Dimanche paroissial n° 17 – 26 avril 2009 – Courrier des lecteurs
LE PAPE INFAILLIBLE ? Pas toujours
Dans notre courrier, nous avons reçu notamment une lettre nous demandant d’avoir “l’immense bonté
de faire savoir qu’il existe encore des catholiques qui reconnaissent l’infaillibilité du Saint Père”. Une
petite mise au point semble nécessaire. Cette lettre redisait son attachement au pape: “Conscient de notre
devoir affectif de l’entourer de notre prière quotidienne – et non de nos critiques – nous sommes heureux
d’avoir pour berger un pape si lucide, si intelligent, si soucieux de la santé morale, physique et
intellectuelle du troupeau dont il a la lourde charge.” On ne peut qu’être d’accord.
Mais, et qu’on comprenne bien que ceci est dit avec humour, le pape est en général faillible. C’est à tel
point que l’on a fait un dogme pour dire quand il ne l’était pas et que depuis 1870, date de ce Concile
Vatican I, où cette définition fut proclamée, il n’a parlé qu’une fois de manière infaillible, en 1950. La
participation à l’infaillibilité du Christ est conférée à l’Église (cf. Catéchisme 889). Elle intervient à trois
niveaux, explique le concile Vatican II (LG 12 et 25). Au niveau de l’ensemble du peuple chrétien (quand
il apporte un consentement universel à des vérités concernant la foi – ainsi la résurrection du Christ – et la
morale). C’est le “sens catholique”. À celui de l’ensemble de l’épiscopat, en union avec le successeur de
Pierre, surtout dans un Concile œcuménique. À celui du pape. A propos de ce dernier, citons le
catéchisme de l’Église catholique, citant lui-même Vatican I et II: “De cette infaillibilité, le Pontife
romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de sa charge, quand en tant que pasteur et
docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi, il proclame, par un acte
définitif, un point de doctrine touchant la foi et les mœurs” (891).
Ce n’est que très occasionnel
Lorsque le pape se prononce de manière infaillible, on dit qu’il le fait ex cathedra, c’est-à-dire depuis son
siège ou depuis la chaire de Pierre (et non pas depuis un avion), c’est-à-dire en vertu de la mission
d’enseignement qui lui a été impartie par le Christ (Matthieu 16, 18-19; Jean 21, 17-19).
Ce n’est que très occasionnel. En 1854, il y a eu la proclamation du dogme de l’Immaculée conception
(à ne pas confondre avec la conception virginale de Jésus); en 1870, la proclamation du dogme de
l’infaillibilité pontificale durant le Concile Vatican I, sous le même pontificat, et en 1950, le dogme de
l’Assomption de la Vierge Marie, par Pie XII.
▪ Être catholique ne signifie donc pas admettre que le pape, dans toutes ses interventions, a toujours
raison. Toutefois, comme le dit très bien cette lettre, il faut entourer notre pasteur suprême de notre
affection, de nos prières, et non de nos critiques systématiques. Il en va d’ailleurs de même dans toute
conversation et tout dialogue. Un a priori positif permet de mieux comprendre ce que l’autre veut dire.
Saint Ignace de Loyola, un maître en matière de dialogue spirituel, écrivait au début de ses Exercices : “Il
faut présupposer que tout bon chrétien doit être plus enclin à sauver la proposition du prochain qu’à la
condamner.”
C’est sans doute ce qui manque dans nos débats passionnés et médiatisés à outrance d’aujourd’hui. On ne
cherche pas le dialogue, mais le scoop. Comme le dit un prestigieux journaliste américain, John Allen, on
tire d’abord, puis on rectifie. Si l’on procédait toujours ainsi en couple, gageons qu’il y aurait davantage
de divorces encore.
Un a priori positif
La liste pourrait, en effet, être longue des erreurs des papes, comme des nôtres. Forcément, nous parlons
toujours en fonction d’une époque, toujours plus limitée qu’elle ne le croit. Que dira-t-on dans cinquante
ans de nos vérités d’aujourd’hui? L’Église et ses pasteurs cheminent avec l’humanité – au souffle de
l’Esprit selon notre foi – vers la vérité tout entière. Jésus, en effet, la veille de sa mort disait à ses apôtres:
“L’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière” (Jean 16, 13). Si Dieu est assez patient pour épouser
le rythme de notre histoire, au point de se faire homme parmi les hommes dans une culture et une
situation donnée, a fortiori pouvons-nous être patients vis-à-vis de nos pasteurs, nous qui sommes témoins
de nos propres erreurs chaque jour. par le Père Charles Delhez 20, place de Vannes - 7000 Mons