Jean-Louis MASSON Sénateur de la Moselle Tél. : 03.87.30.39.15 Le 6 février 2012 Monsieur Jean-Louis DEBRE Président du Conseil Constitutionnel 2 rue Montpensier 75001 PARIS Monsieur le Président, Le jeudi 2 février dernier, le Conseil d’Etat a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), soulevée par Mme Marine LE PEN au sujet de la publicité des listes de parrainages pour les candidats à l’élection présidentielle. Or depuis 2001 j’ai multiplié les initiatives parlementaires sur le sujet (propositions de loi, questions, intervention en séance...) ; de plus, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi organique relatif aux élections présidentielles, j’ai été le seul parlementaire à faire porter le débat sur ce point (séances des 12 et 31 janvier 2012). Ayant en la matière des arguments à faire valoir, je demande donc à être entendu par le Conseil constitutionnel au titre de cette QPC (cf. article 6 du règlement intérieur relatif aux QPC). La décision du Conseil d’Etat me semble justifiée en raison des pressions ou des menaces exercées sur les parrains potentiels et des exactions ou autres représailles constatées après la publication des parrainages. La quasi-totalité des partis politique et tous des parlementaires sont conscients du problème. Cependant, les éventuelles réformes se heurtent à une hypocrisie générale et aux attitudes politiciennes de ceux qui essayent de profiter du système : Ainsi, en mars 2002, M. HOLLANDE avait indiqué qu’il fallait procéder à « une redéfinition du collège des parrains ». Pourtant en 2007, il a ordonné par écrit aux maires socialistes de ne signer que pour la candidate du P.S. Interrogé le 2 février 2012 sur RTL, le même a indiqué qu’il n’y a là « aucun débat particulier ». Selon lui, « Jusque là, la famille LE PEN a toujours été capable de se présenter, pourquoi changer ? ». Outre la duplicité du propros à géométrie variable, il s’agit en plus d’un mensonge. En effet en 1981, M. LE PEN n’avait pas pu se présenter faute d’avoir obtenu le nombre de parrainage requis (journal Libération et site Le Monde.fr du 2 février 2012). Du côté de M. SARKOZY, le constat est le même. Au lendemain de son élection en 2007, il avait affirmé que « la démocratie ne doit pas être confisquée par un petit nombre de gens ». En novembre 2007, il avait ensuite publié la feuille de route du Premier Ministre François FILLON, il lui demandait entre autre « que le processus de désignation des candidats à l’élection présidentielle garantise que tous les courants significatifs d’opinion peuvent avoir un candidat ». Rien n’a été fait. Pire, le Premier Ministre, s’exprimant sur France 2, le 2 février dernier, a défendu le statu quo en prétendant qu’il s’agit d’un faux problème. Au Parlement, la plupart des députés et sénateurs reconnaissent que la procédure est anormale mais sous l’influence des deux grands partis et par calcul politicien, ils cautionnent le statu quo. Là aussi, le double langage est de mise puisque le 31 janvier, un sénateur a, à la fois voté contre mes amendements supprimant la publicité des parrainages et donné une interview au journal Ouest France pour réclamer la suppression de la publicité des parrainages (article publié le lendemain). En fait, et comme je l’ai longuement indiqué lors des débats au Sénat, le système des parrainages est moins utilisé pour écarter les candidats fantaisistes que pour essayer d’éliminer une concurrente dont l’audience menace l’hégémonie des deux grands partis. Si demain un maire signe pour M. CANTONA, pour M.CHEMINADE ou pour M. RIBERY, personne ne lui fera de remarque. Par contre, s’il signe pour Mme LE PEN, alors là les états majors du PS et de l’UMP se déchaîneront. Les aléas constatés lors des précédentes élections font que des milliers de maires sont intimidés et inquiets des risques d’ennuis. Qui plus est, chacun sait que ces pressions se concentrent contre les parrainages pour le Front National. Or il suffit d’intimider une centaine de maires pour empêcher ce parti d’avoir le nombre requis de parrainages...et l’UMP et le PS ne s’en privent pas. Si de la sorte on empêchait une candidature, qui représente près de 20 % des suffrages, ce serait un scandale démocratique. L’article 4 de la Constitution garantit « la participation équitable des partis...à la vie démocratique de la Nation ». En théorie, la loi actuelle respecte ce principe. Par contre en pratique, ce n’est pas le cas en raison des pressions et autres menaces sur les maires. Veuillez croire, Monsieur le Président, en l'expression de ma haute considération. Jean-Louis MASSON, Sénateur de la Moselle.