INTRODUCTION Dans de nombreuses cultures, la puberté se vit à travers la pratique de rites d’initiation qui soulignent, non seulement, l’importance des changements physiques vécus par le jeune adolescent, mais qui permettent également la transition de l’individu vers un statut de membre à part entière de la communauté. Certaines pratiquent demeurent très répandues, même si elles comportent habituellement quelques variations d’une culture à l’autre. Par exemple, chez les Apaches du Sud-Ouest américain, la puberté de la jeune fille est célébrée par une série de chants entonnés, pendant quatre jours et quatre nuits, afin d’invoquer l’esprit de la déesse du monde censé pénétrer la jeune fille et la préparer à son futur rôle de mère. Alors que les hommes de la tribu forment un cercle autour d’elle et qu’ils continuent de chanter, la jeune fille doit s’agenouiller face au soleil pour ensuite danser plusieurs heures durant. Des rites de passage de cet ordre sont fréquents dans les sociétés traditionnelles. La maturation sexuelle est souvent accueillie par des rituels religieux ou magiques, l’isolement ou la séparation de la famille, des épreuves physiques ou des mutilations telles que la circoncision du garçon, la clitoridectomie de la fille, les tatouages, le perçage des oreilles ou le limage des dents. Dans les sociétés plus industrielles, les rites de passage, servant à démarquer la frontière entre l’enfance et l’adolescence, sont inexistants. Malgré ce silence accueillant les premières manifestations de la puberté, l’enfant issu de ces sociétés n’est pas exempt de l’obligation de traverser cette période de transition, que nous appelons l’adolescence, s’il veut espérer atteindre le statut d’adulte à part entière au sein de sa culture. Ce nouveau rôle social ne peut se définir qu’à travers une série de changements autant physiques, sociaux, cognitifs que moraux se manifestant progressivement chez l’individu. Il est demandé, notamment, à l’adolescent, caractérisé par une attention fortement orientée sur soi, de tendre de plus en plus vers une contribution sociale, étant attendu de l’adulte une certaine productivité, une capacité de retarder sa gratification personnelle et un dévouement afin de pourvoir aux besoins des autres. C’est cette nouvelle nécessité adolescente de décentration vers des préoccupations plus sociales qui fait l’objet du présent travail. Il nous vaudra d’abord spécifier, afin de mieux saisir les implications des différentes notions abordées, la théorie du développement intellectuel de Piaget ainsi que celle du développement moral selon Kohlberg. Par la suite, il nous sera possible de constater que, malgré l’évolution des capacités morales et cognitives durant cette période, la pensée des adolescents demeure égocentrique et qu’elle implique une série de caractéristiques et de comportements spécifiquement associés à cette tendance et ciblés par le psychologue David Elkind. Enfin, nous présenterons, faisant office de conclusion, différentes propositions et situations qui facilitent ou permettent la résolution de l’égocentrisme adolescent. En effet, la vie adulte, bien que manifestant encore les vestiges des différentes tendances égocentriques, transcende plus facilement une centration exclusive sur soi pour s’orienter vers une perspective sociale plus diffuse. LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF À L’ADOLESCENCE Le stade des opérations formelles : Selon la théorie de Piaget, quatrième et dernier stade du développement cognitif atteint entre 11 et 15 ans. À ce stade, l’individu peut réfléchir à un problème abstrait, élaborer des hypothèses et réfléchir à des propositions qui contredisent les faits. Il n’est plus besoin de mentionner que l’adolescence est une période de grands bouleversements sur le plan intellectuel. C’est encore, à ce jour, la théorie de Piaget qui explique le mieux les changements qui se produisent durant cette période en ce qui concerne l’évolution du développement cognitif chez le jeune adolescent. Selon lui, l’adolescence est marquée par l’avènement de la pensée formelle qui vient remplacée le stade des opérations concrètes de la période précédente. Les différences cognitives entre l’enfance et l’adolescence, bien que marquées par des changements quantitatifs, le sont principalement par des changements d’ordre plus qualitatifs. Quantitativement, la vision du monde de l’adolescent devient plus vaste à mesure qu’il acquiert des compétences dues, notamment, à sa formation scolaire et qu’il agrandit son réseau social désormais sortit du cadre de l’entourage immédiat. Qualitativement, la pensée formelle donne accès à une façon nouvelle de traiter l’information et d’agir sur elle alors que l’adolescent peut désormais appliquer ses habiletés cognitives tout aussi bien aux expériences réelles et concrètes qu’aux situations imaginaires, aborder l’abstrait comme le concret, utiliser le raisonnement hypothético-déductif et les propositions, hiérarchiser son propre système de valeurs, penser au futur, prendre en compte une infinie de possibilités et, finalement, se livrer à l’introspection. De ce fait, selon Piaget, si la pensée formelle surpasse la pensée opératoire concrète, c’est qu’elle permet maintenant à l’adolescent de réfléchir non seulement sur des propositions issues de situations tangibles, mais également en l’absence même d’une mise en scène concrète pourtant essentielle à la période précédente. C’est ainsi, vers l’âge de 15 ans, qu’il est possible à l’adolescent de fonctionner au plan théorique plutôt que de se limiter aux faits observables et à la réalité immédiate. Les opérations formelles n’étant plus limitées au monde tangible, l’adolescent devient plus à même de réaliser que le réel n’est qu’une manifestation du possible. En étant ainsi cognitivement plus outillé, l’adolescent fait preuve d’une plus grande capacité de s’interroger sur une foule de questions personnelles, politiques et philosophiques qui s’avèrent utiles dans l’élaboration d’une conception individuelle d’un idéal. Le jeune est également plus à même de discuter et de défendre ses idées face aux opinions exprimées par les parents et les amis. Aussi, il devient capable d’envisager plusieurs explications possibles à une mise en scène étant donné la nouvelle souplesse et complexité de son raisonnement. Au cours de l’adolescence, le pragmatisme de l’enfance fait de plus en plus place à un scepticisme et à un idéalisme chevronné. Pour Piaget, le stade opératoire formel représente le niveau de fonctionnement cognitif supérieur. Il ne faudrait toutefois pas penser que l’acquisition de ce nouveau stade amène nécessairement l’adolescent à une compréhension du monde pleinement mature. Il s’agit ici plutôt de prétendre qu’il possède désormais les compétences cognitives qui pourront subséquemment lui permettre une meilleure compréhension du monde, celle-ci s’élaborant et se raffinant au gré du temps. Le test du pendule Le problème du pendule est un exemple type permettant de suivre le passage du stade opératoire concret au stade de la pensée formelle. Il consiste à présenter au sujet un pendule, formé d’un poids suspendu à une ficelle. Le poids de l’objet, la hauteur de départ du pendule, la poussée de départ et la longueur de la ficelle sont autant de facteurs que le sujet peut faire varier sur le pendule. Ce dernier doit déterminer lequel ou lesquels de ces différents facteurs sont responsables de la vitesse d’oscillation du pendule. Un enfant qui en est encore au stade préopératoire ne sera pas à même de résoudre le problème tel qu’il est formulé. Il n’est pas encore capable de concevoir un plan précis de résolution face à une problématique abstraite. Ainsi, il va tenter de parvenir à une solution au hasard, en faisant varier les facteurs sans aucune logique combinatoire. Il sera particulièrement porté à penser que c’est la poussée de