ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre) 15 septembre 2016

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ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
15 septembre 2016 (*)
« Aides d’État – Secteur bancaire Aide octroyée à la banque danoise FIH, sous la
forme du transfert de ses actifs dépréciés à une nouvelle filiale et du rachat ultérieur de
ceux-ci par l’organisme danois chargé de garantir la stabilité financière – Aides d’État
en faveur des banques en période de crise Décision déclarant l’aide compatible avec
le marché intérieur Notion d’aide – Critère de l’investisseur privé – Critère du
créancier privé Calcul du montant de l’aide – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T-386/14,
FIH Holding A/S, établie à Copenhague (Danemark),
FIH Erhvervsbank A/S, établie à Copenhague,
représentées par Me O. Koktvedgaard, avocat,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et P.-J. Loewenthal, en qualité
d’agents,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation
de la décision 2014/884/UE de la Commission, du 11 mars 2014, concernant l’aide
d’État SA.34445 (12/C) mise en œuvre par le Danemark en faveur de la cession des
actifs de FIH liés à l’immobilier à FSC (JO 2014, L 357, p. 89),
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins
(rapporteur), juges,
greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 février 2016,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
Contexte général
1 L’une des deux requérantes, FIH Erhvervsbank A/S (ci-après « FIH »), est une société
à responsabilité limitée constituée conformément à la législation bancaire danoise et
supervisée par les autorités bancaires danoises. FIH ainsi que ses filiales sont
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entièrement détenues par l’autre requérante, FIH Holding A/S (ci-après « FIH
Holding »).
2 Comme d’autres banques, FIH a bénéficié de certaines mesures adoptées par le
Royaume de Danemark afin de stabiliser son secteur bancaire. En juin 2009, FIH a
reçu un apport en capital hybride de catégorie 1 de 1,9 milliard de couronnes danoises
(DKK) (environ 225 millions d’euros) en vertu de la loi danoise sur les apports en
capital financés par l’État. Cette loi avait été approuvée par la Commission européenne
en tant que régime d’aides compatible avec le marché intérieur par la décision
C(2009) 776 final, du 3 février 2009, relative au régime d’aide d’État N31a/2009 –
Danemark. Selon cette décision, le régime d’aides était ouvert à des établissements
bancaires fondamentalement sains et solvables.
3 En juillet 2009, le Royaume de Danemark a fourni à FIH une garantie d’État d’un
montant de 50 milliards de DKK (environ 6,31 milliards d’euros), en vertu de la loi
danoise sur la stabilité financière. Cette loi avait également été approuvée en tant que
régime d’aides compatible avec le marché intérieur par la décision C(2009) 776 final.
FIH a utilisé la totalité de cette garantie pour émettre des obligations. Au 31 décembre
2011, le montant des obligations émises par FIH et garanties par l’État danois s’élevait
à 41,7 milliards de DKK (environ 5,56 milliards d’euros), soit 49,94 % du bilan de FIH.
Ces obligations devaient arriver à échéance en 2012 et en 2013.
4 Entre 2009 et 2011, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de FIH, qui est
passée de A2 à B1, avec une perspective négative.
5 Afin de surmonter les problèmes de liquidité qu’allait créer la structure des échéances
des obligations, il est apparu nécessaire de réduire sensiblement le bilan de FIH. Le
6 mars 2012, le Royaume de Danemark a donc notifié un paquet de mesures à la
Commission. Deux étapes étaient envisagées.
6 Au cours de la première étape, les actifs les plus problématiques (notamment des
prêts immobiliers et des produits dérivés) seraient transférés vers une nouvelle filiale
de FIH Holding, NewCo. Le passif initial de NewCo était constitué de deux prêts qui lui
avaient été consentis par FIH et de fonds propres d’une valeur de 2 milliards de DKK
(environ 268 millions d’euros). Dans ce contexte, la Financial Stability Company (ci-
après la « FSC »), une entité publique mise en place par les autorités danoises dans le
contexte de la crise financière, a également fourni à NewCo un financement
correspondant aux montants nécessaires pour refinancer ses actifs savoir 13
milliards de DKK), afin que FIH rembourse ses prêts garantis par l’État.
7 Au cours de la seconde étape, la FSC procéderait à l’achat des actions de NewCo, qui
serait ensuite liquidée de manière ordonnée.
