INTRODUCTION
Dans de nombreuses cultures, la puberté se vit à travers la pratique de rites d’initiation
qui soulignent, non seulement, l’importance des changements physiques vécus par le jeune
adolescent, mais qui permettent également la transition de l’individu vers un statut de membre
à part entière de la communauté. Certaines pratiquent demeurent très répandues, même si elles
comportent habituellement quelques variations d’une culture à l’autre.
Par exemple, chez les Apaches du Sud-Ouest américain, la puberté de la jeune fille est
célébrée par une série de chants entonnés, pendant quatre jours et quatre nuits, afin d’invoquer
l’esprit de la déesse du monde censé pénétrer la jeune fille et la préparer à son futur rôle de
mère. Alors que les hommes de la tribu forment un cercle autour d’elle et qu’ils continuent de
chanter, la jeune fille doit s’agenouiller face au soleil pour ensuite danser plusieurs heures
durant.
Des rites de passage de cet ordre sont fréquents dans les sociétés traditionnelles. La
maturation sexuelle est souvent accueillie par des rituels religieux ou magiques, l’isolement
ou la séparation de la famille, des épreuves physiques ou des mutilations telles que la
circoncision du garçon, la clitoridectomie de la fille, les tatouages, le perçage des oreilles ou
le limage des dents.
Dans les sociétés plus industrielles, les rites de passage, servant à démarquer la
frontière entre l’enfance et l’adolescence, sont inexistants. Malgré ce silence accueillant les
premières manifestations de la puberté, l’enfant issu de ces sociétés n’est pas exempt de
l’obligation de traverser cette période de transition, que nous appelons l’adolescence, s’il veut
espérer atteindre le statut d’adulte à part entière au sein de sa culture.
Ce nouveau rôle social ne peut se définir qu’à travers une série de changements autant
physiques, sociaux, cognitifs que moraux se manifestant progressivement chez l’individu. Il
est demandé, notamment, à l’adolescent, caractérisé par une attention fortement orientée sur
soi, de tendre de plus en plus vers une contribution sociale, étant attendu de l’adulte une
certaine productivité, une capacité de retarder sa gratification personnelle et un dévouement
afin de pourvoir aux besoins des autres.
C’est cette nouvelle nécessité adolescente de décentration vers des préoccupations plus
sociales qui fait l’objet du présent travail. Il nous vaudra d’abord spécifier, afin de mieux
saisir les implications des différentes notions abordées, la théorie du développement
intellectuel de Piaget ainsi que celle du développement moral selon Kohlberg.
Par la suite, il nous sera possible de constater que, malgré l’évolution des capacités
morales et cognitives durant cette période, la pensée des adolescents demeure égocentrique et
qu’elle implique une série de caractéristiques et de comportements spécifiquement associés à
cette tendance et ciblés par le psychologue David Elkind.
Enfin, nous présenterons, faisant office de conclusion, différentes propositions et
situations qui facilitent ou permettent la résolution de l’égocentrisme adolescent. En effet, la
vie adulte, bien que manifestant encore les vestiges des différentes tendances égocentriques,
transcende plus facilement une centration exclusive sur soi pour s’orienter vers une
perspective sociale plus diffuse.