départ qui donne sa vitesse au mouvement du pendule sans jamais s’appuyer sur une évidence concrète issue de l’observation et de l’expérimentation. Dans le meilleur des cas, les déductions d’un enfant qui a atteint le niveau des opérations concrètes ne peuvent être qu’en partie exactes. L’enfant, bien qu’adoptant une approche systémique et analytique, ne planifie aucune organisation d’ensemble et n’est pas en mesure d’extrapoler à partir des résultats directement observables . Il ne pourra donc pas tirer une conclusion sur l’effet spécifique de chacun des facteurs. En effet, il sera porter à croire que la longueur de la corde et le poids de l’objet sont responsables de la vitesse du balancier sans toutefois tenter de les analyser séparément afin de voir si une des deux variables est seule responsable ou si les deux se combinent pour donner le phénomène observé. Ce n’est qu’à l’adolescence que le problème peut être résolu d’une manière systématique. Le sujet de cet âge peut enfin concevoir que la vitesse du pendule peut être influencée par un facteur unique ou par une combinaison de plusieurs de ces variables. Il en viendra donc à s’appliquer sur une expérience lui permettant de tester toutes les hypothèses possibles qu’elles soient combinatoires ou non. Il va donc pouvoir trouver que seul la longueur de la corde à une incidence sur la vitesse du pendule. Cette façon de solutionner le problème, en évitant les étapes intermédiaires, démontre une capacité nouvelle de maîtrise du raisonnement hypothético-déductif. Ces nouvelles capacités pourront être utilisées non seulement dans le cadre de problématiques complexes, mais aussi dans l’élaboration de solutions se rapportant à des situations plus banales de la vie. Il faut toutefois mentionner que la pensée formelle n’est pas une réalisation universelle étant donné que près de la moitié des adultes américains ne semblent jamais atteindre ce stade de développement cognitif. En ce qui concerne plus particulièrement le test du pendule, le groupe des 10 à 15 ans l’ont réussi dans une proportion de 45 % comparativement à une proportion de 65 % de réussite pour les 21 à 30 ans et 57 % pour le groupe des 45 à 50 ans. Ces résultats semblent donc laisser entendre que la pensée abstraite, bien qu’en possibilité d’acquisition, n’est pas nécessairement maîtrisée ou même utilisée par les adolescents ou les adultes, du moins en ce qui concerne le test du pendule. Il semble également que certains individus n’atteignent le stade des opérations formelles que dans certains domaines de compétence seulement. Plusieurs phénomènes peuvent expliquer ce faible pourcentage de maîtrise de la pensée formelle. Tout d’abord, il est possible que les directives émises lors du test du pendule soient trop confuses ou trop compliquées, étant donc plus ou moins bien comprises par le sujet. En expliquant davantage les implications du problème, le taux de réussite pourrait éventuellement s’avérer plus élevé. Ensuite, il est possible que la compétence et l’expérience du sujet aient une incidence sur les résultats obtenus. En effet, il semble que les sujets de l’étude ont recours à la pensée formelle uniquement dans le cadre de réalisation de tâches familières. De ce fait, 90 % des sujets semblent en mesure d’utiliser la pensée formelle lors de la présentation d’une problématique impliquant des contenus familiers, contrairement à un taux de réussite de 50 % lorsque les composantes de la mise en situation sont de nature abstraites. Enfin, comme la majorité de nos tâches quotidiennes ne requièrent pas le support de la pensée formelle alors que la pensée concrète est très souvent mise à contribution, les facultés cognitives du sujet deviennent plus attachées à un certain mode de raisonnement automatique axé sur les opérations concrètes. Il devient ainsi évident que les sujets présentant un style de vie exigeant l’utilisation constate d’une logique plus formelle ont davantage de possibilités de maîtrise de cette dernière. C’est également ce constat qui explique, du fait même, la tendance observée par certains chercheurs voulant que les jeunes et les adultes des pays industrialisés performent davantage dans les tests exigeant un mode de résolution formel en comparaison aux jeunes et aux adultes des pays non industrialisés. Critique de la théorie de Piaget En plus de ne pas se présenter dans une perspective d’universalité impartiale, la théorie de Piaget a été grandement critiquée, notamment par Carol Gilligan, en ce qu’elle demeure trop attachée à mesurer une cognition plus axée sur les mathématiques et les sciences alors qu’elle occulte, par le fait même, tout ce qui relève du domaine des sciences humaines. La pensée formelle, telle que mesurer par Piaget, relève d’une vision étroite qui minimise plusieurs aspects de l’intelligence tels que la résolution de problème et la sagesse nécessaire à un individu pour composer avec les exigences de la vie réelle. De plus, les études interculturelles semblent mettre de plus en plus en évidence la nécessité de faire des recherches plus complètes et plus objectives sur la pensée formelle qui semble, de plus en plus, être possible d’accès même dans les cultures qui ne reposent pas nécessairement sur un mode de pensée scientifique. Il devient, de ce fait, essentiel de redéfinir et de dénombrer à nouveau les composantes de la théorie de Piaget afin de déterminer dans quelle mesure la classe sociale, la culture, le genre, le quotient intellectuel, l’éducation et la formation ont une incidence sur le développement de la pensée formelle. LE DÉVELOPPEMENT MORALE DE L’ADOLESCENT Bien entendu, il n’est pas possible pour un individu de s’élaborer un code moral personnel avant même que sa pensée ne soit apte à concevoir ce qu’est un idéal. Selon Piaget, ce n’est qu’au stade des opérations formelles, quatrième et dernier stade du développement cognitif, qu’un individu acquiert la capacité de réfléchir à des principes universels de liberté et de justice tout en saisissant leur valeur intrinsèque. Inspiré par les travaux de Piaget, Lawrence Kohlberg a élaboré une théorie axée sur le raisonnement moral et a émis l’hypothèse que les enfants traversent différents stades de moralité en contingence plus ou moins étroite avec le développement de leurs capacités cognitives. Kohlberg n’affirme pas que des capacités intellectuelles élevées sont garantes d’une moralité subséquente, mais que leur présence s’avère essentielle en tant que potentiel de base du développement moral. L’auteur a élaboré sa théorie à partir d’entrevues qui, réalisées avec des garçons de 10 à 16 ans, présentent dix dilemmes moraux dont les lois et les règles sociales entrent en conflit avec les besoins et le bien-être individuel. Ce n’est toutefois pas la réponse donnée par les garçons en elle-même qui déterminait leur niveau de moralité, mais plutôt le raisonnement qui sous-tendait leur conclusion. Le dilemme de Heinz Le dilemme de Heinz est le problème moral le plus connu élaboré par Kohlberg. Il est présenté aux sujets de l’étude comme suit : En Europe, une femme risque de mourir d’un cancer malin et il n’existe qu’un médicament pour la sauver. Le pharmacien, qui a découvert le remède, le vend dix fois plus cher que le prix de fabrication, ce qui revient à 2000$. Heinz, le mari de la malade, a essayé de réunir la somme, sans succès. Il va voir le pharmacien qui refuse de lui vendre moins cher le médicament ou de lui faire un crédit. Heinz, désespéré, entre par effraction dans la pharmacie et dérobe le précieux médicament. Le problème ainsi présenté, une série de questions sont ensuite posées au sujet pour entrevoir le niveau de raisonnement moral qu’il utilise pour justifier ou dénoncer le geste : Heinz aurait-il dû voler le médicament ? S’il n’aimait pas sa femme ou s’il aurait s’agit d’une étrangère, aurait-il dû le faire quand même ? Etc. Les niveaux