IIIème partie - Economie internationale et de l`intégration

CHAPITRE 3 - LES EXPERIENCES DINTEGRATION ECONOMIQUE
ET MONETAIRE : LE CAS DE L’UNION EUROPEENNE
La théorie néo - classique de l'échange international indique que le libre-échange généralisé
est à l'origine de gains très élevés en bien-être. Au sein du Gatt (article XXIV, § 4), l'union
douanière a été considérée comme un progrès vers le libre- échange, car elle permettait d'accroître
le bien-être même si elle ne le maximisait pas. Les avantages issus de l'intégration commerciale
sont importants et la fixité des taux de change ou l'existence d'une monnaie unique apporte des
gains supplémentaires.
Section 1 - Les effets de l'intégration commerciale
La création de l'Union douanière de la Communauté économique européenne engendre tout
d'abord un changement du cadre réglementaire des échanges. Cette modification est analysée par la
théorie de l'union douanière qui appréhende les effets statiques de l'intégration économique.
Ensuite, le taux de croissance de la zone en cours d'intégration va être influencé par plusieurs
facteurs à l'origine de gains dynamiques : les effets d'économie d'échelle et de concurrence accrue,
le développement de l'échange intra-branche entre les Etats - membres et l'accroissement des
investissements directs en provenance des pays tiers dans la zone d'intégration régionale. Dans le
cas de la Communauté européenne, la libéralisation commerciale interne s'est achevée au 1er
janvier 1993 avec l'entrée en vigueur du Marché unique qui se caractérise par un démantèlement
des obstacles non tarifaires aux échanges de biens et services.
A - Les effets statiques et dynamiques d’une union douanière
La modification de la protection tarifaire domestique et extérieure entraîne une variation des flux
d'échanges à l'intérieur de l'union et entre celle-ci et le reste du monde. Trois effets apparaissent :
- une création de trafic entre Etats membres de l'union douanière ;
- un détournement de trafic au détriment des pays tiers ;
- une hausse des importations en provenance des pays tiers.
1- L’analyse de la création de trafic
Le premier effet indique que les fournisseurs nationaux de chacun des pays de l'union
douanière dont les coûts de production sont internationalement les plus bas développent leurs
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exportations à l'intérieur de la zone et éliminent du marché les producteurs les moins efficaces : il y
a création de trafic par exploitation de l'avantage comparatif, ce qui crée une situation avantageuse.
A titre d'illustration, analysons les effets d'une création de trafic, le producteur efficace résidant
dans l'union douanière (graphique 1). Considérons un monde avec deux pays A et B qui
constituent une union douanière. Avant la formation de celle-ci, le pays A produisait en situation
de protection une partie de ses besoins en bien x. Le pays A supprime les droits de douane
envers le pays B, alors l'industrie inefficace en bien x du pays A est concurrencée et décline
pendant que les importations en provenance du pays B se développent. Il y a création de trafic.
Les courbes de demande et d'offre domestiques du bien x dans le pays A sont représentées par les
droites DD' et OO'. Le bien x est produit dans le pays B sous l'hypothèse d'une offre parfaitement
élastique. Avant que l'union douanière ne soit formée, la fonction d'offre d'importations après le
paiement du droit de douane était TT'. Le pays A produisait la quantité OM de sa consommation
qui était ON et importait MN du pays B. La suppression du droit de douane fait de PP' la nouvelle
courbe d'offre des importations et fait croître la consommation jusqu' à ON' , les importations
jusqu'à M'N' et baisser la production domestique à OM'. Les quatre aires a, b, c et d dans le
graphique 1 mesurent le gain en bien-être, c'est-à-dire la variation de surplus des agents
économiques. Les consommateurs du pays A bénéficient pour le bien x d'un gain de surplus
mesuré par toute l'aire a + b + c + d. Cependant, cette aire ne représente pas le gain net pour le
pays. En effet, auparavant, l'aire a représentait un bénéfice désormais perdu pour les producteurs
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du bien x protégé du pays A (baisse du surplus des producteurs). De la même façon, l'aire c
représentait avant l'union douanière le produit de la recette douanière perçue par le gouvernement
du pays A. Cette recette est désormais perdue avec la préférence donnée au pays B. Le bénéfice
net est donc représenté par les aires b+d. C'est une situation avantageuse pour l'union douanière et
qui contribue au progrès du libre-échange mondial.
2 - Les autres effets statiques
Le second effet indique que des fournisseurs pourtant moins efficaces appartenant à l'union
douanière sont préférés aux fournisseurs efficaces qui sont hors de l'union douanière. Leurs ventes
renchéries par le tarif extérieur commun cessent : il y a détournement de trafic et l'union est
désavantageuse. Enfin le troisième effet révèle que même avec l'existence de détournements
d'échanges, la valeur des importations en provenance des pays tiers ne diminuera pas
nécessairement. En effet, les changements dans les prix relatifs et l'augmentation du revenu réel
dans les pays de l'union douanière peuvent donner naissance à de nouveaux échanges avec des
pays non membres : il y a création d'échanges externes.
De façon générale, si deux pays A et B en situation d'union douanière échangent de
nombreux biens, les différents effets de création et de détournement de trafic peuvent être agrégés.
Un effet net favorable (différence entre la somme des créations et la somme des détournements de
trafic) peut d'autant plus d'intervenir que les conditions suivantes sont respectées :
- la protection douanière domestique initiale est forte et les importations en provenance de
l'extérieur faibles : les possibilités de détournements de trafic seront alors limitées ;
- les économies de l'union doivent être concurrentielles avant l'union douanière mais
potentiellement complémentaires une fois l'union douanière réalisée. Chaque Etat membre doit
être ainsi le producteur le plus efficace de biens protégés et produits de façon inefficace par son
partenaire ; de ce fait, avec l'union douanière, il y aura création de trafic plutôt que détournement.
