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partir de fondements scientifiques enrichis par l’expérience. Dans les séances
collectives d’éducation thérapeutique, il y a un besoin quasi-scolaire d’acquisition des
connaissances nécessaire ; mais cette acquisition se fait par petits groupes, en
fonction de l’expérience de chacun des patients qui y participent. Elle est totalement
intégrée au traitement, à la prise en charge du malade et à sa vie quotidienne ; elle
est adaptée à l’évolution de la maladie et prend notamment en compte les phases de
crise ou, au contraire, d’accalmie. Suivant les cas, on pourra procéder à une
éducation thérapeutique en profondeur ou mettre exclusivement l’accent sur les
mesures d’urgence à prendre. Elle est construite avec le patient (si possible en
liaison avec ses proches) suivant sa personnalité, son rythme d’apprentissage et son
environnement émotionnel, affectif et familial, lequel joue évidemment un rôle
essentiel dans la qualité du résultat et la guérison. Elle doit engager le patient dans
un apprentissage actif cohérent avec son expérience personnelle et elle doit être
multiprofessionnelle et interdisciplinaire. Le multidisciplinaire, déjà évoqué par Julia
Kristeva, implique que tous les corps de métier concernés soient présents et
décident ensemble le niveau d’éducation auquel il faut placer les propos.
Que peut apporter l’éducation thérapeutique à notre débat d’aujourd’hui,
orienté sur la grande question de l’éducation et du rôle des enseignants ? D’abord,
elle se conçoit par pathologie et non pas par classe d’âge, ce qui est extrêmement
différent. Chacun des patients est à un moment différent de l’évolution de sa maladie
et l’expérience des plus anciens va profiter à ceux qui sont au début de leur maladie.
Ceux-ci vont s’inspirer de ce qui est décrit pour acquérir des compétences et se les
approprier. Nous sommes dans un apprentissage par empathie, qui repose fortement
sur la cohérence du groupe et permet une éducation ciblée et adaptée. Il n’y a pas
d’enseignement professoral, mais une sorte d’atelier de retour et de partage des
expériences. Une comparaison entre l’éducation thérapeutique et l’éducation en
général doit aussi tenir compte du fait qu’on est centré sur l’acquisition de
compétences pratiques et non sur l’acquisition de connaissances théoriques. Si on
prend l’exemple de la lutte contre le tabagisme, les connaissances théoriques sont
importantes, mais elles ne suffisent pas pour conduire le sujet à un processus
d’interruption de l’addiction. L’éducation thérapeutique est recentrée et repensée à
tous les stades de la prise en charge.
Il faut souligner que, pour développer l’éducation thérapeutique, la médecine
s’est inspirée de l’apprentissage à l’école et des sciences de l’éducation. Bien sûr, il
n’était que temps, à la fin du XXème siècle, de faire évoluer la pratique du
paternalisme et de considérer le malade comme un acteur, comme un adulte qui doit
s’approprier sa maladie et sa guérison par l’auto-soin. Mais elle a le plus souvent à
faire à des adultes malades qui sont en perte d’autonomie éclairée en raison de leur
maladie-même, laquelle crée un biais considérable pour l’intégration des
connaissances. Il faut en tenir compte car c’est une difficulté fondamentale par
rapport à l’éducation en général et, en particulier, à l’éducation thérapeutique.
Je voudrais dire aussi qu’elle pourrait généralement s’appuyer sur des
compétences qui auraient été acquises dès l’école, bien avant l’apparition de la