de jugement moral Sur la base des réponses obtenues face aux différents dilemmes proposés, Kohlberg a pu identifier trois niveaux distincts de jugement moral, eux-mêmes subdivisés en deux stades, qui progressent de manière hiérarchique et universelle. Au stade préconventionnel, le jugement du sujet est davantage externe et axé sur les sources d’autorité présentes dans l’environnement immédiat. Les enfants de 4 à 10 ans ainsi que les délinquants seraient davantage situés à ce niveau et, par le fait même, assujettis à la récompense et à la punition. Il s’agirait, en fait, pour eux de calquer des comportements dans le but d’éviter les conséquences ou, à l’inverse, dans l’optique de recevoir des bénéfices personnels. Face au problème de Heinz, l’enfant préconventionnel peut ainsi dire qu’il ne faut pas voler le médicament pour ne pas se faire prendre de peur d’aller en prison. Au début de l’adolescence apparaît un deuxième niveau de moralité qui est celui de prédilection en ce qui concerne les sujets adultes ou adolescents : la morale conventionnelle. L’individu est dorénavant à même de transcender les conséquences extérieures de son comportement pour prendre en considération les normes et les règles édictées par ses différents groupes de référence et d’appartenance. Le sujet se conforme donc aux conventions sociales puisqu’il veut plaire aux autres et obéir aux lois. Le préadolescent du niveau conventionnel peut ainsi affirmer, face au dilemme de Heinz, qu’il est illégal de voler et, que de ce fait, c’est mal de le faire. Toutefois, les nouvelles capacités d’abstraction émergentes à l’adolescente et issues de la pensée formelle rendent possibles le développement d’un niveau encore plus nuancé de jugement moral, c’est-à-dire le niveau postconventionnel. En reconnaissant l’insuffisance morale du deuxième stade et le relativisme des normes morales, les adolescents ou les adultes entrevoient maintenant les conflits existant entre les règles sociales et les droits individuels. Il ne s’agit plus ici de simplement se conformer aux pressions de la société, mais de formuler sa propre évaluation personnelle et d’agir de manière plus autonome. L’adolescent ou l’adulte en vient ainsi à analyser et à remettre en question les règles provenant de l’extérieur en fonction du relativisme des situations. Ainsi, face au problème de Heinz, l’adolescent ou l’adulte postconventionnel peut possiblement argumenter que même s’il est illégal de voler, il peut être moralement acceptable de le faire lorsqu’il s’agit de sauver une vie. Le sujet en vient donc à croire qu’il existe une loi plus universelle qui transcende les règles sociales. Il faut mentionner ici qu’il n’y a pas toujours un lien étroit entre un comportement adopté et le raisonnement moral, tel que formulé par l’individu, étant donné les différents facteurs situationnels qui peuvent venir influencer l’action à poser. Toutefois, selon Kohlberg, plus un adolescent ou un adulte atteint un niveau élevé de développement moral, plus il sera enclin à se conformer dans ses actions à son propre niveau de raisonnement. Pour illustrer ce fait avec plus d’ampleur, Kohlberg a même fait état d’un sixième stade, sous division du niveau postconventionnel, axé sur une orientation vers le principe éthique universel. Ce stade, contrairement aux précédents, implique que le sujet assume entièrement dans les actes son raisonnement moral sous-jacent. De ce fait, il s’agit d’un stade plus particulièrement réservé aux personnalités telles que Gandhi ou mère Teresa. Critique de la théorie de Kohlberg La théorie de Kohlberg, tout comme celle de Piaget, n’est pas sans susciter plusieurs critiques à propos des différents principes mis de l’avant par l’auteur. Kohlberg affirmait, en effet, qu’il est possible d’appliquer universellement sa conception des trois niveaux de développement moral sans distinction de race, de culture ou de sexe. Pourtant, la psychologue Carol Gilligan a fait remarqué qu’il existe deux orientations morales distinctes : la justice et la bienveillance. Selon elle, les garçons tendent davantage vers la justice alors que les filles se préoccupent davantage des aspects sociaux et interpersonnels pour élaborer un jugement moral à partir d’une mise en situation. Comme l’échantillonnage de Kohlberg est basé sur l’étude de garçons uniquement, le niveau le plus élevé de développement moral est défini en fonction de critères masculins, soit la justice et la primauté des règles. Du point de vue de Gilligan, l’utilisation du système d’évaluation tel que définit par Kohlberg risque, à tort, de catégoriser les filles comme étant moins développées que les garçons du point de vue moral. D’autres chercheurs ont également mentionné qu’il n’y a pas une uniformité totale entre les critères moraux de Kohlberg, particulièrement attachés aux valeurs de l’Amérique du Nord, et l’éthique priorisée par les autres pays et les autres cultures du monde. En se basant sur les différentes remarques soulevées, il devient important de se demander si Kohlberg n’a pas négligé certains aspects du développement moral pour s’en tenir aux questions portant davantage sur des valeurs d’équité et de justice, ce qui remettrait en question l’universalité de la théorie du développement moral. ÉCOCENTRISME ADOLESCENT: Tendance des adolescents à croire que les autres s’intéressent autant qu’eux à leurs comportements, à leur apparence et à leurs idées. Du nourrisson, exclusivement égocentrique et tourné vers son besoin de se rassasier, l’individu s’est progressivement transformé en un adolescent qui possède de nouvelles possibilités de raisonnement cognitif et moral, mais dont la pensée n’en demeure pas moins encore immature et teintée d’un certain égocentrisme. Il faut bien comprendre que chaque passage à un stade supérieur de développement cognitif s’accompagne d’une forme particulière d’égocentrisme. En effet, en égard aux nouvelles capacités intellectuelles acquises, l’individu n’est plus aussi à même de faire la distinction entre ses propres pensées ou actions et celles des autres. Ainsi, le nourrisson au stade sensori-moteur éprouve d’abord des difficultés à distinguer ses actions des objets et des personnes qu’il veut attirer. Il en vient donc à croire que l’existence même de ces objets et de ces personnes est conditionnelle aux actions qu’il pose, qu’ils n’ont aucune essence en soi en dehors de la réalisation de ses propres envies et besoins. Il faudra attendre la construction du concept de permanence de l’objet, qui est propre au stade suivant, pour que se réalise la résolution de ce type d’égocentrisme. L’enfant au stade préopératoire, quant à lui, est incapable de distinguer son point de vue de celui des autres. Il n’est ainsi pas à même de faire preuve d’altruisme et de se mettre dans la peau d’autrui ni même d’ailleurs de résoudre une problématique en se plaçant dans la perspective d’un autre. La transformation de la pensée préopératoire vers la pensée opératoire atteste de la continuité du processus de décentration. L’enfant du stade préopératoire se libère graduellement, à travers sa transition vers le stade opératoire concret, de cette perspective égocentrique pour ainsi tenir compte des aspects physiques et émotionnels vécus par autrui. Ne faisant pas exception, l’acquisition de la pensée formelle à l’adolescence s’accompagne également d’un égocentrisme relié aux capacités cognitives émergentes. Selon Piaget, la distinction la plus marquante entre l’égocentrisme adolescent et l’égocentrisme enfantin consiste au fait que les enfants ne savent même pas qu’ils ont un point de vue alors que l’adolescent est capable de considérer sa pensée et celle de l’autre. À l’adolescence, la récurrence de la pensée égocentrique n’a rien de surprenante puisqu’il est de notoriété publique que la nouveauté attire l’attention. Compte tenu des multiples changements