Lorsque le Sud finance le Nord ! Hakim Ben Hammouda. Cette information peut paraître surprenante et difficile à croire ! Mais, c’est bien la réalité de l’économie mondiale et de la globalisation d’aujourd’hui. Le Sud est bel et bien entrain de financer le Nord alors que la théorie économique n’a jamais cessé de mettre l’accent sur l’importance du financement externe et notamment de l’aide afin d’aider les pays en développement à démarrer leur croissance économique et à sortir du cercle vicieux de la faiblesse de l’épargne locale. Or, la situation semble bien différente aujourd’hui et le Sud devient, paradoxalement, un des plus grands bailleurs de fonds des pays riches. Le dernier rapport de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique estime que les pays en développement ont dégagé un excédent net de 590 milliards de $ en 2006 dont une grande partie est investie dans les pays riches. Il faut dire que cette situation n’est pas totalement nouvelle et dès la fin des années 80 on a commencé à assister à un renversement des flux financiers entre pays riches et pays pauvres. En effet, les pays en développement avaient commencé à rembourser leurs dettes et du coup les flux en partance de leurs banques étaient supérieurs à ceux qu’il recevaient de la part des pays riches. Cette situation était d’ailleurs à l’origine de la montée de la contestation de la part des organisations de la société civile et des pays en développement et avait sonné le point de départ aux campagnes sur l’annulation de la dette et aux critiques à l’encontre des Programmes d’Ajustement Structurels et du consensus de Washington. La situation d’aujourd’hui est différente de celle des années 90 pour plusieurs raisons. D’abord, ces excédents ne proviennent pas des pays largement endettés. Par ailleurs, les montants en jeu sont nettement plus importants que ceux qui étaient liées au remboursement de la dette. Enfin, ces excédents ont été placés sur les marchés financiers internationaux et n’ont pas servi pour le paiement du service de la dette. De quoi s’agit-il exactement ? Le Rapport Economique sur l’Afrique et d’autres rapports internationaux indiquent que plusieurs pays en développement disposent d’importants excédents financiers depuis quelques années. On estime que ces excédents pourront atteindre près de 640 milliards de $ à la fin de 2007. Ce sont essentiellement les pays exportateurs de matières premières et notamment de pétrole qui ont accumulé ces excédents du fait de la hausse des cours internationaux. Mais, il faut noter que pour d’autres pays comme la Chine ou l’Inde et d’autres pays asiatiques, ces excédents sont le résultat de l’accroissement de leur compétitivité et de leur capacité d’exportation de produits manufacturés. Une autre question importante est de savoir comment sont utilisés ces excédents ? Et c’est là où tout se complique et que l’étonnement et l’interrogation sont à leurs combles. Car l’essentiel de ces excédents est utilisé dans des placements sur les marchés internationaux de capitaux et sert à combler les déficits des pays développés. Cette question est au centre des préoccupations des analystes et l’accumulation de déséquilibres économiques de la part des grands pays développés est considérée comme un motif d’inquiétude et d’instabilité de l’économie mondiale. Ces déficits n’ont pas cessé de grimper ces dernières années et représentent aujourd’hui près de 1,6% du PIB de ces pays en 2006. Cette évolution est du fait essentiellement des Etats-Unis dont le déficit a plongé durant les dernières années pour passer de 4,5% à 6,6% du PIB entre 2002 et 2006. Une augmentation qui n’est pas sans rapport avec la guerre en Irak et l’explosion des dépenses militaires américaines. Mais, d’autres pays développés ont également connu d’importants déficits dont l’Espagne, le Royaume Uni et l’Australie. Certes, un grand nombre de pays en développement ont cherché à se désendetter en utilisant ces excédents pour payer leurs dettes avant terme. Mais, une grande partie de ces ressources ont été utilisée dans des placements des excédents sur les marchés internationaux et ont contribué à financer les déficits des pays développés ce qui a jusqu’à présent évité à l’économie mondiale une grave crise. Cependant, les besoins des pays en développement sont énormes et ces excédents peuvent contribuer à les satisfaire. Certains pays d’ailleurs, comme l’Algérie, ont utilisé ces excédents pour financer d’importants programmes d’investissements publics dans les domaines de l’infrastructure et des dépenses sociales. Plus que les marchés, ce sont les populations pauvres qui ont besoin de ces ressources après des années de privation et de misère. Il serait alors important pour ces pays de consacrer une plus grande partie de ces excédents à relancer leur développement, à satisfaire les besoins sociaux et à renforcer leur coopération régionale.