Apprendre à lire des sciences cognitives à la salle de classe S. Dehaene - résumé

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Apprendre à lire: des
sciences cognitives à la salle
de classe
Éditions Odile Jacob, 2011. 211 pages.
15 septembre 2012
Comment faisons-nous pour lire ? La
recherche a fait des progrès
considérables pour répondre à cette
question et nous disposons
désormais d’une véritable science de
la lecture. Cet ouvrage a pour objectif
de diffuser les connaissances scientifiques sur le
cerveau du jeune lecteur et proposer des mises en
pratique à l’école. De la salle cognitive à la salle de
classe, il n’y a qu’un pas à franchir...
Dans ce livre, Stanislas Dehaene s’étonne à juste titre que
les recherches sur la lecture restent méconnues du grand
public et surtout des premiers concernés (enseignants et
parents). L’objectif de cet ouvrage est donc bien précis :
diffuser les connaissances scientifiques sur le cerveau du
jeune lecteur et proposer des mises en pratique à l’école.
Une première section dissèque le fonctionnement du
cerveau quand on lit et quand on apprend à lire. Bien avant
de savoir lire, l’enfant est déjà expert du langage parlé.
Apprendre à lire revient à prendre conscience des structures
du langage oral pour les mettre en rapport avec le code
visuel des lettres. Pour apprendre à décoder les mots écrits,
une région particulière du cerveau, initialement utile pour
reconnaitre les formes et les objets se spécialise dans le
cortex visuel. L’apprentissage sert à créer une connexion
efficace entre la vision des lettres et le codage des sons du
langage.
Stanislas Dehaene nous dévoile donc quelques principes de
base pour entrer sur le chemin de la lecture. L’enfant doit
tout d’abord avoir conscience des phonèmes (les sons les
plus élémentaires dans le langage parlé). La recherche
montre que l’exposition à des jeux de langage et de
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manipulation de la langue (comptines, rimes devinettes)
ainsi que l’attention ciblée sur le phonème permet
d’accélérer cette acquisition.
L’ouvrage ne propose pas une méthode optimale de
l’enseignement de la lecture, mais dresse plutôt une liste des
principes éducatifs qui facilitent la découverte de la lecture.
Les sept grands principes explicités nous semblent évidents,
mais ne vont pas toujours de soi pour les enseignants.
Le chercheur préconise tout d’abord de faire de la lecture un
enseignement explicite.
L’élève doit apprendre le lien entre graphèmes et phonèmes
pour décomposer le mot et activer la zone correcte dans son
cerveau (la prise en compte globale du mot active une aire
cérébrale inadéquate).
Dès que les relations entre graphèmes et phonèmes ont été
élaborées, l’enfant doit comprendre que les lettres peuvent
se combiner pour former des syllabes (il est indispensable
de proposer différentes combinaisons lors de l’introduction
de chaque nouveau phonème [la/al]). L’élève doit également
apprendre que le français se lit et s’écrit de gauche à droite
selon l’ordre temporel des phonèmes.
L’enseignant doit également proposer une progression
rationnelle basée sur :
La régularité des relations graphèmes-phonèmes :
les correspondances les plus régulières doivent être
apprises en premier
Leur fréquence : les graphèmes les plus fréquents
qui permettent de lire le plus grand nombre de mots
seront introduits en premier.
La facilité de prononciation des consonnes
isolées : f+a qui se lit fa est plus facile à aborder que
p+i qui se lit pé-i
La complexité de la structure syllabique : structures
consonnes-voyelles avant d’aborder les structures
consonnes-voyelles-consonnes
L’inséparabilité des graphèmes complexes : ou -an
– au – eau se lisent d’un bloc et non pas séparément :
on pourra utiliser un même carton ou la même couleur
dans un livre
Les lettres muettes
La fréquence des mots : l’enfant peut apprendre
sans tarder des mots outils irréguliers très fréquents
pour que leur lecture soit plus rapide
Le rôle des morphèmes : une fois le décodage
graphème-phonème acquis, un enseignement
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écologique : un défi
pour l’école
Actualité de Jean-Pierre
Astolfi
Bien débuter en
maternelle
explicite des morphèmes du français permettrait un
accès au sens efficace (terminaisons grammaticales,
mais aussi préfixes, suffixes et radicaux et découverte
de l’étymologie).
Une piste de progression pédagogique est d’ailleurs
proposée en annexe de l’ouvrage.
Le troisième grand principe est celui de l’apprentissage actif
associant lecture et écriture. Des recherches prouvent
qu’apprendre à composer des mots et à les écrire facilite
l’apprentissage de la lecture en particulier pour les lettres
miroir : l’élève qui confond le b et le d par exemple peut
différencier les lettres grâce au toucher et au geste
d’écriture.
