
Droit de la famille, Amélie Dionisi-Peyrusse, SEAD 2013-2014
Droit de la famille, Amélie Dionisi-Peyrusse, SEAD 2013-2014
Le recours a une mère porteuse est aujourd’hui interdit en France (a). Malgré cette
interdiction, les tribunaux sont parfois confrontés à la question de la filiation des enfants nés de
mère porteuse (b). a. L’affirmation de l’interdiction
Le terme « mère porteuse » recouvre deux procédés différents :
- il peut s’agir du fait, pour une femme, de porter un enfant conçu avec ses propres
gamètes pour ensuite le confier à un couple
- il peut s’agir du fait, pour une femme, de porter un enfant qui n’est pas génétiquement
le sien. Cela a été rendu possible grâce aux progrès scientifiques permettant la FIV
Dans ce cas, elle ne fournit pas ses gamètes, elle prête seulement son utérus pour qu’un
embryon qui lui est étranger se dévellope.
Ces deux techniques sont sans aucune distinction interdites en France. Cela n’a pas
toujours été le cas. Jusqu’en 1989, il existait même des associations dont le but était de mettre
en relation des couples cherchant des mères porteuses avec les mères porteuses. Ces
associations ont été considérées comme ayant un objet contraire à l’ordre public par un arrêt du
13 décembre 1989 (C. cass. Civ. 1ère). Les associations ont alors été dissoutes mais la pratique
des mères porteuses a perduré. Les associations avaient été jugées illicites mais le procédé lui-
même ne l’avait pas encore été directement.
Il va l’être dans un arrêt de l’Assemblée plénière du 31 mai 1991. Saisie sur le point de
savoir s’il était possible d’adopter un enfant issu d’une mère porteuse, la Cour de cassation a
jugé illicite l’ensemble du procédé comme contraire à l’indisponibilité du corps humain et de
l’état des personnes. Elle a jugé cela contraire à l’indisponibilité du corps humain car cela
suppose un accord portant sur les facultés gestationnelles d’une femme. Cela porte atteinte à
l’indisponibilité de l’état des personnes car c’est un accord qui a pour objet de modifier un lien
de filiation. La mère porteuse renonce à établir un lien de filiation avec l’enfant à naître.
Le législateur, en 1994, a entériné cette solution puisque selon l’article 16-7 du code
civil, les contrats de mère porteuse sont nuls. L’article 16-7 dispose « Toute convention portant
sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». L’interdiction vise donc
aussi bien la procréation pour autrui que la gestation pour autrui. Il faut encore ajouter que des
peines sont prévues pour le fait de s'entremettre en vue d'une procréation ou gestation pour
autrui par l’article 227-12 du code pénal.
Des voix se font régulièrement entendre en faveur d’une évolution de la législation.
On peut ainsi noter que le Sénat a rendu en juin 2008 un rapport d’information sur la
question des mères porteuses, dans le cadre de la réflexion sur la révision de la loi bioéthique.
Ce rapport était favorable à la légalisation de la gestation pour autrui (et non de la procréation
pour autrui) à des conditions strictes.
On peut citer les principales : outre les conditions habituelles pour avoir recours à une
AMP, il faudrait que l’enfant ne soit pas génétiquement l’enfant de la gestatrice et qu’il soit
génétiquement l’enfant d’au moins un des membres du couple. La gestatrice devrait avoir eu au
moins un enfant et ne pourrait pas porter l’enfant de sa fille, en outre, elle ne pourra pas être
mère porteuse plus de deux fois. Aucune rémunération de la gestatrice ne serait permise mais
un « dédommagement raisonnable » resterait possible. Une autorisation judiciaire serait
nécessaire au transfert d’embryon, le juge devrait alors vérifier les conditions, les agréments,