Résumé en langage courant Estimation du risque de polyarthrite rhumatoïde chez les sujets à haut risque : revue systématique de la littérature et méta-analyse François Vercruysse (1) ; Vincent Germain (1) ; Thomas Barnetche (1) ; Marie-Elise Truchetet (1) ; Thierry Schaeverbeke (1) (1) Service de rhumatologie, C.H.U Pellegrin, Bordeaux Pourquoi ce travail ? - La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie auto-immune touchant environ 0,2 à 0,5% de la population en France. Son développement implique dans la majorité des cas la production par le patient d’anticorps spécifiques dirigés contre lui-même : les facteurs rhumatoïdes et les anti-CCP. Ces derniers sont détectables dans le sang des patients 2 à 5 ans avant que les symptômes apparaissent. La maladie se manifeste par une inflammation des articulations à l’origine de gonflements articulaires et de douleurs invalidantes. Non traitée, elle a pour conséquence une destruction des articulations aboutissant à un handicap fonctionnel non négligeable. De nombreux traitements sont disponibles, dont la mise en place précoce favorise le pronostic, permettant un contrôle rapide de la maladie, préservant les patients de l’apparition d’un handicap. Devant l’excellente efficacité des traitements actuels de plus en plus d’études s’intéressent à la phase préclinique de la polyarthrite rhumatoïde, définie comme le laps de temps précédant l’apparition des symptômes, et au cours de laquelle les anticorps dirigés contre le propre organisme du patient apparaissent, sans qu’il ne présente de symptôme. Dans le but de mieux comprendre le développement de la PR et de mettre en place des stratégies de prévention, identifier les individus les plus à risque de développer une polyarthrite rhumatoïde est donc primordial. On sait que trois groupes de sujets sont plus à risque de développer une PR que la population générale : - Les apparentés au premier degré de patients atteints de PR (parents et fratrie) - Les sujets asymptomatiques mais présentant des anticorps spécifiques de la PR (facteur rhumatoïde et anti-CCP) - Les sujets présentant des auto-anticorps et se plaignant de douleurs articulaires (sans gonflement articulaire) Quels étaient les objectifs de ce travail ? 1. Déterminer le sur-risque de développer une PR conféré par le fait d’avoir un apparenté au premier degré atteint de PR. 2. Déterminer le sur-risque de développer des auto-anticorps spécifiques de la PR chez les apparentés au premier degré de patient atteint de PR. 3. Déterminer le sur-risque de développer une PR chez des patients présentant des auto-anticorps spécifiques de la PR, mais aucun symptôme particulier. 4. Déterminer le sur-risque de développer une PR chez des patients présentant des auto-anticorps spécifiques de la PR, et des douleurs articulaires sans gonflement. Comment avons-nous fait ? Nous avons procédé à une analyse systématique de la littérature, c’est à dire à un recensement de tous les articles scientifiques publiés sur ce sujet, puis avons procédé à une méta-analyse qui consiste à regrouper les données de toutes les études (plusieurs milliers de patients) afin de déterminer les risques de PR. Quels sont les résultats principaux de notre étude ? 1. Avoir un apparenté un premier degré atteint de PR augmente le risque de développer une PR de 2 à 4 fois 2. Le fait d’avoir un apparenté au premier degré atteint de PR augmente le risque d’être positifs pour les auto-anticorps spécifiques de la PR a. Ce risque est augmenté de 3,10 fois en moyenne (entre 1,25 et 7,68) pour les facteurs rhumatoïdes b. Et de 2,42 fois en moyenne (entre 1,22 et 4,79) pour les anti-CCP 3. Chez les gens ne présentant aucun symptôme, nous avons montré que : a. Avoir des facteurs rhumatoïdes augmente le risque de développer une PR de 7,89 fois en moyenne (entre 4,54 et 13,72) b. Avoir des anti-CCP augmente le risque de développer une PR de 21,6 fois en moyenne (entre 5,8 et 80,37) 4. Enfin, chez les gens se plaignant de douleurs articulaires : a. Avoir des facteurs rhumatoïdes augmente le risque de développer une PR de 3,62 fois en moyenne (entre 1,49 et 8,8) b. Avoir des anti-CCP augmente le risque de développer une PR de 12,67 fois en moyenne (entre 5,37 et 29,9) ` Quelles conclusions en tirer ? Ce travail a permis de quantifier : - Le sur-risque de PR et le sur-risque d’avoir des auto-anticorps spécifiques de la PR chez les apparentés au premier degré de patients atteints de PR. - Le sur-risque de PR conféré par le fait d’avoir des auto-anticorps spécifiques de la PR chez les sujets ne présentant aucun symptôme particulier, et chez ceux présentant des douleurs articulaires Ces précisions répondent à des questions très fréquemment posées par les patients atteints de PR et leur famille. Ces résultats permettront de mieux identifier et surveiller ces personnes à risque afin de pouvoir les traiter le plus tôt possible et donc d’améliorer le pronostic de la maladie. François VERCRUYSSE, interne en Rhumatologie au CHU de Bordeaux