Droit local en Alsace et en Moselle

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Droit Local en Alsace et en Moselle
Le Droit Local en Alsace et en Moselle est un régime juridique qui conserve, dans les
anciens territoires annexés et libérés, les dispositions mises en place par les autorités
allemandes lorsqu'elles sont estimées plus favorables aux habitants ainsi que des dispositions
préexistantes qui ont été entre-temps transformées ou supprimées par la législation française.
Créé en 1919 après la fin de la Première Guerre mondiale, il concerne les départements
français du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, regroupés depuis sous le nom générique
d'Alsace-Moselle et comporte :
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des lois françaises d'avant 1870 maintenues par l'administration allemande mais
abrogées par les autorités françaises durant l'annexion
des lois allemandes adoptées par l'Empire allemand entre 1871 et 1918
des dispositions propres à l'Alsace-Moselle adoptées par les organes locaux de
l'époque
des lois françaises intervenues après 1918 mais applicables aux trois départements
seulement
Le choix entre le droit local et le droit général français s'est fait par un Commissaire de la
République qui avait pour tâche de remettre l'Administration en route, ces dispositions étaient
à l'origine conçues pour être temporaires (certains textes sont encore en allemand). Deux lois
du 1er juin 1924 les ont rendues permanentes
Suite à l'occupation nazie et à l'annexion de facto des trois départements, le droit local avait
été supprimé. L'ordonnance du 15 septembre 1945 portant rétablissement de la légalité
républicaine l'a rétabli.
De par la complexité des origines du droit local et à l'initiative des autorités publiques,
notamment du ministère de l'Intérieur, l'Institut du droit local alsacien-mosellan (IDLAM) a
été créé en 1985 sous la forme d'une association de droit local pour documenter, étudier et
informer sur ses particularités. Il a été reconnu d'utilité publique en 1995.
Historique
Illustration représentant la signature du traité de Francfort
Articles détaillés : Alsace-Lorraine et Alsace-Moselle.
Dès 1870, après la défaite de l'armée française sur le front de l'Est, les territoires
qu'occupaient les armées allemandes dans les régions (germanophones) des anciennes
provinces de l'Alsace et de la Lorraine furent intégrées à l'empire allemand. La signature du
traité de Francfort qui intervint le 10 mai 1871 entre la République Française (proclamée le
4 septembre 1870) et l'Empire allemand (proclamé dans la Galerie des glaces à Versailles le
18 janvier 1871) fit l'objet d'âpres négociations. Outre le versement à l'Empire allemand d'une
indemnité de guerre de cinq milliards de Francs-or cautionnée jusqu'à son versement par une
occupation territoriale des vainqueurs, il fut convenu l'abandon à l'Empire germanique des
départements alsaciens du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (sauf l'arrondissement de Belfort) ainsi
que d'une partie des terres lorraines de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges. Les habitants
de ces territoires qui refusaient de vivre sous un gouvernement allemand furent autorisés, sous
certaines conditions, à "opter" pour la France et à partir. Après la signature du traité, reconnu
de jure par les autres Nations, il ne fut juridiquement plus question de parler d'annexion pour
ces territoires qui devinrent alors Terre d'Empire (Reichsland). Si les fonctionnaires français y
furent remplacés par des fonctionnaires allemands et si les lois et règlements de l'Empire
germanique y étaient appliqués, la germanisation de la vie quotidienne des "alsacienslorrains" ne se fit pas de façon brutale (tout au moins dans les premières années). En 1911,
l'Alsace-Lorraine devint d'ailleurs un Land allemand avec la création d'une constitution et
d'un parlement bicaméral (le Landtag) siégeant à Strasbourg.
De 1877 à 1914, l'Empire allemand modernisait son droit civil par différentes lois qui
s'appliquèrent à l'Alsace-Lorraine : la chasse, les caisses de maladies obligatoires, les
assurances obligatoires en accidents et invalidité vieillesse, les chambres de commerce, le
code professionnel, l'aide sociale, le domicile de secours, la règlementation du travail des
mineurs, le repos dominical et les assurances sociales.
