Thème 2 Sociologie : intégration, conflit, changement social 2.1

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Thème 2 Sociologie : intégration, conflit, changement social
2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
Thème :
Notions :
2.1 Quels liens
sociaux dans des
sociétés où s’affirme
le primat de
l’individu ?
Solidarité
mécanique/
Organique,
Cohésion
sociale
Indices complémentaires :
Après avoir présenté l’évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera
que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n’ont pas fait pour
autant disparaître ceux qui repose sur le partage des croyances et des valeurs communes.
On traitera plus particulièrement de l’évolution des instances d’intégration (famille,
école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne
remet pas en cause l’intégration sociale.
Acquis de première : socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification,
réseaux sociaux
Notions :
Solidarité mécanique : forme de cohésion caractéristique des sociétés traditionnelles qui repose sur
la simultanéité d’individus ayant une conscience collective forte (valeurs et croyances communes) et
où la division de travail est faible.
Solidarité organique : forme de cohésion caractéristique des sociétés modernes qui repose sur la
complémentarité d’individus autonomes (comparables à des organes du corps humain) et dont la
conscience individuelle prend le pas sur la conscience collective, et où la division du travail rend les
individus interdépendants.
Cohésion sociale : situation caractérisée par la stabilité de la force des liens sociaux et par un niveau
élevé de solidarité entre les membres d’une société.
Acquis de première :
Socialisation : processus par lequel chaque individu construit son identité en fonction des différentes
normes sociales en vigueur et des interactions qu'il a avec autrui.
Sociabilité : la sociabilité est la capacité d'un individu ou d'un groupe d'individus à évoluer en société,
et à pénétrer au sein de nouveaux réseaux sociaux.
Anomie : situation sociale caractérisée par l’affaiblissement des normes et du control sociale au sein
d’une société.
Désaffiliation : selon Robert Castel, situation dans laquelle se trouve un individu qui est à la fois privé
de travail et isolé socialement.
Disqualification : processus d’affaiblissement ou de rupture des liens de l’individu qui cumule des
handicaps sociaux et se trouve confronté à la marginalisation sociale.
Réseaux sociaux : un réseau social est un ensemble d'individus ou d'organisations reliés par des
interactions sociales régulières.
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Thème 2 Sociologie : intégration, conflit, changement social
2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
A) Le lien social entre solidarité mécanique et solidarité organique
Avec la mobilité sociale, on observe une évolution structurelle de la société, ce qui permet une légère
baisse des inégalités bien que celle-ci subsiste toujours. Cependant, d’où vient la cohésion sociale ?
Quelles sont les risques pour la société ? Nous nous intéresserons à l’importance des liens sociaux.
Le lien social est l’ensemble des relations qui unissent les individus qui font partie du même groupe
social ou de la même société qui leur fournissent protection et reconnaissance. Ce lien privilégié
permet ainsi une cohésion sociale, c’est-à-dire une situation dans laquelle les membres d’une société
entretiennent des liens sociaux, partagent les mêmes valeurs et ont un sentiment d’appartenance à
une collectivité. En revanche, si le lien social s’affaiblit où se rompt, les individus auront tendance à
se replier sur eux-mêmes car le phénomène communautaire sera moins présent en raison de la
baisse de la solidarité. Cet isolement pourrait même conduire au despotisme (cf Tocqueville).
Néanmoins, il faut distinguer les liens sociaux qui unissent les individus à leur groupe d’appartenance
(liens horizontaux) tels que les liens familiaux, amicaux, communautaires ou même religieux des liens
sociaux verticaux qui relient l’individu à la société (liens politiques, marchands...).
