Lesfari, A. : Le théorème de Sard.

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Le théorème de Sard
A. Lesfari
Département de Mathématiques
Faculté des Sciences
Université Chouaïb Doukkali
B.P. 20, El-Jadida, Maroc.
E. mail : [email protected]
Un ensemble A ⊂ Rm est dit de mesure nulle si pour tout ε > 0, il existe un
recouvrement dénombrable de cubes tels que leur volume total soit inférieur à
ε. Dans ce cas, on dit que le complémentaire Rm \A est un ensemble dense dans
Rm . De même, pour une variété M de dimension m, un ensemble B ⊂ M est
dit de mesure nulle dans M si pour toute carte (U, ψ) de M , l'image ψ(A ∩ B)
est de mesure nulle dans Rm .
Soient M , N deux variétés diérentiables et ϕ : M −→ N une application
lisse. Un point x ∈ M est dit critique de ϕ si la diérentielle
dϕx : Tx −→ Tϕ(x) ,
a un rang strictement inférieur à dim M , autrement dit si ϕ n'est pas une
submersion au point x. Si C ⊂ M est l'ensemble des points critiques (ou lieu
critique) de ϕ, alors on dira que ϕ(C) est l'ensemble des valeurs critiques de ϕ
et N \ϕ(C) n'est autre que l'ensemble des valeurs régulières de ϕ. Notons que
pour dim M < dim N , tout point de la variété M est un point critique de ϕ et
dans ce cas les valeurs critiques sont les points de l'ensemble ϕ(M ). Nous allons
étudier le théorème (ou lemme comme on l'appelle parfois) de Sard qui sera
utilisé dans proposition 11.2.1. Il permet d'avoir des informations utiles sur
l'ensemble ϕ(C) des valeurs critiques. Nous verrons que celui-ci est négligeable
même dans le cas où l'ensemble C des points critiques n'est pas négligeable ou
même considérable.
Théorème 1 Soient ϕ : M −→ N une application lisse et C l'ensemble de
ses points critiques. Alors l'ensemble des valeurs critiques ϕ(C) de ϕ est de
mesure nulle dans N . En outre, l'ensemble des valeurs régulières N \ϕ(C) est
dense dans N .
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Démonstration : Soit (Uj , ψj ) une suite de cartes de M telle que les ouverts Uj
forment un recouvrement de M et pour tout j , ϕ(Uj ) soit contenu dans une
carte de N . Pour démontrer le théorème, il sut de montrer que pour tout j ,
l'ensemble ϕ(C ∩ Uj ) est de mesure nulle. Il sut évidemment de prouver le
résultat au cas où M = U est un ouvert de Rm et N = Rn . La preuve va se
faire par récurrence sur m. Pour m = 0, le résultat est évident car il y a au
plus un point dans l'ensemble des points critiques C ≡ C0 de ϕ. En posant
½
¾
∂ α ϕ(x)
m
Ck = x ∈ U :
= 0, ∀α ∈ N tel que |α| ≤ k , k ∈ N∗
∂xα
on obtient une suite décroissante de fermés
C ≡ C0 ⊃ C1 ⊃ C2 ⊃ · · · ⊃ Ck ⊃ Ck+1 ⊃ · · ·
et on note que ϕ(Ck \Ck+1 ) est mesurable.
(i) Montrons que ϕ(C0 \C1 ) est de mesure nulle. En eet, soient ξ ∈ C0 \C1
et ϕ1 , ..., ϕn les fonctions coordonnées de ϕ. Comme ξ ∈
/ C1 , alors parmi les
dérivées partielles d'ordre 1 de ϕ, il existe une qui est non nulle en ξ . On peut
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moyannant un changement de coordonnées supposer que c'est ∂ϕ
(ξ). Le rang
∂x1
de l'application
f : U −→ Rm ,
(x1 , ..., xm ) 7−→ (ϕ1 (x1 , ..., xm ), x2 , ..., xm ),
est égal à m au point ξ . D'après le théorème d'inversion local, il existe donc
un voisinage ouvert V de ξ dans U tel que f induise un diéomorphisme de
V sur W ≡ f (V) de f (ξ) dans Rm . L'ensemble C0 \C1 peut être recouvert par
une famille dénombrable d'ensembles V . En remplaçant ϕ par l'application
composée
g ≡ ϕ ◦ f −1 : W −→ Rn ,
et U par W , l'application g envoie W sur Rn . En outre, les valeurs critiques
de g sont les mêmes que celles de la restriction de ϕ à V . Autrement dit,
l'ensemble des points critiques C 0 de g coincide avec f (V ∩ C) et donc g(C 0 ) =
ϕ(V ∩ C) est l'ensemble des valeurs critiques de g . Dès lors, si prRk désigne la
projection canonique de Rk sur sa première composante, on peut supposer que
prRn .ϕ = prRm . Autrement dit, chaque point (t, x2 , ..., xm ) ∈ W est envoyé
par l'application g vers le point g(t, x2 , ..., xm ) de l'hyperplan t × Rn−1 . Pour
tout t, les dérivées partielles de l'application partielle
¢
¡
g t : t × Rm−1 ∩ W −→ t × Rn−1 ,
induite par g vérient
µ
det
∂gi
∂xj
¶
µ
= det
∂(g t )i
∂xj
¶
,
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où
µ
∂gi
∂xj
Ã
¶
=
1
?
