Les mitochondries sont des organites intracellulaires
responsables de la respiration aérobie. En présence
d’oxygène, elles transforment les molécules organiques en
énergie chimique directement utilisable par la cellule sous
forme d’ATP et libèrent du CO2. Les mitochondries sont
ainsi le siège de réactions d’oxydation qui génèrent des
quantités importantes de radicaux libres susceptibles de
modifier localement la structure de l’ADN mitochondrial.
C’est en effet une des particularités des mitochondries que de
posséder un ADN propre, différent de celui présent dans le
noyau cellulaire, et qui est transmis majoritairement par la
mère lors de la fécondation.
Les travaux de génétique du vieillissement menés ces
dernières années ont montré que le nombre de points de
mutation et de délétions de l’ADN mitochondrial augmentait
avec l’âge dans de nombreux tissus. Ces observations ont été
faites aussi bien dans des modèles expérimentaux que chez
l’homme et posent la question du rôle des mitochondries dans
les mécanismes du vieillissement. Jusqu’à présent, seul un
parallélisme entre modifications de l’ADN mitochondrial et
phénomènes de vieillissement avait pu être mis en évidence
sans pouvoir préjuger de la relation de cause à effet entre les
deux. Une des façons de mettre en évidence un lien de
causalité entre les deux paramètres pourrait être d’induire des
altérations de l’ADN mitochondrial chez des animaux adultes
et de voir si effectivement leur vieillissement est accéléré.
C’est ce que vient de réaliser une équipe scandinave chez des
animaux transgéniques.
Les chercheurs de cette équipe ont induit chez la souris
une mutation sur l’ADN polymérase mitochondriale, une
enzyme impliquée dans la réplication et la réparation de
l’ADN. Jusqu’à 25 semaines, les animaux porteurs de la
mutation génétique étaient indiscernables des témoins. Dans
les semaines suivantes, ils développaient une cyphose ainsi
qu’une alopécie caractéristique d’un vieillissement accéléré
chez ces rongeurs. Leur espérance de vie moyenne était de 48
semaines et leur durée de vie maximale de 61 semaines. A
titre de comparaison, 95% des animaux témoins étaient
encore en vie à 48 semaines et 90% à 61 semaines. Dès la
quinzième semaine, les animaux transgéniques commençaient
à perdre du poids alors qu’en moyenne cette diminution de
poids n’intervient qu’après un an et demi chez la souris.
Parmi les autres manifestations qui peuvent s’apparenter à
un vieillissement accéléré chez ces animaux transgéniques,
on peut noter : - une réduction de la densité osseuse dès la
40ème semaine ; - une diminution de la masse grasse ; - une
faible concentration en hémoglobine; - une hypertrophie
cardiaque, principalement liée au ventricule gauche ; - une
accumulation de mitochondries anormales dans les
myocytes ; - une faible fertilité dès 20 semaines; - une
atrophie testiculaire chez les mâles. L’analyse de l’ADN
mitochondrial des animaux mutés montre une augmentation
marquée de délétions dans tous les tissus qui est stable avec le
temps. Le nombre de points de mutation de l’ADN
mitochondrial isolé du cerveau, du cœur ou du foie était 3 à 5
fois plus élevé que chez les témoins. L’activité de la chaîne
respiratoire et la production d’ATP étaient réduites chez les
souris transgéniques.
Ces résultats montrent qu’il existe un lien direct entre
mutations de l’ADN mitochondrial, activité respiratoire et
vieillissement accéléré chez la souris. Toutefois, le nombre de
points de mutation et de délétions induit par cette
modification génétique est déjà maximum à 2 mois et
n’augmente plus ensuite alors que les premiers signes de
vieillissement apparaissent à 6 mois. Il est possible qu’au-
delà d’une certaine atteinte de l’ADN mitochondrial des
mécanismes de sénescence s’enclenchent de façon
irréversible. Chez l’homme, ce seuil pourrait être atteint à un
âge différent selon les individus et leur environnement, lui-
même largement conditionné par les habitudes de vie.
B. Corman
Successful Aging Database
Une altération de l’ADN mitochondrial peut induire un
vieillissement accéléré
©2004 Successful Aging SA
Trifunovic A, Wredenberg A, Falkenberg M, Spelbrink JN, Rovio AT, Bruder CE, Bohlooly-Y M, Gidlof S, Oldfors A,
Wibom R, Tornell J, Jacobs HT, Larsson NG. Premature ageing in mice expressing defective mitochondrial DNA
polymerase. Nature. 2004; 429: 417-423.
Af 253-2004
Nombre de mutations de l’ADN mitochondrial à 25 semaines, exprimé en mutations pour 10
kb, dans différents organes des souris transgéniques, témoins ou hétérozygotes.
Animaux
transgéniques
Animaux
témoins
Animaux
transgéniques
Homozygotes
Cerveau 10 2,5 4,3
Cœur 13,5 4,5 1,6
Foie 14 3,3 4,0
hétérozygotes