Types de liens
Liens de filiation
(parents-enfants)
Liens électifs
(couple, amis)
Liens organiques
(travail, marché)
Liens de citoyenneté
au sein d’un état)
Formes de protection
(« compte sur »)
Solidarité intergénérationnelle
Formes de reconnaissance
(« compte pour »)
Réciprocité affective
Solidarité intergénérationnelle
Reconnaissance affective
Protection contractualisée
(contrat de travail, protection
sociale)
Égalité juridique (protection de
la loi, donc protection de
l’état)
Sentiment d’utilité, statut
social, estime de soi
Reconnaissance de l’individu
souverain
L’origine de la sociologie nait de nombreuses interrogations face à l’organisation de la société. En
effet, de multiples réflexions au sujet de la révolution française ont suscité de nombreux débats : en
supprimant la société d’ordres, l’individu s’est émancipé de la tutelle de l’Etat, ce qui le rend
indépendant et solitaire face au patron pendant la révolution industrielle. Par conséquent, l’individu
se repli sur lui même pendant que l’Etat prend de plus en plus d’importance au point de devenu un
despote doux (idée de despotisme selon Tocqueville). Ainsi, les révolutionnaires peuvent craindre le
développement de l’individualisme ou l’individu est coupé de ses groupes d’appartenance. Ils
critiquent alors l’Etat Providence qui se prend pour Dieu.
La suppression des ordres est également remplacé par une société de classes où les relations
asymétriques avec le patron subsistent, la misère et les inégalités persistent donc toujours. Avec la
révolution industrielle, l’ouvrier est lui aussi coupé de ses groupes d’appartenance traditionnel : c’est
le passage d’une société traditionnelle à une société industrielle où la solidarité ainsi que le contrôle
social s’affaiblissent. De plus, l’église catholique joue aussi un rôle important car elle fait preuve de
charité en corrigeant les pathologies de la société en missionnant des prêtres (doctrine sociale de
l’Eglise, contenu dans une encyclique « Rorum Novarum » (1891)).
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2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
 Ces études sur la misère ouvrière ont ainsi donné naissance à deux œuvres :
« Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de
coton, de laine et de soie » (1840) de Louis René Villermé
- « Les ouvriers européens » (1855) de Frédéric Le Play
Aujourd'hui, de nombreuses pathologies de la société subsistent telles que le communautarisme, les
formes d’anomie comme le crime, le délit ou l’alcool, les questions de fond sur les valeurs de la
société et l’identité de la société...
La cohésion sociale nécessité également intégration et régulation. L’intégration représente
l’appartenance à un groupe social en s’appropriant les normes et les valeurs de ce groupe et en
développant des liens sociaux avec ses membres. Elle passe généralement par le processus de
socialisation anticipatrice et peut être la conséquence d’une absence d’intégration (exclusion, mis à
l’écart, marginalisé..). La régulation quant à elle, est une autorité morale représentant la capacité
d’une société à transmettre et à faire valoir les normes et les valeurs de manière à ce que l’individu
ait un comportement conforme. Elle passe par les lois, autorité considéré comme légitime et les
règles acceptées par tous.
La troisième composante de la cohésion sociale incarne la solidarité. Cependant, celle-ci est menacée
par l’agrandissement des sociétés qui rendent possible la division du travail, ce qui rend les individus
complémentaires et interdépendants. Ainsi, on assiste à un passage progressif d’une société
traditionnelle a une société moderne.
Type de société
Division du travail
Types de liens sociaux
Type de conscience sociale
Déterminants des
comportements
Type de contrôle social
(justice)
Solidarité mécanique
Traditionnelle (de petite taille)
Faible : mêmes tâches et
souvent effectuées ensemble
(sociétés agricoles)
Liens horizontaux, liens forts et
communautaires
Conscience collective (mêmes
normes et valeurs,
unanimisme)
Tradition, coutumes, valeurs
collectives (la volonté du
groupe)
Informel, très puissant avec
une justice répressive, brutale
Solidarité organique
Moderne, industrielle (sociétés
très denses cf Durkheim)
Fortes car très nombreux et les
tâches sont spécialisées
Liens sociaux faibles, liens
verticaux, liens sociétaires
Conscience individuelle
pluralisme de la pensée)
Valeurs individuelles guidées
par l’intérêt, la raison et la
rationalité
Formel, moins répressif (justice
qui cherche à réparer =
restitutive)
Selon Durkheim, il existe des pathologies dans la structure de la société dues à la division du travail
jugée inefficace. Nous avons l’exemple de la bureaucratie, mal coordonnée, donc pas efficace. Elle
est trop individuelle et effectue des tâches improductives, ce qui peut conduire à un relâchement de
la société. Les inégalités sont aussi considérées comme des pathologies. En effet, pour que la division
du travail fonctionne efficacement, il faut que chacun accède à toutes les positions sociales, qu’il y ait
correspondance entre la distribution des fonctions et les talents, les mérites afin qu’il n’y ait pas de
conflits donc pas de tensions.
