Les mycorhizes éricoïdes: un potentiel biotechnologique pour

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NATHALIE MORRISSETTE
Les mycorhizes éricoïdes : un potentiel biotechnologique pour favoriser
l'établissement de plants de bleuet sur les sites perturbés par
l'exploitation des sables bitumineux en forêt boréale canadienne.
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en sciences forestières
pour l'obtention du grade de maître es sciences (M. Se.)
DEPARTEMENT DES SCIENCES DU BOIS ET DE LA FORET
FORESTERIE, GÉOGRAPHIE ET GÉOMATIQUE
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2011
Nathalie Morrissette, 2011
11
Résumé
L'exploitation des sables bitumineux en Alberta couvre un territoire de plus de 140 800 km2 dans la
forêt boréale. Pour atteindre les gisements d'hydrocarbures, cette exploitation nécessite la coupe à
blanc de la végétation ainsi que le déblaiement du mort-terrain d'une profondeur d'environ 50
mètres. Après l'extraction des sables bitumineux, ceux-ci doivent être traités pour en extraire le
pétrole et les procédés exigent l'utilisation de produits toxiques. Les rejets sableux et aqueux
générés par cette extraction sont remis en place et étant donné leur forte concentration en sels et leur
pH alcalin, ces rejets limitent l'établissement naturel de la végétation. Parmi les peuplements
forestiers, les ericacées occupent une place prédominante auprès des conifères (épinettes noires,
épinettes blanches, pins gris, sapins baumiers et mélèzes laricins) et des arbres feuillus (bouleaux et
peupliers). Pour permettre la recolonisation d'arbustes tels que le bleuet sur ces sites perturbés, cette
étude propose l'inoculation des semis avec des champignons mycorhiziens éricoïdes résistants aux
stress salins et aux hydrocarbures afin d'accroître leur tolérance à ces mêmes stress. La sélection in
vitro de champignons éricoïdes tolérants aux stress salins (NaCl, Na 2 S0 4 , CaCL. et CaS04) et aux
hydrocarbures (pétrole brute et eau de rejet CT) fut effectuée en boîtes de Petri. Étant donné la
grande tolérance de ces champignons (Gymnascella dankaliensis, Phialocephala fortinii, Hymenoscyphus sp., Meliniomyces variabilis, Myxotrichum setosum et Pseudogymnoascus roseus ) en
conditions in vitro, une expérience in vivo fut entreprise afin d'évaluer la tolérance aux stress salins
(NaCl) et d'hydrocarbures (pétrole brut et eau de rejet CT) des plants de bleuet inoculés avec ces
mêmes champignons. Dû à un manque de mycorhization des plants de bleuet, aucune conclusion
n'a pu en être tirée. Les raisons de cet échec seront abordées dans la discussion.
Ill
Avant-Propos
Je tiens à remercier mon directeur Damase Khasa, qui m'a confié ce projet titanesque avec une
confiance aveugle. Merci à Ali Quoreshi, Estelle Campagnac, Annie Champagne, Jean Guy
Catford, Martin Trépanier, Serge Sokolski, François Larochelle, Paul Desaulniers, André Gagné,
Geneviève Bourgeois et Maxime Sirois. Et finalement, un remerciement très spécial à ce cher Yves
Piché, qui m'a gentiment guidé vers ce dépôt, tant par ses conseils, ses corrections et ses encouragements. Merci.
IV
Table des matières
Résumé
ii
Avant-propos
iii
Table des matières
iv
Liste des tableaux et encadrés
vi
Liste des figures
vii
Préface
ix
Chapitre 1 - Ph\ torestauration des sites perturbés p a r l'exploitation des sables bitumneux
1
1.1 Les sables bitumineux dans la forêt boréale canadienne
1
1.2 Problématique de l'exploitation des sables bitumineux au Canada
3
1.3 Formation d'un gisement de pétrole
5
1.4 Composition des sables bitumineux
7
1.5 Techniques d'extraction des sables bitumineux
8
1.6 Stress environnementaux engendrés par l'exploitation des sables bitumineux
10
1.6.1 Toxicité du pétrole
11
1.6.2 Effet de la salinité du substrat sur les organismes édaphiques
13
1.7 Restauration des sites perturbés par l'exploitation des sables bitumineux
16
1.7.1 La bioremédiation
18
1.7.2 La phytoremédiation
19
1.7.3 La mycoremédiation
20
1.8 Les associations mycorhiziennes
21
1.8.1 Les champignons mycorhiziens
25
1.8.2 Les mycorhizes éricoïdes
26
1.9 Les ericacées
31
1.9.1 Le bleuet (Vaccinium angustifolium & Vaccinium myrtilloides)
33
1.10 Co-évolution Éricoïdes/Éricacées
34
1.10.1 Acidité, infertilité et toxicité des sols de la forêt boréale
35
1.10.2 Adaptation des espèces végétales
38
1.10.3 Les composés phénoliques
39
Chapitre 2 - Sélection de champignons éricoïdes tolérants aux stress
salins et d'hydrocarbures. Potentiel des plants de bleuet mycorhizes à
tolérer les stress salins et d'hydrocarbures
43
2.1 Introduction
43
2.2 Matériel et méthodes
44
2.2.1 Expérience in vitro
44
Isolement d'une souche du genre Oidiodendron à partir d'un plant de bleuet
44
Sélection in vitro de souches éricoïdes
44
Origine et culture des souches
44
Préparation des milieux de culture
45
Inoculation des milieux de culture
46
Le dispositif expérimental
46
2.2.2 Expérience in vivo
46
Sélection in vivo de souches éricoïdes en présence de boutures de plants
de Vaccinium angustifolium
46
Préparation des plants de bleuet
47
Préparation de l'inoculum
47
Origine et culture des souches
48
Préparation des solutions salines et pétrolifères
48
Dispositif expérimental
49
Paramètres évalués
49
2.3 Résultats
51
2.3.1 Expérience in vitro
51
Croissances radiales des six souches en présence de tous les traitements
51
Comparaison des croissances radiales des six souches en présence des stress les
plus concentrés
56
Résumé des souches tolérantes aux différents traitements
63
2.3.2 Expérience in vivo
64
Pourcentage de mycorhization
71
2.4 Discussion
72
2.4.1. Expérience in vitro : Croissance de champignons éricoïdes en boîtes de Petri dans un
milieu CMA amendé de solutions salines et d'hydrocarbures
72
2.4.2 Expérience in vivo : Synthèse mycorhizienne entre champignons mycorhiziens éricoïdes et bleuets. Évaluation de la tolérance des semis en condition de stress
77
2.5 Conclusion générale
80
2.6 Bibliographie
82
VI
Liste des tableaux et encadrés
Encadré 1.1. Degré de viscosité du pétrole et densité API
8
Tableau 2.1. Liste des six souches éricoïdes utilisées lors de l'expérience in vitro
45
Tableau 2.2. Liste des six souches éricoïdes utilisées lors de l'expérience in vivo
48
Tableau 2.3. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement témoin
57
Tableau 2.4. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence de NaCl 300mM
58
Tableau 2.5. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence du traitement Na 2 S0 4 300mM
59
Tableau 2.6. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence du traitement CaCl2300mM
60
Tableau 2.7. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence du traitement de pétrole 50 g/L
61
Tableau 2.8. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement de l'eau de rejet CT
62
Tableau 2.9. Récapitulatif des souches tolérantes aux stress les plus concentrés
63
vu
Liste des figures
Chapitre 1
Figure 1.1. La forêt boréale canadienne
1
Figure 1.2. Présentation de l'étendue approximative de trois réservoirs de sables bitumineux en
Alberta
4
Figure 1.3. Migration du pétrole vers les gisements de sables bitumineux de l'Alberta
6
Figure 1.4. Composition des sables bitumineux
7
Figure 1.5. Bassins d'eaux de rejets industrielles issus de l'extraction des sables bitumineux en
Alberta
10
Figure 1.6. Une zone restaurée, loin de ressembler à l'écosystème d'origine
16
Figure 1.7. Interaction entre la disponibilité des nutriments (N & P) et la croissance
mycorhizienne
24
Figure 1.8. Diagramme d'une cellule épidermique de radicelle d'éricacées colonisée par un
peloton de mycélium éricoïde
28
Figure 1.9. Coupe transversale d'une jeune radicelle d'éricacées (Calluna vulgaris) colonisée
par du mycélium éricoïde
28
Figure 1.10. Image en microscopie confocale de racines de Vaccinium myrtillus colonisées par le
champignon éricoïdes Oidiodendron maius transformé avec la GFP
28
Figure 1.11. Radicelle de Rhododendron colonisée par un champignon éricoide ayant pénétré la
couche externe de l'épiderme
29
Figure 1.12. Ericacées
31
Figure 1.13. Système racinaire typique des ericacées
32
Figure 1.14. Vaccinium angustifolium Aiton
34
Figure 1.15. Vaccinium myrtilloides Michx
34
Figure 1.16. Représentation schématique de l'augmentation de la phytodisponibilité des
ions métalliques (Men+) en présence des ions H+
37
Figure 1.17. Compartimentation de l'acquisition de l'azote dans les landes à bruyères
39
Figure 1.18. Le réservoir principal (boîtes) et les flux (flèches) d'azote dans l'écosystème
41
Chapitre 2
Figure 2.1. Croissance radiale (mm) de la souche P. roseus sur différents stress salins et
d'hydrocarbures à la 8lème semaine de croissance
Figure 2.2. Croissance radiale (mm) de la souche M. setosum sur différents stress salins et
d'hydrocarbures à la 8ieme semaine de croissance
Figure 2.3. Croissance radiale (mm) de la souche Hymenoscyphus sp. sur différents stress salins
et d'hydrocarbures à la 8lème semaine de croissance
Figure 2.4. Croissance radiale (mm) de la souche P. fortinii sur différents stress salins et
d'hydrocarbures à la 8lème semaine de croissance
Figure 2.5. Croissance radiale (mm) de la souche M. variabilis sur différents stress salins et
d'hydrocarbures à la 8'eme semaine de croissance
Figure 2.6. Croissance radiale (mm) de la souche G. dankaliensis sur différents stress salins et
d'hydrocarbures à la 8lème semaine de croissance
Figure 2.7. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement témoin
Figure 2.8. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement NaCl 300mM
51
52
53
54
55
56
57
58
Vlll
Figure 2.9. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement Na2S04 300mM
Figure 2.10. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement CaCb 300mM
Figure 2.11. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en
présence du traitement de pétrole 50 g/L
Figure 2.12. Croissance radiale des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement de l'eau de rejet (CT)
Figure 2.13. Apparence qualitative des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence
des traitements
Figure 2.14. Masse sèche des parties aériennes (g) des plants de bleuet après 4 mois de
croissance en présence des traitements
Figure 2.15. Masse sèche racinaire (g) des plants de bleuet après 4 mois de croissance en
présence des traitements
Figure 2.16. Masse sèche totale (g) des plants de bleuet après 4 mois de croissance en
présence des traitements
Figure 2.17. pH du substrat des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence des
traitements
Figure 2.18. Conductivité (microsiemens/cm) du substrat des plants de bleuet après 4 mois de
croissance en présence des traitements
Figure 2.19. Pourcentage de survie des plants de bleuet après 4 mois de croissance en
présence des traitements de stress
59
60
61
62
65
66
67
68
69
70
71
IX
Préface
Ayant été une source énergétique abondante et abordable au début du siècle, le pétrole fut responsable de la deuxième vague de développement industriel qui débuta lors de la première guerre
mondiale. Le pétrole a notamment permis de développer le moteur à explosion, ainsi que toute
l'industrie automobile et aéronautique. Ces nouvelles inventions ont généré une augmentation de la
vitesse d'exécution des nombreux travaux de construction ce qui, par le fait même, a induit une
progression très rapide de l'économie mondiale. Aujourd'hui, malgré son coût exorbitant, le pétrole
est plus que jamais indispensable à notre rythme de vie effréné. Par exemple, les millions de
voitures qui circulent chaque jour sur un réseau routier qui s'élargit constamment nous démontre
que notre dépendance envers ce carburant fossile est encore à la hausse (quoique les réserves
pétrolières soient à la baisse). Mais le pétrole ne sert pas qu'à remplir les réservoirs automobiles ou
à alimenter le monde du transport. La pétrochimie a permis, au fil du temps, la fabrication de
nombreux biens faits de sous-produits pétroliers; gommes à mâcher, sacs en plastique jetables,
ordinateurs portables, espadrilles, vêtements en polyester et cellulaires. Difficile d'imaginer que ces
produits n'existaient pratiquement pas avant les années 60, tellement nous en sommes dépendants
aujourd'hui.
Cette ressource indispensable pour le développement et le fonctionnement de notre société industrielle est malheureusement très polluante. L'exploitation du pétrole, sa transformation, sa distribution, la pollution atmosphérique issue de sa combustion et les multiples produits de consommation
non biodégradables qui s'accumulent dans nos déchets créent de nombreux problèmes environnementaux. De plus, maintes guerres ont eu lieu pour sa conquête, comme celle du Golfe et de l'Irak.
Et ce n'est pas fini, bientôt l'enjeu sera à qui appartiendra les nappes de pétrole du pôle nord. De
grandes catastrophes écologiques peuvent aussi être commises involontairement par l'exploitation
du pétrole. Par exemple, en avril 2010, l'explosion d'une plateforme pétrolière dans le golfe du
Mexique a induit une immense marée noire atteignant les côtes de l'Alabama et de la Louisiane.
Cette catastrophe créa des dommages irréparables comme la mort de milliers de poissons, d'oiseaux
marins, sans compter l'asphyxie de plusieurs espèces de mollusques. En ce qui concerne
l'exploitation du pétrole au Canada, l'industrie des sables bitumineux crée de nombreuses controverses. Avec raison, car cette industrie abîme un énorme territoire forestier qui entraîne une perte
d'habitat faunique, la pollution des nappes phréatiques, la création de gaz à effet de serre (qui ruine
à elle seule, les efforts de tout le pays en matière de réduction des gaz à effet de serre) et
l'utilisation intensive d'eau provenant des rivières environnantes. Considérant qu'il faudra du temps
pour diminuer notre dépendance au pétrole et pour changer nos politiques environnementales, il
nous faut, dès maintenant, trouver des solutions pour amoindrir son impact négatif sur notre
environnement et notre santé.
Actuellement, plusieurs recherches sont en cours pour développer des solutions afin de restaurer le
territoire suite à l'exploitation des sables bitumineux qui ont lieu en plein cœur de la forêt boréale
de l'Alberta. Notre étude fait partie de l'une d'entres-elles et met l'accent sur la réintroduction du
bleuet (Vaccinium angustifolium) sur les sites exploités, à l'aide de champignons mycorhiziens
éricoïdes. L'objectif général de notre étude est d'évaluer le potentiel des mycorhizes éricoïdes
envers l'établissement du bleuet sur les sites perturbés par l'exploitation des sables bitumineux.
Pour atteindre cet objectif, la première étape fut de sélectionner, in vitro, des champignons éricoïdes
tolérants à différents stress salins et d'hydrocarbures. Ensuite, nous avons inoculé des plants de
Vaccinium angustifolium avec ce cortège de champignons éricoïdes tolérants afin de vérifier si ces
champignons sont destinés à réduire les stress abiotiques et à améliorer la productivité du bleuet sur
des sols contaminés par le stress salins et par les hydrocarbures issus de l'exploitation des sables
bitumineux. Nous émettons alors l'hypothèse que les champignons éricoïdes sont résistants aux
stress salins et aux hydrocarbures et qu'ils peuvent, par conséquent, favoriser la bioremédiation des
sols contaminés par l'extraction des sables bitumineux. Par conséquent, nous posons une deuxième
hypothèse de recherche afin d'examiner si les plants de bleuet (V. angustifolium), inoculés par des
champignons mycorhiziens éricoïdes sont plus résistants aux stress salins et aux hydrocarbures et
présentent ainsi une meilleure croissance.
Le premier chapitre de ce mémoire présentera un aperçu des connaissances nécessaires à la compréhension de la problématique qui entoure la végétalisation des territoires perturbés par
l'exploitation des sables bitumineux, soit une revue de littérature comprenant une partie sur la forêt
boréale, les sables bitumineux et leur extraction, les stress salins et pétroliferes, la bioremédiation,
les champignons mycorhiziens, les ericacées, et finalement, l'écologie de ces deux organismes
complémentaires. Dans le deuxième chapitre, nous présenterons les expériences effectuées pour
atteindre nos deux objectifs; le matériel et méthodes utilisés, la présentation de nos résultats ainsi
qu'une discussion sur les résultats obtenus.
Chapitre 1 - Phytorestauration des sites perturbés par
l'exploitation des sables bitumineux
1.1
Les sables bitumineux dans la forêt boréale canadienne
* Fotêt at autres tan a* ooiaéa* taNaa Q U I dÉflntaa par I inventa** d t t
toc*»» du Canada 2001
" La toil* boreal* (310 M ha) Mt m auparlcw da M l at aua*a M M
I contenu* dan» la région boréal* (S49 M ha).
C naaaouw n» naturaaaa Canada
Figure 1.1 La forêt boréale canadienne. Ressources naturelles Canada 2011.
Les réserves des sables bitumineux canadiens couvrent un territoire de plus de 140 800 km2 dans la
province de l'Alberta, en plein cœur de la forêt boréale. L'exploitation de ces sables bitumineux a
pour conséquence l'apparition de vastes étendues stériles et le territoire perturbé doit être restaurée
afin de permettre à la faune et la flore de reprendre sa place. Dans l'idée de bien comprendre la
problématique concernant la phytoremédiation de ce type de forêt, il est nécessaire de connaître son
écologie pour permettre une restauration à l'image de l'écosystème original.
La forêt boréale ou taïga, est un énorme biome encerclant le globe terrestre selon un prolongement
circumpolaire pratiquement continu au nord de l'hémisphère Nord. C'est la zone boisée la plus
septentrionale de la planète et elle représente 25% des dernières forêts intactes du monde. Au
Canada, la forêt boréale constitue le plus grand écosystème couvrant près de 60 % du territoire (Fig.
1.1). (Ressources naturelles Canada 2011, Initiative boréale canadienne 2009, Bonan & Shugart
1989). De plus, selon le rapport "The carbon the world forgot" publié par Initiative Boréale du
Canada, la forêt boréale serait le plus large puits de carbone au monde (Carlson et al. 2009).
Au nord de l'Alberta, les conditions sont particulièrement rigoureuses ; la saison de croissance dure
seulement de 2 à 3 mois, les moyennes de températures hivernales sont de -21°C (Fung & Macyk
2000) et les températures minimales peuvent aller jusqu'à -40°C (Perry et al. 2008). Au niveau de la
pédologie, les sols de la forêt boréale sont normalement très acides (avec des valeurs de pH atteignant parfois 3,0), la disponibilité en nutriments et minéraux (N et P) varie beaucoup selon les
saisons et le ratio C:N est très élevé en raison de l'accumulation en surface de la matière organique
récalcitrante, résultat d'une oxydation incomplète du matériel végétal mort (Prescott et al. 2000).
Cette oxydation incomplète de la matière organique provient indirectement du pH acide de ces sols
qui inhibe plusieurs réactions enzymatiques bactériennes cruciales à sa décomposition, tels que
l'ammonification et la nitrification. Cette couche de matière organique récalcitrante (mor humus)
conserve donc ses nutriments (ils ne sont pas lessivés dans les eaux souterraines ou dégradés par les
microorganismes) ce qui contribue à la rétention de l'humidité et à la structure du sol (Prescott et al.
2000). Toutefois, de par le manque de minéralisation de la matière organique, les plantes peuvent
souffrir d'une carence en nutriments. Heureusement, l'évolution des écosystèmes boréaux a
favorisé le développement de la symbiose mycorhizienne et celle-ci est largement tributaire des
champignons ectomycoriziens et éricoïdes. Ces champignons mycorhiziens possèdent une panoplie
d'enzymes protéolytiques permettant de libérer la matière organique récalcitrante pour ainsi la
retransmettre aux plantes en symbiose avec ces champignons (Lundstrom et al. 2000, Read et al.
2004). On estime que la biomasse du mycélium extraracinaire des ectomycorhizes est de l'ordre de
820 kg par hectare dans les sols de la forêt boréale (Wallander et al. 2001).
