Edition du 4 juin 2012
Rio+20 : la « croissance verte » ne suffit de loin pas !
La conférence de l’ONU « Rio+20 » se tiendra à fin juin à Rio de Janeiro au Brésil. Alors que
la « croissance verte » est dans tous les esprits et sur toutes les lèvres, il ne faut pas at-
tendre d’elle des miracles. 20 ans après le Sommet de la Terre à Rio justement, il est plus
nécessaire que jamais de prendre en compte les notions de transition juste et de travail
cent si l’on veut progresser vers le développement durable.
Denis Torche, responsable du dossier politique extérieure, Travail.Suisse
En 1992, le Sommet de la Terre avait adopté à Rio l’Agenda 21. Ce programme d’action et consi-
déré comme le principal repère sur la voie vers le développement durable.
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Mais ce changement
de paradigme n’a pas eu les effets escomptés, si l’on dresse le bilan vingt après : l’humanité conti-
nue à détruire la planète et les inégalités sont plus criantes que jamais. Les pays riches exigent
toujours le démantèlement des droits de douane et des subventions à l’industrie dans les pays en
développement alors qu’ils continuent à subventionner massivement leur agriculture et ne mettent
pas au service de l’humanité les progrès accomplis par exemple dans le domaine des médica-
ments.
Dans ce contexte peu réjouissant, une nouvelle formule en vogue est en passe de remplacer le
concept de développement durable, celle de « la croissance verte ». C’est le nouveau sésame
censé combiner protection de l’environnement et…croissance !
Les limites de la planète
La « croissance verte », pour être compatible avec les limites de l’écosystème, devrait parvenir à
diviser par cinq les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 dans les pays riches, préserver la
biodiversité et réduire fortement son recours aux énergies fossiles et à l’eau.
Ces objectifs sont irréalisables en fait si l’on compte que sur la « croissance verte » pour y parve-
nir. Par exemple, un pays comme la France, pour diviser par 5 au moins ses émissions de gaz à
effet de serre, devrait réduire de 4% par an pendant 40 ans ses émissions. C’est autant chaque
année que ce qui a été réalisé au cours des dix dernières années, selon le critère des émissions
produites dans le pays. Ce sera déjà difficile sans croissance. Mais avec une croissance de 2% par
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La notion de développement durable signifie un développement qui satisfait les besoins de la génération
actuelle sans compromettre ceux des générations à venir. Elle implique une dimension sociale, écologique et
économique qui sont interdépendantes.
an, il faudrait réduire les émissions de 6% par an.
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En d’autres terme : la croissance verte ne peut
pas être le sésame unique pour garantir la durabilité.
La dimension sociale négligée
De plus, la « croissance verte » omet une dimension fondamentale du développement durable : la
justice. Partout dans le monde, les inégalités progressent. Une récente étude
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de l’OCDE vient
d’ailleurs confirmer que le fossé entre les riches et les pauvres dans les 34 pays de l’OCDE n’a
jamais été aussi grand depuis trente ans. Aujourd’hui, le revenu moyen des 10% les plus riches
représente neuf fois celui des 10% les plus pauvres. L’écart de revenu s’est aussi creusé dans les
pays de tradition égalitaire comme l’Allemagne, le Danemark et la Suède passant de 5 à 1 dans les
années 80 à 6 à 1 aujourd’hui.
Il est donc indispensable que la Déclaration finale qui clôturera la Conférence « Rio+20 » inclue
aussi les questions de redistribution, les conditions de travail dignes dans le sens de l’agenda du
travail décent de l’OIT ainsi que l’égalité des chances.
C’est dans ce sens que le mandat de négociation de la Suisse devrait aller. Or, jusqu’ici les as-
pects sociaux manquent et notre pays se concentre sur l’économie verte en oubliant la dimension
sociale. Travail.Suisse demande à la Suisse de reprendre les dispositions pour une « transition
juste pour la population active, et la création de formes de travail décentes et des emplois de quali-
» présentées dans les décisions de l’ONU prises lors des négociations sur le climat à Cancun
(2010) et à Durban (2011).
Cela veut dire concrètement :
- La participation des travailleurs et travailleuses pour gérer les changements économiques,
restructurations d’entreprises et la nécessité d’acquérir de nouvelles formations vu
l’impact que le changement climatique et la nécessité de réduire massivement les gaz à ef-
fet de serre auront sur l’économie et l’emploi.
- Le respect des droits du travail et autres droits de l’homme pour assurer cette transition
juste.
- Un socle de protection sociale pour la justice sociale et une mondialisation équitable dans
le sens de la recommandation en discussion à la Conférence internationale du travail.
Un tel programme de développement durable devra pouvoir être financé. C’est pourquoi, nous
demandons aussi que l’on se penche sérieusement sur la mise en place d’une taxe sur les tran-
sactions financières internationales. Le dérèglement des marchés financiers est à l’origine de la
crise économique mondiale que nous avons connue en 2008 et 2009 et dont les conséquences se
font encore sentir aujourd’hui, en Europe en particulier. L’adoption d’une telle taxe aurait l’avantage
de mettre le grain de sable nécessaire dans les rouages de la finance internationale pour enrayer
la spéculation tout en permettant de dégager des ressources pour financer un monde plus durable
et plus juste.
2
Thomas Coutrot et Jean Gadrey, « La croissance verte en question », ETUI Policy Brief. Politiques écono-
miques, sociales et de l’emploi en Europe, no 3/2012.
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OCDE. 2011. Toujours plus d’inégalités : pourquoi les écarts de revenus se creusent. 450 p. 2011. Paris
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