Le travail et le capital sont antagonistes de la société. Cependant, ils sont en conflit sur le partage de
la valeur ajoutée. P. Besnard parle du « travail en miettes », c’est à dire une division tellement
poussée que l’on perd le sens du travail (aliénation du travail).
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Thème 2 Sociologie : intégration, conflit, changement social
2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
Dans le processus de centralisation, l’état a de plus en plus coordonné les activités. Il s’est approprié
le pouvoir et ce, aux dépens des identités locales : c’est un processus volontaire pour souder les
valeurs communes et des identités modernes qui ont vu le jour au XIXème siècle. Toutefois, de
nombreuses résistances se sont formées autour de ses formes d’unification (écoles Diwans,
résistances face au processus d’assimilation et donc à la dissolution des valeurs des sociétés qui tend
à dissoudre les sociétés traditionnelles.
Synthèse :
Dans une société, les individus sont reliés par différents liens : de filiation (parents-enfants), électifs
(couple, amis), organiques (travail, marché), ou de citoyenneté (au sein d’un Etat). Ces liens sont à la
base de la sociabilité et de la solidarité, et de leur force dépend la cohésion sociale.
La naissance, à la fin du 19e siècle, de la sociologie résulte fondamentalement des inquiétudes
provoquées par la montée de l’individualisme dans les sociétés occidentales. Sous la poussée
conjointe des révolutions démocratique et industrielle, de nouveaux rapports sociaux, économiques
et politiques bouleversent progressivement l’ordre social traditionnel : affaiblissement de l’emprise
de la religion, baisse de l’influence de la famille sur les destinées, recul du pouvoir des autorités
traditionnelles.
Durkheim met ainsi en évidence deux types de société. Les sociétés traditionnelles sont relativement
homogènes, et leur cohésion repose sur une solidarité mécanique, fondée sur la ressemblance entre
individus et leur conformité aux normes, aux valeurs et aux rôles sociaux traditionnels. Dans les
sociétés complexes, le processus de division du travail provoque une différenciation des individus et
modifie les bases de la cohésion sociale. La solidarité organique provoque une interdépendance forte
et une individualisation croissante des individus.
Les transformations du droit reflètent l’évolution des formes de solidarité car les normes juridiques
expriment les normes sociales. Ainsi, les sociétés traditionnelles disposent essentiellement d’un droit
répressif tourné vers la sanction des manquements aux mœurs, tandis que les sociétés complexes
développent un droit restitutif, ou « droit coopératif », qui veille à réparer et non plus seulement à
sanctionner.
S’il est admis que la solidarité organique progresse au cours de l’histoire des sociétés, ce progrès
n’est toutefois pas exempt d’échecs. Ainsi, les « formes anormales » de la division du travail sont des
dysfonctionnements qui empêchent la division du travail de produire de la solidarité, et menacent la
cohésion sociale.
Durkheim n’écarte pas l’idée que des formes de solidarité mécanique puissent persister. On observe
que nombre de liens sociaux contemporains entretenus par des groupes, des mouvements ou des
institutions, fondés sur la similitude et la proximité d’origine (l’ethnie), de lieu (régionalisme et
coutumes), de croyances (groupes religieux ou spirituels), de culture (style de vie) ou de valeurs
(causes à défendre), apparaissent caractéristiques de la solidarité mécanique.
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2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
B) Primat de l’individu et transformation des liens sociaux
Les sociétés traditionnelles ne sont généralement composées que d’un seul cercle social
contrairement aux sociétés modernes qui en composent plusieurs (cercles juxtaposés). Le passage
d’une société à l’autre peut entraîner un brouillage de l’identité et beaucoup plus de décisions
d’automatisation donc plus de liberté, ce qui accentue le processus d’individualisation et rendent les
liens sociaux plus personnels. Georg Simmel s’intéresse à cette étude au sujet du croisement des
cercles sociaux dans son Étude sur les formes de la socialisation, 1908. Cette individualisation a pour
conséquence l’état providence (donnant des prestations sociales, ce qui affaiblit les liens de
solidarités avec le famille), l’enseignement pour tous (avec la massification de l’enseignement, on a
une confrontation avec d’autres milieux sociaux et valeurs, qui peuvent entraîner l’émergence des
masses médias et des industries culturelles destinées à répondre au culte de la réussite. Internet par
exemple, à des effets néfastes puisqu’il crée un repli sur soi qui peut même aller à une
désocialisation (exemple des joueurs compulsifs au Japon) mais c’est aussi un moyen de maintenir
les relations et agrandir son réseau social.
