Chapitre 2 : L’industrie
L’industrie peut être définie comme un ensemble de firmes en concurrence, produisant des
biens ou services étroitement substituables, offerts sur un même marché.
Selon les époques, les courants de pensée, les préoccupations, les auteurs ont donc privilégié
telle ou telle caractéristique particulière permettant d’effectuer un regroupement entre firmes
(le marché pour les uns, l’ensemble des producteurs pour les autres), le groupement ainsi
effectué étant considéré comme homogène et baptisé alors du nom d’industrie. Le souci de
constituer un découpage plus pertinent du système productif a poussé certains économistes
insatisfaits par les partitions généralement admises à imaginer des concepts alternatifs à
l’industrie comme la filière ou le groupe industriel et financier.
Les comptables nationaux, à la recherche de regroupements statistiques présentant une unité
et compatibles avec les contraintes de la collecte d’information, utilisent les concepts de
secteur, de branche et de nomenclature d’activités et de produits. Ces découpages ont été
effectués en vue de comprendre le fonctionnement de l’économie générale ; ils présentent des
imperfections lorsqu’il s’agit d’étudier celui de l’industrie.
C’est pourquoi, par-delà les découpages et regroupements, par delà la sélection de relations
particulières rendant homogène tel ou tel sous-ensemble du système productif, il est important
de comprendre que pour devenir objet d’étude, l’industrie doit se doter d’une méthode
d’analyse propre : cette méthode a pour nom la méso-analyse. C’est sa mise en œuvre qui
permettra de comprendre le fonctionnement d’une industrie et d’en prévoir l’évolution.
1- Le concept téléologique d’industrie et les découpages alternatifs
Les économistes ont tout d’abord considéré l’industrie comme une abstraction destinée non
pas à expliquer ou crire le fonctionnement de tel ou tel secteur d’activité, ni même à servir
d’outil de prévision pour le fonctionnement de cette entité, mais à expliquer ou prévoir le
fonctionnement de l’économie générale. Se démarquant par rapport à cette approche, sans s’y
opposer toutefois, des travaux plus récents ont fait preuve de novation en proposant des
découpages alternatifs à l’industrie : la filière, le groupe industriel et financier.
1-1 L’industrie : un concept téléogique
Le concept d’industrie apparaît tout d’abord dans le sens de marché : ce qui fait
l’homogénéité d’un ensemble de firmes repose sur le fait qu’elles vendent sur une même
marché. C’est ainsi qu’Alfred Marshall, prolongeant l’œuvre de Léon Walras (ce dernier,
dans la théorie de l’équilibre général suppose que les prix des différents biens sont donnés),
montre comment se détermine le prix d’un bien par confrontation entre la demande et l’offre.
L’industrie est alors un outil pour une théorie de l’échange et de l’allocation harmonieuse des
ressources. Pour caractériser l’industrie marché, Marshall rappelle les définitions proposées
par Cournot (« on sait que les économistes entendent par marché, non pas un lieu déterminé
se consomment les achats et les ventes, mais tout un territoire dont les parties sont unies
par des rapports de libre commerce, en sorte que les prix s’y nivellent avec facilité et
promptitude »), et par Jevons (« marché : un corps de personnes qui sont en étroites relations
d’affaires et qui effectuent sur une large échelle des transactions relatives à une marchandise
quelconque »).
Dans la théorie marxiste, l’industrie est appréhendée du point de vue de la production et de la
valorisation du capital : les producteurs engagés dans une industrie donnée réalisent un taux
de profit moyen, fonction de l’offre et de la demande, de l’importance des capitaux engagés
dans le processus productif différents. Mais la concurrence entre capitaux tend à niveler les
différences de valorisation qui peuvent exister ; la tendance à la baisse du taux de profit,
générale à toute économie capitaliste, n’épargne ainsi aucune industrie.
« Chaque industrie est le regroupement conscient ou inconscient des producteurs qui
obtiennent un même produit à partir de processus de production comparables ».
1-2 La filière et le groupe
Différents auteurs ont rejeté ces approches de l’industrie non pas du fait de leur objet, mais du
fait qu’elles ne permettaient pas de saisir la dynamique du système économique. Ils ont ainsi
proposé des concepts alternatifs à celui d’industrie : la filière et le groupe industriel et
financier.