physiques, moraux et cognitifs survenant à cette période, il n’est donc pas étonnant que le jeune ait tendance, encore une fois, à être centré sur lui-même. Ainsi, bien qu’il soit conscient que les autres ont également des idées, l’adolescent demeure persuadé que la pensée d’autrui reste centrée sur sa personne et il devient ainsi incapable de distinguer son point de vue de celui du groupe en tant que tout. En pleine quête d’une connaissance personnelle, l’adolescent se révèle encore très égocentrique. De ce fait, le jeune s’attend à ce que les autres soient tout aussi conscients et critiques de son apparence ou de sa personnalité qu’il l’est lui-même. Également, il est étonné que les autres ne partagent pas toujours les mêmes préoccupations et les mêmes goûts que lui. À la différence des enfants plus jeunes, l’adolescent s’évalue constamment en fonction des réactions d’autrui. La préoccupation excessive qu’il éprouve face à son apparence physique durant cette période fait état de ce phénomène. Il peut paraître, à première vue, contradictoire pour un observateur externe de constater, d’une part, l’évolution évidente des capacités cognitives de l’adolescent tout en remarquant, d’autre part, les limites de sa pensée égocentrique. En fait, c’est que dans la vie de tous les jours, les expériences sont loin d’être aussi structurées que la mise en scène de l’oscillation du pendule présentée précédemment. En contact avec la réalité quotidienne, l’adolescent n’est pas toujours en mesure d’identifier toutes les dimensions d’un problème ni même d’en cerner les implications. Comme son raisonnement seul ne lui suffit pas à résoudre toutes les ambiguïtés que présentent la vie courante et qu’il ne dispose pas encore d’une grande sagesse, fruit d’une longue expérience, l’égocentrisme de la pensée formelle a maintenant le champ libre pour amener l’adolescent à des conclusions biaisées ou illogiques plus ou moins néfastes pour son développement ultérieur. Le souci de l’apparence physique Un exemple typique de jugement biaisé qui peut survenir à l’adolescence, en lien avec le développement d’une pensée égocentrique, concerne le souci de l’apparence physique. L’émergence de cette nouvelle préoccupation n’a rien de surprenante en soi alors que, comme il a été fait mention précédemment, les nombreuses transformations physiques subies par l’adolescent attire tout naturellement son attention et que le jeune à cette période devient fortement centré sur lui-même. Comme l’adolescent se préoccupe de son apparence physique plus que de tout autre aspect de sa personne et qu’il devient de plus en plus critique, il n’est pas étonnant que beaucoup d’entre eux n’aiment pas ce qu’ils voient dans le miroir, ce qui est d’autant plus vrai en ce qui concerne les filles. L’image corporelle façonne l’image et la perception de soi qui est à son tour influencée par les réactions et les attentes d’autrui. Les enfants savent très tôt quelles images corporelles sont valorisées par leur culture et évaluent leur apparence physique en fonction des ces critères, ce qui peut être particulièrement néfaste à l’adolescence pour le développement de l’identité personnelle en construction. Les filles, du fait des angoisses surgissant sur le thème de leur apparence, sont plus portées que les garçons à la dépression. Elles se sentent plus souvent laides, trop grasses, trop petites ou encore trop grandes. Le poids constitue souvent une préoccupation importante durant cette période alors que les adolescentes considèrent qu’elles seraient plus heureuses et plus performantes en étant plus mince. Dans une grande proportion, les jeunes filles se décrivent comme ayant un surplus de poids bien qu’elles soient, dans les faits, parfaitement dans la normale. Ce biais dans la perception de la minceur se reflète dans les habitudes nutritives et dans l’éclosion de différents troubles alimentaires qui peuvent survenir à l’adolescence. Pour certains chercheurs, l’anorexie mentale serait, entre autres, une réaction à des pressions sociales qui incitent à une minceur extrême, conséquence d’une norme culturelle voulant que la femme idéale possède une morphologie particulière. Comme l’adolescente est particulièrement sensible aux signaux environnementaux et à l’image que les autres ont d’elle, elle est plus disposée à connaître la dépression et l’anorexie mentale, ayant été noté que ce trouble alimentaire s’accompagne souvent de symptômes dépressifs. Ainsi, bien que plusieurs adultes prennent à la légère les inquiétudes vécues par les adolescents à propos de leur apparence physique, une image de soi négative durant cette période peut avoir de grandes répercussions sur l’estime personnelle de l’individu et ce, surtout dans une société qui survalorise l’aspect extérieur. Face à une pensée fortement égocentrique, il s’agit ici de mentionner les dangers potentiels que peut représenter un biais perceptuel à l’adolescence concernant l’apparence physique alors que le critère de la beauté devient partie prenante de la vie sociale et de l’estime personnelle. Caractéristiques de l’égocentrisme adolescent C’est le psychologue David Elkind qui s’est le plus attaché à définir les tenants de la pensée égocentrique à l’adolescence. Il a, notamment, identifié trois caractéristiques distinctes qui sont impliquées dans le phénomène de l’égocentrisme et donc indirectement issues du développement de la pensée formelle. La première caractéristique se définit par une incapacité de la part de l’adolescent de distinguer les pensées passagères des pensées plus profondes et durables. De ce fait, il n’est pas rare de constater qu’un adolescent a pu être très embarrassé par un événement, comme le fait de renverser de l’eau par terre à l’école ou de trébucher durant une partie de soccer, situations pourtant particulièrement banales aux yeux des observateurs extérieurs. Le jeune perçoit ainsi certaines expériences personnelles comme étant très éclatantes alors que, dans les faits, elles peuvent passer complètement inaperçues pour le grand public. C’est lors de conversations sur d’anciens souvenirs qu’il est le plus possible de constater la pertinence de cette remarque. En effet, il arrive fréquemment qu’un individu, se remémorant un événement particulièrement marquant en ce qui le concerne, se fasse répondre par ses anciens camarades qu’ils n’ont aucun souvenir précis de cette anecdote. Ensuite, la deuxième caractéristique de l’égocentrisme de la pensée formelle réfère à une impossibilité de la part de l’adolescent de distinguer le subjectif de l’objectif. En effet, le jeune, se trouvant fort absorbé par ses nouvelles capacités d’introspection, semble éprouver des difficultés à prendre conscience que les autres ne sont pas toujours aussi intéressés que lui par sa personne. L’adolescent va donc devenir très préoccupé par l’effet qu’il produit sur les autres étant donné qu’il se perçoit comme un centre d’attraction constant. Cette deuxième caractéristique de la pensée égocentrique adolescente sera associée, ultérieurement, à un comportement typique apparaissant à cette période, c’est-à-dire l’élaboration d’un auditoire imaginaire. Finalement, la dernière caractéristique de l’égocentrisme adolescent découle directement de la deuxième : il s’agit de l’incapacité à faire la distinction entre ce qui est universel et ce qui est particulier. Inconscient du biais de sa propre perception, le raisonnement logique de l’adolescent le porte à penser qu’il doit y avoir des raisons qui expliquent l’attention constante que lui accorde son entourage. Face à ce jugement, le jeune va donc finir par en conclure qu’il est quelqu’un d’exceptionnel et être investi par un sentiment d’invulnérabilité. C’est ce constat que David Elkind met de l’avant à travers sa notion de fable personnelle, comportement type de l’adolescence que nous élaborerons subséquemment. COMPORTEMENTS ASSOCIÉS À L’ÉGOCENTRISME ADOLESCENT David Elkind a également définit, en plus des différentes caractéristiques de la pensée égocentrique adolescente, plusieurs comportements typiquement associés au développement d’une pensée formelle égocentrique. 