pour mener un type de vie ou un autre »3. Plus concrètement, la capabilité mesure la
capacité d’un individu à vivre une vie choisie dans un environnement économique et social
donné. Au-delà de l’instruction, cela passe évidemment par une éducation à la liberté avec
une perspective fine de l’état de la société comme des buts que l’on peut donner à sa propre
vie. La justice sociale est ici impliquée dans la mesure où l’accès à la capabilité dépend pour
une part importante de la qualité du système éducatif qui passe principalement par
l’intervention de l’Etat.
Comme le jeune homme riche de l’évangile, les responsables des grandes organisations
internationales, certains responsables de firmes multinationales peuvent dire : « tout cela je
l’ai déjà fait ». Mais il est assez notoire qu’ils ne demandent pas « que manque-t-il
encore ? » (Mt, 19, 20). Ils entendraient une série de pistes de réflexion et de propositions
qui les feraient s’en aller « contristés » sinon aujourd’hui révoltés.
Ils entendraient d’abord que toutes les religions ne se valent pas, sinon en elles-mêmes, du
moins dans la conception de l’homme qu’elles véhiculent ou les structures sociales qu’elles
cautionnent. « Dans le même temps, subsistent parfois des héritages culturels et religieux
qui figent la société en castes sociales immuables, dans des croyances magiques qui ne
respectent pas la dignité de la personne, dans des attitudes de sujétion à des forces
occultes. Dans de tels contextes, l’amour et la vérité peuvent difficilement s’affirmer, non
sans préjudice pour le développement authentique » (§ 55).
Ils entendraient ensuite que l’instruction et la formation professionnelle ne suffisent pas, ce
que d’ailleurs la notion de capabilité reconnaît. Mais ils comprendraient aussi que la
capabilité est vide de sens, qu’elle est purement formelle et qu’elle reste muette sur le bien
de l’homme. Benoît XVI pointe cette difficulté lorsqu’il écrit : « pour éduquer il faut savoir qui
est la personne humaine, en connaître la nature » (§ 61). Et aussitôt, il s’inquiète du
relativisme ambiant en notant avec finesse qu’il est bien plus difficile de fonder la civilisation
de la mondialisation lorsque ne s’appuie pas sur le socle commun d’une unique conception
3 (1992), Inequality Reexamined, Oxford, Clarendon Press, p. 40