Le principe suivant concerne l’automatisation de la lecture :
l’élève doit passer d’une lecture lente, consciente, avec effort
à une lecture fluide et rapide. L’entrainement de la lecture
permet d’intérioriser les règles et de créer des réseaux
neuronaux plus rapides. Ceci rend la mémoire de travail plus
disponible pour accéder au sens. L’environnement doit être
propice à la lecture quotidienne aussi bien du côté des
enseignants que des parents (bibliothèque de classe,
compte rendu de lecture, lecture aux enfants le soir avant le
coucher...)
L’enseignant doit également bien choisir les exemples et les
exercices afin de faciliter la compréhension de l’élève et
éviter de l’induire en erreur.
Ils doivent être en concordance avec l’enseignement : mots
déchiffrables par l’élève (relation graphèmes - phonème déjà
vue) au risque de voir l’élève tenter de deviner le mot.
Il faut aussi proscrire les erreurs volontaires : ne jamais
présenter des mots erronés ou mal orthographiés.
L’élève doit bien faire la différence entre le nom des lettres et
leur son (p+i se lit pi et non péi) enfin il convient de varier les
exercices pour que l’élève ne mémorise pas par cœur le
contenu des pages de manuels (stratégies parfois utilisées
par les enfants en difficulté).
L’enfant doit être actif dans l’apprentissage : il doit être
sollicité, essayer de répondre à des questions et apprendre
de ses erreurs. Il doit être attentif au bon niveau de codage :
écoute des phonèmes, des rimes et des syllabes,
graphèmes et phonèmes qui composent le mot de gauche à
droite et non la forme globale du mot. « Apprendre c’est
aussi apprendre à faire attention ».
L’apprentissage est facilité lorsque l’enfant est récompensé
de ses efforts Le regard, voire l’admiration des autres dans
une situation de réussite est une réelle récompense qui
procure du plaisir à l’élève. « L’enseignant doit proposer un
contexte motivant qui fasse que l’enfant soit actif, trouve du
plaisir à apprendre, se sente autorisé à faire des erreurs,
mais soit rapidement corrigé et récompensé de ses efforts ».
Les activités doivent être ludiques (jeux de rimes, comptines,
mots tordus...) et l’enfant doit comprendre que l’erreur fait
partie du processus d’apprentissage, il convient donc de
corriger l’erreur sans stigmatiser.
Le dernier principe concerne l’adaptation au niveau de
l’enfant : l’enseignant doit proposer des « défis » adaptés au
niveau des enfants en prenant en compte les rythmes
d’acquisition de chacun. Il doit donc évaluer régulièrement
les compétences pour ajuster son enseignement. La
recherche montre d’ailleurs que les enfants sont les premiers
bénéficiaires de ces évaluations à condition de leur
permettre d’expliciter leurs réussites et leurs difficultés.
L’auteur reconnait que cet exercice est difficile en classe
nombreuse et hétérogène, mais toute la classe peut
bénéficier de travaux collectifs et de remédiation destinés
aux élèves en difficulté. Le soutien individuel des enfants en
difficulté est primordial pour assurer une prise en compte
individuelle et une cohésion de classe.
Stanislas Dehaene propose ensuite de faire un parallèle
entre la science et la salle de classe : les sciences de la
lecture font état de nombreuses études notamment sur
l’amélioration de la vitesse de lecture d’enfants dyslexiques
grâce à des logiciels éducatifs tels que la Grapho-game.
Cependant ces études ont été faites sur de petits groupes
d’enfants et une expérimentation faite en 2012-2011 sur
1800 élèves de CP en milieu défavorisé n’a pas été
probante. Il est donc difficile de passer du laboratoire à la
salle de classe. Ce qui semble déterminer du succès ou de
l’échec d’une telle expérimentation dans les salles de classe
est la formation initiale des maitres pour qu’ils mettent en
œuvre des stratégies efficaces de lecture.
Toutefois des expériences à grande échelle ont bien
fonctionné comme en Grande-Bretagne. Là bas, la « literacy
hour » (l’heure de lecture) sous l’impulsion de l’association
« national literacy trust » a profondément modifié
l’organisation de l’enseignement de la lecture. Enseignants,
parents, partenaires éducatifs et chercheurs se sont donnés
comme objectif commun de combattre l’illettrisme en faisant
en sorte que chaque jour, chaque enfant progresse en
lecture. Le site internet foisonne d’idées, d’échanges de
pratiques de conseils. L’effet de cette réforme structurante
était net : un bond significatif des scores de lectures en
particulier chez les garçons (en retard par rapport aux filles
dans ce domaine) et cela a même affecté d’autres domaines
tels que les mathématiques et les sciences.
Cela montre qu’une politique pédagogique claire, rigoureuse
et motivante pour les enseignants peut porter ses fruits.
Alors à quand une « heure de lecture quotidienne » en
France et une réflexion aussi riche qu’en Grande-Bretagne ?
De la salle cognitive à la salle de classe, il n’y a qu’un pas à
franchir...
Guillaume Burghgraeve
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