Il existe deux conceptions de l’individualisme. La première est dite universaliste (ou abstrait) et est le
fruit des siècles des Lumières où l’individu s’affranchit des carcans dont il était enfermé pour gagner
en autonomie et en liberté et ainsi acquérir l’égalité des chances. À partir des années 1960,
l’individualisme particulariste voit le jour et vise à valoriser la recherche d’identité de l’individu en
remettant en cause toutes les institutions traditionnelles. Ainsi, l’individualisation se définit comme
un processus d’autonomisation de l’individu par lequel l’individu s’affranchit des institutions
traditionnelles qui l’encadraient. Les individus acceptent de moins en moins que les institutions
guident leurs comportements et veulent se définir eux même, s’inventer eux même. La Déclaration
de l’unesco vise à accorder une très grande importance à la culture et la religion qui doivent être
préservées : ils doivent être protégés comme un capital naturel. C’est à la base de cette culture que
la France a pu mettre en place un protectionniste culturel (quota de chansons françaises,
financement des films français diffusés à la télévision..). On passe alors d’une politique d’assimilation
a une politique d’intégration où l’individu conserve sa culture tout en intégrant la culture du pays
d’accueil : ce texte pousse donc à la coexistence de communautés différentes.
Les risques des sociétés modernes sont donc un accroissement de l’isolement avec une
augmentation du nombre de séparation (la famille devient moins une source de socialité et
sociabilité), une dégradation des interactions dans les espaces publiques et une accélération des
phénomènes de ségrégation avec une dimension ethnique dans ses antagonistes. Cela entraînerait
un affaiblissement de la confiance entre les individus en raison de l’augmentation des diversités car
l’individu a peur de l’indifférence donc ils se replient sur eux même, ce qui renforce l’isolement social.
La principale étude sur le capital social est l’étude « Bowling Alone » mettant en avant la diversité
des cultures et une source d’échanges et d’enrichissement.
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2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
Synthèse :
Dans les sociétés modernes, l’autonomie des individus progresse et tend à rendre les liens sociaux
plus personnels, plus électifs et plus contractuels. Pour Georg Simmel, l’individu appartient à divers «
cercles sociaux » vers lesquels ses aspirations et ses intérêts le conduisent. Plus, le nombre de cercles
est élevé et varié, plus il prend conscience de son individualité et mieux celle-ci se réalise. Lorsque les
cercles sociaux s’organisent selon un modèle concentrique, l’autonomie de l’individu reste limitée.
En revanche, lorsque les différents cercles deviennent indépendants au point d’être juxtaposés les
uns à côté des autres, l’indépendance de l’individu lui assure une grande liberté et son identité
s’enrichit de multiples dimensions.
Cependant, la différenciation personnelle grandissante et le primat de l’individu fragilisent les
différents liens sociaux. Ainsi, François de Singly définit un individualisme abstrait ou universel, qui
s’étend de la fin du 19e siècle aux années 1960, et un individualisme concret ou particulariste, qui
apparaît à partir des années 1960. Tandis que le premier est fondé sur la raison et la conscience
d’une commune humanité, le second repose sur la singularité de la personne (genre, religion, style
de vie, ethnie, langue, etc…).
Les sociétés démocratiques, confrontées à cette diversité culturelle croissante, s’efforcent de
consolider leur unité en accord avec leurs traditions politiques (intégration républicaine et laïcité)
tout en s’adaptant aux changements. Elles cherchent ainsi à solidifier, au-dessus des liens sociaux
particuliers, un lien à la nation et s’appliquent également à contenir les inégalités socioéconomiques
dont l’accroissement nuit aux valeurs communes, affecte l’individualisation (autonomie) et accentue
les différences culturelles.
