En effet, cette économie marchande et monétaire, à but lucratif en ce sens qu’elle rémunère le
capital, vit, pour des pans entiers de son activité, de solidarité ou de redistribution de nos
impôts.
Ainsi, par exemple, l’activité des médecins libéraux est comptabilisée dans cette économie
marchande et monétaire alors qu’ils n’ont de libéraux que le statut puisque leurs ressources
proviennent intégralement de la solidarité. De la même façon, les activités des entreprises du
BTP relèvent, pour plus des deux tiers, des commandes du secteur public. Et je passe sous
silence et pour pertes et profits l’ensemble des subventions publiques qui sont octroyées aux
entreprises du privé pour la création ou la sauvegarde de l’emploi, l’investissement,
l’innovation ou toutes autres raisons structurelles comme les subventions aux agriculteurs ou
conjoncturelles comme les moyens dégagés pour les tours opérateurs à la suite de la mauvaise
humeur d’un volcan islandais ou pour les propriétaires qui ont construit leurs maisons en zone
inondable.
En outre, parce qu’elle est binaire (offre-demande) et se préoccupe peu des conséquences de
ses choix sur les personnes et sur la planète, elle ne répond pas à tout et plusieurs de ses
réponses ne peuvent plus, ne pourront plus perdurer : il existe ainsi beaucoup de besoins non
satisfaits auxquels le marché ne répond pas, les ressources fossiles sont par définition
épuisables et les niveaux de pollution ont dépassé depuis longtemps, en de nombreux endroits,
des points de non retour.
A côté de cette économie marchande et monétaire, et au même niveau quantitatif (un
deuxième tiers), on trouve l’économie non marchande et monétaire, l’économie de la
redistribution qui, dans notre pays comme dans la plupart des pays développés, représente peu
ou prou, la même part que la précédente : en effet, les prélèvements fiscaux, quelle que soit
leur origine (Etat ou collectivités), quelle que soit leur destination, qu’ils soient directs ou
indirects, représentent, en gros, 50% des revenus.
Avec le choix fait par l’Union Européenne et par la France, de placer sur le marché des pans
entiers de services d’intérêt général, nous aurons, dans les années qui viennent, des choix
essentiels à faire pour maintenir, conforter et développer les éléments de cette économie non
marchande et monétaire, construite sur la solidarité entre les riches et les pauvres, entre les
générations, entre les territoires ou pour lui substituer des réponses assises sur l’assurance, sur
les risques et sur la solvabilité des publics concernés.
Et à côté de ces deux parts équivalentes, il en existe une troisième qui certes, n’est pas
comptabilisée dans un PIB qui croît quand les accidents de la route augmentent (là aussi, nous
reviendrons sans doute sur ces indicateurs de richesse) mais sans laquelle nous ne pourrions,
tout simplement, pas vivre ensemble : c’est l’économie non marchande et non monétaire,
certains l’appellent l’économie réciprocitaire ou encore l’économie du don et du contre-don,
qui comprend notamment toute l’économie domestique et tout le temps social qui pousse tant
de bénévoles (trop peu pour tout ce qu’il y a à faire) à faire société, les uns en s’occupant des
jeunes du club de foot ou de basket pendant que d’autres soutiennent les exclus de toute
nature de cette partie de l’économie basée sur le rendement maximum et immédiat du capital
investi.
L’ESS naît de la combinaison (de l’hybridation comme disent Bernard Eme et Jean-Louis
Laville) de ces trois formes d’économie, comme un hybride est produit par la main de
l’Homme à partir des meilleurs caractères des parents.
Et, depuis plusieurs décennies maintenant, nous avons apporté la preuve que l’on peut
effectivement créer de l’activité économique nouvelle en combinant, en hybridant ces trois