"LA PREVENTION SANITAIRE EN MILIEU DE TRAVAIL" Rapport présenté par : Mme Hayet ZEGGAR, M. Jacques ROUX et M. Pierre de SAINTIGNON Membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Quelques extraits du rapport : - "Le dispositif de connaissance des risques sanitaires au travail n'est pas à la hauteur de l'enjeu et COMPROMET L'EFFICACITE DES POLITIQUES DE PREVENTION". - "Il n’y a en effet pas de système d’information autre que comptable, or cette source est par nature inadaptée pour construire des analyses scientifiques même si elle est utile par ailleurs. D’autres données telles que les déclarations de maladies professionnelles ne sont pas bien collectées et sont donc inutilisables". - "L’immense majorité des médecins ignorent quelles sont leurs obligations, sans compter que de toute façon ils ne sauraient pas établir d’étiologie professionnelle des pathologies". - "Théoriquement, les entreprises doivent déclarer les procédés dangereux, l’immense majorité d’entre elles ne le font pas". - "Les statistiques de la branche de sécurité sociale sont systématiquement avancées pour illustrer une avancée ou un recul d’un risque professionnel alors même que chacun reconnaît leurs limites. D’abord et par construction, ne figurent dans ces statistiques que les accidents et les maladies reconnues d’origine professionnelle. Or, les difficultés de reconnaissance sont nombreuses et rendraient utile une connaissance des accidents et maladies déclarées. Ensuite, elles ne révèlent qu’une partie du risque, la part réalisée, ce qui limite leur interprétation pour soutenir une politique de prévention. Enfin, leur mode d’élaboration, récemment critiqué par la Cour des comptes, ne permet pas de garantir leur fiabilité". - "Certaines données mériteraient par ailleurs d’être collectées : les registres d’accidents dans les entreprises, les maladies déclarées non reconnues, les plaintes reçues par différentes institutions (inspection du travail), les statistiques d’activité des médecins du travail..." Traduction "sur le terrain" (exemples) : - Le cas n°609 : Une leucémie, imputable à l'exposition au benzène en Cokerie. La CRAM a reconnu le caractère professionnel de la maladie, mais sans l'imputer à un poste de travail clairement identifié. En effet, la procédure de reconnaissance n'incluant pas nécessairement la vérification de l'assainissement au poste de travail, la CRAM peut se permettre de clôturer l'enquête sur la base d'une notion vague, le site : "sur certains sites où ce salarié a travaillé le Benzène est présent". La maladie est imputée à une entreprise "effectuant des travaux sur sites pétrochimiques" qui paie, mais n'apprend rien du scénario qui a conduit à l'atteinte, et ne peut donc pas engager d'action corrective. Il importe de souligner que cet exemple ne décrit pas une "faute" ou une "erreur" quelconque, c'est le produit d'une procédure cohérente avec les seules exigences de l'indemnisation individuelle. Dans ces conditions, le CHSCT de la cokerie, qui se préoccupe depuis plusieurs années de la question du benzène sur cette installation, ignore l'existence même du cas : d'autres atteintes vont très probablement se produire … - Le cas n°097 : Surdité sévère, chez un calorifugeur effectuant des travaux de maintenance dans le périmètre d'un Vapocraqueur. La présence même de l'agent nocif au poste de travail bruits lésionnels - est mise en cause sur les seuls dires de l'employeur. Il suffisait pourtant d'utiliser la documentation disponible pour vérifier immédiatement la réalité de l'exposition : déclaration du risque, cartes du son, plans de prévention, rien ne manque. L'inspecteur de la Sécurité sociale aurait même pu de se référer aux nombreux cas analogues, déjà reconnus au même poste de travail par son propre service. Là encore, ni faute ni erreur, si ce n'est dans la procédure même : d'une part les cas analogues, imputables à un même poste de travail, ne sont pas identifiables, seules les données comptables étant informatisées, d'autre part aucune mémoire de système ne permet d'intégrer les informations disponibles auprès des CHSCT ou de l'inspection du travail aux mémoires de ceux qui ont la charge d'évaluer le caractère professionnel de l'atteinte. Le dossier s'enlise, génère des coûts inutiles (commissions de recours, tribunaux) et surtout, il n'est pas utilisé comme l'indice qui révèle une situation à assainir.