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RETOUR SUR L’ENCYCLIQUE de BENOIT XVI
La troisième encyclique du Pape Benoît XVI « sur le développement humain intégral dans la
charité et dans la vérité » a été bien reçue et abondamment commentée.
Elle a été publiée le 7 juillet, à la veille de la rencontre des Chefs d’Etat et de Gouvernement
à l’Aquila, en Italie, la cité italienne frappée par un tremblement de terre, trois ans après
« Deus Caritas » et un an après « Spe Salvi ».
La rédaction définitive a été laborieuse, il a fallu avec plus ou moins de bonheur ajuster son
contenu pour mieux correspondre à la situation nouvelle, la conjoncture nouvelle, créée par
la crise mondiale soudaine et imprévue… la crise financière et morale du capitalisme.
Cette encyclique longue et dense recommande de faire œuvre d’ouverture et de
discernement. Elle s’adresse à tous les « hommes de bonne volonté » des divers continents.
Nous avons à lui donner du relief, à la faire parler, notamment sur la pensée sociale de
l’Eglise qu’elle nous conduit à approfondir. Elle explicite et développe les idées de Populorum
Progressio (1967). Si elle entraine à la réflexion, à la méditation, elle est aussi une invitation
à l’action pour que grandisse l’homme, tout l’homme et tous les hommes. Proposant à la
société un véritable examen de conscience (N° 30), elle peut être reçue comme une
participation de l’Eglise catholique au bon fonctionnement de la société humaine. Il faut que
l’homme soit au centre de la vie sociale, politique et économique. Cela suppose que l’on
s’entende sur ce qu’est l’homme et ce pourquoi il est fait. La doctrine sociale de l’Eglise
repose sur une anthropologie, une conception réaliste de l’homme. L’Eglise est « experte en
humanité » avait dit Paul VI, conception naturelle et chrétienne de l’homme dans ses
dimensions économique, sociale, éthique, culturelle et spirituelle (N° 75).
L’encyclique redonne aux chrétiens un outil de réflexion qui leur permet non seulement
d’analyser la société contemporaine, mais surtout de fonder leur engagement au service de
l’homme, de tous les hommes.
Plusieurs domaines concrets sont susceptibles d’application.
Je relève, pour ma part, ces lignes directrices d’une avancée vers un monde vraiment
humain, dans la justice et la paix. Je retiens quelques pistes concrètes, applicables par la
plupart d’entre nous. Je note ces points d’attention. Comme citoyens, nous sommes tous en
première ligne dans la bataille pour l’homme, dans nos associations, dans la vie politique,
économique, sociale, culturelle, spirituelle. Benoît XVI nous invite à nous tourner vers Dieu
(Conclusion). C’est la grandeur des petits pas.
1. L’exigence de la fraternité
L’insistance de Benoît XVI sur l’urgence d’une authentique fraternité revêt une
importance particulière. Citant Paul VI qui fustigeait le manque de fraternité entre les
hommes et entre les peuples, Benoît XVI en appelle à la fraternité (N° 19-52-53).
L’encyclique fait apparaître en très grand le mot fraternité. Nous sommes pétris de Dieu,
nous sommes reliés les uns aux autres, nous sommes impliqués dans le devenir des
frères. La fraternité vise le développement de tout homme et de tout l’homme, y compris
dans sa dimension spirituelle.
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L’éclairage de l’encyclique met en relief l’une des orientations essentielles de nos
organismes de solidarité. « Oser vivre la fraternité avec les pauvres en Eglise et partager
ensemble la recherche de sens ».
Dans cette exigence de la fraternité, chacun est à même aussi de constater que
« l’exaspération des droits conduit à l’oubli des devoirs » (N° 43).
2. L’appel à la conversion
Caritas in veritate est un formidable appel à la conversion de chacun d’entre nous. Le
chemin indiqué pour parvenir à cette conversion est d’abord celui du renouvellement de
l’intelligence.
Ce renouvellement a sa source dans la contemplation du mystère de Dieu et dans la
méditation du mystère de l’homme.
A la suite de Paul VI, Benoît XVI souligne que le développement de chacun ne peut être
qu’unifié et prendre en compte toutes les facettes de sa personnalité (N° 11).
C’est bien beau de vouloir toujours aller plus vite, de s’étourdir dans le bain de la
consommation mais au final, sait-on l’on va ? L’encyclique est un appel au sens de la
vie. L’opération « Noël autrement » est une invitation à amorcer un changement de nos
modes de vie, appel à mieux respecter la planète, à réfléchir sur nos achats qui ne sont
pas neutres au regard de la paix dans le monde et des droits de l’homme. C’est un temps
privilégié pour réfléchir à notre consommation, redécouvrir la place de l’autre, notre
prochain, dans nos vies. C’est un appel à changer nos modes de vie.
3. L’entreprise et le sort des travailleurs
Il y a longtemps que l’Eglise s’intéresse à l’entreprise, au sort des travailleurs et aux
instances représentatives du personnel dans les entreprises (N° 25-64)
Benoît XVI aborde un thème lié à celui de l’entrepreneur.
Qu’est-ce qu’un entrepreneur dans les grandes entreprises au capital dispersé ?
La crise pose la question (N° 40 - 41)
Ces propos peuvent nous aider à réfléchir à la nature et au rôle de l’entreprise. Le pape
propose un ensemble de critères simples pour évaluer les délocalisations et les
investissements étrangers, donc l’attitude à tenir à leur égard : prendre en compte « les
préjudices causés aux personnes par leur non emploi dans les lieux le capital a été
produit » (N° 40). L’horizon à atteindre reste de permettre à chacun, partout dans le
monde, d’accéder à un travail décent et le N° 63 explicite le mot travail décent.
