Lorsque les accords de l'OMC seront pleinement applicables (c'est à dire en 2006
pour les pays bénéficiant du délai maximal), les pays en développement membres de
l'OMC ne pourront plus protéger leur industrie. En effet, toute discrimination est
désormais proscrite entre producteurs locaux nationaux et producteurs locaux
d'origine étrangère d'une part, entre producteurs locaux et importateurs d'autre
part (des taxes réduites restent cependant possibles à l'importation).
Les firmes multinationales promettent que la nouvelle législation sur les brevets
(volet des accords de l'OMC relatif à la propriété intellectuelle) et la
libéralisation des mouvements de capitaux (volet des accords de l'OMC relatif aux
investissements) les amèneront à investir massivement dans les pays en
développement. Mais il pourrait s'avérer préférable pour les firmes multinationales,
dans de nombreux cas, d'exporter tout simplement depuis les pays industrialisés, ou
depuis un nombre limité de pays en développement. Dans le domaine des médicaments
génériques, les industriels occidentaux pourraient bénéficier éventuellement, dans
certains pays du Sud, de coûts de production plus faibles que dans leur pays
d'origine. Mais cette production serait sans doute plus destinée à prendre une part
du marché local des génériques qu'à alimenter le marché des pays industrialisés.
Dans le domaine des médicaments innovants, l'intérêt des industriels occidentaux à
s'implanter dans les pays en développement ne va pas de soi car les coûts de
production, en particulier de main d'#339;uvre, sont le plus souvent secondaires
dans la détermination par les industriels des prix de vente des médicaments de
marque.
Les industriels occidentaux pourraient effectivement délocaliser une partie de leur
production dans les pays en développement dans le cas de médicaments qui ne sont
pas, ou peu, utilisés dans le pays de la maison mère et qui le sont dans les pays du
Sud. En dehors des cas de médicaments destinés à des pathologies tropicales, il est
malheureusement à craindre qu'il s'agisse souvent de médicaments considérés en
Occident comme obsolètes.
Au total, il est probable que les industriels occidentaux vont s'implanter sur les
marchés les plus porteurs des pays en développement. Certains pays du Sud,
particulièrement ouverts aux firmes multinationales, pourraient bénéficier
d'investissements significatifs. Mais il est probable également que, dans la plupart
des autres pays, l'industrie pharmaceutique locale soit soumise à la pleine
concurrence des firmes multinationales, sans effet positif sur le pays en termes de
transfert de technologie, d'emploi ou de prix des médicaments. La conséquence
prévisible de la suppression des mesures protectionnistes est, en effet, et pour
nombre de pays, de voir disparaître ou s'affaiblir leur industrie pharmaceutique
nationale. C'est précisément ce qui s'est passé dans certains pays d'Amérique latine
où les premières mesures de dérégulation remontent au début des années 1990.
Les pays en développement vont donc s'ouvrir plus largement aux médicaments des pays
occidentaux. La réciproque, cependant, n'aura pas lieu, car le marché pharmaceutique
occidental restera fortement protégé pour des raisons de santé publique. Dans les
pays industrialisés, un industriel doit déposer un important dossier pour obtenir
des autorités sanitaires une autorisation de mise sur le marché de son médicament.
Le coût d'enregistrement et d'élaboration de ces dossiers et la sophistication des
contraintes techniques de qualité tant au niveau de la recherche que de la
production pharmaceutiques excluent pratiquement toute possibilité pour les pays en
développement d'accéder directement au marché des pays occidentaux. Dans ce domaine
industriel comme dans d'autres, les normes de qualité de plus en plus strictes mises
en place dans les pays les plus industrialisés contribuent à les protéger
efficacement contre la concurrence. Jusqu'à maintenant, les exportations de
médicaments des pays
en développement vers les pays industrialisés sont très limitées et ne concernent
que des matières premières.