8 FIH Holding et la FSC ont conclu plusieurs accords connexes relatifs à la situation de
NewCo pendant ce processus de liquidation. En particulier, FIH Holding a fourni à la
FSC une garantie illimitée contre les pertes, assurant à cette dernière le recouvrement
de l’intégralité des montants qu’elle verserait et des apports en capital qu’elle
consentirait à NewCo. La FSC a accepté de financer et de recapitaliser NewCo au
cours de sa liquidation, si cela se révélait nécessaire.
9 Par sa décision C(2012) 4427 final, du 29 juin 2012, concernant l’aide d’État
SA.34445 (12/C) (ex 2012/N) Danemark, la Commission a considéré que les
mesures notifiées constituaient une aide d’État en faveur de NewCo et du groupe FIH.
Néanmoins, elle a provisoirement approuvé le paquet de mesures pour des raisons de
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stabilité financière pour une période de six mois ou, si le Royaume de Danemark
présentait un plan de restructuration au cours de cette période, jusqu’à ce qu’elle
adopte une décision finale sur ce point.
10 Par la même décision, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen de
ces mesures. En particulier, elle a émis des doutes concernant la proportionnalité de
celles-ci et leur limitation au minimum nécessaire. Elle s’est également demandé si la
contribution propre du groupe FIH était adéquate et si les distorsions de concurrence
étaient suffisamment limitées.
11 Le 2 juillet 2012, FIH a remboursé au Royaume de Danemark les fonds propres
hybrides de catégorie 1 d’un montant de 1,9 milliard de DKK (environ 225 millions
d’euros) qu’elle avait reçus en 2009. Dès lors, la FSC a été en mesure de financer la
quasi-totalité des 2 milliards de DKK nécessaires au rachat de NewCo grâce au
remboursement anticipé de ces fonds.
12 Le 4 janvier 2013, le Royaume de Danemark a présenté un plan de restructuration de
FIH, dont la version finale date du 24 juin 2013.
13 Le 3 octobre 2013, le Royaume de Danemark a transmis un ensemble de propositions
d’engagements, dont la version finale date du 3 février 2014, afin de répondre aux
préoccupations exprimées par la Commission dans le cadre de la procédure d’examen.
Décision attaquée
14 Le 12 mars 2014, la Commission a notifié au Royaume de Danemark sa décision
2014/884/UE, du 11 mars 2014, concernant l’aide d’État SA.34445 (12/C) mise en
œuvre par le Danemark en faveur de la cession des actifs de FIH liés à l’immobilier à
FSC (JO 2014, L 357, p. 89, ci-après la « décision attaquée »). L’aide en cause a été
déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3,
sous b), TFUE, compte tenu du plan de restructuration et des engagements présentés.
15 Selon la décision attaquée, les mesures en faveur de FIH constituaient une aide d’État
au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
16 En premier lieu, la Commission a relevé que les mesures en question faisaient appel à
des ressources d’État, car elles étaient financées par la FSC, une entreprise publique
utilisant des ressources publiques. Premièrement, la FSC avait fourni un apport en
espèces de 2 milliards de DKK (environ 268 millions d’euros) pour l’achat d’actions à
NewCo. Deuxièmement, la FSC s’était engagée à financer les actifs de NewCo
pendant que FIH remboursait les prêts garantis par l’État (voir point 6 ci-dessus).
Troisièmement, la FSC avait renoncé à une partie des intérêts dus aux fins du
paiement de la garantie reçue de la part de FIH Holding contre les pertes de NewCo
(voir point 8 ci-dessus).
17 En deuxième lieu, la Commission a estimé que les mesures procuraient un avantage
en faveur du groupe FIH. Elle a considéré que, contrairement à ce que les autorités
danoises faisaient valoir, ces mesures ne respectaient pas le principe de l’opérateur
privé en économie du marché. À cet égard, la décision attaquée indique, dans un
graphique, la valeur actualisée nette (la « VAN » ou « net present value ») de l’accord
d’achat d’actions, pour différentes valeurs de liquidation des actifs de NewCo allant de
5,1 milliards de DKK à 28,3 milliards de DKK. La probabilité que chacun des scénarios
se produise est indiquée par une ligne pointillée, allant de 0,1 à 7,5 %. Selon la
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Commission, dans les scénarios les plus probables, le rendement est légèrement
négatif.
18 Selon la décision attaquée, le rendement escompté (« expected return ») des mesures
en cause dépend du futur flux de recettes généré par les flux de trésorerie, qui doit être
ramené à sa valeur actuelle, à savoir la VAN, en utilisant un taux d’actualisation
discount rate ») approprié.