1 : La critique de l’autorité et la propension à la discussion et à l’argumentation À travers l’acquisition de la pensée formelle, l’adolescence implique l’émergence d’une nouvelle capacité de distinguer toutes les nuances d’une problématique. Le jeune, à cette période de développement, peut maintenant réfléchir en terme d'hypothèse ou d'idée abstraite et commence également à entrevoir toutes les possibilités d’un problème réel ou hypothétique. Ces nouvelles possibilités cognitives, comme il en a été fait mention auparavant, sont qualitativement différentes de l'enfant encore restreint au monde du présent et uniquement concerné par ce qui est et non par ce qui pourrait possiblement être. Par exemple, si on propose à un enfant une mise en situation qui commence par : « Supposons qu'aujourd'hui nous sommes lundi », il y a de forte chance qu’il se trouve dans l’impossibilité de résoudre ce problème puisque « nous sommes aujourd’hui samedi » et qu’il n’arrive pas à transcender cet état de fait. Contrairement à l’enfant, l’adolescent est en mesure de faire la part entre une situation hypothétique et une situation réelle et peut donc concevoir ce type de problématique. Cette nouvelle habilité du jeune à penser en terme d’hypothèse permet l’éclosion de différents bénéfices essentiels à son développement ultérieur. Ainsi, non seulement il lui est maintenant possible de penser de façon réaliste à sa vie future, mais ses nouvelles capacités cognitives forment la base nécessaire afin qu’il puisse développer ses propres idéaux. L’accès à la pensée abstraite et la capacité de concevoir le réel comme une manifestation du possible permet à l’adolescent d’élaborer sa propre vision de la famille idéale, de la société idéale et de la religion idéale. Cette restructuration de la pensée, bien qu’étant une source de motivation pour l’adolescent qui aspire à une destinée plus idyllique, peut s’avérer toutefois néfaste par sa propension à comparer de plus en plus le réel à l’idéal qu’il voudrait atteindre, le réel n’en sortant bien entendu jamais gagnant. Le premier aspect touché par cet idéalisme fracassant concerne des enjeux liés à l’apparence physique puisque, comme mentionné auparavant, l’adolescent se préoccupe énormément de l’image qu’il projette. Par le biais de la penser hypothético-déductive, le jeune peut maintenant distinguer son véritable soi du modèle de soi idéal qu’il voudrait atteindre. C’est souvent ce désir de ressembler au soi imaginé qui motive les nombreux régimes alimentaires, l'entraînement physique ainsi que les diverses activités dévouées à l’embellissement du corps dans lesquels, à tort ou à raison, s'engagent les adolescents. Non seulement, le jeune de cette période a pour objectif de changer son corps, mais aussi de façonner sa personnalité en conformité avec cet idéal. Il est fait mention que ce désir touche tout autant les adolescents modèles des groupes de pairs que ceux qui ont moins d’influence. Toutefois, cette période de grand idéalisme adolescent ne se limite pas à l’image de soi. En effet, elle se traduit graduellement par un comportement de critique et d’argumentation envers les différentes figures d’autorité qui font l’objet d’une comparaison, de plus en plus sévère, en référence au monde idéalisé par le jeune. Comme le raisonnement hypothético-déductif de l’adolescent suscite chez lui des évaluations excessivement critiques de son réseau social, il se trouve amèrement déçu de se que lui procure la réalité si différente de l'idéal qu’il s’est construit, cette déception se traduisant par des conflits et des joutes oratoires dirigés contre les figures d’autorité. L'adolescent commence d'abord par comparer ses propres parents avec ceux idéalisés des autres et se sent inévitablement dépourvu d’une famille modèle. Ainsi, le jeune critique ses acquis familiaux et se sent envieux des amis qui ont, de son point de vue, de meilleurs parents que les siens. Sa maison, son quartier résidentiel et ses copains ne sont pas épargnés dans cet univers de comparaisons. De ce fait, les relations entre parents et enfants sont généralement plus tendues au courant de l’adolescence et le groupe de pairs sert souvent de soutien dans les conflits avec l’autorité. Grâce à la pensée opératoire formelle, l’adolescent est à même de se définir plusieurs lignes de conduite. De plus, comme la relation parent-enfant est basée sur une plus grande réciprocité, l’adolescent se juge désormais l’égal des parents. Les querelles de famille peuvent survenir face à un adolescent qui prend ses parents au jeu de l’argumentation et de la discussion. Toutes les demandes, aussi minimes que les heures de sortie, deviennent matière à négociation. De ce fait, le parent doit se montrer habile en insistant autant sur une propension à la discussion chez l’adolescent que sur un respect de l’autorité. C’est une ligne limite entre indépendance et attachement parental. L'oeil critique du jeune adolescent ne se limite pas au réseau d’intimes et va progressivement se diriger vers l'école. Certes les enfants peuvent ne pas aimer un professeur, mais ils n’en demeurent pas moins qu’ils sont très rarement critiques quand à sa qualité d’enseignant. Son degré de compétence n’étant pas remis en doute, ils présument qu'il connaît sa matière et respectent son autorité. Les adolescents, par contre, deviennent fort critiques quand aux connaissances, à la pédagogie et à la personnalité de l’enseignant. Ils sont moins affectés par la gentillesse que par la compétence et l’instruction. Ce focus sur les capacités du professeur ajoute un grand stress dans les relations entre enseignant et étudiant étant donné la nouvelle possibilité que l'adolescent à de toucher les cordes sensibles de l’instituteur, c’est-à-dire sa compétence professionnelle. C’est vers le milieu de l'adolescence que les jeunes commencent à se sentir plus concernés par les événements de l'actualité et un peu moins par la famille et l'école, ce qui se traduit par un déplacement des objets de la critique. Durant cette période, la société, l'Église, le gouvernement, les cultures, les pays et les diverses institutions sociales sont scrutés à la loupe et soumis au jugement de l'adolescent. Ce déplacement de focus vers la société et le monde est une tendance générale remarquée dans le développement normal de la critique adolescente en réponse à une résolution progressive de l'égocentrisme de la pensée formelle. Le jeune va donc, de plus en plus, tourner son attention vers l'extérieur, vers les autres cultures, vers les autres actualités et cherchera ainsi à découvrir des modèles différents dans l’élaboration de sa personnalité. C’est ainsi, au cours de l’adolescence, qu’il devient possible d’entendre un jeune se questionner sur les valeurs qu’il considère importantes dans sa vie. Contrairement aux enfants qui vont chercher les réponses à leurs questions en se tournant vers l’entourage immédiat, l’adolescent est davantage porté à explorer lui-même les différents courants idéologiques afin de se faire une opinion. Ce besoin d’élaboration d’une nouvelle hiérarchie de valeurs peut être mis en lien avec les nouvelles possibilités de développement moral que l’adolescent est dorénavant à même d’acquérir. Selon Kohlberg, il est possible à l’adolescence pour l’individu de parfaire son raisonnement et d’atteindre le niveau le plus élevé de moralité. Cette moralité postconventionnelle, comme nous l’avons abordée précédemment, implique une capacité de dépasser la société actuelle telle qu’établit afin d’élaborer un jugement moral qui se rapproche de plus en plus d’une conscientisation individualisée plutôt qu’à un