Après l'armistice du 11 novembre 1918 et l'avancée des armées alliées jusqu'au Rhin, ces
territoires redevinrent français de facto. Le 15 novembre 1918, un décret du Président de la
République plaça les territoires récupérés sous l'autorité du Président du Conseil, Ministre de
la Guerre, qui délégua leur administration générale au Commissaire général de la République
à Strasbourg par un décret du 21 mars 1919. Entretemps, un décret du 6 décembre 1918 avait
posé le principe du maintien des textes antérieurs.
Signature du traité de 1919, Galerie des glaces, Versailles
Avec la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919, et la réintégration de ces territoires
dans l'État français se posait le problème du retour aux Lois françaises et particulièrement au
code civil français, très en retard sur le code civil de l'Empire allemand. Les habitants de ces
départements n'acceptaient pas que le retour à l'État français provoquât une régression, la
perte de dispositions plus utiles ou avantageuses que celles prévues par le code civil français.
Les divergences de mentalité entre la France et l'Allemagne amenèrent à la non-acceptation
de certaines lois votées en France entre 1871 et 1918, le cas le plus connu étant la loi de 1905
sur la Séparation de l'Église et de l'État, ceci ayant pour conséquence le maintien du Régime
concordataire en place avant l'annexion.
La loi du 17 octobre 1919, outre le fait qu'elle supprima la fonction de Commissariat général
de la République à Strasbourg, confirma le principe du maintien des textes antérieurs et y
ajouta le principe de l'introduction expresse du droit général. Ce dernier devait être introduit
par le fait du Parlement, soit qu'il édictât une loi à cet effet, soit qu'il ratifiât les décrets pris
par le Gouvernement. Il opta le plus fréquemment pour la dernière méthode. Deux décrets du
25 décembre 1919 réintroduirent le code pénal français mais en maintenant quelques
dispositions du droit local (donc du droit précédent, celui de l'Empire germanique) portant
principalement sur le droit de chasse, la vie économique, le droit communal et le droit social.
Après beaucoup de tergiversations, deux lois du 1er juin 1924 (loi civique d'introduction et loi
commerciale) entérinèrent ces dispositions locales. Ce furent pratiquement les seuls textes à
créer ce droit local.
On peut remarquer :
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que le contenu de ce droit local n'a jamais été publié au Journal officiel et que, si des
divergences d'interprétation surviennent, il est prévu que les juristes devront se référer
aux textes en allemand ;
que certaines dispositions du droit de l'Empire germanique étaient très en avance sur
l'époque ; par exemple, le droit civil général français n'a créé la faillite civile
personnelle qu'un siècle plus tard ;
que ce droit local est parfois appelé « Loi d'Empire de 1908 » alors que :
o on oublie de préciser « d'Empire germanique » ;
o
o
la loi de 1908 ne porte que sur une petite partie des nouvelles dispositions et ne
constitue pas, à elle seule, le code civil de l'Empire germanique qui a vu plus
d'une dizaine de lois y ajouter des dispositions nouvelles entre 1877 et 1914 ;
le droit local n'a été introduit qu'après la Grande Guerre.
Peu à peu, l'importance de ce droit local diminuait devant les nouvelles lois générales
françaises qui contenaient presque systématiquement une disposition les appliquant aux
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Comme, au fil du temps, de
nombreuses lois ont été modifiées ou actualisées, le droit local est loin d'être un droit figé. On
estime aujourd'hui qu'il représente environ un vingtième du droit applicable en AlsaceMoselle.
Le maintien de la rémunération en cas
d’empêchement du salarié :
Deux articles obligent l’employeur à maintenir le salaire, se sont les articles 63 du Code
de Commerce Local et 616 du Code Civil Local.