Une telle situation est possible lorsqu'il existe des échanges de produits similaires différenciés
entre nations de l'union (niveaux proches de développement économique).
- l'union douanière se révélera d'autant plus rentable qu'elle sera plus vaste ; l'agrandissement d'une
union douanière la limite jusqu'à incorporer toute l'activité économique mondiale) duit les
risques d'un détournement de trafic puisque l'union accroît les chances d'avoir en son sein les
producteurs les plus efficaces.
L'union douanière qui favorise des changements dans la spécialisation internationale des pays ne
conduit pas nécessairement à une situation plus proche de la situation optimale du libre - échange :
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tout dépend de l'importance des détournements de trafic. Signalons que la création de courants
d'échanges peut avantager les firmes des pays tiers opérant dans la zone d'intégration régionale et
le détournement de trafic peut défavoriser les entreprises des Etats-membres ayant des
établissements de production dans des pays tiers et qui exportent vers la zone en cours
d'intégration. Des indicateurs tels que la création ou le détournement de courants d'échanges
peuvent perdre une partie de leur signification dans un contexte de globalisation.
D'autres types d'avantages apparaissent dans l'union douanière au fur et à mesure que
l'activité économique s'y développe: il s'agit des gains dynamiques de l'intégration.
3 - Les effets dynamiques d’une union douanière
On distingue habituellement les effets d'économies d'échelle, l'accentuation de l'échange
intra - branche et le développement des investissements directs en provenance des pays tiers.
En premier lieu, l'union douanière permet, grâce à l'élargissement du marché, l'exploitation
d'économies d'échelle conduisant à une réduction des coûts de production et à une plus grande
efficacité de l'appareil productif (contribution au soutien de la croissance économique).
Néanmoins, le problème de la distribution des gains entre Etats membres et celui de la localisation
des unités de production restent posés. En effet, la disparition progressive d'entreprises d’un Etat
membre au profit de firmes plus compétitives de l’union douanière est source de difficultés si elle
se produit dans une région en retard de développement ou dans une zone en déclin industriel. Les
coûts induits par la perte d’activités peuvent être élevés (contribution à la désertification
économique entraînant une perte de vitalité régionale) et sont ignorés par l’analyse traditionnelle
des effets d’économies d’échelle.
En second lieu, la Cee enregistre une intensification des échanges entre Etats membres et
un développement du commerce intra-branche : il s'agit d'échanges croisés de produits similaires
représentant des flux d'importations et d'exportations de grandeur comparable (voir le chapitre
précédent pour le traitement de cette question).
En troisième lieu, la réalisation de l'union douanière européenne a attiré les investissements
directs en provenance des pays tiers. Les principaux investisseurs sont les Etats - Unis et le Japon
qui ont développé progressivement leurs implantations sur les marchés communautaires. Une part
significative de celles-ci a été motivée par la crainte d'être confronté à un protectionnisme de zone.
La diffusion des technologies et des normes de production américaines a représenté un avantage
pour la Communauté européenne.
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B - Un exemple d’intégration commerciale approfondie : le Marché
unique européen
Le ralentissement des échanges intra- communautaires (épuisement des effets de création
de trafic de l'union douanière) va aboutir à une relance commerciale de la construction
européenne. Elle se traduit par l'adoption en 1985 de l'Acte unique qui entre en vigueur le 1er
janvier 1987 et d'un "Livre blanc" qui donne la liste des mesures à mettre en œuvre pour aboutir le
1er janvier 1993 au grand marché intérieur européen. Il se caractérise par la suppression des
obstacles non tarifaires aux échanges et des entraves à la libre circulation de la main-d'œuvre et des
capitaux. Le cloisonnement des marchés des biens et des facteurs entraînait un coût élevé appelé le
coût de la non-Europe. Celui-ci a été évalué par une étude effectuée sous la responsabilité de P.
Cecchini, ancien directeur général des services de la Commission (1988) : il s'élevait chaque année
à plusieurs dizaines de milliards d'Ecus pour les citoyens de la Communauté. La suppression de
ces obstacles non tarifaires doit se traduire par une convergence moyenne des prix vers le bas. La
marge de gain a été estimée entre 170 et 250 milliards d'Ecus. Cependant, un effet n'a pas été
quantifié par le rapport Cecchini : l'impact de l'amélioration de la position concurrentielle de la
Communauté européenne dans le monde.
Les barrières non tarifaires existantes étaient principalement les suivantes : les différences
nationales de règles techniques ; les délais en douane et les autres charges administratives
connexes dont les sociétés et les administrations publiques doivent s'acquitter (paiement de la Tva)
; le manque d'ouverture des marchés publics peu accessibles à des fournisseurs étrangers même
plus compétitifs; les restrictions à la libre prestation de services ou à la liberté d'établissement pour
certaines activités dans les Etats membres (services financiers, transports, etc.). La réalisation du
Marché unique s'est effectuée par l'application de directives communautaires. La date
d'achèvement du 1er janvier 1993 constituait un objectif politique : il ne s'agissait pas d'une
obligation juridique, ceci expliquant qu'à la date prévue, la totalité des directives n'était pas entrée
en application. Aujourd'hui, on constate encore des retards dans la transposition de ces directives
dans les droits nationaux, en particulier en matière de libre circulation des personnes aux frontières
(refus d'abolition des contrôles aux frontières - Royaume-Uni, Irlande- ou pratique de contrôles
partiels -France-) ou d'ouverture des marchés publics.
Présentons de façon plus explicite un exemple d'entraves non tarifaires importantes aux
échanges intra-communautaires impliquant un effort d'harmonisation : les différences nationales de
règles techniques.
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