Expérience de la Chine (Julien Bourlon : 2009-03-07)
Comparé à celui de Paris, l’aéroport de Pékin était petit. Marc en fut surpris mais il est vrai que l’explosion de la
Chine sur le plan international était assez récente. Son pouvoir économique était dû davantage au nombre de chinois
qu’à leur capacité à être productifs. De fait, les voyages en avion restaient encore rares même s’ils augmentaient à
une vitesse étonnante.
Marc fut également stupéfait par les mendiants. Ils étaient difformes, sans jambe, sans bras, avec une tête rougeâtre
et des yeux inexpressifs. Cette misère laissait imaginer la dureté des conditions de vie dans les usines ou dans les
champs pour ces chinois mi-hommes, mi-zombies.
Sur la route qui le menait à Pékin, Marc fut encore surpris. Des jardiniers chinois coupaient sans la moindre
protection, la haie végétale qui séparait l’autoroute en deux. Plus tard, il verrait une femme tomber dans la rue dans
la plus profonde indifférence, sans qu’aucune personne ne vienne à son secours. Ce peuple était tellement
nombreux que l’individu était insignifiant. On pouvait mourir, se blesser et tout le monde s’en moquait! Marc
comprendrait plus tard que seule la famille, les amis, les collègues sont importants pour les chinois. Les inconnus
n’ont à contrario pas d’importance.
La Chine commençait à s’ouvrir au monde. Alors que Marc s’était perdu à la recherche de son hôtel, un couple de
chinois qui avait voyagé à l’étranger, lui proposa son aide dans un bon anglais. Des dizaines d’autres rencontres
avec des chinois ponctuèrent le voyage de Marc. Il s’agissait principalement d’étudiants dont les professeurs leurs
avaient demandé de parler anglais avec tous les étrangers qu’ils rencontraient. Autant de signes qui montraient que
la Chine avait soif de connaissance et de découverte. L’isolement de ce pays se terminait et sa place dans le monde
allait redevenir prépondérante.
Alors que Marc arrivait à son auberge, une armée de chinois creusait une tranchée à la pioche. Le temps de dormir
avant de repartir visiter Pékin et la tranchée était finie. Incroyable Chine où la force des bras remplace encore parfois
la force des machines !
Après cinq jours à Pékin, Marc était content de quitter cette ville polluée car il était attiré par la Chine multimillénaire,
ses montagnes sacrées dont les à-pics se perdent dans la brume et par sa culture à la fois Taoïste, Bouddhique et
Confucianiste. A Pékin, Marc avait visité la Cité Interdite, le temple du soleil, le palais d’été, l’université de
calligraphie, les hutongs qui sont les vieux quartiers populaires… mais il n’avait qu’approché la culture chinoise au
milieu des hordes de touristes. L’architecture relativement primitive de ces bâtiments à peine centenaire lui avait
montré que la Chine avait végété entre 1200 et 1900. Gengis Kan était passé par là et sa descendance Mongole qui
avait dirigé la Chine par intermittence n’avait pas l’instruction nécessaire pour diriger cet empire dont la taille
gigantesque rendait l’administration étouffante. Ainsi la Chine qui maîtrisait la poudre à canon lors de son invasion
ratée du Japon vers 1200, s’était refermée sur elle-même. Elle aurait eu les moyens de découvrir l’Amérique avant
les européens car ses bateaux gigantesques valaient mieux que les galions mais l’histoire n’accepte pas le repli sur
soi. La Chine s’était fermée au monde et elle s’était mise à stagner.
Marc n’en oubliait pas moins que cette glorieuse civilisation était le seul empire à avoir survécu à l’épreuve des
millénaires. Les empires romain, byzantin, aztèque, inca étaient morts et pour les empires perses, français, anglais,
espagnols, japonais, mongols, grecs, égyptiens… il ne restait qu’un bout de terre autour de la capitale historique. Si
la Chine était encore debout, elle le devait à sa population extraordinairement nombreuse car aucun autre peuple
n’avait la population suffisante pour l’asservir. Elle avait été vaincue par les anglais qui l’avaient inondée d’opium
pour faire des bénéfices substantiels. L’invasion japonaise de 1940 dont la brutalité fut inouïe, se fit dans un pays
désorganisé. Puis la Chine retrouva sa souveraineté grâce au héro Mao et à la destruction du Japon par les Etats
Unis. Toutes les autres civilisations seraient mortes après sept cents ans d’isolement et les attaques victorieuses des
mongoles, des européens et des japonais mais la Chine confucianiste n’accepte pas d’être divisée. Bientôt elle
récupérera Taiwan dans son giron. Ce morceau de Chine qui avait fui le communisme avec le trésor chinois gardera
certainement sa souveraineté économique à l’image de Hong Kong.
Marc aimait l’histoire. Partout où il allait, il lisait, se documentait, mettait en perspective. Il avait fait de même avec la
Chine dont il voulait comprendre la mentalité. Toutefois il savait que quatre semaines ne permettaient pas de
pénétrer cette culture si différente de la sienne où tout est relatif et changeant. Malgré tout, cette initiation à la Chine
allait lui être utile quand quelques années plus tard il ferait travailler les chinois avec les autres peuples. De même,
sa future position de chef d’Etat nécessitait une culture des relations internationales.
Marc avait quitté Pékin pour Datong. Ce n’était pas encore la campagne car cette petite ville chinoise avait plusieurs
millions d’habitants. Cette région extrayait des millions de tonnes de charbon pour faire tourner les centrales
thermiques produisant l’électricité du pays. La pollution était maximale dans cette région où même les bouddha
étaient noircis par la suie. Les quantités de charbon qui partaient dans l’atmosphère étaient dantesques et leur
répercussion climatique se faisait déjà sentir avec des pluies acides sur le Japon, des lacs sans poissons et des
intoxications alimentaires. De ce qu’il voyait, Marc jugeait le développement de la Chine à un niveau similaire à celui
décrit dans Germinal par Zola. Dans ces conditions, la vie des ouvriers était une préoccupation plus importante que
la pollution car le malaise social se ferait bientôt sentir avec force. Marc pensait qu’il était du devoir de l’Occident et