respect aveugle des lois et des règles sociétales. Ce nouveau regard sur les limites de la société n’est pas exempt d’une capacité de critiquer l’ordre établi et plusieurs adolescents présentent, à cette période, une attirance particulièrement pour les solutions et les conceptions sociétales plus utopiques ou philosophiques. Les courants les plus appréciés par les adolescents sont caractérisés par la rigidité et l’autoritarisme. En effet, à cette période de recherche identitaire, il devient important pour le jeune de se définir une vision de lui-même. L’adolescent va donc rechercher des mouvements dont les frontières très délimitées et le système de valeurs inflexibles encadrent d’ambler son développement identitaire dans un moule strictement défini. L’attrait porté pour des sectes religieuses comme Hare Krishna et l’Église des scientologues sont des exemples types qui illustrent ce besoin de convictions rigides que nul ne doit ébranler. En effet, en répondant prématurément à toutes les incertitudes du jeune, ces mouvements peuvent procurer un sentiment de sécurité et l’arrêt de la recherche identitaire souvent génératrice de multiples angoisses. Au courant des années, toutefois, le jeune devient plus confiant en son jugement et son système de valeurs rigidifié risque de devenir plus souple. Ainsi, l’adolescent dépasse son expérience immédiate pour explorer les frontières des idées, des idéaux, des rôles, des croyances et des théories. Ce focus plus étendu ne veut pas dire pour autant que la tension entre l'adolescent et les parents ou l'école diminue, mais plutôt que la critique devient plus large et plus diffuse comparativement à ce qu’elle était auparavant. En étant maintenant en mesure de se définir un système de valeurs et d’imaginer, par le fait même, un monde idéal, l’adolescent se rend de plus en plus compte de la distance qui existe entre son utopie sociale et les personnes qu’il a jadis vénérées. Il ressent le besoin d’appliquer sur ses parents, par exemple, son nouvel esprit critique et de leur faire savoir qu’il ne partage pas toujours les mêmes points de vue qu’eux. Les parents ne perdent pas pour autant leur ascendance sur le jeune. Il est mentionné que la majorité des adolescents sollicitent l’avis des parents et partagent les mêmes valeurs qu’eux tout en les considérant incomplètes. Malgré un besoin de plus en plus manifeste de l’adolescent à s’opposer aux figures d’autorité, il n’en demeure pas moins que ces derniers conservent une grande influence sur les choix et les valeurs adoptés par le jeune. La nature des conflits ne porte ainsi habituellement pas sur des valeurs économiques, religieuses, sociales ou politiques, mais plutôt sur des éléments banals de la vie comme l’habillement, le travail scolaire, la coupe de cheveux, les amis, et les sorties, ce qui peut s’avérer moins vrai dans le cas des familles immigrantes. Ayant quitté leur pays d’origine, les immigrants apportent avec eux tout un système de valeurs acquis dans leur milieu culturel d’origine. Les enfants d’immigrants devenus des adolescents adoptent, du moins en partie, les valeurs de la culture d’accueil, ce qui risque d’engendrer de nombreux conflits sur le sujet avec les parents. Bref, le comportement de critique de l’autorité et de propension à la discussion est essentiel à l’émergence d’une indépendance et à l’élaboration d’une opinion individualisée. Il faut toutefois bien comprendre que le fossé des générations n’est pas aussi infranchissable que l’indique les médias. En effet, bien que des conflits risquent de naître en ce qui concerne les nouvelles exigences d’autonomie, l’adolescent ne désire pas pour autant obtenir la liberté absolue dans ses prises de décision. 2 : L’auditoire imaginaire : Observateur qui existe uniquement dans l’esprit de l’adolescent et parfois à l’âge adulte et qui s’intéresse autant que lui-même à ses pensées et à ses actions. Les recherches de David Elkind indiquent que c’est entre 13 et 14 ans que la préoccupation en ce qui concerne le regard des autres atteint son paroxysme. Les adolescents de cet âge accordent énormément d’importance aux jugements d’autrui et ils priorisent la formation de bande ou de groupe de jeunes. Il est ainsi possible d’affirmer que l’adolescence est une période de grande vulnérabilité par rapport à l’influence des pairs. Le groupe d’amis influence non seulement la façon de s’habiller de l’adolescent, mais également son comportement sexuel et ses attitudes par rapport à la drogue, ce qui dénote une tendance au conformisme. Le comportement de formation d’un auditoire imaginaire réfère à une caractéristique, de l’égocentrisme adolescent explicitée précédemment, c’est-à-dire l’incapacité pour le jeune de distinguer le subjectif de l’objectif. En effet, bien que la pensée opératoire formelle permette au jeune de se mettre dans l’esprit de quelqu’un d’autre, il a encore de la difficulté à faire la part entre ce qui l’intéresse lui et ce qui intéresse autrui. Il en vient à présumer que les autres pensent à la même chose que lui, c’est-à-dire à lui-même. De ce fait, si un groupe de jeunes rient lorsqu’un adolescent passe dans un couloir, il sait qu’ils se moquent de lui et si une adolescente voit un groupe de pairs chuchoter, elle est persuadée qu’ils parlent d’elle. Elkind parle d’auditoire imaginaire afin d’insister sur le fait que l’adolescent ne fait probablement pas l’objet de toute les attentions qu’il présume bien que sa conscience de soi excessive lui en donne l’impression. Cette conscience de soi adolescente est surinvestie et particulièrement angoissante pour le jeune. Il devient énormément anxieux lorsqu’il est trop regardé et se montre plutôt embarrassé lorsqu’il découvre une tache sur ses vêtements. C’est à travers ce constat que David Elkind insiste sur le fait d’éviter de ridiculiser ou de réprimander un jeune en public. Il suffit d’entrer dans un lieu fréquenté par des adolescents pour constater le poids du public imaginaire : ils se tiennent tous en petit groupe et ne cessent de jeter des coups d’œil à droite et à gauche comme s’ils se savaient épiés. Or, comme chaque adolescent est absorbé par l’idée qu’il est observé, il ne peut donc pas prendre le temps de détailler les autres, conclusion qui ne semble pourtant pas leur venir à l’esprit. Pour David Elkind, l’auditoire imaginaire constitue, à bien des égards, un facteur de motivation non négligeable. Il serait susceptible d’expliquer, tout autant, les efforts faits par le jeune en vue de s’améliorer que certains actes commis qui semblent pour le moins insensés. Dans les deux situations, positives comme négatifs, l’adolescent croit que son statut grandira lorsque son public imaginaire prendra connaissance de son action et que son auditoire sera fortement impressionné par son geste. Cette hypothèse pourrait ainsi expliquer certains actes de vandalisme gratuit, de délinquance en groupe et même, en partie, le phénomène du suicide chez les jeunes. En effet, un adolescent qui vient de faire une tentative de suicide affirme souvent qu’une des motivations l’ayant poussée à aller jusqu’au bout du geste était la réaction imaginée de ceux qu’il laissait derrière lui. Le comportement d’élaboration d’un auditoire imaginaire peut ainsi entraîner des conséquences tout aussi bien positives ou néfastes pour le développement ultérieur de l’individu. Le désir d’impressionner et d’épater les pairs est lié au fait que l’adolescent, dont la pensée est encore égocentrique, imagine être constamment épié par les autres et qu’il se sent obligé d’offrir la performance supposément attendue de lui. 3 : La fabulation personnelle : Conviction, propre à l’adolescent, d’être spécial, unique et d’échapper aux lois naturelles qui régissent le reste du monde. Le troisième comportement typiquement associé à l’adolescence est la formation d’une fabulation personnelle qui réfère, pour