L’individualisation et la diversité culturelle peuvent également se traduire par le repli communautaire
et une baisse de la sociabilité (Robert Putnam). Il semble cependant que cette hypothèse se vérifie
peu en France, où le lien social ne disparait pas mais se transforme. Pour Tocqueville, l’individualisme
amène les individus à se désintéresser de la vie publique, ce qui peut favoriser le despotisme.
C) Les instances d’intégration face à la montée de l’individualisme et aux mutations socioéconomiques
Dans la plupart des religions, il est interdit de se suicider, seul Dieu a le droit de décider. Le suicide
est fréquent en période de terrorisme, lorsque l’unité est fragilisée et lorsque les individus ne sont
plus soudé autour de valeurs communes. Dans ce contexte, l’intégration et la régulation jouent un
rôle important car ce n’est pas seulement un acte individuel mais socialement déterminé. Il existe 4
formes de suicide : lorsqu’on est faiblement intégré, l’individu se suicidera plus facilement : c’est le
suicide égoïste qui s’oppose au suicide altruiste qui intervient lors d’un excès d’intégration (cela est
fréquent dans les sectes et les kamikazes japonais). En revanche, lorsqu’il y a insuffisance de
régulation, l’individu peut être amené à se suicider car il éprouve le mal de l’infini: c’est le suicide
atomique (fréquent lors des crises financières ou sociale lorsque les normes et les valeurs ne sont pas
clairement définies. A l’inverse, on a le suicide fataliste lors d’un excès de régulation. Notons
également que le suicide chez les hommes est 4 fois supérieur à celui des femmes en raison de poids
de l’ascension sociale et du rôle qu’ils doivent tenir dans la société. Les femmes sont plus intégrées
dans la cellule familiale, donc acquiert une protection plus grande, ce qui l’empêche de se suicider.
Plusieurs études confirment cette analyse : d’après INSERM dans la revue française de sociologie « le
mal-être a t-il un genre ? », quelque soit la tranche d’âge, on se suicide moins lorsqu’on est marié,
inversement, les formes familiales anomiques augmentent le taux de suicide, de même avec l’âge.
En conclusion, moins l’intégration est grande, plus le suicide augmente. La famille par exemple, est
une instance d’intégration car elle transmet des normes et des valeurs (régulation), exerce un control
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2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
sociale sur l’individu (solidarité) et c’est un lieu de sociabilité où les liens sont forts. C’est pour cette
raison que l’état cherche à protéger cette institution car elle représente un pilier de la société et un
élément majeur qui permet la stabilité et la cohésion sociale. Ainsi, le couple reste une institution
importante bien que le nombre de mariage ait été divisé par 2 depuis 1946 et le nombre de divorce
multiplié par 1,5 d’après l’INSEE.
Au Maroc, 75% des habitants estiment qu’un enfant devrait accueillir chez soi un parent dépendant,
ce qui contraste avec les Européens qui comptabilisent 22%. Cela résulte de l’individualisme des
siècles de lumières et du recul de la religion en Europe marqué par une émancipation des règles du
nouveau testament. Néanmoins, le catholicisme continue d’organiser la société et permet selon des
études d’avoir un taux de réussite au bac plus élevé : Emmanuel Todd parle de « catholicisme
zombie »présente plus particulièrement en Europe de l’ouest et où les inégalités sont fortes et le
chômage élevé.
Les risques d’anomie dans les familles monoparentales et recomposées sont plus grandes car ils sont
moins impliqués dans les études des enfants et la transmission des normes et des valeurs est plus
difficile. En revanche, les enfants de famille en garde alternée réussissent mieux en raison d’un
revenu stable et d’une autonomie financière, ils coopèrent dans l’intérêt de l’enfant.
Des études soutenues par le philosophe Marcel Gauchet et le sociologue Robert Castel soutiennent
que les inconduites des jeunes sont les conséquences d’un excès d’individualisme menant à une
désaffiliation des individus les plus fragiles. Un spécialiste de l’immigration, Lagrange reproche cet
excès d’individualisme qui pour lui, ne prend pas en compte la dimension culturelle.
Il se peut qu’il y ait un dysfonctionnement par rapport à l’adaptation des sociétés d’origine dans des
pays d’accueil tel que les sociétés sahéliennes qui ont des modes d’organisation, des normes et des
valeurs qui peuvent diverger par rapport aux sociétés occidentales.