L’article 63 du Code de Commerce local s’applique aux salariés rentrant dans la catégorie
des
« commis commerciaux ».
Art. 63 - Le commis commercial qui par, suite d’un accident dont il n’est pas
fautif se trouve dans l’impossibilité de fournir son service, conserve ses droits au
salaire et à l’entretien, mais pas au-delà d’une durée de six semaines.
Le commis commercial n’est pas tenu de laisser porter en déduction le montant
de la somme qui lui est due par une société d’assurance contre la maladie ou les
accidents pour la durée du chômage. Toute convention contraire à cette
prescription est nulle.
L’article 616 du Code Civil Local s’applique à tous les salariés qui ne sont pas des
« commis commerciaux » et qui exercent leur activité professionnelle en Alsace-Moselle.
Art. 616 – L’obligé à la prestation de service ne perd pas sa prétention à la
rémunération par le fait qu’il aurait été empêché d’effectuer la prestation de
services pour une cause qui lui était personnelle, sans sa faute, pendant un temps
relativement sans importance. Toutefois, il doit nécessairement subir la déduction
du montant de ce qui lui revient, pour la durée de l’empêchement, à raison d’une
assurance contre la maladie ou contre les accidents établie sur le fondement d’une
obligation légale.
Pour quelle raison peut on utiliser le droit local ?
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 Pour le maintien de salaire lors de la maladie ;
 Les jours de carences de la CPAM ;
 Les autres absences qui ne sont pas prévisibles et dont le salarié ne porte pas la
responsabilité.
Le Conseil de Prud’hommes condamne régulièrement les employeurs qui refusent
d’appliquer le Droit Local.
Textes récents en matière de Jurisprudence
LE NUAGE DE CENDRES ENTRAINE-T-IL MAINTIEN DU SALAIRE POUR LES SALARIES
D'ALSACE-MOSELLE?
Le nuage de cendres entraîne-t-il maintien du salaire pour les salariés
d’Alsace-Moselle?
L’éruption d’un volcan en Islande a entraîné la fermeture de nombreux aéroports.
Certains salariés, bloqués à l’étranger à l’issue de leurs congés, n’ont pu être à leur
poste de travail au jour initialement convenu. Qu’advient-il de leur rémunération ?
Pour les salariés travaillant principalement en Alsace et en Moselle, la question se
pose de l’application des dispositions de droit local relatives au maintien du salaire,
contenues aux articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du code du travail.
La cause de l’absence est, dans notre cas, extérieure aux salariés. Parmi diverses
conditions, dont l’une concerne la durée de l’absence, le texte impose que la cause
de l’absence soit liée à la personne du salarié. Si le juge ne circonscrit pas
l’application de ces dispositions à la maladie du salarié - il admet ainsi que l’absence
du salarié motivée par la garde de son enfant malade entre dans les prévisions du
texte (Cass. soc. 19 juin 2002, n°21/02 FS, W. c/ T., Droit social n° 9-10/2002 p. 899,
note C. Radé) - , il est vraisemblable qu’il considérera que l’article L. 1226-23 du
code du travail ne vise pas la fermeture des aéroports ; une telle cause de l’absence
ne devrait pas être considérée comme personnelle au salarié et ne devrait pas
entraîner maintien du salaire au titre du droit local.