Malgré ces conditions climatiques et édaphiques hostiles, on retrouve des espèces végétales bien
adaptées à cet environnement. La flore est constituée majoritairement de conifères tels que
l'épinette noire (Picea mariana), l'épinette blanche (Picea glauca), le pin gris (Pinus banksiana), le
sapin baumier (Abies balsamea) et le mélèze laricin (Larix laricind). On y retrouve également des
peuplements d'arbres feuillus comme les bouleaux (Betula papyrifera), les peupliers (Populus
tremuloides, Populus balsamifera), et plusieurs arbustes dont ceux de la famille des Ericaceae
( Vaccinium myrtiloïdes, Kalmia angustifolia, Rhododendron groenlandicum, Vaccinium macrocarpon), et de la famille des Rosaceae (Rubus spectabilis, Amelanchier canadensis). Les plantes
herbacées sont représentées par quelques espèces de la famille des Liliaceae (Lilium canadense),
des Ruscaceae (Maianthemum canadense) et des Violaceae (Viola canadensis). Le parterre forestier
est généralement recouvert d'un lit de plantes invasculaires dont plusieurs bryophytes (Pleurozium
schreberi, Polytricum commune), de sphaignes (Sphagnum centrale, Sphagnum magellanicum,
Sphagnum papillosum) et de lichens (Cladonia sp., Peltigera aphthosa, Cladina sp.). (Ressources
naturelles Canada 2011, Initiative boréale canadienne 2009, Moss E.H & Packer J.G. 2000).
1.2
Problématique de l'exploitation des sables bitumineux au C a n a d a
Le pétrole est un combustible fossile liquide utilisé dans un grand nombre de secteurs tels que
l'industrie automobile, l'aviation, les transports maritimes, le chauffage, les fours industriels, les
revêtements routiers, les fibres synthétiques, les encres d'imprimerie et les caoutchoucs synthétiques.
Ces nombreuses applications révèlent bien que le pétrole est un produit prédominant dans notre
quotidien et par le fait même, dans l'économie mondiale. Il fut un acteur important du développement de la deuxième révolution industrielle (Caron 1997). L'augmentation du prix du baril de pétrole
au début des années 70, conjointement associée à une peur de l'appauvrissement des réserves de
pétrole brut, ont incité l'exploitation de vastes gisements pétrolifères sous forme de sables bitumineux (Selley 1985). D'un point de vue économique, les sables bitumineux sont moins rentables que
le pétrole brut puisqu'il faut investir davantage d'énergie pour leur extraction et leur transformation.
D'un point de vue environnemental, l'exploitation des sables bitumineux affecte, entres autres, la
végétation, la pureté des eaux souterraines, la qualité de l'air et l'habitat de nombreux animaux
(Woynillowicz et al. 2005). Malgré ces désavantages, l'industrie des sables bitumineux a connu une
augmentation de la production de barils de pétrole au fil des années (Statistique Canada 2008).
Le Canada possède l'un des plus gros gisements de sables bitumineux dans le monde (Fung &
Macyk 2000). Quoique l'on retrouve des sables bitumineux à plusieurs endroits sur la planète, c'est
seulement au Canada, au Venezuela et en Russie que l'on trouve des quantités de ressources exploitables (Office national de l'énergie 2003). L'exploitation des sables bitumineux au nord de l'Alberta
a débuté officiellement en 1967 et couvre maintenant un vaste territoire de plus de 140 800 km2 dans
la forêt boréale dont 500 km2 sont déjà perturbés par les activités d'extractions. Les plus importants gisements sont retrouvés sur les trois territoires suivants : Peace River, Cold Lake et
Athabasca (Fig. 1.2). (Government of Alberta 2011, Fung & Macyk 2000).
Figure 1.2 Présentation de l'étendue approximative de trois réservoirs de sables bitumineux en
Alberta ; le réservoir de 1'Athabasca, de Cold Lake et de Peace River. Wikipedia /Norman Einstein
Mai 2006.
1.3
Formation d ' u n gisement de pétrole
Chaque gisement de pétrole possède sa propre histoire géologique qui a cours sur plusieurs milliers
d'années, voire plusieurs millions d'années. Selon son emplacement, la constitution de la roche
mère, le gradient géothermique, le temps de formation, le pétrole acquerra ses particularités propres
telles sa composition chimique, sa densité, sa viscosité, sa couleur, sa teneur en soufre et en
minéraux. La formation d'un gisement de pétrole sous forme de sables bitumineux est bien différente de celle d'un gisement de pétrole brut classique (le pétrole qui s'écoule de façon naturelle ou qui
peut être pompé sans être chauffé ou dilué). Par contre leurs origines restent les mêmes, c'est-à-dire
que le pétrole résulte de la dégradation (biochimique et thermique) de la matière organique végétale
(algues) et de la matière organique provenant de microorganismes marins (planctons). Cette matière
organique, composée de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote, sera en premier lieu transformée en kérogène (matière organique en cours de transformation après son enfouissement, capable
de produire du charbon, du pétrole et/ou du gaz selon l'évolution des différentes conditions environnementales) par les bactéries anaérobies. Les bactéries dégradent donc la matière organique et
laissent derrière elles le carbone et l'hydrogène en excès, d'où la formation d'hydrocarbure. Les
molécules de kérogène sont ensuite amenées à des températures de plus en plus élevées selon la
profondeur à laquelle elles se trouvent. À partir de cette étape, les molécules d'hydrocarbures
deviennent plus complexes. La dégradation passera de biochimique (conduit par les bactéries) à
thermique (conduit par l'augmentation de température et de pression). Dans un premier temps, la
pyrolyse (décomposition thermique) procède à l'extraction des molécules d'eau et de CO2 des
molécules de kérogène. Ensuite, tout dépendamment de la profondeur à laquelle se trouve les
molécules de kérogène, celles-ci se transformeront soit en hydrocarbures liquides comme le pétrole
ou soit en gaz naturel (Planète Terre. Université Laval 2010).
Après la pyrolyse, les hydrocarbures liquides transformés en pétrole sont sous forme de gouttelettes
disséminées dans la roche-mère. Pour produire un gisement, il faut que s'enclenche un processus de
migration du pétrole vers un lieu où il sera piégé. C'est-à-dire que les gouttelettes doivent être
expulsées de la roche-mère pour être transportées dans une roche perméable nommée rocheréservoir (généralement composé de sable, de carbonate et/ou de dolomite). Le pétrole peut ainsi
s'accumuler dans cette roche-réservoir et restera piégé si cette roche-réservoir possède en plus une
couche minérale imperméable (composée d'argile, de schiste et/ou de gypse).
La distinction qui existe entre les gisements de pétrole brut classique et les gisements de sables
bitumineux provient du processus de migration. Si le pétrole n'est pas dirigé vers une roche­
réservoir, étant plus léger que l'eau, il a tendance à s'échapper en direction de la surface de la terre
jusqu'à ce qu'il soit emprisonné dans des roches sédimentaires poreuses, telles que le grès ou le
calcaire. Si rien n'arrête la migration vers le haut de ces hydrocarbures, ils finissent par arriver près
de la surface, où ils sont oxydés ou biodégradés par l'action des bactéries se trouvant dans le grès.
Puisque les bactéries commencent par dégrader les molécules d'hydrocarbures les plus légères, il y
a inévitablement formation d'un pétrole plus lourd jusqu'à la formation de bitumes. Les sables
bitumineux de l'Athabasca en Alberta correspondent à ce stade d'évolution du pétrole. Il s'agit d'un
pétrole qui a subi une longue migration de l'ouest vers l'est et du sud vers le nord il y a de cela
environ 50 millions d'années, sur une distance de plus de 100 kilomètres. Et cela, jusqu'à ce qu'ils
atteignent et saturent les grandes zones de grès du nord de l'Alberta (Fig. 1.3). Le pétrole lourd et le
bitume que l'on extrait aujourd'hui de cette région sont les restes de cette migration. (Planète Terre.
Université Laval 2010, Grotzinger et al. 2007, Centre Info­Énergie 2003).
Bassin sédimentaire de l'Ouest canadien
MONTAGNES ROCHEUSES
CONTREFORTS
Banff
PLAINES
Calgary
Fort McMunay
Ni gaz, m pétrole
Socle précambrien
- 2800 m au-dessous
du niveau de Id mer
|
Cotombte-B ntannique
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Alberta
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Figure 1.3 Migration du pétrole vers les gisements de sables bitumineux de l'Alberta. Centre Info­
Énergie 2003.
1.4
Composition des sables bitumineux
Les sables bitumineux sont un mélange de sable, d'argile minéral, de limon (le contenu minéral est
~ 85% du poids total), d'eau (~ 3­6% du poids total) et de bitume brut (­12% du poids total) qui
comble les espaces intergranulaires. Chaque grain de sable est entouré d'une couche d'eau et d'une
pellicule de bitume qui enveloppe la couche d'eau. (Fig. 1.4) (Beier & Sego 2008 ; Fung & Macyk
2000 ; Governement of Alberta 2011). Cette composition particulière leur donne une densité et une
viscosité de loin supérieures à celles du pétrole brut, ce qui leur vaut le nom de pétrole lourd.
■ Couche d'eau
^ Particules de sable
| Pellicule de bitume
Chaque grain de sable est entouré d'une
couche d'eau et d'une pellicule de bitume
Source «M r rraoc La -ondaoon d « coffwnuraalara ajr ta Paoo
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Figure 1.4 Composition des sables bitumineux. Centre Info­Énergie 2003.
Le bitume prélevé des gisements de sables pétrolifères de la région d'Athabasca, en Alberta, est
d'une densité API (échelle de densité crée par V «American Petroleum Institute », voir encadré 1.1)
d'environ 8°, mais est valorisé de façon à atteindre une densité API allant de 31° à 33° et celui­ci
porte le nom de pétrole synthétique. Les procédés de valorisation transforment le bitume en une
substance similaire au pétrole brut léger en ajoutant des atomes d'hydrogène et/ou en enlevant des
atomes de carbone. La valorisation se déroule en deux étapes. La première étape porte le nom
d'hydrocraquage et elle consiste à faire éclater les grosses molécules d'hydrocarbures pour en faire
des composés plus simples. Cette étape est réalisée en ajoutant de l'hydrogène au bitume chauffé, et
cela, en condition de haute pression. En deuxième lieu, de l'hydrogène est ajouté aux composés
8
d'hydrocarbures pour les stabiliser et en retirer les impuretés telles que le soufre. Ce procédé porte
le nom d'hydrotraitement. Certaines usines de valorisation ont aussi recours à la cokéfaction, une
méthode qui a pour effet d'enlever le carbone du bitume afin de produire des hydrocarbures plus
légers ainsi que du coke. Puisqu'il ne s'écoule pas ou ne peut être pompé sans être chauffé ou dilué,
le pétrole lourd est non récupérable à l'état naturel par les méthodes de production conventionnelles
comme l'utilisation d'un chevalet de pompage ou au moyen d'un puits (Selley 1985 ; Centre InfoÉnergie 2003).
Encadré 1.1. Degré de viscosité du pétrole et densité API.
Le degré de viscosité est mesuré par la gravité API (du nom de "American Petroleum Institute").
Le pétrole brut est classifié léger, moyen, lourd ou extra lourd, selon sa gravité ou densité. Cette
échelle rend compte de la longueur des chaînes carbonées des composés. Plus les chaînes sont
longues, plus le pétrole est lourd et son degré API est faible. La densité API est mesurée en
degrés et elle est calculée en utilisant la formule suivante : Densité API = (141,5/S.G.) - 131,5.
(S.G = gravité spécifique). Ainsi un pétrole est léger si le degré API est supérieur à 31.1, moyen
s'il est compris entre 22.3 et 31.1, lourd s'il est compris entre 10 et 22.3 et extra lourd s'il est
inférieur à 10.
1.5
Techniques d'extraction des sables bitumineux
Pour extraire les sables bitumineux du sol il existe plusieurs techniques : les méthodes conventionnelles, l'extraction à la vapeur (VAPEX), les méthodes expérimentales, la récupération thermique in
situ et l'exploitation minière (Centre Info-Énergie). Nous nous concentrerons sur l'explication
d'une seule technique soit l'exploitation minière à ciel ouvert puisque cette méthode est la plus
utilisée pour l'exploitation du bitume de nos jours.
Pour cette technique d'exploitation, la première étape consiste à drainer les sols humides, à détourner les rivières et à couper tous les arbres et la végétation du site d'extraction (Woynillowicz et al.
2005). Ainsi, il est possible de creuser le mort-terrain jusqu'au gisement de sables bitumineux (plus
ou moins 50 mètres selon le site). Le mort-terrain et la couche de matières organiques superficielles
seront ensuite mis de côté pour être réutilisés lors de la remise en état du terrain. Pour produire un
baril de pétrole synthétique (159 litres) issus des sables bitumineux, il faut soutirer approximativement deux tonnes de sol et de roches au dessus du gisement (le mort-terrain) et deux tonnes de
sables bitumineux (Woynillowicz et al. 2005). Les sables bitumineux sont recueillis par des pelles
mécaniques et ils sont véhiculés par de larges camions transporteurs jusqu'au lieu où ils seront
traités pour y récupérer le pétrole.
La première étape de transformation des sables pétrolifères consiste à les transporter jusqu'aux
concasseurs qui décomposent les amas et enlèvent les roches. Par la suite, puisque les sables
bitumineux sont hydrophiles (chaque grain de sable étant entouré d'une pellicule d'eau contenant
des argiles fines en suspension (Bois 2005)), pour permettre la séparation du sable, du pétrole et des
minéraux, les sables bitumineux subissent le procédé « d'hydro transport » qui consiste à les
mélanger avec de l'eau chaude (entre 35°C et 50°C) et cela, avant d'être transportés par pipeline
vers l'usine de traitement. De la soude caustique (NaOH) est parfois ajoutée aux eaux de traitement
pour disperser les particules d'argile et ainsi augmenter le rendement d'extraction de pétrole (Fung
& Macyk 2000). Heureusement, certains travaux d'exploitation n'utilisent pas de produits chimiques caustiques au cours du processus de récupération du bitume, ce qui a pour effet d'augmenter le
potentiel de réutilisation de l'eau et de réduire la taille des bassins de résidus, réduisant ainsi la
pollution des sols.
Finalement, du gypse est ajouté aux eaux de rejet pour faciliter la compaction des rejets sableux et
leur permettre de se sédimenter rapidement. Le pouvoir floculant du gypse permet de consolider la
fraction argileuse qui est susceptible au gonflement et à la dispersion. C'est ce qu'on appelle les
rejets composites ou «composite tailings » (Bois 2005, Banijamali & Meadows 2011). Ces rejets
composites (RC) présentent une salinité élevée (avec une prédominance de calcium, sulfate, sodium
et de chlore) et possèdent un pH de 8.8 (Li & Fung 1998, Renault et al. 2003). L'eau est recyclée
(elle sera utilisée à nouveau) et les rejets sableux seront utilisés pour la remise en état du site minier.
Aux abords d'un gisement d'hydrocarbures, la salinité des eaux libres et interstitielles tend à
s'accroître (Selley 1985). Lors de l'extraction, ces eaux, récoltées avec les sables bitumineux se
mélangent aux eaux sodiques utilisées pour la séparation des hydrocarbures et du sable. Les eaux de
rejets sableux renferment ainsi une grande variété de sels en excès tels que les cations Na+, Ca2+,
Mg +, K+ et les anions Cl", SO42", CO32", HCO3". Les rejets composites et les eaux de rejets sont
10
utilisés pour remplir le mort-terrain et représentent un défi pour la végétalisation ultérieure de ces
territoires (Bois 2005). De plus, il ne faut pas oublier qu'au site d'extraction il y a inévitablement
des échappements de pétrole sur le sol. Sachant que le pH normal du sol de la forêt boréale se situe
autour de 3 à 5, la remise de ces rejets composites basiques ne peut qu'entraver la colonisation
naturelle de la flore.
1.6
Stress environnementaux engendrés p a r l'exploitation des sables bitumineux
Figure 1.5 Bassins d'eaux de rejets industriels issus de l'extraction des sables bitumineux en
Alberta. Edward Burtynski 2007.
L'exploitation des sables bitumineux ne laisse pas seulement un territoire dénudé de sa végétation,
elle génère aussi beaucoup de déchets et polluants dont la gestion est difficile (Bois 2005). Parmi
eux figurent les eaux de rejet industrielles, le remplissage du mort-terrain avec les rejets sableux, les
sols devenus infertiles et les inévitables déversements de pétrole. Les eaux de rejet industrielles,
produites à un rythme de 1,8 millions de litres par jour, contiennent des substances très toxiques
(comme de l'acide naphténique, des composés phénoliques, de l'ammoniac, de l'ammonium, du
cuivre, du zinc et du fer) et sont entreposées dans des énormes bassins de résidus (Fig. 1.5) (Grant
et al. 2008). Jusqu'à présent, environ 1km3 d'eau de rejet aurait été généré depuis le début des
extractions en 1967 (Lai et al. 1996). Malgré la politique « Zéro-rejet » du gouvernement Albertain
(Government of Alberta, Facts about water in Alberta, 2010) il a été reporté que ces bassins de
résidus ont des fuites et se déversent dans la Rivière Athabasca ainsi que dans les eaux souterraines
(Grant et al. 2008). La migration des toxines contenus dans ces eaux de rejets présente de sérieux
11
risques pour la faune et la flore locale. Ces bassins de résidus couvrent présentement un territoire de
plus de 50 km2 et ce teritoire s'agrandit de jour en jour (Grant et al. 2008).
Les stress causés par l'exploitation des sables bitumineux affectent grandement la physiologie des
plantes et des microorganismes de la forêt boréale (Grant et al. 2008, Woynillowicz et al. 2005) et
rendent la restauration difficile. Voici une vue d'ensemble de ces deux stress édaphiques les plus
importants (pétrole et salinité) et de leurs effets nocifs possibles sur l'écosystème de la forêt
boréale.
1.6.1
Toxicité du pétrole
Le pétrole est composé principalement d'hydrocarbures, c'est-à-dire de molécules composées de
carbone et d'hydrogène selon un ratio hydrogène/carbone de 1.5 à 2. Parmi ceux-ci nous retrouvons
les hydrocarbures aliphatiques tels que les paraffines, les hydrocarbures alicycliques tels que les
naphtènes ainsi que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (Quagraine 2005). Les
paraffines sont des alcanes, des molécules linéaires d'hydrocarbures saturés de longueurs variables
selon cette formule :CnH2n+2- Les naphtènes, aussi appelés cycloalcanes, possèdent un ou plusieurs
anneaux d'atomes de carbone dans leur structure chimique selon la formule chimique suivante :
CnH2n. Les HAPs sont retrouvés en faible concentration dans le pétrole mais présentent des propriétés toxiques importantes. Les composés aliphatiques sont reconnus pour être moins toxiques que les
composés aromatiques, et il semble que la toxicité varie aussi avec la grosseur du composé (Robertson 2008). Pour évaluer la toxicité d'un type de pétrole, la mesure de la quantité et de la composition des HAPs est d'une importance majeure. Les HAPs possédant plus de quatre anneaux benzène
sont connus pour être génotoxiques chez les humains (Robertson et al. 2007).
Dans les eaux de rejets issus de l'extraction des sables bitumineux, on retrouve aussi de l'acide
naphténique, une composante naturelle du pétrole, qui se dissout et se concentre dans l'eau chaude
utilisée pour traiter les sables bitumineux (Quagraine 2005, Lai et al. 1996). Les acides naphténiques sont parmi les composantes les plus toxiques des eaux de rejets des sables bitumineux
(Clémente & Fedorak 2005), ils le sont notamment pour les animaux aquatiques tels que les
poissons et le zooplankton (Clémente & Fedorak 2005, Dokholyan & Magomedov 1984). Rogers et
12
al. (2002) ont montré qu'une exposition fréquente aux acides naphténiques peut, entre autre,
engendrer des troubles hépatiques et des hémorragies cérébrales chez les mammifères. Les acides
naphténiques sont difficiles à dégrader par les microorganismes et sont donc persistants dans
l'environnement (Greenpeace 2010, Woynillowicz et al. 2005).
Le contact du pétrole avec les plantes peut réduire leur croissance, inhiber la germination des
graines, créer des conditions de déficience en nutriments, les mener à leur mort, ou bien, à des
concentrations inférieures, stimuler leur croissance (Robertson et al. 2007, McGill et al. 1981). Il a
été suggéré que le pétrole avait un effet caustique ou létal sur les plantes seulement quand celui-ci
entrait en contact directement avec les tissus des plantes et que la réduction de la croissance et de la
biomasse provenait du changement des microorganismes du sol (Nicolotti & Egli 1998). La
croissance, la production de chlorophylle, le taux de photosynthèse, l'absorption de l'eau et la
respiration des racines, chez les plantes, est réduite en présence d'acides naphténiques (Renault et
al. 2001, Kamaluddin and Zwiazek (2002). Mais en général, plus les arbres sont grands et profondément enracinés, plus leur tolérance est grande face à l'augmentation de la concentration du
pétrole dans le sol (Trofimov & Rozanova 2003).