Aujourd'hui, les nouvelles normes et valeurs sont plus rationnelles et reposent plus sur le respect et
la tolérance. Les parents cherchent à donner à l’enfant de l’autonomie et un sens de responsabilité.
Par une éducation moins verticale et plus autoritaire, l’enseignement se fait plus par imprégnation
que par inculcation. C’est également un modèle démocratique qui domine avec un modèle statutaire
et des transformations au niveau des mentalités, ce qui diminue les inégalités. Les individus ont ainsi
plus de libertés et l’éducation s’adapte à aussi à cela. On remet ainsi en cause le modèle
communautaire où on devrait reproduire le schéma traditionnelle au profit de l’individu et de son
épanouissement. Ses mutations sont en phase avec l’individualisme car elles essaient de s’adapter
aux changements de la société.
L’école est aussi une instance d’intégration car elle transmet les valeurs républicaines et les normes
sociales concrètes comme les savoirs être et les savoirs faire. C’est également un élément de
sociabilité et l’occasion de rencontrer la mixité et d’être confronté à d’autres cultures. Elle est aussi
primordiale pour l’insertion professionnelle. L’élitisme républicain permet de faire émerger les élites
dans les écoles sur le principe de méritocratie, c’est un héritage de l’école au moment de sa création.
Cependant, cette formation sélective est réservée à une minorité socialement valorisée entraînant
40% d’échec scolaire en France. Si l’école apporte en effet de nombreux avantages, elle peut
cependant accentuer la ségrégation et favoriser les stratégies familiales de mise en concurrence des
établissements (les parents de milieux favorisés cherchent à éviter les établissements très peu
performants et adoptent alors des stratégies d’évitement (carte scolaire). Cette ségrégation accentue
les inégalités socio-économiques.
Enfin, le travail est une dernière instance d’intégration car c’est un lieu de sociabilité (formelle et
informelle) propice à l’augmentation des liens sociaux. Il permet d’obtenir un statut social et procure
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2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
une reconnaissance et une identité, un sentiment d’utilité, ce qui favorise l’intégration. Il fournit
également du revenu qui permet un accès au logement et à la consommation. Pour Castel,
l’intégration à la vie sociale repose sur l’emploi (intégration par le travail) et les relations sociaux
(social-familiale). Il explique que le processus d’exclusion mène à une rupture des liens sociaux et de
l’intégration au travail. Ce processus comprend 3 étapes : la zone d’intégration (emploi stable et
bonne zone rationnelle), la zone de vulnérabilité (perte d’emploi causé par le divorce ou les disputes)
et la zone de rupture (absence de participation à l’activité productive et isolement social) amenant à
la désaffiliation. La montée du chômage de masse et les emplois atypiques fragilisent les liens sociaux
car les fréquentations avec l’entourage se sont de moins en moins et les formes de solidarité
disparaissent également : on est dans une forme pathologique de la division du travail.
Le sociologue Paugam met en avant le concept de disqualification sociale qui est un processus de
stigmatisation d’un individu qui conduit à la rupture et à l’affaiblissement des liens sociaux. Cela met
en évidence une société de déviance où un chômeur qui commettait un délit sera étiqueté comme
tel par les autres individus. Cette forme de dévalorisation sera à l’origine de son exclusion et donc de
sa disqualification car elle renvoie une image négative de l’individu. Celui ci va s’approprier cette
image et se conformer à l’image qu’on lui renvoie.
Synthèse :
Le primat de l’individu s’accompagne également d’une fragilisation des individus. L’affaiblissement
des normes sociales peut se traduire par l’anomie, dont le suicide, étudié par Durkheim, peut être un
exemple. Il distingue quatre formes de suicide, liés à la capacité d'intégration et de régulation de la
société.
