Les enjeux du jeu
Symptomatique. En finale de la compétition cannoise se sont affrontés deux films...
aux signatures étrangement similaires
"Play" et "Play More". La première constitue le nouvel impératif planétaire lancé par
Nike.
La prime à l'humour, à la poésie, à la provocation est plus que significative dans le
contexte actuel
De l'autre, on sent que les marques ont abandonné l'arrogance massive de la
conviction et de la séduction pour miser sur la proximité - voire l'intimité - et la
complicité. Pour ce faire, le rire s'impose comme un levier incontournable
Certes, mais au-delà du comique formel, le festival s'est présenté cette année sous
le signe plus global du divertissement. Un registre dans lequel le jeu tient une place
maîtresse. Et deux grandes marques mondiales d'intimer l'ordre de jouer.
La première s'était pourtant illustrée en faisant l'apologie de l'effort et de
l'accomplissement individuel avec le célèbre "Just Do It". Sur l'étendard
métaphorique du sport, donc, le ludique remplace la sueur et le collectif prime sur
l'ego. En outre, la certitude du "Just Do It", fait place à une série de jeux hasardeux
et sans issues véritables : jouer à chat avec des inconnus ou de jouer
Or, si l'humour engendre de la complicité, le jeu, aussi, redonne une fonction à autrui
en échappant à tout rapport de force prédéterminé.
Reste que le jeu, paroxysme du divertissement, n'apparaît sans doute pas par
hasard à l'heure où les grandes marques américaines et l'industrie de
"l'entertainment" nouent de multiples alliances. Et ce, afin que le discours commercial
se fonde au coeur même des contenus audiovisuels, cinématographiques et
musicaux.
En s'appropriant l'idée du jeu, les marques cherchent à incarner l'idée même du
divertissement. Or le divertissement est devenu un bien de consommation au niveau
duquel la pub cherche à se hisser. Les grands annonceurs amènent le public à
consommer leur pub au même titre que leurs produits.
Etre fidèle à Nike, aujourd'hui, c'est aimer la pub Nike, les stars et les émissions
qu'elle sponsorise de la même manière qu'on achète des baskets ou qu'on porte son
logo", ajoute Nicolas Bordas.
Ainsi, la notion de divertissement, pour la publicité, relève-t-elle d'enjeux stratégiques
et commerciaux de taille dans le contexte actuel.
Ces films sont d'une rare intensité. On assiste à une sorte de retournement : le jeu apparaît
comme quelque chose d'essentiel et non pas d'anecdotique, comme un élément profondément
structurant lorsqu'il ne reste rien ou qu'on ne peut plus croire en rien.