir aussi au critère KH. C’est du Pareto dans lequel la partie
gagnante gagne suffisamment pour dédommager si elle le souhaite la partie perdante.
Puisque les ressources utilisées pour promouvoir l’efficacité sont supérieures à celles
utilisées pour défendre les règles inefficaces, on a donc une évolution du droit vers
l’efficacité. CQFD.
Critique (COOTER, ULEN, KORNHAUSER) :
La théorie de l’efficacité du droit
analyse les conséquences des forces qui poussent à l’évolution du droit sans s’être
préalablement posé la question de leur existence.
En d’autres termes, on se demande quelle raison existe-t-il pour que des règles
inefficaces soient plus souvent contestées devant les tribunaux que les règles efficaces ?
Ce n’est pas rationnel, d’un point de vue d’un calcul purement individuel, avec
l’argument que le choix d’une partie au procès de recourir au tribunal dépend d’une analyse
coût/ avantage individuelle qui n’intègre pas les conséquences sociales de l’effet de ce
39
recours. Finalement, c’est de dire que quand on va contester une décision devant un juge,
en fait la seule chose qui m’intéresse c’est mon niveau d’utilité finale, et non pas de l’utilité
générale.
Rien n’indique que deux règles ayant la même efficacité ont la même conséquence
du point de vue redistributif.
Par suite, certaines parties seront incitées à défendre une règle plutôt que l’autre
en raison de son impact en terme de distribution des ressources, sans que le niveau global
d’efficacité sociale soit affectée par leur choix. Le droit, dans ces conditions, ne va
s’améliorer que si deux conditions sont remplies :
les règles inefficaces suscitent effectivement des recours plus nombreux
la probabilité de survie de ces règles doit être identique (hypothèse ad hoc)
Critique plus radicale : pose la question de savoir si l’évolution est forcément efficace ?
On se demande si l’évolution sociale serait-elle ou pas optimisatrice ?
Auteurs : NOZICK ou BRENNAN et BUCHANAN.
-> selon eux, la survie des règles qui existent et qui sont utilisées ne prouvent rien
d’autre que la survie de ces règles. Elle ne dit rien sur leur efficacité. C’est donc reconnaître
que le hasard peut très bien avoir joué un rôle dans cette sélection. Ça renvoie à tout ce qui
est «phénomène de blocage », de verrouillage. (« Lock-in ») sur des règles inefficaces. Elles
survivent uniquement parce qu’elles existent et son utilisées.
Idée : on va pouvoir réconcilier efficacité et évolutionnisme à la seule condition
d’admettre que ce n’est plus d’efficacité économique que l’on parle, mais d’efficacité
organisationnelle. L’intérêt de l’évolution c’est de permettre un ordre spontané. Mais on ne
peut pas se prononcer sur la qualité ou sur l’efficacité de cet ordre.
40
CHAPITRE 3 : QUELQUES ELEMENTS SUR LA PRODUCTION DE
DROIT LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE
I. MARCHE POLITIQUE ET RECHERCHE DE RENTE
Définition de marché politique : lieu d’échange des politiques publiques.
Offreur : entrepreneurs publics, les partis, les candidats, les décideurs publics. Ils sont
en compétition pour offrir aux demandeurs (les électeurs et les groupes de pression) des biens
de nature politique qui sont soit des plateformes électorales, soir des politiques publiques. Ils
demandent un soutien électoral. Le droit de vote s’apparente à une forme de pouvoir d’achat
(de décision politique).
On va soit avoir une logique prospective, ce qui signifie que les électeurs achètent des
plateformes électorales (des promesses politiques). Soit une logique rétrospective : vote en
fonction des politiques publiques mises en place lors de la mandature précédente ( = vote
sanction / vote de réélection).
Les électeurs vont s’organiser pour obtenir des décisions politiques favorables. Le
problème c’est que l’organisation des groupes d’intérêt va se heurter à ce qu’on appelle « la
logique de l’action collective ».
MANGUR, OLSON, 1965 : la décision politique = bien collectif. Donc les demandeurs de
cette règle peuvent avoir une incitation au comportement de passager clandestin (= free
riding). En effet, influencer le décideur politique a un coût (ex : financier, pour aider la
campagne d’un candidat, ou en temps pour s’engager politiquement). Or personne ne peut
être exclu du bénéfice de la règle produite. Du coup, ces comportements de passager
clandestin sont plus facilement contrôlés dans les groupes de petite taille car les coûts de
formation du groupe et de contrôle des comportements opportunistes de ces membres sont
plus faibles. Du coup, les petits groupes sont plus efficaces dans l’exercice d’une pression sur les
décideurs politiques.