En ce qui concerne les microorganismes édaphiques, ils sont rapidement affectés par le pétrole. On
observe une décroissance initiale de la densité microbienne suite à un déversement de pétrole dans
le sol forestier (Robertson et al. 2007). Chez les bactéries, la toxicité du pétrole semble décroître
l'activité des enzymes (hydrogénase et invertase) (Robertson et al. 2007). La réduction de l'activité
des enzymes limite la disponibilité des nutriments, dans un environnement pollué par le pétrole,
déjà réduit en nutriments. En contrepartie, si certains microorganismes ont la capacité de biodégrader le pétrole pour l'utiliser comme source d'énergie, la biotransformation de ces nombreuses
molécules pétrolifères peut aussi mener à la libération dans l'environnement d'une panoplie de
metabolites potentiellement toxiques (Robertson et al. 2007).
Du côté des champignons, il a été observé que les champignons endomycorhiziens arbusculaires du
genre Glomus avaient une croissance diminuée lorsqu'ils croissaient dans un sol amendé avec du
pétrole (Kirk et al. 2005). Mais en général, les champignons sont considérés plus tolérants que les
bactéries aux fortes concentrations de polluants chimiques, probablement en raison des différences
qu'il y a entre les deux types de parois cellulaires (Robertson et al. 2007). Des levures, telles que
13
Saccharomyces cerevisiae, possèdent la capacité d'augmenter l'hydrophilicité de leur membrane
afin d'optimiser l'exclusion des contaminants de nature hydrophobe. Il est possible que ce mécanisme d'exclusion se retrouve chez d'autres champignons, sans toutefois avoir encore été observé
(Robertson et al. 2007).
1.6.2
Effet de la salinité du substrat sur les organismes édaphiques
Comme nous l'avons déjà mentionné, les eaux de rejets sableux renferment une grande variété
d'ions salins en excès tels que les cations Na+, Ca2+, Mg2+, K+ et les anions Cl", S042", CO32", HCO3".
Tout dépendant du régime hydrique du sol et des conditions climatiques, les concentrations en sels
du substrat seront variables spatialement et temporellement. Étant donné que le sable possède une
faible capacité de rétention de l'eau et une faible CEC (capacité d'échange cationique), les sels vont
circuler aisément au travers de la matrice sableuse par diffusion et en fonction des mouvements de
l'eau (Bois 2005). De plus, les concentrations en sels vont dépendre de l'évaporation de l'eau du
sol. Par exemple, lors des périodes de sécheresse, l'eau et les electrolytes qu'elle contient vont
remonter à la surface et les concentrations en surface se feront beaucoup plus élevées que par temps
pluvieux ou humide. L'évaporation se fera plus importante encore si les terrains sont dénudés
puisqu'ils seront grandement exposés aux radiations solaires et au vent. C'est pourquoi les concentrations en sels de surface vont montrer une très grande variabilité qualitative et quantitative (Bois
2005).
Il existe grossièrement trois types de plantes classés selon leur tolérance aux sols salins; les halophytes, les glycophytes tolérantes au sel et les glycophytes sensibles. Les plantes halophytes
croissent sur des sols très salins et elles possèdent une panoplie de mécanismes leur permettant de
gérer la quantité de sel qu'elles absorbent (Flowers & Colmer 2008). Parmi ces mécanismes on
retrouve les pompes à sodium qui expulsent activement du sodium à l'extérieur des cellules ; les
glandes à sel permettant la sécrétion du sel au niveau des feuilles ; la séquestration des ions salins
dans les vacuoles, la production d'osmolytes servant à ajuster le potentiel hydrique interne tels que
la proline, la bétaïne, le sorbitol et l'osmotine ; la synthèse de l'acide abscissique (ABA), qui,
lorsque sécrété dans la plante, communique aux stomates de se fermer pour limiter la perte d'eau au
niveau de la transpiration des feuilles. Ces activités demandent de l'énergie et du carbone, ce qui
14
limite la croissance de la plante, sans toutefois altérer complètement la photosynthèse (Tujeta
2007). Ces mécanismes peuvent être plus ou moins présents chez les plantes glycophytes tolérantes
au sel et chez les glycophytes sensibles, mais à des degrés plus ou moins performants selon les
plantes (par exemple, les plantes à croissance lente seront moins affectées que les plantes à croissance rapide puisqu'elles possèdent un taux métabolique plus faible ont donc un taux de transpiration et un besoin en eau moindre), les conditions environnementales et les concentrations salines du
substrat (Orcutt & Nilsen 2000). Des concentrations élevées en sel dans la rhizosphère provoquent
un stress physiologique, pour les plantes et les microorganismes, en créant un environnement
déficitaire en eau. Le stress salin peut endommager les plantes à trois niveaux différents. Tout
d'abord, de fortes concentrations salines et des concentrations élevées de sodium détériorent la
structure des sols. Dépendamment du type de sol, la porosité, l'aération et la conductance hydrique
peuvent être affectées par un excès de sel (Hopkins 2003).
D'autre part, des concentrations salines élevées génèrent de faibles potentiels hydriques dans le sol,
ce qui entraîne un stress hydrique chez les plantes. Étant donné que l'osmose est gouvernée par le
gradient de concentration des différents ions, l'eau aura tendance à se diriger vers le lieu le plus
concentré, ce qui rend de plus en plus difficile, pour la plante, l'acquisition d'eau et de nutriments
dans les conditions de concentrations salines élevées. Lorsque les plantes subissent une augmentation de la salinité de leur substrat, elles doivent diminuer le potentiel hydrique de leur cellule en
synthétisant des osmolytes. Grâce au phénomène de l'osmose, une plus grande quantité d'osmolyte
dans les cellules permet un appel d'eau du sol vers les racines et ainsi permettre à la plante de
tolérer la présence d'une forte concentration de sel (Aghaei et al. 2008, Goel et al. 2010). Tant que
la plante est en mesure de garder un potentiel hydrique inférieur à celui du sol, il y aura diffusion
d'eau du sol vers ses cellules racinaires. Par contre, si la concentration en sel est vraiment très
élevée, le flux d'eau ira des cellules racinaires vers le sol, ce qui entraînera une déshydratation
rapide de la plante (Hopkins 2003).
Les effets toxiques des ions, spécialement de Na+ et Cl", peuvent aussi créer des dommages sur les
glycophytes. L'excès de ces ions pourrait provoquer des problèmes au niveau des membranes
cellulaires, des inhibitions enzymatiques et/ou un dysfonctionnement métabolique général, bien
que, le mécanisme précis de l'endommagement ne soit pas encore très bien compris. Il est connu
qu'une concentration saline élevée supprime la croissance et réduit l'assimilation du carbone chez
15
les glycophytes. La réduction de l'assimilation du carbone provient à la fois de la réduction de la
photosynthèse (vue la fermeture des stomates) et par une augmentation de la respiration cellulaire.
Les ions Na+ entrent passivement dans les racines des glycophytes, et se déplacent le long d'un
gradient de concentration décroissant. Les pompes à sodium, qui expulsent activement le sodium,
contribuent à maintenir la concentration interne à un niveau peu élevé. D'ailleurs, le fait que la
respiration de base soit accentuée pourrait correspondre à une augmentation du coût énergétique lié
au pompage du sodium hors des racines (Tuteja 2007).
Juniper & Abbott (2006) ont étudié l'effet de différentes concentrations de NaCl (0, 150 et 300mM)
sur la germination et la croissance des spores de plusieurs mycorhizes à arbuscules. Ils ont trouvé
que le développement des hyphes en condition saline réduisait significativement la croissance de la
plupart des espèces de Glomus étudiées. De plus, les données de cette expérience ont montré qu'en
présence de 50mM de NaCl, la sporulation déclinait considérablement. Cette diminution de la
sporulation suggère que si la salinité persiste dans les sols, il pourrait y avoir une baisse de la
colonisation mycorhizienne chez les plantes due à une disponibilité moindre d'inoculum (de
spores). A lOOmM de NaCl, on observe, en plus de la diminution de la sporulation, que la croissance des hyphes est affectée, ce qui pourrait limiter la colonisation et la capacité symbiotique des
mycorhizes arbusculaires avec leurs hôtes.
Finalement, la toxicité varie en fonction du type de polluant, l'étendue du terrain pollué et la
condition générale de l'écosystème avant les perturbations. En temps normal, la forêt boréale peut
s'adapter et reprendre son équilibre face aux nombreuses perturbations naturelles qu'elle subit,
telles que les glaciations, les épidémies d'insectes et les incendies. Par contre, l'exploitation des
sables bitumineux provoque des perturbations excessives qui modifient profondément l'équilibre de
la forêt boréale. (Woynillowicz et al. 2005 ; Ressources naturelles Canada 2009). C'est pourquoi il
est essentiel d'entamer un processus de restauration pour tenter de recréer l'écosystème qui existait
avant le début de l'exploitation des sables bitumineux.
16
1.7
Restauration des sites perturbés p a r l'exploitation des sables bitumineux
Conformément à l'acte de revalorisation et de protection de l'environnement du gouvernement de
l'Alberta, la remise en état des sites perturbés par l'exploitation des sables bitumineux consiste « à
stabiliser, à établir les courbes de niveau, à entretenir, à conditionner et à remodeler la surface du
sol ». Les exploitants des mines à ciel ouvert sont donc responsables de « préserver et remettre en
état les terres perturbées de façon à rétablir leur potentiel initial » (Government of Alberta, Conservation and Reclamation Regulation 2011). Les chercheurs, en partenariat avec l'industrie, tentent de
recréer « un écosystème autosuffisant dénué de toxicité à long terme ». Le bilan actuel de remise en
état des sols bitumineux est plutôt négligeable. Le gouvernement provincial a certifié un seul km2
de forêt restaurée, soit 0,2% des terres excavées depuis 1967. Syncrude a consacré un cinquième de
1 % de son budget en 2005 pour la remise en état des sites, ce qui est insuffisant pour remettre sur
pied le paysage (Grant et al. 2008). De plus, les sites restaurés ne ressemblent guère à l'écosystème
d'origine (Fig. 1.6).
Figure 1.6 Une zone restaurée, loin de ressembler à l'écosystème d'origine. Grant 2008.
Quoi qu'il en soit, plusieurs recherches sont en cours pour parvenir à restaurer le paysage. Les
études menées sur les espèces ligneuses (Renault et al. 1998, 1999, 2000) ont montré des réponses
différentes aux substrats d'eau de rejet et de rejet sablonneux selon l'espèce étudiée. Le cornouillier
17
stonolifère (Cornis stolonifera Michx), le shépherdie du Canada [Sheperdia canadensis (L.) Nutt] et
le saule (Salix sp.) ont montrés une grande tolérance au rejet sablonneux, tandis que les plants de
conifères tels que l'épinette blanche [Picea glauca (Moench) Voss] et le pin gris (Pinus banksiana
Lamb) étaient sujets à des lésions et à une réduction de croissance. Les recherches de Renault et al.
publiées en 2003 ont porté sur l'orge commune (Hordeum vulgare L.) et celle-ci serait une plante
intéressante pour la restauration des sites perturbés par l'exploitation des sables bitumineux. Étant
donné que l'orge commune pousse très vite et qu'elle a tendance à s'étendre, cette plante pourrait
contrer l'érosion du sol et drainerait l'excédent d'eau de rejet qui inonde le territoire. Il semblerait
que l'élyme de l'Altaï (Elymus angustus) et l'élyme à chaumes rudes (Elymus trachycaulus) ont le
potentiel de tolérer et d'être utilisé sur de jeunes rejets sablonneux (ces rejets seraient moins
toxiques car, étant composé de plus d'eau, ils possèdent une concentration plus faible en composées
toxiques que les rejets sableux plus vieux), mais cela reste à être testé en champs (Renault 2003).
L'addition de matière organique, comme de la tourbe, peut améliorer la structure du sol et peut agir
comme tampon pour quelques produits chimiques présents dans ces sols pollués, ce qui aiderait
certaines plantes à survivre (Oil Sands Vegetation Reclamation Committee 1998). Par contre, il a
été démontré que, l'ajout de matière organique lors de la transplantation provenant des horizons
LFH contenait beaucoup plus de propagules que la tourbe. Ainsi, cela augmentait considérablement
le nombre d'espèces végétales, l'abondance de ces plantes, la richesse des nutriments dans le sol et
leur absorption, dû, entres autres, à un plus petit ratio C:N (Mackenzie & Naeth 2010).
D'autres études en restauration se sont tournées sur la relation microorganisme-plante. Avec
l'excavation en profondeur de tout le territoire forestier, les réseaux fongiques ce sont fort
probablement rompues, et l'on sait que les microorganismes bactériens et fongiques sont essentielles pour un sol en santé (Quoreshi 2008). Bois et al. (2005) ont évalué le potentiel inoculant
mycorhizien des rejets sableux consolidés et il semblerait que ce potentiel soit nul. Par la suite, cette
même équipe s'est penchée sur la tolérance à la sodicité de plusieurs souches ectomycorhiziennes
(Bois et al. 2006) dans l'optique de les utiliser pour l'inoculation éventuelle d'essences forestières.
Les souches fongiques intéressantes au point de vue de leur tolérance à l'accumulation des ions
sodiques furent ensuite utilisées pour une autre expérience. Celle-ci évaluait la "réponse physiologique des semis d'épinette blanche (Picea glauca) et de pin gris (Pinus banksiana) inoculés avec
des champignons ECM et exposés à des rejets salins de sables bitumineux" (Bois 2005), une
18
expérience in situ effectuée sur le site de Syncrude en Alberta. Les stress multiples présents sur ces
sites pollués entraînant des conditions extrêmes pour les plantes, le taux de survie des semis fut très
faible et aucune conclusion fiable fut possible.
L'objectif principal de la restauration est de rétablir un territoire qui a été perturbé (sol, végétation,
eau) en un écosystème stable, auto-suffisant biologiquement, le plus proche possible de sa condition
initiale et le plus rapidement possible (Quoreshi 2008). La restauration d'un site peut se réaliser à
l'aide de différents procédés et plusieurs facteurs peuvent influencer le choix de la restauration in
situ ou ex situ. Les facteurs les plus couramment considérés dans le choix d'une méthode de
restauration sont le coût, le temps, le site, le type et la concentration des contaminants en plus de la
quantité de sol à traiter (Eweis 1998). La méthode de restauration d'un territoire la plus simple est le
remplacement des sols souillés par des sols propres. Ce qui n'est malheureusement pas une option
dans le cas de la restauration des sites d'exploitation des sables bitumineux, en raison de l'étendue
de la surface à restaurer. Plusieurs options restent encore possibles pour la restauration de ce type de
perturbation. Parmi celles-ci, il y a la bioremédiation qui rassemble les méthodes de décontamination telles que la phytoremédiation, la bioaugmentation et la mycoremédiation. Ces méthodes sont
de plus en plus populaires puisqu'elles sont efficaces, relativement simples d'exécution et ont un
faible coût de mise en œuvre (Eweis 1998, Ward & Singh 2004).
1.7.1
La bioremédiation
La bioremédiation représente l'ensemble des techniques ayant pour but de dégrader les contaminants déversés en grande quantité dans la nature lors de nos activités anthropiques polluantes et ce,
à l'aide d'organismes vivants tels que les bactéries, les champignons, les plantes ou simplement à
l'aide de molécules synthétisées par ceux-ci. Ces techniques permettent l'augmentation de la
biodégradation ou de la biotransformation naturelle de ces contaminants grâce à l'utilisation de ces
organismes vivants qui ont la capacité d'absorber, de dégrader ou de transformer in situ les polluants présents dans les sols, l'eau ou l'air. La bioremédiation regroupe de nombreuses techniques
qui ont des efficacités différentes selon l'écosystème à traiter; le type de sol (texture, condition,
composition), la température, le pH, le type de polluants (sa composition chimique, sa concentration, sa dispersion, le temps que ce polluant est resté dans le sol) (Eweis 1998, Ward & Singh
2004).
19
Par exemple, la bioaugmentation est l'inoculation de culture de bactéries, connues pour dégrader
des polluants spécifiques sur des sites miniers, des sols contaminés par un surplus de pesticides ou
d'engrais chimiques et dans les procédés de traitements des effluents industriels. Puisque les
bactéries ont le pouvoir de dégrader plusieurs types de molécules afin d'en soutirer les nutriments, il
est profitable d'utiliser ces mêmes bactéries pour dégrader naturellement les produits chimiques
déversés dans l'environnement (van der Lelie et al. 2000, Huesemann 2004). Cependant, il faut
faire attention à l'association entre certaines bactéries et certains produits chimiques à éliminer.
Étant donné que chaque bactérie possède un métabolisme qui lui est propre et que plusieurs voies
métaboliques sont possibles pour la dégradation d'une seule molécule, il se peut que le produit de la
dégradation soit différent d'une bactérie à l'autre et que ces produits soient encore moins souhaitables dans l'environnement que le polluant de départ. Bref, quelques-unes de ces associations
peuvent empirer le problème et rendre le milieu encore plus dangereux et nocif qu'il ne l'était au
début du processus de décontamination. D'où l'importance de connaître parfaitement les bactéries et
les produits chimiques dont on veut se débarrasser et pour ce faire il est primordial de réaliser de
nombreux tests en laboratoire avant de lancer une dépollution sur le terrain (Singh et al. 2008, Dua
et al. 2002).
De plus, lorsque l'on considère la bioremédiation comme moyen de dépollution il faut s'assurer que
l'organisme impliqué dans la bioremédiation satisfasse au minimum les trois conditions suivantes ;
Les polluants doivent être biodisponibles pour les organismes impliqués dans la bioremédiation, les
organismes impliqués dans la bioremédiation doivent être résistants aux polluants à la concentration
retrouvée sur le site à restaurer et ils doivent posséder la capacité enzymatique nécessaire afin de
dégrader les polluants concernés (Meharg 2001).
1.7.2
L a phytoremédiation
La phytoremédiation est le regroupement de nouvelles phytotechnologies de décontamination in
situ des sols et de l'eau, basées sur l'utilisation des plantes, des algues et de leurs microorganismes
associés. Par exemple, la technique de phytodégradation prône l'utilisation des capacités métaboliques de certaines plantes pour biodégrader et transformer complètement des polluants organiques
contenus dans les sols ou dans l'eau. Les polluants sont donc absorbés et dégradés par la plante,
20
pour ensuite être métabolisés pour sa propre croissance (Ward & Singh 2004, Kvesitadze et al.
2006, Roy & al. 2007).
Lorsqu'il s'agit de composés inorganiques non biodégradables tels que les métaux, les métalloïdes
ou les radionucléides, on peut procéder par une méthode de décontamination nommée phytostabilisation. Cela consiste à utiliser des plantes ayant la capacité d'absorber le contaminant pour le
stocker dans leurs parties aériennes. Cette technique ne permet pas de dégrader le contaminant, mais
d'empêcher sa dispersion dans les sols, les nappes phréatiques et l'air (Kvesitadze et al. 2006).
La rhizofiltration, dont le principe de base est semblable à la phytostabilisation, est l'utilisation des
racines des plantes pour absorber, concentrer et précipiter des métaux toxiques ou des éléments
radioactifs qui polluent les sols ou les cours d'eau (Kvesitadze et al. 2006). La capacité
d'absorption des différents ions métalliques présent dans le sol par les racines est une propriété
commune à toutes les plantes, par contre, certaines d'entrés elles sont plus efficaces que d'autres au
niveau de leur capacité d'absorption racinaire. Par exemple, le tournesol est une plante très efficace
en rhizofiltration, elle a été utilisé pour traiter le plomb, l'uranium, le strontium, le césium, le cobalt
et le zinc jusqu'à l'obtention de concentrations en dessous des standards acceptables (Sait et al
1995).
Finalement, la phytoextraction est l'utilisation des plantes accumulatrices de métaux capables
d'absorber, de transporter et de concentrer les métaux toxiques puisés dans le sol vers leurs parties
aériennes (Kvesitadze et al. 2006). Ces plantes ont la capacité de retirer les métaux lourds du sol en
concentrant les métaux dans leurs tiges et leurs feuilles (Sait et al 1995). La phytoextraction peut
être utilisée à grande échelle, de plus, elle est peu coûteuse.
1.7.3
La mycoremédiation
La mycoremédiation prône l'utilisation de champignons possédant les capacités enzymatiques pour
dégrader certains polluants que l'on retrouve sur les sites miniers, les sols contaminés par un surplus
de pesticides ou d'engrais chimiques et dans les procédés de traitements des effluents industriels
21
(tout comme la bioaugmentation) (Khan 2006). Pour ce faire, il est possible d'utiliser le mycélium
entier, ou de procéder à l'isolement de l'enzyme fongique d'intérêt. Aussi, la mycoremédiation peut
se présenter comme une forme optimisée de la phytoremédiation puisqu'elle prend en compte, non
seulement les plantes, mais aussi les microorganismes fongiques du sol avec lesquelles elles vivent.
