Le 6 février 2012
Monsieur Jean-Louis DEBRE
Président du Conseil Constitutionnel
2 rue Montpensier
75001 PARIS
Monsieur le Président,
Le jeudi 2 février dernier, le Conseil d’Etat a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel,
la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), soulevée par Mme Marine LE PEN au sujet
de la publicité des listes de parrainages pour les candidats à l’élection présidentielle.
Or depuis 2001 j’ai multiplié les initiatives parlementaires sur le sujet (propositions de loi,
questions, intervention en séance...) ; de plus, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi
organique relatif aux élections présidentielles, j’ai été le seul parlementaire à faire porter le
débat sur ce point (séances des 12 et 31 janvier 2012).
Ayant en la matière des arguments à faire valoir, je demande donc à être entendu par le
Conseil constitutionnel au titre de cette QPC (cf. article 6 du règlement intérieur relatif aux
QPC).
La décision du Conseil d’Etat me semble justifiée en raison des pressions ou des menaces
exercées sur les parrains potentiels et des exactions ou autres représailles constatées après la
publication des parrainages. La quasi-totalité des partis politique et tous des parlementaires
sont conscients du problème. Cependant, les éventuelles réformes se heurtent à une
hypocrisie générale et aux attitudes politiciennes de ceux qui essayent de profiter du
système :
Ainsi, en mars 2002, M. HOLLANDE avait indiqué qu’il fallait procéder à « une
redéfinition du collège des parrains ». Pourtant en 2007, il a ordonné par écrit aux
maires socialistes de ne signer que pour la candidate du P.S. Interrogé le 2 février 2012
sur RTL, le même a indiqué qu’il n’y a « aucun débat particulier ». Selon lui,
« Jusque là, la famille LE PEN a toujours été capable de se présenter, pourquoi
changer ? ». Outre la duplicité du propros à géométrie variable, il s’agit en plus d’un
mensonge. En effet en 1981, M. LE PEN n’avait pas pu se présenter faute d’avoir
obtenu le nombre de parrainage requis (journal Libération et site Le Monde.fr du 2
février 2012).
Jean-Louis MASSON
Sénateur de la Moselle
Tél. : 03.87.30.39.15
Du côté de M. SARKOZY, le constat est le même. Au lendemain de son élection en
2007, il avait affirmé que « la démocratie ne doit pas être confisquée par un petit
nombre de gens ». En novembre 2007, il avait ensuite publié la feuille de route du
Premier Ministre François FILLON, il lui demandait entre autre « que le processus de
désignation des candidats à l’élection présidentielle garantise que tous les courants
significatifs d’opinion peuvent avoir un candidat ». Rien n’a été fait. Pire, le Premier
Ministre, s’exprimant sur France 2, le 2 février dernier, a défendu le statu quo en
prétendant qu’il s’agit d’un faux problème.
Au Parlement, la plupart des députés et sénateurs reconnaissent que la procédure est
anormale mais sous l’influence des deux grands partis et par calcul politicien, ils
cautionnent le statu quo. Là aussi, le double langage est de mise puisque le 31 janvier,
un sénateur a, à la fois voté contre mes amendements supprimant la publicité des
parrainages et donné une interview au journal Ouest France pour réclamer la
suppression de la publicité des parrainages (article publié le lendemain).
En fait, et comme je l’ai longuement indiqué lors des débats au Sénat, le système des
parrainages est moins utilisé pour écarter les candidats fantaisistes que pour essayer d’éliminer
une concurrente dont l’audience menace l’hégémonie des deux grands partis. Si demain un
maire signe pour M. CANTONA, pour M.CHEMINADE ou pour M. RIBERY, personne ne
lui fera de remarque. Par contre, s’il signe pour Mme LE PEN, alors les états majors du PS
et de l’UMP se déchaîneront.
Les aléas constatés lors des précédentes élections font que des milliers de maires sont
intimidés et inquiets des risques d’ennuis. Qui plus est, chacun sait que ces pressions se
concentrent contre les parrainages pour le Front National. Or il suffit d’intimider une centaine
de maires pour empêcher ce parti d’avoir le nombre requis de parrainages...et l’UMP et le PS
ne s’en privent pas.
Si de la sorte on empêchait une candidature, qui représente près de 20 % des suffrages, ce
serait un scandale démocratique. L’article 4 de la Constitution garantit « la participation
équitable des partis...à la vie démocratique de la Nation ». En théorie, la loi actuelle respecte
ce principe. Par contre en pratique, ce n’est pas le cas en raison des pressions et autres
menaces sur les maires.
Veuillez croire, Monsieur le Président, en l'expression de ma haute considération.
Jean-Louis MASSON,
Sénateur de la Moselle.
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