19 Dès lors, la décision attaquée conclut que la VAN moyenne globale de l’accord
d’achat d’actions, pondérée en fonction de la probabilité, selon le calcul de l’expert
externe de la Commission, s’élève à 726 millions de DKK. En conséquence, l’accord
d’achat d’actions entraîne une perte plutôt qu’un profit pour la FSC. De surcroît, un
opérateur privé en économie de marché aurait exigé une rémunération des fonds
propres d’au moins 10 % par an pour un investissement similaire d’un montant de 2
milliards de DKK (environ 268 millions d’euros), ce qui aurait généré environ 1,33
milliard de DKK sur les sept ans d’existence de NewCo.
20 En troisième lieu, la Commission a relevé que les mesures concernaient
exclusivement le groupe FIH et NewCo et, de ce fait, étaient sélectives.
21 En quatrième lieu, la Commission a estimé que les mesures étaient susceptibles de
créer des distorsions de la concurrence et d’avoir des effets sur le commerce entre
États membres.
22 Selon les calculs de la Commission, appuyés par des rapports d’experts externes, le
montant de l’aide s’élevait à environ 2,25 milliards de DKK (à savoir environ 300
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millions d’euros). Pour quantifier le montant de l’aide, la Commission a tenu compte
des éléments suivants :
le bénéfice lié à la formule de l’accord d’achat d’actions (0,73 milliard de DKK),
en raison d’une participation à concurrence de seulement 25 % à la hausse de la
valeur des fonds propres sur une période d’investissement de sept ans (selon la
Commission, une prise de participation ordinaire serait assortie d’une
participation de 100 % aux rendements des fonds propres) ;
le renoncement à une rémunération annuelle sur les fonds propres sur une
période d’investissement de sept ans (1,33 milliard de DKK) ;
le paiement par NewCo d’intérêts excédentaires sur le premier prêt à FIH et sur
son financement initial (0,33 milliard de DKK) ;
le paiement de frais administratifs excédentaires à FIH pour la gestion des actifs
et les opérations de couverture (0,14 milliard de DKK).
23 Comme facteur atténuant, la Commission a estimé que l’annulation anticipée de
garanties de l’État pour un montant de 0,28 milliard de DKK devait être déduite du
montant de l’aide.
24 En ce qui concerne la compatibilité de l’aide, la Commission a examiné la mesure sur
le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et à la lumière de la
communication concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire
de la Communauté (JO 2009, C 72, p. 1, ci-après la « communication sur actifs
dépréciés ») ainsi que de la communication concernant l’application, à partir du
1er janvier 2012, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux
banques dans le contexte de la crise financière (JO 2011, C 356, p. 7, ci-après la
« communication sur les restructurations »).
25 À cet égard, la Commission a relevé que la rémunération des fonds propres requise
dépendait de l’effet net réel produit par les mesures en termes de sauvetage d’actifs.
Elle a évalué que l’effet brut produit par les mesures en termes de sauvetage d’actifs
s’élevait à 375 millions de DKK et que la valeur de cession correspondante dépassait
de 254 millions de DKK la valeur économique réelle, une somme qui devait être
rémunérée et récupérée. De plus, des frais excédentaires d’un montant de 143,2
millions de DKK devaient être recouvrés.
26 Selon la Commission, un paiement anticipé de 254 millions de DKK (en date de valeur
du 1er mars 2012) a réduit l’effet net en termes de sauvetage d’actifs, le faisant passer
de 375 millions de DKK à 121 millions de DKK. Par conséquent, le versement d’une
prime unique de 310,25 millions de DKK en date de valeur du 30 septembre 2013, un
paiement annuel de 12,1 millions de DKK (correspondant à une rémunération annuelle
de 10 % de l’effet en termes de sauvetage d’actifs) et le recouvrement des frais
administratifs excédentaires rendraient les mesures conformes à la communication sur
les actifs dépréciés.
27 Au vu de ces différents éléments, la Commission a considéré que les mesures étaient
proportionnées, limitées au minimum et garantissaient une contribution propre
suffisante de FIH, conformément à la communication sur les actifs dépréciés.
28 Ensuite, la Commission a vérifié la compatibilité des mesures avec la communication
sur les restructurations. Elle a ainsi estimé qu’un plan de restructuration complet avait
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