La mycoremédiation préconise, entre autres, l'utilisation de plantes colonisées par des champignons
mycorhiziens tolérants au(x) contaminant(s) en question pour la végétalisation de sites perturbés par
des contaminants de toutes sortes (Khan 2006). Le manque d'associations mycorhiziennes au
niveau du système racinaire des plantes est l'une des principales causes d'échec dans la plantation
d'espèces végétales sur des sites à faible potentiel inoculant comme les sites miniers ou tous autres
sites perturbés (Quoreshi 2008). L'inoculation mycorhizienne des plants permet d'augmenter le
succès de la végétalisation de plusieurs types de sites perturbés (Quoreshi 2008, Meharg & Cairney
2000). Lors de ces tentatives de végétalisation, l'utilisation intensive de fertilisants et de fongicides
pour permettre d'augmenter les chances de croissance des semis, causent, en parallèle, un manque
de développement des mycorhizes. L'inoculation des semis avec des champignons mycorhiziens
sélectionnés permettrait de réduire la déficience mycorhizienne au niveau des racines et du sol, et
même de réduire l'utilisation d'engrais. Le complexe plante - mycorhize est une norme à maintenir
ou à retrouver pour assurer la durabilité de l'environnement (Dalpé 2005).
1.8
Les associations mycorhiziennes
Les associations symbiotiques se retrouvent partout, dans tous les règnes et dans tous les écosystèmes. La symbiose est le mode d'interaction entre organismes le plus évolué et le plus stable
(Whittaker 1969). La majorité des plantes terrestres vivent en symbiose avec des champignons
mycorhiziens (80% des espèces dénombrées et plus de 92% des familles) (Wang & Qiu 2006,
Newman & Reddell 1987). Les premiers fossiles de champignons mycorhiziens datent de la période
silurienne, et peut-être même ordovicienne, c'est-à-dire, il y a plus de 450 millions d'années, au
même moment où les premières plantes ont colonisé les milieux terrestres (Redecker et al. 2000,
Simon et al. 1993, Pirozynski & Malloch 1975). C'est pourquoi l'on suppose que la colonisation
terrestre des végétaux a pu être possible grâce à cette symbiose. Les nouvelles plantes terrestres ont
eu besoin de partenaires fongiques pour acquérir leurs nutriments et conserver leur humidité dans
un milieu, certes intéressant au point de vue photosynthétique, mais moindre que le milieu aquatique au point de vue nutritionnel (Brundrett 2002, Pirozynski & Malloch 1975). Les premières
22
associations auraient été initiées par des champignons endomycorhiziens arbusculaires de
l'embranchement des Glomeromycota et par des mousses telles que les hépatiques (Hepaticophyta)
et les anthocérotes (Anthocerotophyta) (Redecker et al. 2000, Bofante & Genre 2008).
La mycorhize, cette association symbiotique entre végétaux et champignons mycorhiziens, est
située au niveau du système racinaire. Elle permet d'une part, d'augmenter pour la plante,
l'assimilation de ses nutriments essentiels comme l'azote et le phosphore (Hobbie et al. 2009,
Govindarajulu 2005, Javot et al. 2007) et d'autre part, de fournir au champignon des glucides issus
de la photosynthèse. La plante hôte transférerait jusqu'à 30 % de son carbone photosynthétique à
son mycosymbiote (Soderstorm 1992, Nehls 2008). Le champignon mycorhizien facilite l'accès aux
molécules organiques en augmentant le ratio surface/volume racinaire créé par le réseau mycélien
souterrain et aussi, grâce aux diamètres minuscules de ses hyphes qui pénètrent facilement les pores
microscopiques du sol, des milieux potentiellement riches en nutriments et en eau, normalement
inaccessibles aux racines des plantes (Allen et al. 2003). De plus, la capacité enzymatique exceptionnelle des champignons leur procure une excellente capacité de dégrader la matière organique
morte. Chez les champignons ectomycorhiziens et éricoïdes, la dégradation de la cuticule des
feuilles et des insectes se fait grâce à l'acide gras esterase. La dégradation de la paroi cellulaire
végétale par la cellulase et la polygalacturonase. L'oxydation des acides phénoliques et des tanins
se fait à l'aide d'activité phénoloxydasique effectuée notamment par les laccases, les tyrosinases et
les peroxydases. Ces champignons mycorhiziens peuvent aussi hydrolyser la lignine par la manganèse peroxydase, dégrader les protéines avec les proteinase et dégrader les polymères contenant du
phosphore avec des acides phosphatases (Read et al. 2004, Cairney & Burke 1998, Burke &
Cairney 2001). Les champignons mycorhiziens éricoïdes, qui croissent normalement dans les sols
acides, ne voient pas leurs enzymes se dénaturer car celles-ci possèdent des pics d'activité enzymatique à des pH très bas et montrent une résistance considérable à l'inhibition par les ions métalliques
comme Al3+ et Fe2+ (Leake & Read, 1989) : les champignons éricoïdes peuvent ainsi dégrader la
matière organique, même lorsque les enzymes bactériennes sont totalement dénaturées due à
l'acidité du sol.
Ainsi, les nutriments absorbés au travers de la membrane fongique seront soit utilisés pour la
croissance du mycélium ou bien transportés sur des centimètres (et même des mètres) jusqu'aux
racines des plantes avec lesquelles ils sont en symbioses. La translocation des nutriments vers l'hôte
23
stimulera la machinerie photosynthétique de la plante, étant donné que le taux de photosynthèse
dépend de la concentration d'azote (qui permet la synthèse de la rubisco et des autres enzymes
photosynthétiques), de phosphore (pour la synthèse de l'adénosine triphosphate (ATP) et de
l'adénosine diphosphate (ADP)), de fer et de magnésium (pour la chlorophylle) dans la plante
(Allen et al. 2003). L'énergie, produite par la plante lors de la photosynthèse (sous forme de
composés carbonés tels que l'hexose), sera en partie transférée vers le champignon, en échange des
éléments nutritifs du sol récoltés par le champignon (Allen et al. 2003, Nehls 2008). Plus le taux de
photosynthèse sera élevé, plus la demande en nutriments sera grande, par contre, s'il y a un arrêt
d'approvisionnement en nutriments, il y aura soudainement un excès de carbone qui sera transloqué
vers le champignon pour la prospection de nutriments plus loin dans le sol ou pour la production
d'enzymes nécessaire à la dégradation de la matière organique environnante. En absorbant, assimilant, et en translocant les nutriments (nitrate, ammonium, acides aminées) vers la plante, le champignon crée un puits de carbone dans les racines mycorhizées (Allen et al. 2003). Tant que l'azote et
le phosphore restent une ressource limitée dans le sol, la plante continue de fournir son partenaire
fongique en carbone. Plus le sol est riche en nutriments, moins la plante a besoin d'un partenaire
pour lui fournir des nutriments et plus la symbiose se fait rare. Dans ces circonstances, le champignon devient en carence de carbone et doit diminuer sa croissance (Fig. 1.7) (Allen et al. 2003).
Plusieurs études ont montré que les champignons mycorhiziens augmentaient la tolérance des
plantes envers certains stress environnementaux tels que le stress hydrique (Ashford et al. 1996 ;
Gemma et al. 1997, Auge 2001), les dommages cellulaires causés par les métaux lourds (Bradley et
al. 1982 ; Gaur & Adholeya 2004), les sols pauvres en nutriments (Smith & Read 2008) et les sols
salins (Bois et al. 2006 ; Al-Karaki et al. 2001, Jahromi et al. 2007). On attribue aux champignons
mycorhiziens de nombreux autres bénéfices, tout comme l'augmentation de
l'efficacité
d'absorption de l'eau chez la plante, une diminution des besoins en fertilisation et en irrigation,
l'augmentation de la résistance aux pathogènes, l'augmentation de la croissance et la survie des
semis, l'amélioration de la structure du sol et une contribution aux processus de recyclage des
nutriments (Quoreshi 2008, Cornelissen et al. 2001).
24
Plante : limitation en N ou P
c
o
u
c
_o
o
u
I
Mycosymbiote :
limitation en N ou P
1
Mycosymbiote :
limitation en C
Disponibilité en N ou en P dans le sol
Figure 1.7 Interaction entre la disponibilité des nutriments (N & P) et la croissance mycorhizienne. D'après Allen et al. 2003.
Les champignons mycorhiziens jouent un rôle central dans la rhizosphère. Ils sont en interaction
avec une multitudes d'organismes édaphiques tels que les bactéries, les autres types de champignons mycorhiziens ou saprophytes, les protozoaires, les nematodes, les arthropodes, les mammifères et bien sûre, les plantes (Robertson et al. 2007). Les plantes ne sont pas isolées, elles sont
dépendantes des microorganismes de la rhizosphère. Dans l'intérêt de revégétaliser des sites pollués
ou pour simplement produire plus de nourriture sans la surconsommation d'engrais chimique, les
chercheurs ne peuvent pas ignorer la coopération des champignons mycorhiziens.
1.8.1
Les champignons mycorhiziens
Les différentes associations mycorhiziennes peuvent être classées selon des critères écologiques,
morphologiques et physiologiques. Il y aurait sept types de mycorhizes décrites par Smith & Read
(2008); les endomycorhizes à arbuscules, les ectomycorhizes, les ectendomycorhizes, les mycorhizes arbutoïdes, monotropoïdes, éricoïdes et orchidoïdes.
25
Les endomycorhizes arbusculaires forment, comme le nom l'indique, des arbuscules à l'intérieur
des cellules végétales. Ces structures typiques, appartenant aux Glomeromycota, constituent la zone
d'échange de nutriments et de carbones entre le champignon et la plante. Les endomycorhizes
arbusculaires, apparues il y a 450 millions d'années (Redecker et al. 2000), sont les associations
mycorhiziennes les plus répandues sur terre. On les retrouve en symbiose avec une large gamme de
famille de plantes poussant sur des sols fertiles au pH neutre. Par ailleurs, au cours de l'évolution,
les ectomycorhizes se sont imposées il y a 225 millions d'années (Redecker et al. 2000), pour
assurer la végétalisation des milieux forestiers et montagneux. Ce sont des symbioses végétales que
l'on trouve majoritairement en association avec les arbres et les conifères. Contrairement aux
champignons endomycorhiziens arbusculaires, les champignons ectomycorhiziens ne pénètrent pas
les cellules végétales. Les champignons formant des ectomycorhizes ont la particularité de former
un manchon autour des racines hôtes, où se déroulera l'échange de nutriments et de carbone. Plus
on avance dans le temps évolutif, plus les symbioses se spécialisent. Par exemple, les champignons
éricoïdes, apparues il y a 140 millions d'années (Cullings 1996), colonisent les milieux tourbeux et
les sols forestiers et entrent en symbiose seulement avec les membres de l'ordre des Ericales. Les
mycorhizes orchidoïdes, quant à elles, se forment uniquement avec quelques espèces d'orchidées
(Peterson et al. 2004).
Phialocephala fortinii, que nous avons utilisé dans cette expérience, n'est pas une souche mycorhizienne éricoïde. Il fait partie de que l'on appelle les endophytes septés foncés (DSE : Dark Septate
Endophyte). Les DSE sont largement répandus, faciles à observer dans les racines en raison de leurs
septes foncées, et se cultivent facilement, avec ou sans plante. On ne connait pas encore clairement
le rôle écologique des DSE mais leur ubiquité et le fait qu'on les retrouve en grande densité dans les
racines de plusieurs type de plantes sous-entend qu'ils doivent avoir un rôle écologique important
(Jumponnen & Trappe 1998, Mandyam & Jumpponen 2005). Cependant, il y a ambiguïté quant aux
types de relation qu'ils entretiennent avec les plantes. Il peuvent se présenter comme pathogène
bénin, comme saprotrophe racinaire ou comme champignon mutualiste, cela dépend de la plante et
conséquemment, du type de sol dans lequel on les retrouve (Addy et al. 2005).
Selon l'expérience menée par Currah et al. en 1993, Phialocephala fortinii a montré un effet négatif
sur l'accumulation de poids sec chez le Rhododendron brachycarpurn, une plante de la famille des
ericacées. Il a aussi été démontré que certaines DSE synthétisaient des sidérophores hydroxamates,
26
qui sont des structures moléculaires capturant les métaux, un peu comme des agents chélateurs. Ce
qui pourrait aider la plante poussant en condition de toxicité métallique. Dans les sols où l'on
retrouve les ericacées, les sols sont souvent acides, ce qui permet une meilleure solubilité des
métaux comme l'aluminium et le fer (Bartholdy et al. 2001) et une trop grande disponibilité pour
les plantes, d'où l'intérêt de posséder des endophytes ayant la capacité de chélater ces métaux.
Finalement, nous savons que certaines souches éricoïdes sont en mesure de former des symbioses
avec des plantes normalement colonisées par des ectomycorhizes, en culture certes, mais il n'y a
pas de barrières fixes dans la symbiose mycorhizienne (Piercey et al. 2002). Le contraire a aussi été
vérifié, des Ericacées ont été colonisées par des ectomycorhizes (Vohnik et al. 2007). Trude
Vralstad (2004) pose même la question suivante : « Are ericoid and ectomycorrhizal fungi part of a
common guild? » Où sont les barrières entre les différents endophytes fongiques, tel est la question.
1.8.2
Les mycorhizes éricoïdes
Les mycorhizes éricoïdes font partie, avec les mycorhizes d'orchidacées et les mycorhizes arbusculaires, du groupe des associations mycorhiziennes endotrophiques, c'est-à-dire qu'on les retrouve
logées à l'intérieur des cellules végétales. La plupart des champignons éricoïdes font partie de la
division des ascomycètes (Read 1996). Toutefois, suite à de récentes observations morphologiques
et moléculaires il semblerait que certains champignons éricoïdes appartiendraient aussi au sousembranchement des basidiomycota (Robertson 2008). Le mycosymbiote le plus étudié et le plus
utilisé lors des travaux sur les éricoïdes est Rhizoscyphus ericea W.Y. Zhuang and Korf, anciennement nommé Hymenoscyphus ericea (Read) Korf & Keman. Cet ascomycète de l'ordre des
Helotiales est le téléomorphe de Scytalidium vaccinii (Egger & Sigler 1993, Peterson et al. 2004).
Le stade anamorphe des champignons du genre Oidiodendron est classé parmi les hyphomycètes
(Straker 1996). Par contre, les stades téléomorphes d'Oidiodendron comprennent beaucoup
d'espèces parmi les ascomycètes de l'ordre des Onygenales, tels que Myxotrichum setosum, Myxotrichum cancellation, Gymnascella dankaliensis, Byssoascwstrictiospcrus,Pseiidogymnxiscus roseus (Dalpé 1989, AnamorphTekxxnorph database 2011).
27
Les champignons éricoïdes sont réputés pour former des symbioses qu'avec les plantes appartenant
aux quatres sous-familles de la famille des Ericaceae suivantes : les Ericoideae, les Cassiopoideae,
les Vaccinioideae et les Styphelioideae (Singh & Mukerji 2002 ; Cairney & Meharg 2003, Peterson
et al. 2004; Smith & Read 2008). De minuscules racines forment le système racinaire des Ericaceae, et celles-ci n'ont que deux couches de cellules épidermiques ; un hypoderme et un endoderme. Au centre de la radicelle se trouve la stèle constituée d'une ou deux trachéides, d'un tube criblé
et d'une cellule compagne (Fig. 1.9). Les hyphes du champignon éricoïde occupent seulement la
couche cellulaire externe, l'hypoderme. Le mycélium éricoïde forme un peloton qui remplit
pratiquement toute la cellule, on voit ce phénomène particulièrement bien sur la figure 1.10, où le
champignon éricoïde Oidiodendron maius fut transformé par la GFP (green fluorescent protein)
(Figs. 1.8 & 1.9, 1.10) (Smith & Read 2008, Martino et al. 2007). De plus, la membrane plasmique
s'invagine pour envelopper entièrement le mycélium et elle est séparée de la paroi cellulaire
fongique par une matrice interfaciale. La durée de vie d'une cellule colonisée n'est que de cinq à six
semaines (Smith & Read 2008). Si les racines des ericacées ne possèdent pas de poils absorbants au
niveau de leurs cellules épidermiques, les champignons éricoïdes remplissent ce rôle en produisant
un complexe d'hyphes autour des radicelles (Fig. 1.11). Le système racinaire des Ericaceae est
typiquement colonisé par plusieurs taxons de champignons éricoïdes en même temps sur un même
individu, mais normalement dominé par un seul taxon (Sharpies et al. 2000).
28
Figure 1.8 Diagramme d'une cellule épidermique de radicelle d'éricacées colonisée par
un peloton de mycélium éricoïde. Peterson et
al. 2004.
Figure 1.9 Coupe transversale d'une jeune
racine d'éricacées (Calluna vulgaris),
formée de cinq cellules corticales colonisée
par du mycélium éricoïde. Smith & Read
1997.
Figure 1.10 Image en microscopie confocale de racines de Vaccinium myrtillus colonisées par le
champignon éricoïdes Oidiodendron maius transformé avec la « green fluorescent protein » (GFP).
Martino et al. 2007.
29
Figure 1.11 Radicelle de Rhododendron colonisée par un champignon
éricoïde en surface et à l'intérieur de l'épiderme. Bar = lOum. Smith &
Read 1997.
Ainsi, Larry Peterson et collaborateurs rapportaient à propos des mycorhizes éricoïdes : « In ail
situations, plants with ericoid mycorrhizas are found growing on nutrient-poor soils, suggesting
that ericoid mycorrhizal associations confer an important fonction by increasing the capacity of
these hosts to absorb mineral nutrients » (Peterson et al. 2004). À ce sujet, les éricoïdes produisent
une large gamme d'enzymes hydrolytiques et oxydatives qui jouent un rôle important dans la
mobilisation des molécules organiques présentes sous formes récalcitrantes dans les sols où on les
retrouve. Le facteur limitant dans les sols acides de la forêt boréale est l'azote. Bien que l'azote soit
séquestré sous forme de complexe « protéine-phénol », les champignons éricoïdes ont la capacité de
dégrader ces composés et permettent ainsi de fournir la plante hôte en azote (Bending & Read
1996). Les plantes mycorhizées par les champignons éricoïdes absorbent les acides aminés de façon
aussi efficaces que l'ammonium. Puisque la quantité d'acides aminés dans les sols récalcitrants
excède souvent la quantité d'ammonium (plus facilement absorbable par la plante), l'association
avec un partenaire mycorhizien est avantageuse.
La vaste panoplie d'enzymes synthétisées par les champignons éricoïdes comprend entres autres les
polyphenols oxydases, les polygalacturonases, les peroxydases, les cellulases, les chitinases, les
30
laccases, les lignases et les acides proteinases (Bougoure & Cairney 2006, Read et al. 2004, Cairney
& Burke 1998, Kerley & Read 1997). La plupart de ces enzymes ont des activités optimales
adaptées à des pH très bas ainsi qu'une forte résistance à l'inhibition par les ions métalliques
comme Al3+ et Fe2+ (Leake & Read 1989). Cela leur permet de dégrader la matière organique
récalcitrante ainsi que d'hydrolyser une variété de polymères de carbone comme la lignine, la
cellulose, la chitine (Read et al. 2004 ; Leake & Read, 1990). Ces mycosymbiotes possèdent la
capacité d'être saprophytes. Ils peuvent donc supplémenter leur alimentation en carbone de façon
hétérotrophique, ils ne sont donc pas dépendants de leur hôte pour survivre (Read 1996 ; Bending &
Read 1996). Il a entre autre été démontré que le champignon éricoïde Rhizoscyphus ericae pouvait
se nourrir de mycélium fongique comme seule source de nutriments (Kerley & Read 1998). Les
champignons éricoïdes sont parmi les types d'association mycorhizienne les plus nouvellement
apparues, soit au début du crétacé, il y a environ 140 millions d'années (Cullings 1996, Robertson
2008). Étant donné que la relation symbiotique mycorhizienne éricoïde se soit développée il y a
relativement peu de temps, les deux partenaires ne sont pas encore complètement spécialisés pour
vivre totalement en symbiose. On observe qu'effectivement, les champignons éricoïdes sont en
mesure de dégrader la matière organique et n'ont pas besoin de leur hôte pour se fournir en carbone.
Les mycorhizes éricoïdes possèdent une grande résistance aux métaux comme l'aluminium, le
cuivre, le fer, le plomb et le zinc (Bradley et al. 1982). Les parties aériennes des plantes en symbiose avec des champignons éricoïdes contiennent moins de métal que leur équivalent non-mycorhizés.
En présence de cuivre et de zinc, l'infection mycorhizienne semble conférer une résistance significative, chez des hôtes qui sont normalement sensibles à ces métaux (Bradley et al. 1982).