Va se développer une analyse économique de la recherche de rente. Idée : différents
groupes de pression vont investir sur le marché politique pour obtenir des décisions favorables
de la part des décideurs politiques. Il va s’agir, p. ex. d’obtenir pour des industriels des barrières
à l’entrée sur le marché (ex : barrière protectionniste). Ça va renouveler la recherche sur
l’analyse économique du monopole. Selon les économistes des choix publics, la règle va être
d’obtenir un dispositif qui met en situation de monopole par rapport aux autres agents.
La recherche de rente permet d’obtenir par de la concurrence imparfaite, qui se traduit
classiquement par une perte sèche sociale (= coût social du monopole).
Les économistes du public choice vont ajouter que le coût social du monopole est en
fait plus important que la perte sociale sèche. En effet, la recherche de rente et la dépense en
influence est elle même une activité concurrentielle consommatrice de ressources. En effet, ces
dépenses en recherche de rente prennent plusieurs formes. Ce sont pour commencer :
les ressources engagées par le monopoleur (le bénéficiaire de la règle) pour obtenir sa
position de monopole.
les dépenses engagées pour la préserver (= dépenses de protection de la rente)
Ces dépenses détournent des ressources qui pourraient être utilisées pour des activités
productives, pour des activités non productives type lobbying ou publicité.
Pour TULLOCK, ces dépenses doivent être additionnées à la perte sociale sèche pour
trouver le coût social réel du monopole.
41
Trois situations peuvent être distinguées selon TULLOCK, qui dépendent des dépenses
que le groupe de pression engage pour obtenir une réglementation qui leur serait favorable.
Dissipation de la rente : le groupe de pression, à la recherche d’une rente de monopole, va
accepter d’engager des ressources pour obtenir une règle favorable jusqu’à un montant qui est
le montant de la rente espérée.  dissipation parfaite de la rente.
* Sous dissipation de la rente : investissement inférieur au montant de la rente espérée.
* Situation de surdissipation de la rente : je dépense plus que le montant espéré de la
rente, pour obtenir la rente. -> si il y a eu une mauvaise appréciation du montant de la rente.
Ex : mise aux enchères de certains biens de SP qui sont parfois sur évalués.
La production de droit législatif est donc orientée par les investissements en recherche
de rente (des groupes de pression sur le marché politique).
Remarques : l’activité de recherche de rente est d’autant plus développée qu’il existe une
incertitude sur le bénéficiaire de la rente (BUCHANAN).
Du coup, le corollaire de ce résultat est que l’imprécision des textes législatifs accroit
ou tend à accroitre la recherche de rente. Si textes législatifs très généraux : pour savoir si la
règle leur est favorable ou non, ils font pressions pour que des textes supplémentaires soient
produits, pour préciser les règles.
La recherche de rente conduit à une surproduction de droit et de réglementation.
Idée : on observe un cycle politico-législatif, calé sur les échéances présidentielles. Cela
signifie qu’on a des pics de production législatives à l’occasion de chaque scrutin avec le
résultat suivant :
Dans les deux années suivants l’élection, les candidats réalisent leur programme
politique. Ils récompensent les groupes de pression « clients ».
La production de loi se ralentit les années suivantes, avec un minimum dans cette
production l’année des élections suivantes.
II. L’ACTIVITE DE PRODUCTION REGLEMENTAIRE : LES AUTORITES
DE REGLEMENTATION
 théorie économique de la capture, G. STIGLER
Idée : il faut se situer sur un marché politique, les autorités règlementaires constituent les
offreurs de réglementation. Les groupes d’intérêt : demandeurs de cette réglementation.
Les offreurs vont être intéressés par la recherche de leur intérêt personnel.
« PERKS » : avantages afférents à la fonction (appartement, frais pris en charge, la taille du
service, la promotion).
Dans l’analyse de STIGLER, ça va être plus particulièrement la possibilité pour les
autorités règlementaires d’obtenir un poste dans le secteur qu’ils ont pour charge de
règlementer.
Les autorités sont capturées par les entités qu’elles sont censées contrôler. Par
conséquent, elles produisent des règlementations favorables, p. ex. sous la forme de
subvention, par des mesures réduisant la concurrence contre la promesse de postes chez
l’industrie règlementée. Elles ne sont donc pas motivées par la fonction de bien être social mais
par leur intérêt particulier donc celui des groupes à réglementer.
C’est avéré par certains travaux empiriques (réalisée par STIGLER et FRIEDLAND). Il
montre que dans les États où les prix sont réglementés par une autorité de réglementation, ne
sont pas plus faibles que dans les États où ils ne sont pas règlementés et fixés par des
entreprises. Ça ne se fait donc pas dans un sens avantageux pour les consommateurs, que les
autorités sont pourtant censées représentées.
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