sa part, à la dernière caractéristique de l’égocentrisme de la pensée formelle, c’est-à-dire l’inaptitude à distinguer l’universel du particulier. En fait, il s’agit d’une difficulté chez le jeune de discriminer ce qui le touche dans son unicité de ce qui l’influence à un plus grand niveau de globalité. Ainsi, en se considérant sujet d’une attention constante par le biais de l’auditoire imaginaire, l’adolescent en vient à penser qu’il possède des caractéristiques exceptionnelles justifiant l’intérêt qu’il suscite autour de lui. Le jeune est, de ce fait, convaincu qu’il est le seul à vivre les émotions retentissantes d’un premier amour, l’insécurité des relations amicales et l’inconfort dû à la puberté. Il devient ainsi l’unique individu susceptible, de son point de vue, de vivre l’euphorie ou l’angoisse. Selon David Elkind, la fabulation personnelle, tout comme l’auditoire imaginaire, est une médaille à deux revers, le concept de fabulation personnelle pouvant expliquer, tout autant, les attitudes autodestructives que les actes d’entraide adolescents. En effet, la fabulation personnelle peut se révéler un facteur motivationnelle important en permettant au jeune, se percevant comme un être exceptionnel, d’encaisser les petits échecs inévitables dans le parcours de la vie et de tenter d’exceller dans différentes disciplines et domaines de compétence. Toutefois, ce sentiment d’exception peut entraîner le jeune à la conclusion erronée qu’il va inévitablement échapper aux conséquences de ses actes. De son propre point de vue, il devient immunisé face à tout danger et il prend, de ce fait, de plus en plus de risque. Les conséquences néfastes étant strictement réservées aux autres, il n’est plus à même de prendre les précautions nécessaires à son bien-être. Ce qui arrive à autrui ne pouvant le concerner, il se permet plus facile de conduire après avoir pris un verre tout en oubliant les risques d’accident potentiel, de consommer différentes substances sans craindre de développer d’accoutumance et d’avoir des relations sexuelles non protégées sans penser à la grossesses ou aux MTS. À titre d’exemple, il est statistiquement indiqué que 14% des adolescentes qui vivent une grossesse n’ont pas utilisé de méthode contraceptive parce qu’elles croyaient que la maternité ne pouvait leur arriver et qu’elle était une conséquence de l’acte sexuel strictement réservée aux autres filles. De ce fait, ce comportement d’élaboration d’une fabulation personnelle s’avère plus ou moins positif pour l’évolution de l’adolescent, le sentiment d’invincibilité en découlant se présentant tantôt comme un agent motivationnel important, tantôt comme un aveuglement face à l’imminence du danger. 4 : L’indécision Une des conséquences de l’émergence de la pensée formelle, telle que mentionnée précédemment, est de permettre à l’adolescent de constater, pour la première fois, la multiplicité des choix et des alternatives que lui offre une situation donnée. Cette capacité étant toute récente, il est possible que l’adolescent éprouve, au début du moins, des difficultés à se positionner face à une décision à prendre. Il semble évident que l’adolescence est une période d'ajustement aux nouvelles habiletés cognitives en évolution. C’est l’accroissement de la faculté d’introspection qui explique le mieux les anxiétés et les incertitudes qui accompagnent souvent l’adolescent lorsqu’il, face à un choix qu’il a dû faire par le passé, se demande s’il a réellement pris la bonne décision parmi toutes celles qui lui était alors offertes. L’abondance des possibilités décisionnelles qui s’offrent au jeune peut s’avérer, au départ, être une expérience terrifiante puisque, bien qu’il puisse considérer toutes les alternatives possibles, l’adolescent ne possède pas l'expérience requise pour faire un choix éclairé. En conséquence, il apparaît souvent que, les jeunes âgés de 12 à 13 ans surtout, sont désespérément dépendants et indécis face à une décision à prendre. Plusieurs attitudes associées à l’adolescence reflètent cette réalité. Il n’est pas rare qu’un jeune se montre indécis avant de choisir un vêtement pour aller en classe, avant de sélectionner ses partenaires d’équipes ou avant de se trouver une activité à entreprendre. Par exemple, il est possible que le jeune adolescent, se cherchant des passe-temps pour l'été, ait à choisir entre se trouver un emploi, suivre des cours d'été, aller à un camp de vacances ou tout simplement rester à la maison. Par défaut, la solution sera souvent de rester à la maison étant donné une incapacité à se positionner dans un délai raisonnable. Ces situations ne sont pas vraiment éloignées de celle vécue par le jeune enfant qui entre dans un magasin de bonbons. Ce dernier, confronté avec toute une variété de sucreries, n’arrive pas à se décider sur ce qu’il veut acheter. À la différence de l'enfant, l’adolescent n’a pas à se placer dans un environnement approprié ni même dans une situation concrète pour constater l’étendue des variétés qui sont accessibles, tous les choix alternatifs étant bien vivaces dans sa structure de pensée. Ainsi, le défi de l'adolescence ne consiste pas seulement à choisir parmi les différentes possibilités qu’offre son environnement, mais plutôt de faire une sélection exhaustive à partir de tout ce qui est maintenant disponible à travers le développement de sa nouvelle pensée abstraite et hypothético-déductive. C’est ainsi vers l'âge de 15 à 16 ans que les jeunes, par une expérience de vie de plus en plus accrue, sont à même de prendre plus efficacement des décisions et qu’ils acquièrent une idée plus claire de la valeur relative des différentes alternatives possibles, les adolescents plus âgés étant donc plus indépendants et moins indécis que les plus jeunes. 5 : L’hypocrisie apparente Durant l’adolescence, les jeunes deviennent de plus en plus concernés par les sujets d'actualité tels que le racisme, la famine et la corruption politique. Comme en fait état le comportement de critique de l’autorité, les adolescents peuvent maintenant scruter à la loupe la société adulte et proposer des solutions utopiques pour changer le monde établi. En effet, l’idéalisme caractéristique de l’adolescent amène ce dernier à réfléchir et à s’exprimer sur sa vision d’un monde idéal. Les jeunes savent pertinemment, en effet, qu’il existe des manières différentes de vivre et ils désirent mettre fin aux souffrances humaines, à la pauvreté et aux inégalités sociales. L’intérêt manifesté pour les idéologies et les religions augmente à l’adolescence et au début de l’âge adulte. C’est au cours de cette période que le jeune devient plus à même de déterminer les frontières entre ce qu’il considère être bien ou mal. Cette hiérarchisation des valeurs est possible par le concours de l’introspection et par l’évolution des capacités cognitives permettant, d’après Kohlberg, d’atteindre possiblement un niveau de développement moral plus nuancé. Les valeurs préconisées par les jeunes seraient dans l’ordre : la responsabilité personnelle liée à la liberté, le respect et la dignité de la personne, le souci de la justice et l’empathie. La richesse et le pouvoir, pourtant très préconisé par la société occidentale, arriveraient en dernier lieu selon les dires des adolescents. Toutefois, comme le jeune adolescent semble encore éprouver de la difficulté à faire la nuance entre exprimer un idéal et travailler à l’atteindre, les actions qu’il pose trahissent ses paroles. En effet, même s’il lui est facile de prêcher la bonne action sociale, il n’en demeure pas moins qu’il ne laisse pas ses idéaux interférer et limiter son plaisir personnel. De ce fait, il n’est pas étonnant d’apercevoir un adolescent qui, tout en parlant de la nécessité d’enrayer la pauvreté, passe toute son allocation à acheter des CD et des vêtements. De plus, il est possible de voir un adolescent militer avec ferveur