C'est donc en raison de leur grande capacité enzymatique et de leur possibilité à survivre dans des
milieux hostiles qu'il nous porte à croire que les mycorhizes éricoïdes ont le potentiel de favoriser
l'établissement de plants de bleuet (ou d'autres ericacées) sur les sites perturbés par l'exploitation
des sables bitumineux en Alberta.
31
1.9
Les ericacées
Les caractéristiques communes des plantes de la famille des ericacées (Fig. 1.12) sont nombreuses.
Premièrement, ces plantes à croissance lente sont retrouvées dans les sols acides, récalcitrants, mal
drainés, à la concentration élevée en métaux solubles et au rapport C/N élevé, comme on peut en
trouver dans les tourbières, les landes à bruyères, la forêt boréale, la toundra, les hautes altitudes et
les plaines sèches et sablonneuses de l'Australie (Cairney & Meharg 2003, Peterson et al. 2004).
Ces écosystèmes, malgré leur diversité, sont très pauvres en nutriments et la compétition interspécifique y est très faible. Ces conditions particulières entraînent la formation de petits arbustes aux
feuillages sclérophylles (feuillages rigides, riches en lignine et en cellulose mais déficients en azote
et en phosphore)
et souvent persistants. De plus, les ericacées possèdent des caractéristiques
foliaires antiherbivores, comme par exemple, une cuticule épaisse, une surface pubescente ainsi
qu'une forte concentration en tanins et en terpènes. Ces caractéristiques peuvent être l'effet de
pressions sélectives par les herbivores et/ou peuvent provenir de contraintes édaphiques résultant de
stress hydrique en hiver et d'un manque d'azote et de phosphore durant la saison de croissance
(Reader 1979).
Figure 1.12 Ericacées: (De haut en bas, de gauche à droite) Vaccinium vitis-idaea L.,
Vaccinium macrocarpon Aiton, Rhododendron groenlandicum (Oeder) et Kalmia angustifolia L.
32
Les ericacées possèdent un système racinaire hétérorhizé (Peterson et al. 2004) (Fig. 1.13) qui ne
dépasse généralement pas l'horizon organique dans lequel les débris végétaux s'accumulent à la
surface du sol. Les racines des ericacées ont la particularité de ne pas avoir de poils absorbants,
mais plutôt plusieurs petites racines horizontales, nommées radicelles (Fig. 1.13) (Read et al. 2004).
Les ericacées produisent des rhizomes qui leur servent d'organes de réserves ainsi que d'organes de
reproduction végétative. Grâce à un réseau de rhizomes, les ericacées se propagent rapidement suite
à une perturbation comme une coupe forestière, un feu, un chablis ou une épidémie d'insectes
(Tolvanen 1994, Bloom & Mallik 2004).
Figure 1.13 Système racinaire typique des
ericacées. D'après Peterson et al. 2004.
Les ericacées poussent dans ces écosystèmes pauvres en azote, où celui-ci est majoritairement sous
forme d'ammonium (NHj4) (Lavoie et al. 1992; Read et al. 2004), elles ne sont pas affectées par la
toxicité de l'ammonium comme la plupart des plantes nitrophiles (Pearson & Stewart 1993). En
présence d'une forte concentration en nitrate (NÛ3+), les ericacées doivent compétitionner avec les
plantes nitrophiles, et perdent rapidement leur territoire. En effet, l'adaptation des ericacées aux
milieux pauvres en azote est telle (conçu pour absorber l'ammonium), qu'elles ne possèdent plus la
capacité d'utiliser l'azote sous forme de nitrates pour leur croissance (Lavoie et al. 1992).
33
La présence des ericacées dans les milieux hostiles tient, en grande partie, à l'habilité de leurs
endophytes mycorhiziens éricoïdes à résister et à s'adapter aux stress environnementaux ainsi qu'à
augmenter l'aptitude de leurs plantes hôtes en réduisant le stress porté sur elles (Read et al. 2004 ;
Cairney & Meharg 2003 ; Straker 1996). Par exemple, il a été observé que sur les sites contaminés
par l'arsenic, on retrouvait de grands peuplements de Caluna vulgaris en symbiose mycorhizienne
éricoïde avec l'ascomycète Rhyzoscyphus ericae (Sharpies et al. 2000). Les populations fongiques
mycorhiziennes ont développées une résistance à l'arsenic et il semble que la présence du champignon mycorhizien dans les racines de Caluna vulgaris soit essentielle à son établissement sur ces
sites contaminés (Sharpies et al. 2000).
1.9.1
Le bleuet (Vaccinium angustifolium & Vaccinium myrtilloides)
Il y a deux espèces de bleuets sauvages retrouvées au Canada: Vaccinium angustifolium et Vaccinium myrtilloides. Vaccinium angustifolium (Fig. 1.14) est un arbuste nain de 30 à 45 cm aux
feuillages décidus. Il pousse dans divers habitats tels que les affleurements rocheux, les pâturages
abandonnés, les marais et tourbières, parmi les pins et les chênes, sur un sol aussi bien tourbeux que
sableux. Cette espèce peut tolérer une gamme de pH allant de 2.8 à 6. Vaccinium angustifolium
forme un tapis de rhizomes souterrains servant à la fois d'organe de réserve et d'organe de multiplication végétative qui peut s'étendre jusqu'à 10.5 m (Hall et al. 1979). Les rameaux portent des
feuilles glabres, elliptiques, alternes, à la marge denticulée, de 17 à 40 mm de long. Durant l'été, la
couleur des feuilles est verte, avec parfois une teinte bleutée ou glauque. À l'automne, les feuilles
deviennent rouge vif et orangées avant de tomber. L'initiation du bourgeon floral apparaît au milieu
de l'été mais il ne se développera en fleur que l'année suivante. Le bourgeon reste dormant tout
l'hiver et il est prêt à se développer dès le début du printemps. Les fleurs sont de petites corolles
blanches à pétales soudées en tube, et se développent en groupe compact à travers le feuillage. Les
baies sont sucrées et mesurent de 2 à 12 mm de diamètre (Trehane 2004 ). On retrouve V. angustifolium dans l'est de l'Amérique du nord, à l'est du Manitoba et en haut du 34e parallèle (United
States Department of Agriculture 2011).
34
Figure 1.14 Vaccinium angustifolium Aiton.
Figure 1.15 Vaccinium myrtilloides Michx.
Vaccinium myrtilloides (Fig. 1.15) est distingué de V. angustifolium par ces feuilles velues et ses
fruits au goût acide. Cet arbuste a une hauteur qui varie entre 10 et 117 cm. Ses feuilles sont
longues, elliptiques, alternes, pubescentes sur la face intérieure, de 20 à 38 mm de long. Ses
rameaux sont aussi pubescents mais ses tiges lignifiées sont habituellement glabres. Ses fleurs sont
des corolles à pétales libres, blanches à rosâtres, possédant des étamines longues, bien visibles. Le
fruit est d'un bleu glauque de 5 à 8 mm de diamètre (Trehane 2004). Sa distribution géographique
est plus étendue que V. angustifolium, puisqu'on le retrouve dans tout le Canada et dans plusieurs états du nord des États-Unis (United States Department of Agriculture 2011).
1.10
Co-évolution Ericacées / Éricoïdes
Il a été constaté que les différences majeures entre les différents types d'association mycorhizienne
seraient en lien avec leur spécialisation dans l'acquisition des nutriments liés à leur environnement
spécifique (Read 1991, Read & Perez-Moreno 2003). Les ericacées et les champignons éricoïdes
ont évolué conjointement sur des milieux acides et particulièrement pauvres en azote. Pourquoi les
ericacées ont-elles une meilleure croissance que bien des plantes retrouvées sur ce type de sol?
Cette dernière section a pour but de comprendre la relation particulière qui existe entre les champignons éricoïdes et les ericacées et ce, en ayant une meilleure compréhension de leur habitat.
35
1.10.1 Acidité, infertilité et toxicité des sols de la forêt boréale
Dans la forêt boréale coniférienne, l'acidification du sol est un processus naturel. Les ions H+
dérivent de plusieurs sources ; lors du remplacement par ions H+ des cations prélevés par les
radicelles, à la formation des acides organiques au cours de la décomposition de la matière organique, à la formation de l'acide carbonique par la dissolution de CO2 provenant de la respiration des
racines et des microorganismes.
Ces conditions d'acidité, de faibles températures et d'humidité conduisent à un faible taux de
décomposition et d'humification de la matière organique, et donc réduisent indirectement la
disponibilité des nutriments sous forme facilement absorbable par les racines (Lavoie et al. 1992 ;
Read et al. 2004). C'est tout le cycle des éléments nutritifs qui est ralenti et dans les milieux
extrêmes ces conditions peuvent même conduire à la paludification, où dominent les sphaignes et
les ericacées. Le ralentissement du taux de dégradation de la matière organique provient du fait que
les diverses enzymes des microorganismes édaphiques sont inactives à des pH aussi bas. Les
concentrations élevées de tanins que l'on retrouve dans ces sols désactivent aussi les enzymes des
microorganismes du sol (Kraus et al. 2003). Cette inactivation enzymatique empêche, entre autre, la
minéralisation de la matière organique dont les processus de nitrification et d'ammonification,
laissant ainsi l'azote sous forme de molécules organiques complexes (NH/, acides aminés et même
protéines), ce qui limite la quantité d'azote absorbable par les racines (Read et a l , 2004). En
contrepartie, la quantité d'azote dans ces types de sols podzoliques est plus élevée dans son ensemble que dans les autres types de sols. Mais cet azote reste en majeure partie inaccessible, sous forme
de protéine et/ou complexé à des composés phénoliques (Read et al. 2004 ; Bending & Read 1996).
De plus, lorsque les plantes absorbent l'azote sous forme de N H / , elles doivent sécréter un proton
H+ en échange d'une molécule de NH4+ (Chapin 1980), ce qui crée un cercle vicieux d'acidité dans
ces sols.
La fertilité d'un sol est dépendante de la présence de particules colloïdales (argile, limon, sable).
Ces particules ont la propriété de retenir les ions et les nutriments essentiels afin que ceux-ci ne
soient pas lessivés vers les eaux souterraines. Les colloïdes sont normalement chargés négativement
et s'entourent donc d'une couche d'ions de signe contraire (contrions et en l'occurrence ici, des
36
cations). En s'éloignant du colloïde, on observe une couche d'ions de plus en plus diffuse et moins
retenue par les charges du colloïde et ce, jusqu'à la solution intercolloïdale. Le mouvement thermique des ions adsorbés et des ions libres crée un échange continu des ions entre la phase solide et la
solution intercolloïdale. Les ions adsorbés sont en équilibre dynamique avec les ions dans la
solution du sol.
Étant donné que, dans la forêt boréale, les pluies excèdent les taux d'évapotranspiration (la saison
de croissance étant très courte), les sols de ces régions sont très humides et parfois saturés d'eau, ce
qui entraîne un flux incessant d'eau filtrant à travers les sols (Fisher & Binkley, 2000). Ce phénomène entraîne un lessivage des molécules basiques, qui sont peu ou pas retenues par les particules
colloïdales. Les sols acides sont communs dans les régions où les précipitations sont suffisamment
élevées pour lessiver une partie des bases des horizons de surface. Il y a un lessivage et donc une
rareté des éléments-traces basiques.
Conjointement à cela, nous observons aussi une plus grande solubilité de certains ions métalliques,
jusqu'à des concentrations parfois toxiques pour les plantes. En effet, dans les sols acides, le faible
pH augmente la solubilité et la phytodisponibilité de plusieurs éléments-traces. Puisque les ions H+
ont une plus grande affinité pour les charges négatives des colloïdes, ils entrent en compétition avec
les ions métalliques (Al3+, Fe2+), au niveau de ces sites, ce qui amène la libération de ces ions dans
l'eau des pores du sol (Fig. 1.16). Plus le sol est acide, plus le transfert de Cd, Cu, Pb, Cr, Co, Zn,
Hg, Ni, Ti, As, Al, vers la plante est important. Puisque ces éléments sont plus solubles et plus
facilement absorbables par la plante, celle-ci peut parfois en absorber jusqu'à des concentrations
toxiques (Tremel-Schaub & Feix 2005).
37
Figure 1.16 Représentation schématique de l'augmentation de la phytodisponibilité des
ions métalliques (Men+) en présence des ions H+. D'après Tremel-Schaub & Feix, 2005.
Dans les horizons minéraux (particulièrement les B podzoliques), quand le pH est proche de 4, les
argiles sont dégradés et lessivés. L'aluminium domine donc la solution du sol, l'activité microbienne est inhibée et le phosphate réagit avec les hydroxydes d'aluminium et les ions ferriques. Les
phosphates deviennent alors indisponibles pour la plante, ce qui entraîne des problèmes nutritionnels pour celle-ci (Tremel-Schaub & Feix 2005). En bref, l'interaction de ces conditions biotiques et
abiotiques crée un écosystème particulièrement hostile, établi sur un sol podzolique (mor-humus)
acide, à matière organique récalcitrante, pauvre en nutriments essentiels et conjointement riche en
ions métalliques.
38
1.10.2 Adaptation des espèces végétales
Dans cet environnement acide et pauvre en éléments nutritifs, certaines plantes se sont adaptées et
elles ont développé une grande capacité à obtenir les nutriments du sol. L'azote étant le facteur
limitant de cet écosystème (puisqu'on ne le retrouve pas sous forme de nitrate), l'adaptation des
plantes à ce type de sol requière la capacité d'absorber et d'assimiler l'ammonium de façon efficace
(Vogt et al. 1982) ou bien de l'acquérir d'une autre façon. Pour illustrer ce propos, prenons en
exemple la figure 1.17. Dans les landes à Bruyères, plusieurs espèces se côtoient sans entrer en
compétition entre elles. Chacune possède sa propre adaptation pour capter l'azote. Les plantes
carnivores (Drosera sp., Sarracenia sp.) l'obtiennent des insectes, les légumineuses (Ulex sp.,
Daviesia sp., Dillwinia sp.) sont associées à Rhizobium sp., une bactérie fixatrice d'azote atmosphérique, les cypéracées (Eriophorum sp., Restio sp.) bénéficient d'aérenchymes dans leur racine, ce
qui leur permet d'aller chercher leur azote plus profondément dans ces sols pauvres en oxygène. En
ce qui concerne les ericacées (Erica sp., Calluna sp., Leucopogon sp.), elles obtiennent leur azote
en exploitant la litière récalcitrante, pratiquement non décomposée de l'horizon organique, et ce,
grâce à leur réseau racinaire superficiel et aux enzymes extracellulaires de leur partenaire fongique
éricoïde (Read 1996).
39
Le partenaire fongique
éricoïde des plantes
ericacées mobilise l'azote
contenu dans la matière
organique superficielle
Les plantes carnivores
obtiennent leur azote
par la capture
d'insectes
Les légumineuses sont
associées à Rhizobium,
une bactérie fixatrice
d'azote atmosphérique
Les cypéracées possèdent des racines aérenchymateuses
permettant la capture de l'azote minéral enfouit dans le sol
Figure 1.17 Compartimentation de l'acquisition de l'azote dans les landes à bruyères. D'après Read
1996.
Cependant, en forêt boréale, les espèces les mieux adaptées aux conditions hostiles empêchent
parfois la croissance d'autres espèces. C'est le cas du Kalmia angustifolia, une éricacée très étudiée,
qui entrave la croissance de l'épinette noire (Picea mariana) lorsqu'elle pousse à ses côtés (Lebel et
al. 2008 ; Inderjit & Mallik 2002). Les mécanismes compétitifs du Kalmia ne sont pas encore
connus. Il semblerait que ce soit une combinaison d'allélopathie, de compétition pour les nutriments, d'inhibition des champignons ectomycorhiziens (Inderjit & Mallik 2002). Les Kalmia, ainsi
que les ericacées en général, semblent, à plusieurs égards, mieux adaptées à cet écosystème forestier
que les plantes ectomycorhizées.
1.10.3 Les composés phénoliques
Les ericacées associées à des champignons mycorhiziens habitent des sols riches en composés
phénoliques tels que celui de la forêt boréale (Read et al. 2004, Bending & Read 1996). Les
40
composés phénoliques, comme la lignine, les acides polyphénoliques et les tanins seraient responsables de la formation des sols podzoliques de type mull et mor. Ces composés sont capables de se
lier à une panoplie de composés organiques azotés incluant les protéines, les acides nucléiques, la
chitine et de former des complexes récalcitrants à la dégradation microbienne (Bending & Read
1997). La réduction du taux de dégradation de la matière organique dans le sol par les tanins se
produit de différentes façons : (1) en étant eux-mêmes résistants à la décomposition, (2) en séquestrant les protéines en complexe « protéine-phénol » qui sont aussi résistants à la décomposition, (3)
en enrobant des composés telles que la cellulose, les protégeant ainsi des attaques microbiennes, (4)
en étant directement toxique pour la faune microbienne et (5) en désactivant les exoenzymes
microbiennes (Kraus et al. 2003). Tout comme le pH acide, les tanins inhibent la minéralisation de
l'azote.
Les tanins sont des metabolites secondaires synthétisés par les plantes et contenus dans les parois
cellulaires, les espaces intercellulaires et vacuoles des cellules des feuilles, des racines, de l'écorce,
des fruits et des bourgeons (Kraus et al. 2003). Les feuilles des arbres ectomycorhizes et des
ericacées contiennent une bonne concentration en tanins, et on observe que cette concentration
augmente à mesure que la fertilité du sol décroît (Bending & Read 1997 ; Read et al. 2004). À la
sénescence des feuilles, les tanins contenus dans les cellules des plantes sont libérés et créent des
complexes « protéines-phénol » qui emprisonnent 60% de l'azote contenu dans les feuilles et une
partie de la matière organique constituant la litière (Kuiters 1990). Il a été suggéré que la production
accrue de composées phénoliques dans les feuilles en condition d'infertilité du sol et la fixation de
ces composés aux protéines serait une adaptation pour conserver l'azote dans ces sols pauvres en
nutriments, au lieu que celui-ci soit rapidement absorbé par les microorganismes ou bien lessivé
dans les eaux souterraines (Zucker 1983; Northup et al. 1995). Par conséquent, l'acidité et
l'accumulation de substances phénoliques dans la litière seraient responsables de la sélection
d'organismes fongiques capables de tolérer ces conditions limitantes.
41
Animaux
Lfc
T®
®
Végétaux
Mycorhize?
Disponible J
Matière
organique
Flore microbienne
du sol
TANINS
7Y
NHL
Fixation
de l'azote
Dénitrification
NO,
Perte d'azote
par lessivage
Figure 1.18 Le réservoir principal (boîtes) et les flux (flèches) d'azote dans l'écosystème. Les lignes
pointillées indiquent l'interférence avec la minéralisation de l'azote due aux tanins. Les mycorhizes
court-circuitent-elles le chemin conventionnel de minéralisation de l'azote? D'après Kraus et al.
2003.
Ce genre d'écosystème (Fig. 1.18) amène donc une co-évolution symbiotique plante/champignon
où le partenaire fongique mycorhizien est capable de mobiliser et de dégrader l'azote (Leake &
Read 1989, Gobert & Plassard 2008). En effet, il a été démontré que les ectomycorhizes et les
éricoïdes ont la capacité de dégrader les composés phénoliques comme les tanins et la lignine
(Bending & Read 1997). Comprendre le rôle de la présence des tanins dans les feuilles des ericacées ainsi que dans la litière est primordial pour saisir l'importance des mycorhizes éricoïdes dans
la vie des ericacées.
Cette étude fait partie d'un projet sur la restauration des sites perturbés par l'exploitation des sables
bitumineux. Puisque le but est de restaurer de façon à retrouver le type de forêt mosaïque original,
les espèces végétales typiques de la forêt boréale devraient toutes être représentées. Le bleuet fait
partie intégrante du paysage de la foret boréale, d'où l'intérêt de cette étude, et ce, malgré les
conditions alcalines laissées par l'exploitation des sables bitumineux.
Maintenant que nous connaissons la problématique qui entoure la revégétalisation de la forêt
boréale suite à l'exploitation des sables bitumineux, il semble convainquant que l'étude des
42
champignons mycorhiziens éricoïdes soit une piste intéressante pour augmenter la tolérance des
semis de bleuet sur les sites perturbés (Quoreshi 2008). Non seulement ils peuvent augmenter la
tolérance des semis de bleuet en présence de stress, mais les champignons mycorhiziens éricoïdes
sont essentiels pour le recyclage de la matière organique dans les sols acides et tanniques de la forêt
boréale. Finalement, compte tenu de l'intérêt que suscite l'adaptation des ericacées et des champignons éricoïdes dans les milieux hostiles nous voulons approfondir dans cette étude l'impact des
stress salins et des hydrocarbures sur le développement du bleuet et de ses associés fongiques.
43
Chapitre 2 - Sélection de champignons éricoïdes tolérants aux
stress salins et d'hydrocarbures. Potentiel des plants de bleuet
mycorhizes à tolérer les stress salins et d'hydrocarbures.
