[1] D'abord, il faut établir ce qu'est le nom et ce qu'est le verbe, ensuite ce qu'est la négation et
l'affirmation et l'énonciation et la phrase.
Commentaire de saint Thomas
#4. — Le Philosophe place au début de cette œuvre un proème, dans lequel il énumère un à un les
[sujets] à traiter dans ce livre. Comme toute science place au début ce qui concerne les principes,
et que les parties des composés sont leurs principes, qui entend traiter de l'énonciation doit placer
au début ce qui concerne ses parties.
Aussi dit-il: «Il faut, en premier, établir», c'est-à-dire, définir, «ce qu'est le nom et ce qu'est le
verbe». En grec, on a: «Il faut, en premier, poser», et cela signifie la même chose. Comme, en
effet, les démonstrations présupposent les définitions à partir desquelles elles concluent, c'est à
bon droit qu'on les dit des positions. C'est pourquoi on place au début ici seulement les définitions
de ce dont on doit traiter, car c'est à partir des définitions que l'on connaît le reste.
#5. — Si l'on se demande, par ailleurs, étant donné que l'on a parlé des [expressions] simples dans
le livre des Prédicaments, quelle était la nécessité de traiter encore ici du nom et du verbe, on doit
répondre à cela qu'il peut y avoir une triple manière de traiter des expressions[5] simples. De l'une,
certes, pour autant qu'elles signifient absolument les intelligences[6] simples, et c'est ainsi que leur
traité appartient au livre des Prédicaments. D'une autre manière, pour autant qu'on les[7] conçoit
comme les parties de l'énonciation; c'est ainsi qu'on en traite en ce livre; c'est pourquoi on en traite
sous la notion[8] de nom et de verbe, à laquelle il appartient qu'ils signifient quelque chose avec
ou sans [connotation de] temps, et d'autres [propriétés] de la sorte, associées à la notion des
expressions, pour autant qu'elles constituent l'énonciation. D'une troisième manière, on les traite
pour autant qu'à partir d'elles on constitue l'ordre du raisonnement; et ainsi, on en traite sous la
notion de termes, au livre des Premiers [analytiques].
#6. — On peut encore se demander pourquoi, omettant les autres parties de la phrase, on traite
seulement du nom et du verbe. On doit répondre à cela que, puisqu'il entend traiter de l'énonciation
simple, il lui suffit de traiter seulement de ces parties de l'énonciation dont une phrase simple est
nécessairement constituée. Or on peut faire une énonciation simple avec un nom et un verbe seu-
lement, mais non avec d'autres parties de la phrase sans celles-là; c'est pourquoi il lui était suffisant
de traiter de ces deux-là.
On peut encore dire que seuls les noms et les verbes sont des parties principales de la phrase.
Sous les noms, en effet, on comprend les pronoms, qui, bien qu'ils ne nomment pas de nature,
établissent néanmoins la personne, et pour cela prennent la place de noms; et sous le verbe, le
participe, qui consignifie le temps, bien qu'il ait aussi une convenance avec le nom. D'autres, par
ailleurs, sont plutôt des liens entre les parties de la phrase, comme elles signifient la relation de
l'une avec l'autre, que des parties de la phrase; à la manière dont les clous et autres choses du genre
ne sont pas les parties d'un navire, mais des liens entre les parties d'un navire.
#7. — Une fois ceux-là présentés comme principes, il ajoute ce qui touche à son intention
principale, disant: «Ensuite, ce qu'est la négation et ce qu'est l'affirmation», qui sont les parties de
l'énonciation, non intégrantes, bien sûr, comme le nom et le verbe — autrement, il faudrait que
toute énonciation soit composée d'affirmation et de négation —, mais des parties subjectives, c'est-
à-dire, des espèces. Cela, certes, on le postule pour le moment, et on le manifestera plus tard.
#8. — Mais on peut se demander, comme l'énonciation se divise en attributive[9] et hypothétique,
pourquoi il n'en fait pas mention, comme de l'affirmation et de la négation. On peut dire que