Instance fondamentale de la socialisation primaire, la famille met à la disposition de ses membres
une série de ressources – affectives et morales, sociales et relationnelles, matérielles et monétaires –
et concourt à l’intégration sociale des individus. Ainsi, la fonction de solidarité qu’elle remplit
contribue au lien social. Avec la montée de l’individualisme, l’autonomie de chacun des membres
s’est étendue et la famille est devenue le lieu de la recherche du bonheur privé. Ces transformations
expliquent, en partie, les évolutions de la fécondité, de la nuptialité et de la divortialité. Malgré cette
désinstitutionalisation, la famille conserve une place essentielle dans la sociabilité des individus. Par
ailleurs, l’entraide familiale recouvre des dimensions variées et donne lieu à des flux de services, des
flux de biens et des flux financiers relativement importants, inégaux d’un milieu social à l’autre. Par
conséquent, lorsque la solidarité familiale croît afin de pallier les insuffisances de la solidarité
publique par exemple, elle tend à accentuer les inégalités économiques et sociales.
L’école contribue à la cohésion sociale de plusieurs manières. Elle transmet d’abord des normes et
des valeurs qui servent de base à la culture commune. Elle diffuse ensuite des savoirs et des
qualifications qui permettent aux individus de trouver une place dans la division du travail. Enfin, elle
participe également à leur autonomie en augmentant leur compréhension du monde.
Cependant, les inégalités scolaires reflètent très largement les inégalités sociales, économiques et
culturelles au point de mettre en question le principe méritocratique et sa légitimité. Par ailleurs, la
prééminence du rôle de l’école et du diplôme en matière d’insertion professionnelle – plutôt
renforcée que desserrée par les problèmes de l’emploi et la dévaluation des titres scolaires –,
confère aux verdicts scolaires un poids considérable sur la destinée sociale des individus. La
mobilisation des familles et leurs stratégies éducatives s’accentuent et contribuent ainsi à creuser les
inégalités scolaires. Enfin, face à des publics scolaires plus hétérogènes à la fois sur le plan social et
culturel, l’école éprouve davantage de difficultés à transmettre une culture commune. Dans ce
contexte, l’échec scolaire est perçu comme un stigmate et vécu comme une forme de mépris.
L’institution scolaire est alors le théâtre de diverses manifestations anomiques : violences,
absentéisme, décrochage scolaire et déscolarisation.
Dans les sociétés à solidarité organique, le travail est une instance clé d’intégration : il contribue à la
construction de l’identité sociale au sein de laquelle l’identité professionnelle forme une composante
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Thème 2 Sociologie : intégration, conflit, changement social
2.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
importante. Les relations de travail remplissent une fonction de socialisation secondaire et
influencent la sociabilité des individus. Par ailleurs, les relations professionnelles donnent accès à
diverses formes de participation sociale (syndicats, associations professionnelles).
Par l’intermédiaire de son travail, l’individu fait la preuve de ses compétences techniques,
relationnelles etc., et en retire une certaine estime de soi. Le travail fait donc logiquement l’objet
d’un investissement affectif important.
Le travail assure un revenu d’activité qui conditionne l’accès à la société de consommation. L’activité
professionnelle facilite alors le développement de liens marchands et de liens électifs souvent
associés aux loisirs. Il donne accès à des droits sociaux qui concourent à la protection des individus
face aux différents risques de la vie sociale. En attribuant un statut social aux individus, le travail
concourt à leur reconnaissance sociale, à leur dignité et à leur autonomie. En somme, conformément
aux analyses de Durkheim, il rend compatibles le processus d’individualisation et la cohésion sociale.
Cependant, les mutations de l’emploi (chômage, instabilité et précarité) et de l’organisation du
travail (flexibilité, mobilité, intensification du travail et individualisation de la gestion des ressources
humaines) affectent cette fonction d’intégration du travail. Ainsi, l’expérience du chômage risque de
dégénérer en un processus cumulatif de rupture des différents types de liens sociaux. Castel décrit
ainsi les mécanismes qui amoindrissent l’intégration par le travail et appauvrissent les liens sociaux et
familiaux. L’exclusion est analysée comme un processus de basculement progressif dans une zone de
vulnérabilité sociale, puis de désaffiliation. Paugam insiste sur les interactions entre l’individu et la
société qui, par sa réaction (l’étiquetage) amène l’individu à intérioriser l’image de soi dévalorisée
qu’elle lui renvoie et à s’enfermer dans une « carrière » d’assisté (disqualification). Enfin, le
renforcement des contraintes professionnelles, dans un environnement économique plus risqué,
place les travailleurs dans des situations de stress qui génèrent des problèmes de santé et un malêtre aux conséquences plus ou moins graves.
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