Le cas de certaines entreprises est-il le signe d’une dégradation généralisée des relations
dans le monde de l’entreprise et d’une augmentation inquiétante de la souffrance au
travail ? Benoît XVI met en garde contre « une vision de l’existence purement
productiviste et utilitariste », qui ne peut que gangrener l’entreprise et les relations
humaines.
4. Le protectionnisme
C’est une question sensible, source de divisions.
Le pape offre de nombreux éclairages sur la mondialisation, le rôle des échanges dans le
développement, la question des droits de douane, l’attitude par rapport aux produits du
Tiers Monde.
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L’Eglise n’a pas de réponse technique à offrir (N° 9). Elle ne cherche pas à prendre la
place des autres acteurs. Elle ne dit pas ses préférences pour tel ou tel système
économique mais elle doit aider les chrétiens à réfléchir à ce sujet en ayant à l’esprit ce
que Paul VI appelait déjà le « développement solidaire de l’humanité » (N° 38). Notre
monde est invité à sortir des visées trop étroites pour retrouver les bases d’une nouvelle
« synthèse humaniste ».
Théologien et enseignant comme on le sait, le pape, en ce temps de crise dans la
mondialisation, parle de nouvelles manières modestes de sentir et d’agir.
5. Le profit
Il est certes utile mais il doit être orienté (N° 21) : pas de profit à n’importe quel prix
humain, ni pour faire n’importe quoi. Il doit avoir pour but ultime « le bien commun ».
Benoît XVI interpelle la conscience de chacun et montre par exemple avec ce qu’il dit sur
le don et la gratuité, comment moraliser nos comportements.
Pour reprendre confiance, il importe de ne pas vivre l’économie mondialisée comme une
fatalité ni oublier qu’existe aussi « la logique du don sans contre partie » (N° 39). La
gratuité, ce peut être se donner les moyens d’être attentif à la « personne » présente en
chaque salarié.
6. Le système de vie en société :
Ici, trois sujets sont mis en présence: le marché, l’Etat et la société civile (N° 38).
La société a besoin de contrat, de lois justes et de l’esprit de don (N° 37)
Ce rappel de l’éthique souligne que l’économique et la politique doivent être conduits
avec le sens de la responsabilité sociale. Benoît XVI condamne l’hédonisme et le
consumérisme comme opposés à la solidarité (N° 51). Comment ne pas penser aux
campagnes lancées par plusieurs mouvements au moment des fêtes de Noël ?
L’encyclique cite aussi les coopératives, les mutuelles, les entreprises de l’économie
solidaire, la microfinance.
Les entrepreneurs chrétiens peuvent-ils considérer sérieusement cette invitation à des
formes économiques solidaires ? Les cadres chrétiens pourront-ils renforcer « l’économie
civile et de communion » plutôt que « la classe cosmopolite de managers » (N° 40) dont
l’encyclique dénonce l’anement ?
7. Le développement de l’homme
Benoît XVI approfondit le thème de ses prédécesseurs, celui du « développement intégral
de l’homme ». Ce développement comprend toutes les dimensions humaines et pas
seulement économiques. Que l’Eglise y ajoute la dimension religieuse ne surprendra
personne. On retrouve le souci du développement durable ; le développement
économique est indispensable, mais on ne peut s’arrêter là, l’homme ayant d’autres
dimensions car il ne vit pas seulement de pain. Dans les paragraphes 48 à 49, sur le
développement durable, la question est simple : quelle terre voulons-nous laisser ? Ce
qu’il faut développer, c’est l’homme en toutes ses composantes, non l’économie pour
l’économie.
8. L’environnement et l’écologie
Le Pape Benoît XVI développe cette thématique dans plusieurs numéros de l’encyclique
(N° 48, 49, 50, 51).
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Il évoque la nature comme expression d’un dessein d’amour et de vérité, comme don
que Dieu fait à l’homme.
Les projets pour un développement humain intégral doivent se fonder sur la solidarité et
sur la justice intergénérationnelle, la prise en considération des problèmes énergétiques.
Une maîtrise responsable de l’homme sur la nature doit renforcer l’alliance entre l’humain
et l’environnement.
La façon dont l’homme traite l’environnement influence les modalités avec lesquelles il se
traite lui-même et réciproquement.
Cela implique une considération du style de vie de nos sociétés développées et une mise
en œuvre d’une « écologie humaine ».
Il y a ici un aspect directement théologique le rôle de la création, la place de l’homme
dans celle-ci et un autre aspect plus directement opératoire comment avancer dans
la conscientisation et l’appel concret à de nouveaux modes de vie.
9. La gouvernance mondiale
Le texte en appelle à « la grande distribution » de la richesse au niveau planétaire et à la
gouvernance de la mondialisation (N° 42 57). Il en appelle à une autorité politique
mondiale pour servir l’homme dans toutes les dimensions.
Nos contemporains s’indignent des ravages opérés par l’énigme du mal qui se répand
partout et chez tous mais qui demeure finalement inexpliqué.
Par delà le mauvais fonctionnement des institutions, les comportements que révèle la
période actuelle sont à resituer dans une vision propre aux Ecritures quand elles insistent sur
le « péché des origines » (N° 34) : refus de la transparence, avarice dans la possession, soif
de maîtrise, accumulation des biens.
La raison sans foi s’égare, mais la foi sans la raison pousse à l’isolement.
Ce programme sera-t-il reçu ? Sera-t-il suivi ? A coup sûr, la face du monde serait quelque
peu changée.
Toutes ces interventions pour « changer le modèle global de développement » conduisent à
une révolution animée de la charité et de la vérité.
« L’amour de Dieu nous donne le courage d’agir et de persévérer dans la recherche du bien
de tous. »
André LACRAMPE
17 octobre 2009
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