pour la sauvegarde de la planète tout en jetant avec distraction ses papiers par terre à proximité de la poubelle. Ainsi, bien que les discussions adolescentes portent de plus en plus sur divers idéaux sociaux, les comportements qu’ils adoptent semblent, en réalité, beaucoup plus influencés par les actions de leur groupe de pairs que par l’élaboration d’un système de valeurs personnelles. Les adolescents, comparativement aux adultes, passent plusieurs heures à parler de réformes en tous genres, mais dévouent très peu de temps et d'effort pour faire changer réellement les choses et améliorer le sort de la planète. Cette distance entre la parole et le comportement peut sembler extrêmement contradictoire aux yeux d’un observateur extérieur et même paraître issue d’une attitude hypocrite de la part de l’adolescent. Le phénomène de l’hypocrisie apparente du début de l’adolescence peut être mis en relation, dans certains cas, par l’étude de Kohlberg sur les niveaux de moralité. En effet, il a été précédemment fait mention que les individus ayant atteint le stade postconventionnel seraient plus portés à adopter des comportements en accord avec leur idéal moral. De ce fait, il n’est pas surprenant que l’adolescent, qui vient tout juste d’acquérir les capacités cognitives nécessaires au développement de la morale postconventionnelle, ne soit pas encore en mesure de pleinement manifester cette concordance acte et parole que les adultes plus expérimentés sont, du moins théoriquement, plus à même de démontrer. Vieillir, c’est donc comprendre que la pensée n’est pas seule maîtresse pour faire évoluer les choses et qu’il est important de traduire nos idéaux par les actes conséquents, savoir être que l’adolescent à encore besoin d’assimiler. En effet, le jeune semble penser qu’agir et verbaliser activement sont aussi efficaces dans le cadre d’une véritable réforme. Son idéalisme chevronné semble donc vide puisqu’il n'a pas encore pris conscience de la nécessité de s’investir en action afin de rejoindre sa pensée. Bref, chez l’adolescent, l’établissement d’un sentiment d’identité personnelle passe par le développement d’un code moral servant à guider ses actions et à se comparer aux autres. Une des difficultés qu’éprouve l’adolescent lors de la formation de cette identité initiale provient parfois d’une incapacité de se comporter aussi noblement que l’exige leur idéologie, phénomène que David Elkind explique à travers le comportement d’hypocrisie apparente. CONCLUSION : RÉSOLUTION DE L’ÉGOCENTRISME ADOLESCENT Contrairement aux formes antérieures à la pensée formelle, l’égocentrisme adolescent ne se résout pas à travers l’acquisition d’une nouvelle structure cognitive, mais plutôt par l’accumulation progressive d’expériences de vie permettant le développement d’une plus grande sagesse individuelle. Les trois caractéristiques de l’égocentrisme, issues de la pensée opératoire formelle, ne disparaissent jamais au courant de la vie adulte et ce, même si la portée et la profondeur de leur influence décroît. Pour illustrer ce fait, c’est avec le temps que l’adolescent devient conscient qu’un embarras temporaire ne le suit pas pour le restant de sa vie. Il en va de même pour les différents comportements typiquement égocentriques de la période adolescente qui, bien qu’essentiels à l’élaboration d’une identité individuelle, vont s’atténuer par la succession des expériences de vie significatives sans toutefois disparaître entièrement du répertoire comportemental. Tout d’abord, la critique de l’autorité est essentiel pour l’adolescent afin qu’il puisse s’afficher en tant qu’individu distinct. Il faut donc savoir discuter avec le jeune dans le but de parfaire sa capacité d’argumentation tout en évitant de glisser vers des questions de personnalité qui pourraient s’avérer plus épineuses. La critique et l’argumentation sont donc des manifestations nécessaires au développement cognitif et social de l’individu. Ensuite, c’est par l’auditoire imaginaire, selon Elkind, que l’adolescent se permet de vérifier et de comparer les concepts de réalité avec ceux d’image de soi. Le jeune constate également, pour la première fois, qu’il existe effectivement une différence entre son point de vue et celui d’autrui. C’est cette prise de conscience progressive qui permet à l’adolescent d’établir des rapports plus authentiques avec les autres. La formation d’un auditoire imaginaire est un comportement que manifeste tout autant les adolescents que les adultes. En effet, il nous est tous arrivé de nous tourmenter concernant notre tenue vestimentaire à une soirée, s’imaginant que les autres y feraient attention et, de ce fait, étant trop soucieux pour constater que ces derniers sont eux-mêmes tout autant préoccupés par l’effet qu’ils produisent. De plus, une autre des tâches qui incombe à l’adolescent consiste à conserver un sentiment d’unicité tout en étant conscient de ne pas échapper à l’ordre naturel des choses. Cette nouvelle réalité étant acquise, la fable personnelle de la période adolescente devrait se résorber. Le narcissisme accompagnant la fable personnelle ne disparaît toutefois jamais, même si elle peut être remplacée, selon Elkind, par la relation intime. Aussi, c’est la multiplicité des choix à faire et l’expérience de vie qui permettent à l’adolescent vieillissant d’acquérir un meilleure capacité de décision et une assurance plus grande face aux choix qu’il a entrepris, ce qui vient pallier l’indécision du début de la pensée formelle. Enfin, il est possible d’amener le jeune à développer prématurément un sens moral plus élaboré et de stimuler chez l’adolescent un plus grand relativisme par le biais de discussions, d’analyses, de jeux de rôles et de rencontres avec des personnes issues de cultures et de milieux différents. Selon Kohlberg, l’école constitue un lieu de prédilection pour élaborer des discussions ouvertes sur différents dilemmes moraux. Pour sa part, il considère que le développement du raisonnement moral de l’adolescent et de l’enfant doit passer, entre autres, par la construction d’un système de valeurs cohérent et par une application pratique en conformité avec les principes étiquetés. Puisque l’école comporte déjà une réglementation à respecter, l’enseignant est bien placé pour assumer une partie du développement moral de l’élève. Dans ce cadre, ce sont les règles qui tiennent lieu de valeur et le respect des lois permet de m’être en lumière le lien existant entre la pensée et l’action, prise de conscience souvent absente chez l’adolescent. Il est même possible d’aller plus loin dans le développement moral de l’adolescent en milieu scolaire. En effet, dans certaines institutions, il est demandé aux étudiants de prendre une part active dans l’élaboration des règles qui sont appliquées dans le milieu. Dans ce cas, l’enseignant a pour tâche de solliciter les dilemmes, de diriger les débats et de s’assurer de la juste participation de chacun. Plus l’adolescent échange avec autrui sur ses valeurs personnelles et ses croyances, plus il parvient rapidement à une pensée adulte qui l’amène à déterminer sa place dans la société et à mettre davantage en relief son comportement et sa pensée. L’hypocrisie apparente de l’adolescence se résorbe doucement en égard avec une nouvelle concordance entre l’idéal imaginé et l’acte accompli, l’école pouvant contribuer d’ambler à restreindre le champ de l’égocentrisme de l’adolescent. Bref, les progrès cognitifs de la pensée formelle à l’adolescence permettent au jeune d’exprimer et de partager ses sentiments et ses pensées avec autrui tout en étant capable de considérer les opinions, les sentiments et les pensées des autres. Il lui faudra toutefois encore acquérir une expérience de vie afin de pallier aux lacunes engendrées par l’égocentrisme et ainsi de parvenir à établir des rapports interpersonnels basés sur une réelle réciprocité.