0
∂git
∂xj
!
,
est la matrice jacobienne g . Donc un point appartenant à t × Rm−1 est critique
pour g t si et seulement si il est un point critique de g . En appliquant l'hypothèse
de récurrence à l'application g t , on en déduit que l'ensemble de ses valeurs
critiques sont de mesure nulle dans t × Rn−1 . Dès lors, l'intersection g(C 0 ) ∩
(t × Rn−1 ) est un ensemble de mesure nulle pour tout t ∈ R et d'après le
théorème de Fubini, l'ensemble des valeurs critiques g(C 0 ) est aussi de mesure
nulle.
(ii) Supposons maintenant que k ≥ 1 et montrons que ϕ(Ck \Ck+1 ) est de
mesure nulle. En eet, soit ξ ∈ Ck \Ck+1 . Dès lors, il existe une dérivée partielle
v d'ordre j de ϕ qui est non nulle au point ξ et que l'une de ses dérivées
premières n'est pas nulle :
v(ξ) = 0,
∂v
(ξ) 6= 0.
∂xj
Par un changement de coordonnées, on peut supposer que j = 1. L'application
dénie par
f : U −→ Rm ,
(x1 , ..., xm ) ←→ (v(x1 , ..., xm ), x2 , ..., xm ),
est de rang m au point ξ . D'après le théorème d'inversion local, f est un
diéomorphisme d'un voisinage ouvert V de ξ dans U sur un voisinage W de
(0, ξ2 , ..., ξm ) dans Rm . L'image f (Ck ∩ V) par f est contenu dans l'hyperplan
v(ξ) = 0. Dès lors, l'application f envoie Ck ∩ V dans 0 × Rm−1 . Considérons
comme précédemment l'application
g ≡ ϕ ◦ f −1 : W −→ Rn ,
et sa restriction
¢
¡
gr : 0 × Rm−1 ∩ W −→ Rn .
L'hypothèse de récurrence entraîne que l'ensemble des valeurs critiques de gr
est de mesure nulle dans Rn . Les points critiques de l'application g sont les
mêmes que ceux de la restriction gr ; tout point de l'ensemble f (Ck ∩ V) est
un point critique de gr puisque toutes les dérivées d'ordre inférieur ou égal à
k s'annulent en ces points et en particulier le rang de ϕ est inférieur à n. Dès
lors, l'ensemble gr ◦ f (Ck ∩ V) est de mesure nulle dans Rn et cet ensemble
n'est autre que ϕ(Ck ∩ V). Comme l'ensemble Ck \Ck+1 peut être recouvert par
une famille dénombrable de voisinages V , on en déduit que ϕ(Ck \Ck+1 ) est de
mesure nulle.
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(iii) On montre enn que l'ensemble ϕ(Ck ) est de mesure nulle pour k susamment grand ; k > m
− 1. En eet, soit K un cube de longueur d'arête d
n
dans U . Il résulte de la formule de Taylor et de la dénition de Ck que
ϕ(ξ + h) = ϕ(ξ) + R(ξ, h),
où
kR(ξ, h)k ≤ αkhkk+1 ,
(α = constante)
pour tout ξ ∈ Ck ∩ K et tout point ξ + h ∈ K . Divisons chaque arête du
cube K en l sous-intervalles de longueur dl . On obtient ainsi une partition de
m
K en lm cubes, chacun d'arête dl et de volume dlm . Désignons par K1 l'un
de ces cubes
√ qui contient le point ξ ∈ Ck . Pour tout point ξ + h ∈ K1 , on
a khk ≤ m dl . Dès lors, l'ensemble ϕ(K1 ) est contenu dans un cube d'arête
√
β
où β ≡ 2α( md)k+1 et de centre ϕ(ξ) dans Rn . L'ensemble ϕ(Ck ∩ K) est
lk+1
donc contenu dans la réunion des lm cubes dont le volume total V satisfait à
µ
¶n
β
m
V ≤l
= β n lm−n(k+1) .
k+1
l
Par hypothèse, on a k + 1 > m
, donc pour d → ∞, le volume V tend vers 0,
n
d'ou le résultat.
Passons maintenant à la preuve que l'ensemble des valeurs régulières N \ϕ(C)
est dense dans N . En eet, raisonnons par l'absurde en supposant que l'ensemble N \ϕ(C) n'est pas dense dans N . Dans ce cas, on peut trouver un ouvert
∅ 6= Ω ⊂ N dont tous les éléments sont des valeurs critiques. Par hypothèse,
la variété N est lisse, donc Ω est diéomorphe à un ouvert ∆ de Rp . Comme
∆ n'est pas de mesure nulle, l'ouvert Ω est aussi de mesure non nulle ce qui
est en contradiction avec le fait que l'ensemble des valeurs critiques de ϕ est
de mesure nulle. Ce qui achève la preuve du théorème. ¤
Exemple 1 La fonction f : R → R dénie par
½
ϕ(x) =
1
e− x2 si x > 0
0 si x ≤ 0
est lisse. L'ensemble des points critiques de ϕ est ]−∞, 0] tandis que l'ensemble
des valeurs critiques de ϕ n'est autre que {0}.
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