Étude d'un ensemble documentaire :
« L'élite sociale avant 1914 » [CA v1.2]
Document 1. Un hôtel particulier à Rouen
(Chaline, Jean-Pierre, Les Bourgeois de Rouen, une élite urbaine au XIXème siècle, PFNSP, 1982)
Document 2. Le départ en villégiature (séjour de repos à la campagne ou
dans un lieu de plaisance)
« Chacun sait qu'aux environs de 1900 il était impossible de se montrer à Paris après la " Fête des Fleurs " et le " Grand Prix ". lequel avait lieu
vers la fin de juin. Le Gaulois donnait la liste de ses abonnés en villégiature. Dès cette date, ma famille avait hâte d'aller s'installer à Dieppe, où
il était séant d'avoir une villa. Ce départ d'été constituait notre seul voyage de l'année. Par principe, mes parents ne voyageaient jamais sauf
pour les séjours de chasse en Angleterre qui faisaient alors partie du code de l'élégance. J'entendais ma grand-mère blâmer beaucoup les
voyages d'agrément qu'elle considérait comme une sorte de péché et se plaisait à répéter: "Là où la chèvre est attachée, il faut qu'elle
broute !". Ainsi le moindre trajet était préparé comme une expédition polaire. C'était un événement depuis longtemps prévu et organisé avec le
plus grand soin. Certains bagages partaient en petite vitesse huit jours à l'avance dans un fourgon spécial retenu depuis des semaines. Un
fourgon n'était pas toujours suffisant si l'on songe que chaque domestique (une quinzaine au moins) avait sa malle et que ma mère à elle seule
en avait treize sans compter ses cartons à chapeaux, ses métiers à tapisserie et son arsenal de boîtes à couleurs et de chevalets plus ou moins
pliants. Elle faisait expédier ses coussins, ses tabourets, ses chancelières, ses paravents, ses vases à fleurs et la pendule de voyage comme si
nous allions camper dans un désert alors que la maison de Dieppe regorgeait de meubles. Ma nurse entassait les objets les plus hétéroclites en
deux énormes malles aux couvercles bombés qui dataient sûrement du temps des diligences. Dans une caisse en bois blanc il y avait la
machine à coudre et un grand panier d'osier contenait avec peine mes jouets et mes livres de classe. On emportait tout : le linge, l'argenterie, la
vaisselle, les lits d'enfants. L'écurie faisait le voyage par la route, chevaux, harnais, voitures, cochers, palefreniers... ».
(Comtesse Jeanne de Pange, Comment j'ai vu 1900, Grasset, 1962)