2.1 Introduction
Suite à l'exploitation des sables bitumineux, les compagnies minières ont la responsabilité de
restaurer les territoires dévastés. Défi de taille pour les scientifiques, étant donné l'ampleur des
dégâts laissés derrière. La recherche dans le domaine de la bioremédiation des sites contaminés est
l'une des voies permettant la remise en place de la forêt boréale.
Les travaux présentés dans ce chapitre se rapportent à l'évaluation des mycorhizes éricoïdes pour
favoriser l'établissement des plants de bleuet sur les sites perturbés par l'exploitation des sables
bitumineux. Compte tenu que le bleuet est une plante prédominante dans le paysage forestier boréal,
la réintroduction de cet arbuste est de première importance. Mais qui dit réintroduction du bleuet dit
réintroduction de ses partenaires mycorhiziens, les champignons éricoïdes. Comme nous l'avons vu
précédemment, le bleuet est dépendant de son partenaire mycorhizien pour lui fournir les nutriments
essentiels à sa croissance dans les sols pauvres où on les retrouve. Mais outre la relation symbiotique qui les unit, nous voulons vérifier si les champignons éricoïdes tolérants aux stress abiotiques
présents sur les sites exploités, seraient en mesure d'améliorer la survie des plants de bleuet.
Les deux objectifs principaux de cette étude sont donc, en premier lieu, de sélectionner in vitro des
champignons éricoïdes tolérants aux stress salins et d'hydrocarbures. Pour ce faire, six souches
provenant de banques fongiques canadiennes ont été choisies pour vérifier leur tolérance à différentes concentrations de sels (NaCl, Na2S04, CaCh et CaSO.»), de pétrole et d'eau de rejet (CT), et ce,
en boîtes de Petri. En deuxième lieu, suite à l'inoculation des plants de bleuet par les champignons
éricoïdes préalablement sélectionnés, nous déterminerons si ceux-ci améliorent la croissance des
plants de bleuet en présence de milieux salins et hydrocarbonés.
44
2.2 Matériel et méthodes
2.2.1 E x p é r i e n c e in vitro
Isolement d ' u n e souche du genre Oidiodendron à partir d ' u n plant de bleuet
Selon la méthode d'isolement de microorganismes proposée par (Silvani et al. 2008), une souche du
genre Oidiodendron a été isolée de racines d'un plant de bleuet cueillie sur un site en processus de
restauration. Cette souche a été identifiée par le Dr Yolande Dalpé d'Agriculture et Agroalimentaire
Canada (Ottawa).
Sélection in-vitro de souches éricoïdes
Cette expérience consistait à évaluer la croissance de six souches de champignons éricoïdes sur des
milieux de culture additionnés de différentes concentrations de sels et de pétrole brut ainsi que
d'eau de rejet (composite tailing (CT)). Le milieu de culture utilisé pour cette expérience était le
Corn Meal Agar (CMA, Sigma-Aldrich, St-Louis) (17 g/1). Par ailleurs, les essais préliminaires
réalisés par Khaled Al-fikieh (étudiant au doctorat), ont permis de montrer que six souches, isolées
à partir de 33 souches provenant de collections de champignons, présentaient une capacité à croître
sur des milieux de culture contenant des concentrations en sels et en pétrole relativement élevées.
Les souches de champignons ont été cultivées à 23°C, pendant trois semaines, sur des boîtes de
Petri contenant 20ml de milieu CMA.
Origine et culture des souches
Les souches utilisées dans cette expérience proviennent de deux différentes banques fongiques du
Canada, soit celle de l'Université de l'Alberta et celle du département d'Agriculture et Agroalimentaire à Ottawa.
45
Tableau 2.1. Liste des six souches éricoïdes utilisées lors de l'expérience in vitro.
UAMH=University of Alberta Micro fungus Herbarium. DAOM=Department of Agriculture (Mycology), Ottawa.
Souches de champignons utilisées
Numéro d'identification de la souche
Phialocephala fortinii
(DSE: Dark septate endophyte)
UAMH 7137
Hymenoscyphus sp.
(Famille: Leotiaceae)
UAMH 10354
Gymnascella dankaliensis
(Famille: Gymnoascaceaé)
UAMH 3531
Myxotrichum setosum
(Famille : Myxotricaceaé)
UAMH 4535
Pseudogymnoascus roseus
(Famille : Myxotricaceaé)
DAOM 170486
Meliniomyces variabilis
(Famille : Leotiaceae)
UAMH 8864
Préparation des milieux de culture; traitements salins et hydrocarbonés
Pour cette expérience, quatre sels ont été ajoutés (NaCl, CaS0 4 , CaC^ et Na2S04) au CMA aux
concentrations suivantes : lOOmM, 200mM et 300mM. Des solutions-mères (1 M) de ces sels ont
été préparées et stérilisées avant d'être ajoutées dans le milieu CMA stérile et encore sous forme
liquide (environ 65°C). De plus, trois concentrations de pétrole brut ont été vérifiées (12,5g/l, 25g/l
et 50g/l). Le dernier traitement consistait à remplacer l'eau distillée, qui sert normalement à la
préparation du milieu de culture, par de l'eau de rejet (CT). Le contrôle était le milieu de culture
CMA uniquement. Des membranes de cellophane ont été coupées, stérilisées (15 minutes à 121 °C,
dans un cristallisoir rempli d'eau distillée) et déposées sur les milieux de culture. Les boîtes de Petri
contenant les différents milieux de culture ont été entreposées à la noirceur, pendant deux semaines,
à 23°C jusqu'à leur utilisation.
46
Inoculation des milieux de culture
Une pastille fongique de 6mm de diamètre a été déposées au centre de chacune des boîtes de Petri.
Les boites de Petri ont été entreposées dans une chambre de croissance à température constante de
23°C pendant huit semaines.
Le dispositif expérimental
Le dispositif expérimental était organisé en split-split plot avec trois parcelles principales représentées par les jours, six sous parcelles représentées par les espèces fongiques et 17 sous-sous parcelles
représentées par les traitements. A l'intérieur des sous-sous-parcelles, chaque traitement était répété
quatre fois, soit douze répétitions au total (1224 boîtes de Petri). Le traitement de CaS0 4 a été
éliminé pour des raisons d'insolubilité. Les mesures de croissance radiale ont été prises aux deux
semaines, pendant huit semaines. Les mesures ont été prises sur deux axes perpendiculaires à partir
du centre de la colonie, et la moyenne a été calculée. Seules les moyennes finales des 12 répétitions
seront présentées. L'analyse de la variance a été effectuée avec la procédure mixed du programme
SAS avec pour niveau de signification P< 0,05.
2 . 2 . 2 E x p é r i e n c e i n vivo
Sélection in vivo de souches éricoïdes en présence de boutures de plants de Vaccinium
angustifolium
Cette expérience consiste à évaluer en serres la croissance de plants de bleuet, inoculés avec cinq
souches éricoïdes et la souche de Phialocephala fortinii (tableau 2.1) préalablement testées in vitro.
Et ce, sur des sols contenants différentes concentrations de sels et de pétrole brut ainsi que d'eau de
rejet (CT).
47
Préparation des plants de bleuet
Les boutures ont été faites à partir de plants de Vaccinium angustifolium produitent chez Phytoclone
(St-Étienne-des-Grès, Québec). Ces boutures ont une longueur initiale de 5 cm (incluant deux
nœuds) et le diamètre n'a pas été pris en compte. Les feuilles ont été coupées à 30% pour limiter
l'évapotranspiration. L'extrémité inférieure de la tige fut trempée dans une solution d'hormone de
croissance de racines « stim-roots 3», composé d'acide indole-3-butyrique 0,8%. Le substrat est
composé de sable : perlite, 1 :1, autoclave (2 x 30 minutes, 121°C, à deux jours d'intervalle). De
l'engrais N-P-K, 20-20-20, à une concentration de 3.5% fut ajouté aux boutures, 2 fois par semaine
à raison de 55 ml par plants. Les plants ont été rempotés dans un nouveau substrat composé de
sable : perlite : tourbe, 2 :2 :1, autoclave (2 x 30 minutes, 121°C, à deux jours d'intervalle). Une
semaine avant l'inoculation des plants, l'engrais 20-20-20 fut remplacé par un engrais sans nitrate,
aux concentrations suivantes: 50ppm (partie par millions) d'azote, 30ppm de phosphore, 50ppm de
potassium. Cet engrais fut ajouté une fois par semaine durant toute l'expérience à raison de 55 ml
par plants.
Préparation de l'inoculum
Les souches ont poussé dans un milieu liquide « Modified Melin-Norkrans » (MMN) (Marx 1969)
pendant quatre mois sur une plaque agitatrice. Afin de mettre la même quantité de mycélium à
chaque plant, chaque souche fut standardisée à 7,5 g/1 (à l'exception de Myxotrichum setosum qui
possède une concentration de 3,3 g/1 ; ce champignon poussant très lentement, la masse totale de
mycélium était de 3,3 g). Pour ce faire, le mycélium a été rincé avec de l'eau stérile, afin de retirer
les sucres et les éléments minéraux. L'excédent d'eau a été retiré à l'aide d'un filtre à vide. La
quantité de mycélium désirée (ici 7,5 g) a été pesée et mélangée au broyeur 2 x 4 secondes pour être
finalement diluée dans un litre d'eau stérile. Nous avons prélevé 5 ml pour la préparation de CFU
(colony-forming unit). Dix millilitres d'inoculum furent introduits dans le sol de chaque plant (sauf
pour les témoins), ce qui donne une quantité de mycélium de 75 mg par plant (33mg pour les plants
inoculés avec Myxotrichum setosum).
48
Origine et culture des souches fongiques éricoïdes
Les souches utilisées dans cette expérience proviennent de deux différentes banques fongiques du
Canada, soit celle de l'Université de l'Alberta et celle du département d'Agriculture et Agroalimentaire à Ottawa. La souche Oidiodendron sp. CEF #1 fut isolé, à l'Université Laval, de radicelles de
plants de bleuet récoltés sur les sites de restauration en Alberta
Tableau 2.2. Les six souches éricoïdes utilisées lors de l'expérience in vivo.
UAMH=University of Alberta Microfungus Herbarium. DAOM=Department of
Agriculture (Mycology), Ottawa.
Souches de champignons utilisées
Numéro d'identification de la souche
Phialocephala fortinii
(DSE: Dark septate endophyte)
UAMH 7137
Hymenoscyphus sp.
(Famille: Leotiaceae)
UAMH 10354
Gymnascella dankaliensis
(Famille: Gymnoascaceaé)
UAMH 3531
Myxotrichum setosum
(Famille : Myxotricaceaé)
UAMH 4535
Pseudogymnoascus roseus
(Famille : Myxotricaceaé)
DAOM 170486
Oidiodendron sp.
(Ordre : Onygenales)
CEF#1
Préparation des solutions salines et pétrolifères
Les traitements utilisés ont été le NaCl aux concentrations de lOOmM et 200mM, le pétrole brut aux
concentrations de 12,5 g/1 et 50 g/1 et l'eau de rejet CT. Vingt millilitres de solution furent ajoutée
directement au substrat à l'aide d'une pompe péristaltique pour les solutions de NaCl, et à l'aide de
pipettes analytiques pour les solutions de pétrole et d'eau de rejet CT.
49
Le dispositif expérimental
Le dispositif expérimental était organisé en cinq blocs complets aléatoires. Le blocage s'est fait
selon la taille des plants avant la mycorhization de ceux-ci. Au sein de chaque bloc on retrouvait les
six traitements associés à chacune des six souches (+ un témoin non-mycorhizé), trois échantillons
y étaient disposés aléatoirement. Le dispositif entier comprenait 630 plants. Il n'y avait pas de
plants de bordures. L'expérience a durée 20 semaines. L'analyse de la variance a été effectuée avec
la procédure mixed du programme SAS avec pour niveau de signification P< 0,05.
Paramètres évalués
Analyses qualitatives de la vitalité des plants
Mesure visuelle sur une échelle de 1 à 5, ou 1 représente les plants en parfaite santé, n'ayant aucun
symptôme de stress (feuilles chlorosées et/ou séchées). Les plants cotés 5 représentent les plants
morts, sans feuilles avec des tiges brunes, sans chlorophylle. Les plants cotés 2, 3 et 4 sont des
intermédiaires entre ces deux extrêmes.
Mesure du pourcentage de mortalité
Les plants morts sont ceux qualifiés par le chiffre 5 lors de l'analyse qualitative. Le pourcentage de
mortalité est donné par le nombre de plants morts divisé par le nombre total de plants. Ce calcul a
été effectué pour chaque traitement.
Mesure de la biomasse sèche des parties aériennes et des racines
Les plants sont coupés à la base de la plante et la partie souterraine est rincée à l'eau pour enlever
toute trace de terre. Les parties aériennes et les racines sont placés à l'intérieur d'un sachet en papier
individuel pour être déshydratés, à 85°C, pendant 48 heures. La masse sèche a ensuite été mesurée à
l'aide d'une balance électronique.
50
Mesure du ratio racine : tige
Ce ratio se mesure grâce à la biomasse des parties aériennes et à la biomasse des parties souterraines mesurées préalablement.
Coloration des racines et mesure du pourcentage de mycorhization
La préparation des tissus racinaires pour l'observation microscopique passe par les étapes suivantes : Les racines sont lavées en évitant de briser les radicelles. Tremper les racines dans une solution
de KOH 10% et chauffer dans un bain-marie à 60-90°C pendant trois heures. Rincer à l'eau
distillée. Colorer ensuite les racines en les trempant dans une solution de Trypan bleu 0.05% p/v et
de lactoglycérol (1 :1 :1, acide lactique, glycerol et eau). Les racines sont ensuite chauffées dans le
bain-marie à 90°C pendant plusieurs heures. Le pourcentage de mycorhization sera mesuré à l'aide
de la « grindline intersection method » où des morceaux de racines sont aléatoirement dispersés
dans une boîte de Petri au fond quadrillé. Le nombre de segments mycorhizes et non mycorhizes
est ensuite calculé (cette technique est expliqué en détail dans le livre « Working with mycorrhizas
in forestry and agriculture, Brundrett et al. 1996).
Mesure du pH des sols
Mesure du pH selon la méthode de Chapman & Pratt 1961. Dans un bêcher, 50g de sol est mélangé
à 125ml d'eau distillée. Agiter pendant 5-10 secondes et ensuite mesurer le pH avec l'électrode du
pH-mètre. La mesure est prise au moment où la valeur de pH est stable.
51
2.3 Résultats
2.3.1 Expérience in vitro
Croissances radiales des six souches fongiques en présence de tous les traitements
Dans cette section, nous verrons l'effet des différents traitements de stress salins et d'hydrocarbures
sur la croissance des souches fongiques éricoïdes. Pour débuter, on voit que Pseudogymnoascus
roseus croît normalement sur les milieux CMA amendés avec ces traitements suivants :
CaCl2 lOOmM, pétrole 12,5 g/1, pétrole 25 g/1, pétrole 50 g/1 et l'eau de rejet (CT) (Fig. 2.1). En
contrepartie, cette souche éricoïde présente une faible croissance sur les trois concentrations de
NaCl et de Na2S04 et sur le CaCl2 aux concentrations de 200mM et 300mM.
Pseudogymnoascus roseus
ab
y
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a
*
J
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Traitements
Figure 2.1. Croissance radiale (mm) de la souche Pseudogymnoascus roseus sur différents stress
ième
salins et d'hydrocarbures à la 8
semaine de croissance. D 'après le test Lsmeans à la valeur p <
0,05.
52
Par contre Myxotrichum setosum ne présente pas de différences significatives de la croissance
radiale peu importe le traitements (Fig. 2.2).
Myxotrichum setosum
M
70
61)
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E
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C
*
*
Traitements
Figure 2.2. Croissance radiale (mm) de la souche Myxotrichum setosum sur différents stress salins
et d'hydrocarbures à la 8'eme semaine de croissance. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
53
Hymenoscyphus sp., croît normalement sur les milieux CMA amendés avec les traitements suivants : NaCl lOOmM, Na 2 S0 4 lOOmM, CaCl2 lOOmM, pétrole 12.5 g/1, pétrole 25 g/1, pétrole 50
g/1. Cependant, cette souche démontre des difficultés à pousser sur les fortes concentrations de sel
tels que : NaCl 300mM, Na 2 S0 4 200mM, Na 2 S0 4 300mM, CaCl2 300 mM et l'eau de rejet (CT)
(Fig. 2.3).
Hymenoscyphus sp.
ao-
s*
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p
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0
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cf
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t
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C
/
4?
Traitements
7
igure 2.3. Croissance radiale (mm) de la souche Hymenoscyphus sp. sur différents stress salins et
d'hydrocarbures à la 8ieme semaine de croissance. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
54
Phialocephala fortinii, quant à elle, croît normalement sur les milieux CMA amendés de pétrole,
ainsi que sur le CaCl2 100. Mais cette souche présente des difficultés à croître sur les traitements de
NaCl et de NaS0 4 ainsi que sur l'eau de rejet (CT) (Fig. 2.4).
Phialocephala fortinii
a
■t
KO
70
c
ab
1
Iln
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1
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-,
a
ab
u
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y
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y
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/
/
J
t
/
/
</
Traitements
igure 2.4. Croissance radiale (mm) de la souche Phialocephala fortinii sur différents stress salins
et d'hydrocarbures à la 8'eme semaine de croissance. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
7
55
La souche Meliniomyces variabilis croît normalement sur les milieux CMA amendés de pétrole,
ainsi que sur le CaCl2 lOOmM. Cette souche présente des difficultés à croître sur les traitements de
NaCl et de NaS0 4 , ainsi que sur le CaCl2 200mM et CaCl2 300mM. Meliniomyces variabilis a une
croissance presque nulle en présence de l'eau de rejet (CT) (Fig. 2.5).
Meliniomyces variabilis
Traitements
Figure 2.5. Croissance radiale (mm) de la souche Meliniomyces variabilis sur différents stress salins
et d'hydrocarbures à la 8lème semaine de croissance. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
56
Gymnascella dankaliensis possède un patron de croissance très différent des autres souches testées.
Selon la figure 2.6, Gymnascella dankaliensis a une croissance optimisée face à son témoin en
présence des traitements de stress suivants : NaCl 200mM, NaCl 300mM, Na 2 S0 4 200mM, Na 2 S0 4
300mM, pétrole 50 g/1 et l'eau de rejet (CT). La souche présente des difficultés à croître seulement
sur les trois concentrations de CaCl2 (Fig.2.6).
Gymnascella dankaliensis
so
70
be
cf
irr
ad
_ s 60
S
S 50
•% 40
«I
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S 30
e
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2
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10
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<?
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# / y s
Traitements
Figure 2.6. Croissance radiale (mm) de la souche Gymnascella dankaliensis sur différents stress
salins et d'hydrocarbures à la 8lème semaine de croissance. D'après le test Lsmeans à la valeur p <
0,05.
Comparaison des croissances radiales des six souches en présence des stress les plus
concentrés
La dernière section nous a permis de vérifier la capacité à croître de chacune des souches sur tous
les traitements de sels et d'hydrocabures testés. Cette section-ci nous permettra de comparer la
croissance radiale des six souches entres elles et ce, seulement aux concentrations les plus élevées
pour déterminer quelles souches sont les plus tolérantes. Sur milieu CMA sans aucuns traitements
57
de stress, Phialocephala fortinii est le champignon présentant la meilleure croissance, suivi de près
par Meliniomyces variabilis et Pseudogymnoascus roseus (Fig. 2.7). Myxotrichum setosum se
distingue des autres souches par sa croissance plus lente. Un plateau de croissance est atteint par
Myxotrichum setosum à partir de la 4'eme semaine et à la 6ieme semaine par Gymnascella dankalien­
sis (Tableau 2.3).
Témoin
P. fortinii
E
E
(C
L.
ai
o
c
«3
</)
(/)
U
3
-M.var
■H.sp
4
Semaines
P.for — M . s e t o
P.rose
Figure 2.7. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement témoin. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Tableau 2.3. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement témoin. Les lettres en minuscules comparent les espèces entres elles à une semaine
donnée et les lettres majuscules comparent les différentes semaines à une semaine donnée. D 'après
le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Semaine 2
Semaine 4
P. fortinii
27,88"*
M. variabilis
P. roseus
G. dankaliensis
Hymenoscyphus sp.
M. setosum
Semaine 6
Semaine 8
56,97 a B
76,78 a
c
85,06a*D
19,10bA
41,02 b B
61,62 ab
C
■j­jab*D'
24,45"*
3S,33 b c B "
49,83 bc
c
63,46"°*°"
17,71
bcA
*
13,38"*­
10,4
dA+
32,83
bcB
*
cB
c c
50,45 c * c *
c c
43,91 " *
28,60 ­
43,08 " "
59,08°*°"
dB+
dB+
22,13 d * B+
14,96
18,10
Sur milieu CMA amendé de NaCl 300mM, la souche de Gymnascella dankaliensis possède une
meilleure croissance que les autres souches et ce, durant les 8 semaines de l'expérience (Fig. 2.8).