Ce raisonnement touche l’ensemble des salariés bénéficiant de l’article L. 1226-23
du code du travail (ancien article 616 du code civil local). Ce texte concerne tous les
titulaires d’un contrat de travail de droit privé, à l’exception de ceux relevant de la
notion de commis commercial, c’est-à-dire les salariés employés par un commerçant
ou une société commerciale, qui occupent des fonctions commerciales au service de
la clientèle. Ces salariés relèvent de l’article L. 1226-24 du code du travail qui ne lie
pas expressément le maintien du salaire à une cause personnelle au salarié. A notre
connaissance, aucune jurisprudence ne peut être citée qui se rapproche de
l’hypothèse en cause et permette de trancher nettement en un sens ou en l’autre. Il
nous paraît cependant, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, que
cet article, en ce qu’il fait notamment appel à la notion de faute du salarié et à un
accident (englobant la maladie), vise les causes d’absence se rapportant également
au salarié et non à un évènement qui, comme une fermeture d’aéroport ou une
interdiction de vol, lui est totalement extérieur. Le texte ne nous paraît donc pas
devoir s’appliquer au cas d’espèce.
GRIPPE PORCINE ET MAINTIEN DU SALAIRE
GRIPPE PORCINE (A H/N1) ET MAINTIEN DU SALAIRE DE DROIT LOCAL
Cas du salarié non atteint par la grippe :
Une circulaire récente de la Direction générale du travail (circ. DGT 2009/16, 3 juillet 2009) a
fixé la conduite à tenir au sein des entreprises tout au long de la pandémie grippale. Elle
prévoit, notamment, la mise en place d’un plan de continuité de l’activité, qui pourra décider
en situation 6 du maintien des seules activités essentielles à l’entreprise (selon les décisions
des autorités publiques).
Certains salariés pourront donc être amenés à ne pas travailler. Il peut en être ainsi des salariés
d’une crèche, dont la fermeture serait imposée. La cause de l’absence est en cette hypothèse
extérieure à ces salariés. Parmi diverses conditions, dont l’une concerne la durée de l’absence,
le texte impose que la cause de l’absence soit liée à la personne du salarié. Si le juge a admis
que l’absence du salarié motivée par la garde de son enfant malade entrait dans les prévisions
du texte (Cass. soc. 19 juin 2002, n°21/02 FS, W. c/ T., Droit social n° 9-10/2002 p. 899, note
C. Radé), il est vraisemblable qu’il considérera que l’article L. 1226-23 du code du travail ne
vise pas la fermeture de l’un ou l’autre secteur de l’entreprise pour cause de pandémie ; une
telle cause de l’absence ne devrait pas être considérée comme personnelle au salarié et ne
devrait pas entraîner maintien du salaire au titre du droit local.
Ce raisonnement touche l’ensemble des salariés bénéficiant de l’article L. 1226-23 du code du
travail (ancien article 616 du code civil local). Ce texte concerne tous les titulaires d’un
contrat de travail de droit privé, à l’exception de ceux relevant de la notion de commis
commercial, c’est-à-dire les salariés employés par un commerçant ou une société
commerciale, qui occupent des fonctions commerciales au service de la clientèle. Ces salariés
relèvent de l’article L. 1226-24 du code du travail qui ne lie pas le maintien du salaire à une
cause personnelle au salarié. Le texte n’exclut donc pas expressément le maintien du salaire
en une telle hypothèse. A notre connaissance, aucune jurisprudence ne peut être citée qui se
rapproche de l’hypothèse en cause et permette de trancher nettement en un sens ou en l’autre.
Il nous paraît cependant, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, que cet
article, en ce qu’il fait notamment appel à la notion de faute du salarié, vise les causes
d’absence se rapportant au salarié et non à un évènement qui, comme une fermeture
d’entreprise ou d’un secteur de l’entreprise en raison d’une pandémie, lui est totalement
extérieur.
Cas du salarié atteint par la grippe :
Tout autre chose est la rémunération du salarié absent parce qu’il est lui-même atteint de la
grippe A H1/N1. Qu’il soit commis commercial ou non, le salarié malade bénéficiera des
dispositions des articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du code du travail. L’arrêt de travail
provoqué par la grippe A H1/N1 entre dans les prévisions de ces textes. Il donne droit, sous
réserve du respect des autres conditions prévues par ces articles et en particulier de la
production d’un arrêt de travail, au maintien du salaire pendant l’absence du salarié.
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