Il s'agit d'identifier et de comprendre les catégories quotidiennes des acteurs qui ont
façonné des catégories officielles
et qui ont donné lieu à une nouvelle définition des
politiques de l'emploi : de quelle manière certains acteurs ont organisé leur expérience pour
produire des catégories originales devant codifier le réel? En effet, les valeurs, normes et
images subjectives qui fondent la création d'institutions ou de programmes sont pensées
comme devant encadrer les comportements individuels. Il s'agit, par exemple, de produire des
institutions qui règlent les statuts des personnes. La mise en place d'incitations à l'embauche
par le biais d'une baisse des cotisations employeurs était censée orienter le comportement des
chefs d'entreprise. Ou encore, l'instauration des préretraites dans les années 1960 défendait
une image particulière de la vieillesse au travail.
Si la sociologie s'est intéressée aux politiques de l'emploi, elle n'a pas axé son regard
sur la production continue de cette catégorie
. Une question en termes de construction sociale
des politiques de l'emploi n'a pas fait l'objet d'une investigation systématique
. Nous
proposons d'examiner ce processus de production d'une nouvelle définition de la réalité au
travers de deux études de cas: l'émergence de la catégorie et la création de la Prime pour
l'emploi (PPE). Avant de présenter nos résultats, nous pouvons commencer par indiquer notre
périmètre et notre méthode d'enquête.
2. Une démarche inductive au plus prés de l'"élite décisionnaire de l'emploi"
Cette problématique appelle à préciser notre espace d'investigation en situant à la fois le
niveau d'analyse mais aussi les discours et acteurs qui participent à la décision.
2.1 "les discours qui comptent" dans la production de la catégorie
Nous nous inscrivons dans la distinction de Didier Demazière et Claude Dubar entre les catégories officielles,
naturelles et théoriques (1997, 79-82). Les premières sont les codifications administratives et normatives. Les
deuxièmes sont celles du langage ordinaire, du quotidien des individus étudiés. Les troisièmes sont les schèmes
construits par le chercheur.
En effet, elle a analysé les politiques en direction des travailleurs vieillissants (Guillemard, 1986), des
chômeurs de longue durée (Demazière, 1992b) et des jeunes (Lima, 2004), s'est interrogée sur le rapport entre
droits de l'homme et politiques de l'emploi (Bec, 2007), a étudié la mise en œuvre des "Emplois jeunes" (Astier,
2007), s'est intéressée aux "bonnes raisons" qui incitent à la mobilisation de certains instruments (Gérard, 2004)
ou a produit des comparaisons internationales (Barbier et Gautié, 1998). Elle s'est également saisie des
questionnements corollaires autour de ce que pouvaient signifier les catégories "emploi", "chômage" et
"chômeur" (Schnapper, 1979), (Naville, 1970a), (Schnapper, 1989), (Demazière, 2003), (Lallement, 2001),
(Topalov, 1994). La spécificité de ces questions a même conduit à un appel "pour une sociologie de l'emploi" au
tournant des années 1990 (Maruani et Nicole, 1987), (Maruani et Reynaud, 1993).