58
Phialocephala fortinii possède une croissance initiale (semaine 2) semblable aux souches Hyme­
noscyphus sp., Meliniomyces variabilis, Myxotrichum setosum, Pseudogymnoascus roseus, mais se
distingue par la suite de ces quatre souches par une croissance supérieure. Phialocephala fortinii est
la seule souche à ne pas atteindre de plateau de croissance. Les souches Hymenoscyphus sp.,
Meliniomyces variabilis, Myxotrichum setosum, Pseudogymnoascus roseus possède une croissance
semblable entre elles (Tableau 2.4).
NaCl 300mM
G. danka 'iensis
£
E
«J
(0
—
O
C
«3
W
</>
6
M.seto
7
8
►-G.dank
■P.rose
Figure 2.8. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement NaCl 300mM. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Tableau 2.4. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
de NaCl 300mM. Les lettres en minuscules comparent les espèces entres elles à une semaine
donnée et les lettres majuscules comparent les différentes semaines à une semaine donnée. D 'après
le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Semaine 2
Semaine 4
B
G. dankaliensis
19,56"*
38,73"'
P. fortinii
8,77 bA '
25,48 b ' B '
1
8
Semaine 6
Semaine 8
a c
58,08 "
67,92 a * c
37,55 b " c
50,41"*°'
Hymenoscyphus sp.
8,06 "
n.io *' "
25,42 "
"
33,71°* c "
M. variabilis
7,4 lbA*
13,89 cB *
20,68 C ' BC *
26,55°*c*
M. setosum
6,9 lbA"
13,45°'*­
C­BC­
22,36°*c"
P. roseus
5,33 bA+
ll,33cAB+
bA
bc BC
1773
15,09° "AB+
19,05C*B+
59
Sur milieu CMA amendé de Na2SO4300mM, Gymnascella dankaliensis possède une croissance
supérieure aux autres souches testées ici, et ce durant les 8 semaines de l'expérience (Fig. 2.9). La
croissance radiale de Pseudogymnoascus roseus, Hymenoscyphus sp., Meliniomyces variabilis et
Phialocephala fortinii est semblable et très affectée par le Na2SO4300mM, elles atteignent un
plateau de croissance très rapidement, soit, dès la 2lème semaine pour Hymenoscyphus sp., Melinio­
myces variabilis et Phialocephala fortinii et dès la 4ieme semaine pour Pseudogymnoascus roseus
(Tableau 2.5).
Na2S04 300m M
G. dankcliensis
E
E,
(0
«3
«
O
C
(0
</>
(/>
O
1
Semaines
■M.var
■H.sp
P.for——-M.seto—*-P.rose—•—G.dank
Figure 2.9. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement Na 2 S0 4 300mM. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Tableau 2.5. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement Na2SO4300mM. Les lettres en minuscules comparent les espèces entres elles à une
semaine donnée et les lettres majuscules comparent les différentes semaines à une semaine donnée.
D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Semaine 2
Semaine 4
Semaine 6
Semaine 8
a"C
a*D
a'B
G. dankaliensis
15,67"
30,27
49,88
66,54
M. setosum
11,98b'B'
6,84'b,V
16,11 b " B C
21,91 b * C
,cA"
P. roseus
0'
6,23 c ' B "
8,79', c " B "
12,61c'B"
->cA*
M. variabilis
3,61 c'AB*
9,52 c"B*
12,29c*B*
0°
Hymenoscyphus sp.
5,63 c'A9,73 c"A12,54c'A0,94cA­
P. fortinii
7,27c"A+
11,13c*A+
1,23°A+
5,29 c'A+
60
Sur milieu CMA amendé de CaCl2 300mM, Phialocephala fortinii a une croissance supérieure aux
autres souches et ce, pendant les 8 semaines de l'expérience (Fig. 2.10). Les souches Pseudogym­
noascus roseus, Gymnascella dankaliensis, Meliniomyces variabilis et Hymenoscyphus sp. ont une
croissance radiale semblable entres elles. Myxotrichum setosum se distingue des autres souches par
sa plus faible croissance et par le fait qu'il est le seul à atteindre un plateau de croissance (Tableau
2.6).
CaCI2 300mM
80
P. for\tinii
3
■M.var
■H.sp
4
5
Semaines
— P.for —— M.seto
•P.rose
■G.dank
Figure 2.10. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement CaCl2 300mM. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Tableau 2.6. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement CaCl2300mM. Les lettres en minuscules comparent les espèces entres elles à une
semaine donnée et les lettres majuscules comparent les différentes semaines à une semaine donnée.
D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Semaine 8
Semaine 2
Semaine 4
Semaine 6
a'B
a"C
P. fortinii
62,7 la*°
32,54
48,92
1
P. roseus
28,14'b*D'
20,34 h'B
24,55 b " C
G. dankaliensis
23,04'b " C "
26,96b­D­
15,51 c ' B "
M. variabilis
29,75 b'D*
14,44c'B*
21,77 b"C*
5,56°
cA­
Hymenoscyphus sp
30,38 b'D23,25b"C­
14,81 c'B­
6,42
M. setosum
15,27c"C+
17,5'c*C+
12,20c'B+
7,52°
61
Sur milieu CMA amendé de pétrole à 50 g/1, Phialocephala fortinii possède la plus grande croissance radiale à la 8lème semaine, suivie de Pseudogymnoascus roseus de Meliniomyces variabilis et de
Gymnascella dankaliensis (Fig. 2.12). Myxotrichum setosum possède la plus faible croissance et
atteint un plateau de croissance dès la 4ieme semaine. Phialocephala fortinii est la seule souche à
n'atteindre aucun plateau de croissance (Tableau 2.7).
Pétrole 50g/l
E
E
v
S
Q)
O
C
«
(A
1
2
3
4
5
6
7
Semaines
•M.var —•— H.sp —*-P.for -*— M.seto —«•—P.rose —•—G.dank
8
Figure 2.11. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement de pétrole 50 g/1. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Tableau 2.7. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement de pétrole 50 g/1. Les lettres en minuscules comparent les espèces entres elles à une
semaine donnée et les lettres majuscules comparent les différentes semaines à une semaine donnée.
D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Semaine 2
Semaine 4
Semaine 6
Semaine 8
P. fortinii
P. roseus
28,11"*
51,18"'
27,45 aA '
48,39"' B '
63,23 a "" c '
66,95 a b * c
G. dankaliensis
16,27 bA "
33,44 bB '"
50,21" 0 " 0 "
62,58"b*c'"
M. variabilis
15,44bA*
32,52 b ' B *
49,3"°" c *
61,67""*c*
Hymenoscyphus sp.
14,92"*-
29"'B"
40,17° "BC"
50,68"*c"
M. setosum
4,21°A+
8,92°'B+
10,21 d " B+
12,08°*B+
B
69,85""
c
85,3"*°
62
Sur milieu CMA amendé d'eau de rejet CT, Gymnascella dankaliensis et Pseudogymnoascus
roseus possèdent une croissance radiale supérieure aux quatre autres souches (Fig. 2.13). Phialoce­
phala fortinii à une croissance radiale intermédiaire tandis qu'Hymenoscyphus sp. et Myxotrichum
variabilis ont une croissance presque nulle (Tableau 2.8).
Eau de rejet
ro îeus
I
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là
m
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o
C
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o
o
1
■M.var
2
3
4
5
Semaines
-H.sp —--—P.for ——M.seto ■
7
6
8
-G.dank
P.rose
Figure 2.12. Croissance radiale (mm) des six souches de champignons éricoïdes testées en présence
du traitement de l'eau de rejet (CT). D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Tableau 2.8. Croissance radiale des six souches de champignons éricoïdes testées en présence du
traitement de l'eau de rejet (CT). Les lettres en minuscules comparent les espèces entres elles à une
semaine donnée et les lettres majuscules comparent les différentes semaines à une semaine donnée.
D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Semaine 2
G. dankaliensis
P. roseus
P. fortinii
M. setosum
Hymenoscyphus sp.
M. variabilis
24,33"*
Semaine 4
48,29
aB
B
Semaine 6
Semaine 8
a BC
60,17 "
70,13""*°
c
75,96"* c
23,5"*'
48,08"' '
65"" '
15,06 bA "
26,9 b ' B "
35,25"" BC "
46,08 b * c "
6,85 *
11,33"°' *
13,9"° " *
16,73b*B*
2,46°*"
7,29C'A"
8,96°"A­
10,69"°**­
cA+
A+
cA
A
0,55° ^
B
l,08
1,08°"
B
1,08°**+
63
Résumé des souches tolérantes aux traitements les plus concentrés
Les souches Gymnascella dankaliensis et Myxotrichum setosum sont celles qui tolèrent le mieux les
traitements de stress les plus concentrés. Phialocephala fortinii se distingue en supportant très bien
le CaCl2. Toutes les souches croissent très bien sur le pétrole.
Tableau 2.9. Récapitulatif des souches tolérantes aux stress les plus concentrés. Les souches
considérées comme tolérantes aux traitements de stress sont celles qui présentent une croissance
radiale ayant diminuée de moins de 30% par rapport à leur témoin.
Traitements
NaCl 300mM
Souches tolérantes
Gymnascella dankaliensis
Myxotricum setosum
Phialocephala fortinii
CaCI 2 300mM
Myxotricum setosum
Gymnascella dankaliensis
Na 2 SO 4 300mM
Myxotricum setosum
Phialocephala fortinii
Pseudogymnoascus roseus
Pétrole 50g/l
Gymnascella dankaliensis
Hymenoscyphus sp.
Meliniomyces variabilis
Pseudogymnoascus roseus
Eau de rejet (CT)
Gymnascella dankaliensis
Myxotricum setosum
64
2.3.2 Expérience in vivo
L'expérience in vivo avait pour objectif d'évaluer si les plants mycorhizes étaient plus résistants aux
stress édaphiques que les plants non-mycorhizés et si oui, s'il y avait des champignons mycorhiziens plus performants que d'autres pour favoriser le développement des plants de bleuet en
conditions de stress. Par contre, aucun signe de mycorhization n'a été observé. Au point de vue
statistique, nous n'observons pas de différences significatives entre les différentes souches de
champignons testées pour chacune des variables mesurées (ce qui va de pair avec l'absence de
mycorhization). En revanche, il y a des différences significatives entre les traitements de stress
appliqués. Voici les résultats obtenus pour les différentes variables mesurées.
65
Pour la variable « apparence qualificative » (Fig. 2.14), les plants ayant reçu les traitements de NaCl
200mM ont l'apparence qualitative la plus élevée et diffèrent statistiquement de tous les autres
traitements avec une moyenne de 3,42. Les plants de bleuet ayant reçu les deux traitements de
pétrole, aux concentrations suivantes, 12,5 g/1 et 50 g/1, possèdent des moyennes semblables pour
cette variable, soient respectivement, 2,94 et 3,03. Il n'y a aucune différence significative entre les
traitements témoin, NaCl lOOmM et l'eau de rejet (CT), ils possèdent respectivement les moyennes
suivantes, 2,51, 2,54 et 2,62.
Figure 2.13. Apparence qualitative des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence des
traitements. Mesure visuelle sur une échelle de 1 à 5, ou 1 représente les plants n'ayant aucun
symptôme de stress (feuilles chlorosées et/ou séchées). Les plants cotés 2 possèdent quelques
feuilles séchées, les plants côtés 3 possèdent la moitié de leur feuillage séchés et les plants côtés 4
possèdent très peu de feuilles mais ont encore une tige verte. Les plants cotés 5 représentent les
plants morts, sans feuilles et tiges brunes. T : Témoin, N100 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM,
P12 : pétrole 12,5 g/1, P50 : pétrole 50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur
p < 0,05.
Pour ce qui est de la variable « masse sèche des parties aériennes » (Fig. 2.15), il y a des différences
significatives entre les traitements de stress appliqués aux plants de bleuet. Le traitement de NaCl
200mM possèdent la masse sèche des parties aérienne la plus faible avec une moyenne de 0,50 g.
66
Suivi des plants ayant reçu les traitements témoins, NaCl 1 OOmM et pétrole 50g/l avec des moyennes respectives de 1,30g, 1,25g et de 1,22g. Les plus grandes masses ont été obtenues par les plants
ayant reçu les traitements d'eau de rejet (CT) et pétrole 12,5g/l avec des moyennes respectives de
1,50g et de 1,46g.
ngure 2.14. Masse sèche des parties aériennes (g) des plants de bleuet après 4 mois de croissance
en présence des traitements. T : Témoin, NI00 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM, P12 : pétrole
12,5 g/1, P50 : pétrole 50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
67
La variable «masse sèche racinaire » nous montre des différences significatives entre les traitements
de stress appliqués (Fig. 2.16). Le traitement de NaCl 200mM possède la masse sèche racinaire la
plus faible avec une moyenne de 0,12 g. Suivi des plants ayant reçu les traitements témoin, NaCl
lOOmM, pétrole 12,5g/l et pétrole 50g/l avec des moyennes respectives de 0,42 g, 0,34 g, 0,49 g et
de 0,49 g. La plus grande masse a été obtenue par les plants ayant reçu le traitement d'eau de rejet
(CT) avec une moyenne de 0,54 g.
0,7
0.6
3
0,5
ai
S
•§
0,4
<i»
-c
<J
•s
0,3
5
0,2
0,1
N100
N200
P12
P50
CT
Traitements
igure 2.15. Masse sèche racinaire (g) des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence
des traitements. T : Témoin, N100 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM, P12 : pétrole 12,5 g/1,
P50 : pétrole 50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
68
Il y a des différences significatives entre les traitements de stress appliqués pour la variable «masse
sèche totale» (Fig. 2.17). Le traitement de NaCl 200mM possède la masse sèche totale la plus
faible avec une moyenne de 0,62 g. Suivi des plants ayant reçu les traitements témoin, NaCl
lOOmM, pétrole 12,5g/l et pétrole 50g/l avec des moyennes respectives de 1,75 g, 1,53 g, 1,88 g et
de 1,74 g. La plus grande masse totale a été obtenue par les plants ayant reçu le traitement d'eau de
rejet (CT) avec une moyenne de 2,03 g.
Traitements
7
igure 2.16. Masse sèche totale (g) des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence des
traitements. T : Témoin, N100 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM, P12 : pétrole 12,5 g/1, P50 :
pétrole 50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
69
En ce qui concerne la variable «pH du substrat » (Fig. 2.20) il y a aussi des différences significatives entre les traitements de stress appliqués. Le substrat des plants ayant reçu les traitements pétrole
12,5g/l et pétrole 50g/l possède les pH les plus faibles avec des valeurs de pH moyennes de 4,06 et
4,10 respectivement. Suivi des substrats ayant reçu les traitements témoin, l'eau de rejet (CT) et
NaCl lOOmM avec des moyennes de pH respectives de 4,12, 4,17 et de 4,23. Le pH le plus élevé est
détenu par le substrat ayant reçu le traitement NaCl 200mM avec un pH de 4,27.
Figure 2.17. pH du substrat des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence des traitements. T : Témoin, N100 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM, P12 : pétrole 12,5 g/1, P50 : pétrole
50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
70
Finalement, la variable «conductivité du substrat» (Fig. 2.21) nous montre aussi des différences
significatives entre les différents traitements de stress appliqués. Le substrat des plants ayant reçu
les traitements NaCl 200mM et pétrole 50g/l possède les conductivités les plus faibles avec des
valeurs de 296,19 microsiemens/cm 293,53 microsiemens/cm respectivement. Suivi des substrats
ayant reçu les traitements témoin, pétrole 12,5g/l et l'eau de rejet (CT) avec des moyennes de
conductivité respectives de 380,49 microsiemens/cm, 381,80 microsiemens/cm et de 383,13.
microsiemens/cm. La valeur de conductivité la plus élevée fut obtenue par le substrat ayant reçu le
traitement de NaCl lOOmM avec 446,23 microsiemens/cm.
600
500
E
u
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E
400
E.
300
■ >
200
100
N100
N200
P12
P50
CT
Traitements
Figure 2.18. Conductivité (microsiemens/cm) du substrat des plants de bleuet après 4 mois de
croissance en présence des traitements. T : Témoin, NI00 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM,
P12 : pétrole 12,5 g/1, P50 : pétrole 50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur
p < 0,05.
71
Après quatre mois de croissance, les plants de bleuet présente un taux de survie de 96,2% sans
traitement de stress, un taux de survie de 95,2% en présence du NaCl lOOmM, de 72,4% en présen­
ce du NaCl 200mM, de 89,5% en présence des deux concentrations de pétrole et de 99% en
présence de l'eau CT (Fig. 2.21).
90 80 70 a»
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N100
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1
P12
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CT
Traitements
Figure 2.19. Pourcentage de survie des plants de bleuet après 4 mois de croissance en présence des
traitements de stress. T : Témoin, N100 : NaCl lOOmM, N200 : NaCl 200mM, P12 : pétrole 12,5
g/1, P50 : pétrole 50 g/1, CT : eau de rejet CT. D'après le test Lsmeans à la valeur p < 0,05.
Pourcentage de mycorhization.
L'observation préliminaire des racines n'a pas montré de signe de mycorhization.
72
2.4 Discussion
2.4.1. Expérience in vitro : Croissance de champignons éricoïdes en boîtes de Petri
dans un milieu C M A amendé de solutions salines et d ' h y d r o c a r b u r e s .
Cette expérience in vitro a été réalisée à l'aide de six souches de champignons éricoïdes préalablement sélectionnées pour leur tolérance aux stress salins et aux hydrocarbures. Contrairement aux
champignons mycorhiziens arbusculaires et aux champignons ectomycorhiziens, les champignons
mycorhiziens éricoïdes ont la possibilité de pousser aisément en boîtes de Petri, ce qui a facilité la
réalisation de cette expérience. Une pastille de mycélium des souches éricoïdes fut déposée au
centre de chaque boîte de Petri gélosée au « Corn Meal Agar » CMA et amendée de solutions
salines (NaCl, CaCl2, CaS0 4 et Na2SC>4) et d'hydrocarbures (pétrole brut et de l'eau de rejet (CT)).
Ces différentes solutions ont été choisies pour cette expérience car elles sont susceptibles de se
retrouver dans les sols où des extractions de sables bitumineux ont eu lieu (Kernaghan 2002,
Renault et al. 1999). Par contre, nous ne discuterons pas des effets du CaS0 4 étant donné que celuici ne s'est pas dissous convenablement dans la solution de CMA. L'expérience in vitro a permis
d'examiner si les champignons éricoïdes étaient résistants aux stress salins et aux hydrocarbures
avec l'objectif ultérieur de les utiliser dans l'expérience in vivo.
Les résultats de cette expérience démontrent bien que les champignons éricoïdes sont tolérants aux
stress induits. Parmi les souches éricoïdes testées, certaines tolèrent jusqu'à des concentrations de
300mM des sels NaCl, Na 2 S0 4 et CaCl2. De plus, les trois traitements de pétrole n'affectent pas, ou
très peu, la croissance de nos souches éricoïdes même à la plus forte concentration et l'eau de rejet
CT est très bien tolérée par les trois souches suivantes ; Pseudogymnoascus roseus, Gymnascella
dankaliensis et Myxotrichum setosum.
Les traitements de NaCl et Na 2 S0 4 réduisent le plus la croissance radiale en boîte de Petri chez les
souches testées. A l'exception de la souche M. setosum, qui a une croissance semblable à son
témoin sur tous les traitements, et de la souche G. dankaliensis, qui possède une croissance radiale
accrue en présence de ces deux sels. L'augmentation de la concentration de NaCl et de Na 2 S0 4 crée
même une augmentation de la croissance radiale chez G. dankaliensis. Ce phénomène a été observé
par Bois et al. (2006) chez les champignons Hymenoscyphus sp. et P. fortinii ; et tout particulière-
73
ment pour un gradient de NaCl (0 à lOOmM), où leur croissance radiale augmente et atteint un
maximum à lOOmM. Ce phénomène n'était pas attendu car lorsque l'on augmente la concentration
d'un agent stressant, on s'attend à voir une diminution de croissance non pas une augmentation.
