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Ce texte de TERRA-Editions, Collection « Etudes » (http://terra.rezo.net/rubrique109.html) est sous copyright de son auteur et licence
"Creative Commons" ; pour le citer : A. Tandé, « La notion de discrimination dans les débats et l’action publics : lecture de quatorze années
de littérature grise française, (1992-2005) » Co-édition de l’IRIS, du Pgr FRONTIERES (ANR) et de TERRA-Editions., Coll. "Etudes"
(http://terra.rezo.net/article698.html), janvier 2008, 192 pages
Introduction
Que disent les discours publics qui portent sur la notion de discrimination ethnique et raciale,
et comment cette notion s’est-elle développée dans les débats publics et dans l’action publique en
France depuis le début des années 1990 ? Ce sont ces deux questions, formulées au début du
programme « Frontières », qui guident la présente recherche. Répondre à la première question, celle
du contenu, constitue en quelque sorte un préalable pour avancer sur la seconde, celle des conditions
d’émergence. Une première étape a consisté à recenser les travaux et les rapports jugés les plus
significatifs du point de vue de l’histoire récente de la notion, à la fois sur les plans scientifique et
administratif, en privilégiant ce qu’il est convenu d’appeler la « littérature grise ». Compte tenu du très
grand nombre de documents publics qui traitent des phénomènes discriminatoires, il n’était pas
question de viser l’exhaustivité. En revanche, la recherche porte sur un large éventail de discours.
Chacun des vingt-sept rapports a fait l’objet d’une fiche informative et critique, qui doit permettre au
lecteur de se faire une idée générale du texte, et d’envisager dans un second temps une analyse plus
précise de celui-ci. On trouvera ici la synthèse de l’ensemble de ces fiches, classée selon les
principaux éléments qui ont été recensés : les acteurs, les notions et les recommandations
opérationnelles.
Pour rendre compte du contenu et des évolutions récentes des discours publics sur la notion de
discrimination, on souhaite proposer une lecture critique de documents de « littérature grise » qui
évoquent la notion et les pratiques de discriminations ethniques et raciales en France entre 1992 et
2005. Il n’existe pas de définition canonique de ce que recouvrent les termes de « littérature grise ».
On peut toutefois distinguer celle-ci de la littérature proprement dite, et aussi des travaux de
philosophie, des essais ou des tribunes de presse. Cette expression renvoie à une relative
confidentialité, le statut des documents ainsi nommés évoluant entre le secret et le grand public. Il faut
aussi mentionner une relative technicité, et le fait que ces documents soient d’abord à usage
professionnel. Ils sont le plus souvent produits par et/ou pour des institutions, publiques ou privées, et
servent des finalités qui peuvent être scientifiques ou pleinement opérationnelles. Un exemple
caractéristique de cette « littérature » est ainsi le rapport d’expertise. En ce qui concerne cette
recherche, le corpus comprend des documents qui évoquent tous, d’une manière ou d’une autre,
l’existence de discriminations fondées sur des critères ethniques et/ou raciaux. Au total, vingt-sept
documents ont été réunis, dont on peut souligner la diversité des auteurs : il s’agit d’institutions
publiques (Haut Conseil à l’Intégration, Groupe d’Etude et de Lutte contre les Discriminations,
Inspection Générale des Affaires Sociales, Conseil d’État, Cour des Comptes, Haute Autorité de Lutte
contre les Discriminations et pour l’Egalité) et de hauts responsables politico-administratifs (Jean-
Michel Belorgey, Bernard Stasi, Dominique Versini) ; de chercheurs et d’équipes de recherche
(Michèle Tribalat, Patrick Simon (INED), Maryse Tripier, François Vourc’h, Véronique De Rudder
(URMIS), Philippe Bataille (CADIS) ; d’acteurs privés à but lucratif ou non lucratif (Olivier Noël
(ISCRA), Fabrice Dhume (ORIV Alsace), Claude Bébéar, Laurent Blivet, Yazid Sabeg, Laurence
Méhaignerie (Institut Montaigne)). La cohérence de ce corpus réside dans la volonté d’étudier la
notion de discrimination ethnique et raciale dans le débat et l’action publics, en présentant un large
éventail des discours : il ne s’agit pas d’étudier les évolutions au sein d’un même institution ou pour
un même type d’acteurs, ce qui aurait conduit à rassembler de manière systématique certains travaux
Cette recherche s’inscrit dans l’axe « Espace public et politiques publiques » du programme de recherche
« Frontières », qui a bénéficié d’un financement de l’Agence Nationale de la Recherche. L’objectif de cet axe
est de comprendre comment se construisent les débats publics et les politiques publiques en France dans le
domaine de l’accueil et de l’intégration des populations étrangères. Il s’agit notamment d’analyser les notions et
les arguments produits, en prêtant une attention particulière aux évolutions des modes de problématisation. Un
groupe de travail consacré spécifiquement à la notion de discrimination dans les discours publics a assuré
l’encadrement de cette recherche. Il a réuni Didier Fassin (Professeur à l’Université Paris 13 et Directeur
d’études à l’EHESS, Directeur de l'Iris), Olivier Noël (Chercheur-coopérant à l'ISCRA et responsable du pôle
ISCRA-Méditerranée.), Sarah Mazouz (Doctorante à l’ENS) et Alexandre Tandé (Doctorant à l’Université Paris
1 et à l’Université Libre de Bruxelles, auteur de la recherche).