La filière émane de la volonté de souligner les liens technologiques qui peuvent unir des
activités distinctes par leurs produits, liens qui semblent plus étroits que ceux créés par leur
présence sur un même marché. A l’origine de ce concept, on trouve les réflexions de
l’économie industrielle anglo-saxonne relatives à l’intégration verticale, puis surtout, les
travaux de Henri Aujac, Gérard de Bernis, François Perroux. La préoccupation centrale reste
encore la compréhension de la dynamique de l’économie générale, à travers les relations de
domination et d’entraînement qui caractérisent les liens entre industries.
Mais progressivement, le concept de filière a été analypour lui même. La filière est alors
définie comme un ensemble de branches qui entretiennent entre elles des échanges plus
intenses qu’avec les autres, plus précisément comme « un ensemble articulé d’activités
économiques intégrées, intégration consécutive à des articulations en termes de marchés,
technologies et capitaux ». Le concept ainsi défini ne sert plus seulement comme outil de
découpage du système productif à des fins d’analyse de la dynamique économique générale,
ou à des fins de politique économique ; il sert aussi d’outil de description, d’analyse des
stratégies et donc d’analyse de la dynamique de la filière elle-même.
Dans une filière, on distingue trois niveaux : le centre, l’amont et l’aval. Fait partie de l’amont
de la filière toute branche qui est un fournisseur important du centre, et pour laquelle le centre
représente une part notable des ventes. Fait partie de l’aval une branche qui est un débouché
principal pour le centre, celui-ci représentant une part élevée des achats de la branche aval.
L’intérêt de la filière apparaît particulièrement dans la définition des stratégies des acteurs.
Une branche amont ou aval pourra jouir d’un pouvoir de marché particulier, ce qui incitera les
firmes installées dans le centre de la filière à engager une stratégie de détournement de ce
pouvoir. Certaines branches, communes à plusieurs filières, représenteront de ce fait un nœud
stratégique du point de vue de l’exercice du pouvoir, et il sera intéressant pour une firme de
chercher à s’y implanter ou s’y renforcer. Pour ce qui est de la politique industrielle
également, la filière permet d’apprécier les cohérences techniques, de repérer les éventuels
goulots d’étranglement qui pourraient freiner le développement de la filière, d’apprécier les
effets de diffusion.
Conclusion
L’industrie est un regroupement de firmes en concurrence pour la production et la
commercialisation d’un bien ou service donné. Dès lors que l’on considère l’industrie comme
objet de l’étude et non comme un outil permettant d’analyser la dynamique de l’économie
générale, il convient d’adopter des outils théoriques propres à cette analyse : cette
construction spéculative a pour nom la méso-analyse. Elle épouse le schéma de raisonnement
de l’économie industrielle (conditions de base structures comportements performances)
non pas de manière mécanique, mais de manière systématique.
Chapitre III : Les conditions de base
Depuis l’adoption unanime du schéma de Frederic Scherer par les économistes industriels ; il
est reconnu que les conditions de base influent sur les structures d’une industrie. Mais peu
d’auteurs analysent ces conditions de base en tant que telles : elles seront le plus souvent
étudiées en même temps que les structures, et caractérisées comme leurs déterminants. Parfois
encore, elles le seront en tant que facteurs contribuant à expliquer les choix stratégiques des
firmes.
Pour ce qui est de la prise en considération des conditions de base, notons également que deux
attitudes s’opposent : pour les uns, il s’agit de données prégnantes qui évoluent sous l’action
de forces externes à l’industrie mais sont insensibles à l’action des stratégies des firmes qui la
composent. Pour les autres au contraire, les conditions de base tout comme les structures sont
susceptibles de faire l’objet de stratégies des entreprises dominantes, qui cherchent ainsi à
renforcer leur pouvoir de marché. La première attitude est commode, fixant un point de départ
stable pour l’analyse, particulièrement lorsqu’il s’agit de construire une formalisation. La
seconde est plus réaliste mais rend plus difficile l’analyse dans la mesure l’on ne peut plus
considérer que toutes choses sont égales par ailleurs ; c’est là l’une des difficultés de l’analyse
en termes de systèmes.
Nous présenterons successivement les conditions de base caractérisant l’environnement
général de l’industrie, puis celles relatives à l’offre, celles enfin relatives à la demande.
1-L’environnement socio-économiques de l’industrie
Une industrie donnée fait partie de l’ensemble plus vaste qu’est l’économie nationale. Les
règles de fonctionnement de cette économie influent fortement sur toute industrie, à même tel
point qu’il est délicat d’opérer des comparaisons d’une même industrie entre différents pays
(sauf peut-être lorsque l’industrie en question est suffisamment internationalisée pour que les
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