Comme ont aussi pu observer Bois et al. (2006), les souches de champignons, Lacaria bicolor,
Suillus tomentosus et Phialocephala sp., exposés à des concentrations de 300mM de NaCl ont une
croissance déficiente par rapport à leur témoin. Par contre, nos résultats indiquent que, sur le
gradient de NaCl et de Na 2 S0 4 , G. dankaliensis montre une augmentation de croissance radiale où
le pic de croissance se situe à 300mM de NaCl et de Na 2 S0 4 . Évidemment, la croissance radiale
n'est pas suffisante pour définir si l'espèce est tolérante ou non à l'agent stressant. Si nous avions
mesuré la biomasse sèche, la densité du mycélium, le contenu en eau et la concentration en osmolytes nous aurions pu établir précisément si G. dankaliensis avait ou non une meilleure croissance en
présence de fortes concentrations de NaCl et de Na 2 S0 4 .
Malgré tout, nous avons tout de même observé qu'en présence de stress, l'apparence de G. dankaliensis a changé avec la production d'hyphes qui semblent plus fines que les hyphes du témoin. Ce
changement morphologique des hyphes qui parcourent la gélose superficiellement est, sans doute
un phénotype exprimant la recherche d'un milieu plus hospitalier. Par ailleurs, la couleur jauneorangé des entités sporales, qui caractérisait ses conidiospores, a disparu en présence de fortes
concentrations de sels, signe potentiel que G. dankaliensis ne se concentre plus à la production de
conidiospores. Tout de même, l'augmentation de la croissance radiale (ou cet étirement des hyphes)
chez G. dankaliensis ne se fait qu'en présence du NaCl et du Na 2 S0 4 et le point commun entre ces
deux sels est la présence de l'ion Na+. Étant donné que G. dankaliensis ne croît pas aussi bien en
présence du CaCl2 et du CaS0 4 il est probable que cette augmentation de croissance (ou cet
étirement des hyphes) est dû à la présence de l'ion Na+.
Les traitements de CaCl2 créent une diminution de la croissance radiale chez les six souches de
champignons avec une relation inversement proportionnelle entre la concentration et la croissance.
Par contre, ce sel affecte moins la croissance radiale que les traitements de NaCl et de Na 2 S0 4 (sauf
pour G. dankaliensis et M. setosum).
74
Les traitements de pétrole sont très bien tolérés par toutes les souches, même à 50 g/1. Excepté pour
la souche M. variabilis, qui voit sa croissance diminuée de 20% à 50 g/1 de pétrole. P. fortinii, M.
setosum et Hymenoscyphus sp. se comportent normalement en présence des trois concentrations de
pétrole. Mais G. dankaliensis présente une augmentation de 24% de sa croissance radiale en
présence de 50 g/1 de pétrole. Il a été démontré que certains champignons ectomycorhiziens
(Laccaria bicolor et Gomphidius viscidus) étaient en mesure de dégrader le pétrole et d'utiliser
celui-ci comme seule source de carbone (Li et al. 2008). À la lumière de nos résultats, il est
probable que nos champignons éricoïdes possèdent la capacité enzymatique de dégrader le pétrole
et de l'utiliser comme source d'énergie. Peut-être aussi que la tolérance au pétrole de nos souches
provient du fait que celui-ci se trouvait sous forme d'émulsion dans le milieu de culture.
L'eau de rejet (CT), étant issue des procédés de séparation du sable et du bitume, est composée d'un
amalgame de molécules toxiques. Sa composition comprend, entres autres, des concentrations
élevées de sodium, de sulfate, de bicarbonate, de chlorure ainsi que du calcium et du magnésium.
De plus, l'eau de rejet (CT) possède un pH alcalin de 8,5 (Renault et al. 1999) qui diffère grandement du pH acide de la forêt boréale (Prescott et al. 2000) et du pH physiologique des champignons
éricoïdes. Dans ces conditions, nous nous attendons à voir de faibles croissances de nos champignons. En effet, P. fortinii a une croissance radiale diminuée de 46%, Hymenoscyphus sp. a une
croissance diminuée de 82% et M. variabilis possèdent une croissance radiale diminuée de 99%,
avec une moyenne de 1 mm de croissance, autant dire que l'eau de rejet bloque entièrement la
croissance de cette souche. Par contre, certaines souches possèdent une croissance normale (M.
setosum) et même optimisée (G. dankaliensis et P. roseus) en présence de l'eau de rejet (CT).
Encore une fois, ces souches auraient une croissance hyphale de base à la recherche d'un milieu
plus hospitalier.
On remarque qu'au sein des champignons mycorhiziens éricoïdes, les tolérances aux stress sont très
variables. Est-ce dû aux différents milieux d'où proviennent ces champignons? Il a été observé que
les champignons mycorhiziens éricoïdes, ayant poussés sur des sols contaminés par des concentrations toxiques de métaux sont en mesure de développer une résistance à ces métaux et montrent
donc de meilleures habiletés à coloniser ces milieux (Cairney & Meharg 2003). Bois et al. (2006)
ont montré que les champignons ectomycorhiziens isolés de pins gris et d'épinettes blanches
provenant de sites sodiques à Syncrude Canada, avaient une meilleure tolérance aux sels (une
75
biomasse sèche plus élevée, une accumulation de Na et Cl moindre que les autres champignons
testés lors de cette expérience). Alors si les conditions édaphiques priment sur les facteurs génétiques en ce qui concerne la capacité de ces champignons à dégrader ou à tolérer certaines molécules
peut-être que l'on retrouverait ces mêmes variabilités au sein d'un même genre et au sein de la
même espèce. Dans ces circonstances, on peut se demander si le nombre d'année passé en boîte de
Petri perturbe la capacité enzymatique et la capacité à entrer en symbiose des champignons éricoïdes? Il est probable que les champignons ayant vécu un long moment en boîte de Petri, dans le
même milieu de croissance, perdent leur faculté à dégrader certaines molécules. Il a été démontré
que le champignon ectomycorhizien, Pisolithus tinctorius, montre une grande variabilité de
croissance et de développement de sa symbiose mycorhizienne tout dépendamment des facteurs
suivants : l'âge de la souche, la ré-isolation des souches, l'arbre hôte et la provenance des souches
(Marx 1981).
Stress les plus concentrés
La souche M. setosum est la plus tolérante des souches éricoïdes testées. Sa croissance radiale est la
même, peu importe le milieu dans lequel nous l'avons fait pousser. Par contre, M. setosum possède
une croissance très lente sur tous les traitements ce qui nous indique que c'est une espèce à croissance lente. Dans le règne végétal, les espèces à croissance lente ont une capacité d'absorption des
nutriments plus faible que les espèces à croissance rapide (Aerts & Chapin 2000). Elles absorbent,
par le fait même, plus lentement les substances toxiques présentent dans le sol, ce qui les rende
indirectement plus tolérantes à ces mêmes substances. Par conséquent, étant donné sa croissance
lente, la souche M. setosum ne serait pas intéressante pour la production massive d'inoculum. La
souche G. dankaliensis, quant à elle, est surprenante face à sa croissance en conditions stressante
extrême. Elle montre une augmentation de croissance de 35% en présence du NaCl 300mM, de
32% en présence du Na 2 S0 4 300mM, de 24% en présence du pétrole 50g/l et de 39% en présence
de l'eau de rejet (CT). Même si G. dankaliensis ne pousse pas bien en présence des trois concentrations de CaCl2, sa croissance rapide fait d'elle une souche très intéressante pour la production
d'inoculum commercial. P. fortinii est la souche ayant la croissance la plus rapide sur le traitement
témoin et sur les traitements de pétrole et présente la meilleure tolérance au stress CaCl2 300mM,
mais ne montre pas, comme G. dankaliensis, d'augmentation de croissance en présence d'aucun des
traitements de stress les plus concentrés (de toute façon, il aurait été impossible d'observer ce
76
phénomène puisque la croissance de P. fortinii sur le traitement témoin atteignait déjà les limites du
plat de Petri). P. roseus montre une augmentation de croissance de 20% sur l'eau de rejet (CT) mais
lorsqu'elle est en contact avec le NaCl 300mM, le Na 2 S0 4 300mM et le CaCl2 300mM, cette souche
présente une croissance très restreinte. M. variabilis et Hymenoscyphus sp. sont les souches les
moins intéressantes puisqu'elles montrent une réduction de croissance sur tous les stress les plus
concentrés.
On voit que les souches testées ont chacune leur spécialité, ainsi, il est difficile de dire que nous
ayons trouvé une souche idéale qui résiste à tous les stress et qui possède une croissance rapide. De
toute façon, il serait impertinent de ne choisir qu'une seule souche éricoïde pour l'inoculation
éventuelle des plants de bleuet et d'éricacées. Il est important de garder une biodiversité microbiologique au niveau de la rhizosphère. En effet, sachant qu'il existe vraisemblablement une compatibilité cultivar-souche (Scagel & Yang 2005, Czesnik & Eynard 1990, Eynard & Czesnik 1989) il
devient possible d'affirmer que la probabilité d'obtenir une bonne combinaison augmente avec un
plus grand choix de partentaires. De toute façon, il est connu qu'un plus large pool génétique au
sein d'une espèce est nécessaire pour un échange fréquent de gènes puisqu'il entraîne une meilleure
survie de l'espèce en cas de changements plus ou moins drastiques des conditions environnementales (Darwin 1859). De plus, le système racinaire des ericacées est typiquement colonisé par plusieurs taxons de champignons éricoïdes, quoique souvent dominé par un seul taxon (Sharpies et al.
2000) et plusieurs génotypes d'un taxon peuvent se retrouver dans le système racinaire d'une seule
plante (Liu et al. 1998, Chambers et al. 2000). Ces différents génotypes peuvent différer dans leur
habileté à obtenir l'azote organique et inorganique du sol (Cairney et al. 2000), il est donc avantageux pour la plante d'avoir plusieurs endophytes différents.
Problèmes rencontrés et ambiguïtés
Lors de ce type d'expérimentation, il est beaucoup plus concluant de prendre en compte, non
seulement la croissance radiale, mais aussi, la biomasse du champignon. En général, il est assez aisé
de mesurer cette biomasse. Il s'agit d'insérer une membrane de cellophane entre le milieu gélose et
la pastille de champignon. Cette membrane laisse passer les nutriments et les solutions de stress,
mais ne laisse pas passer les hyphes de champignons dans le milieu gélose. Cela permet alors de
77
peser le champignon en retirant la membrane cellulosique de la boîte de Petri. Par contre, étant
donné la capacité enzymatique hors du commun de ces souches éricoïdes, la membrane de cellulose
fut digérée et probablement utilisée comme source de carbone par quelques souches de l'expérience
(P. fortinii, G. dankaliensis, P. roseus), ce qui rend impossible la mesure de la biomasse, le mycélium s'étant répandu au travers de la gélose. Si P. fortinii, G. dankaliensis, P. roseus sont en mesure
de dégrader la membrane de cellophane, cela leur donne légèrement plus de nutriments, rendant
problématique la comparaison entre les différentes souches encore plus difficiles, quoique nous
n'ayons pas fait de différence à ce sujet. La membrane de cellophane, étant composé d'hydrate de
cellulose, n'est normalement pas traversée par les hyphes des champignons. Lors de leurs expériences en boîtes de Petri, sur la sensibilité des souches mycorhiziennes éricoïdes à différents métaux,
Gibson & Mitchell (2004, 2006) n'ont observé aucune pénétration du mycélium
à travers la
membrane de cellophane. Mais Kosuta et al. (2003) ont observé que la digestion de la membrane de
cellophane en boîte de Petri se faisait en seulement 4 jours par les deux organismes filamenteux
suivants; Phytophthora medicaginis et Fusarium solani.
2.4.2 Expérience in vivo : Synthèse mycorhizienne entre champignons mycorhiziens
éricoïdes et bleuet. Évaluation de la tolérance des semis en condition de stress.
Cette expérience in vivo est dans le prolongement de l'expérience in vitro. Elle fut réalisée à l'aide
de boutures de plants de bleuet ayant poussé dans un substrat stérile, afin de s'assurer de l'absence
de souches mycorhiziennes éricoïdes sauvages. Les six souches éricoïdes utilisées pour la synthèse
mycorhizienne sont les suivantes: G. dankaliensis, M. setosum, Oidiodendron sp., P. roseus, P.
fortinii, Hymenoscyphus sp.
Par cette expérience in vivo, nous voulions démontrer que les plants de bleuet, inoculés par des
champignons mycorhiziens éricoïdes résistants aux stress salins et aux hydrocarbures, sont eux
aussi plus résistants aux stress salins et aux hydrocarbures et présentent ainsi une meilleure croissance. Cependant, pour toutes les variables mesurées, nous n'observons pas de différences significatives entre les plants mycorhizes et les plants non-mycorhizés ainsi qu'aucunes différences
significatives entres les différentes souches de mycorhizes. Doit-on supposer que les mycorhizes ne
sont pas bénéfiques et n'aident pas la plante à optimiser sa croissance en condition de stress? Ou y
a-t-il eu absence de mycorhization? Après observation des racines préparées pour la microscopie
78
nous ne voyons pas ou très peu de colonisation, donc l'hypothèse d'absence de mycorhization est la
plus plausible. Il est probable que la raison principale de ce problème soit l'insuffisance du temps
de mycorization. Selon les expériences menées par Scagel et al. en 2005, le temps de mycorhization
d'un plant de bleuet avec une souche éricoïde est d'environ six mois (ce qui semble très long pour
une synthèse mycorhizienne). Dans la présente étude, l'interaction hôte/champignon n'a durée
qu'un mois avant l'application des solutions de stress. À ce moment, s'il y avait eu un début
instable de mycorhization, celui-ci a pu être compromis à cause des solutions de stress administrées.
Il est connu que le sel dans le substrat de croissance peut induire des changements au niveau de la
longueur et des propriétés morphologiques des hyphes et donc affecter les capacités symbiotiques
entre le champignon et son hôte (Jahromy 2007). Il semblerait aussi qu'il y ait une compatibilité
cultivar-souche (Scagel & Yang 2005). Dans cette expérience, aucun test préalable n'a été fait pour
vérifier la compatibilité des cultivars et des champignons mycorhiziens utilisés. Comme mentionné
préalablement, la colonisation des bleuets peut varier significativement avec le cultivar (Czesnik &
Eynard 1990, Eynard & Czesnik 1989), et la quantité et le type de matière organique présente dans
le sol (Scagel et al. 2005).
Dans les productions en pépinière, on pense que l'inoculation avec des champignons mycorhiziens
est plus efficace si la colonisation se fait le plus tôt possible pendant la croissance de la plante
(Scagel et al. 2005). Cela implique que l'inoculum devrait être présent au moment de l'émergence
de la radicule lors de la germination de la graine ou durant la formation des racines adventives en
propagation par bouturage (Scagel et al. 2005). Aurait-il mieux fallu inoculer les plants au moment
du bouturage? Puisque les boutures ont besoin suffisamment de nutriments pour leur croissance, il
est nécessaire d'administrer des fertilisants, mais ceux-ci peuvent, en contrepartie, nuire à la liaison
symbiotique. La quantité de fertilisants appliquée affecte la colonisation des bleuets (Golldack et al.
2001). Comme le suggère la figure 1.7, si la concentration des fertilisants présents dans le sol est
trop élevée, la symbiose mycorhizienne du bleuet peut être compromise (Powell 1982). Il serait
donc nécessaire de faire des tests pour connaître la concentration de fertilisant idéale pour ne pas
nuire ni aux boutures, ni à la symbiose. Il est possible aussi qu'il y ait une interférence avec les
hormones de croissance racinaire utilisées lors du bouturage des plants (communication personnelle, Maurice Lalonde).
79
De plus, on peut se demander si le nombre d'année passé en boîte de Petri des six souches affecte
leur capacité à entrer en symbiose. Est-ce que les champignons mycorhiziens éricoïdes, étant en
partie saprophyte, ont la capacité de se passer de leur hôte? Est-ce qu'un champignon isolé récemment, comme la souche d'Oidiodendron sp. isolée d'un plant de Vaccinium myrtilloides, serait plus
apte à entrer en symbiose? Selon l'étude sur les champignons ectomycorhiziens mené par Donald
Marx (1981), le taux de croissance en milieu gélose n'est pas relié au potentiel infectieux des isolats
ou ré-isolats. Les champignons mycorhiziens peuvent être d'excellents partenaires mycorhiziens en
condition naturelle mais de pauvres partenaires en conditions expérimentales.
En prenant pour acquis que les plants n'ont pas été mycorhizes, nous pouvons tout de même
analyser l'effet des différents traitements de stress sur la croissance des plants de bleuet (sur les
différentes variables mesurées sur les plants de bleuet). On voit que le traitement de NaCl 200mM
est le plus nuisible à la croissance des plants. Les plants ayant poussés avec ce sel ont une moins
belle apparence qualitative, une masse totale plus faible et un taux de survie plus faible. Selon
Muralitharan et Van Steveninck (1992), Vaccinium corymbosum, un proche parent de V. angustifolium, serait une plante glycophyte sensible, incapable d'éliminer le sel en excès. Le bleuet à
corymbe accumulerait donc le NaCl dans ses parties aériennes jusqu'à la nécrose complète des
feuilles et c'est effectivement ce qu'il a été observé dans cette étude.
Selon les résultats de notre expérience, l'eau de rejet (CT) est étonnamment le traitement le moins
dommageable pour nos boutures de bleuet, on observe même un meilleur taux de survie des plants,
une plus grande masse totale que les traitements témoins et une apparence qualitative moyenne
comparable aux traitements témoins. Une expérience effectuée par Renault et al. (1999) montre que
plusieurs espèces de la forêt boréale croissent très bien dans l'eau de rejet (CT).
Comme nous avons vu à la figure 2.19, le pourcentage de survie des plants reste relativement élevé
malgré les solutions de stress dans lequel ont baigné les racines de nos plants de bleuet. Les
solutions de stress ont été appliquées seulement deux fois durant les quatre mois de l'expérience, il
n'est pas non plus surprenant que ces plants aient un bon taux de survie. Chaque arrosage a évidemment diminuée la concentration des traitements de stress. Par exemple, plusieurs plants ayant
reçu le traitement de NaCl 200mM avaient perdu toutes leurs feuilles après la troisième semaine de
80
l'expérience, mais leurs feuilles ont eu le temps de repousser par la suite. Il aurait donc fallu
s'assurer que les plants soient constamment en contact avec la même concentration de sels et de
pétrole.
2.5 Conclusion générale
La présente étude avait pour objectif général la réintroduction du bleuet et de ses partenaires
mycorhiziens éricoïdes sur les sites perturbés par l'exploitation des sables bitumineux. Pour ce
faire, une investigation en deux volets a été effectuée. Nous avons sélectionné, in vitro, des champignons mycorhiziens éricoïdes résistants à différents stress salins et d'hydrocarbures. Ensuite, nous
avons inoculé ces champignons mycorhiziens éricoïdes à des boutures de bleuet pour vérifier si, en
présence de stress, les plants mycorhizes avaient une meilleure croissance que les plants nonmycorhizés.
L'expérience in vitro a donnée des résultats intéressants. Nous avons pu constater que les six
champignons éricoïdes testés étaient tolérants aux solutions de stress avec lesquelles ils ont été en
contact, et ce, même à des concentrations très élevées en sel et en pétrole. Aucune souche n'est
tolérante à tous les traitements (mise à part Myxotrichum setosum, qui, de part sa faible croissance,
poussait bien sur tous les traitements) mais chacune possède leur force et leur faiblesse. Toutes les
souches tolèrent très bien le pétrole (et le digèrent probablement pour en soutirer le carbone), ce qui
serait une voie de recherche intéressante à aborder en bioremédiation.
L'expérience in vivo est moins concluante étant donné que la synthèse mycorhizienne n'a pas eu
lieu. Nous ne pouvons pas évaluer s'il y a une différence de croissance entre les plants mycorhizes
ou non. Mais ce genre d'expérience mérite une plus grande préparation. Avant de produire autant de
boutures de bleuet et de les mycorhizer à l'aveugle, il aurait fallu faire des tests préalables de
mycorhization avec un nombre limité de plants. Comme mentionné précédemment, beaucoup de
facteurs peuvent influencer la symbiose mycorhizienne, et il est important de les prendre en
considération.
81
Finalement, étant donné l'ampleur du territoire dévasté par l'exploitation des sables bitumineux, je
doute que les champignons mycorhiziens éricoïdes soient en mesure de favoriser, à long terme, le
développement des ericacées dans ces sols stériles et très pollués. D'après moi, les bleuets ne sont
en mesure d'affronter un environnement aussi salé, même en compagnie de leur partenaire mycorhizien. Il serait plus raisonnable de débuter par l'application de méthode de bioaugmentation, soit
l'épandage d'une flore microbienne spécifique à la dégradation des polluants présents dans ces sols.
Peut-être, qu'au fil du temps, le sol redeviendra un lieu où il sera possible pour les espèces végétales d'y pousser normalement. D'ici là, il est probable que la biotechnologie végétale nous procure
des espèces aptes à coloniser ces sols, mais somme toute, nous ne sommes pas prêt à revoir la forêt
boréale d'origine.
82
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