Neurophysiologie de la douleur

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Neurophysiologie de la douleur
M.E. Faymonville – Centre Hospitalier Universitaire de Liège
La douleur accompagne et protège l'Homme depuis le début de son histoire
L'Association Internationale d'Etude de la Douleur (IASP) définit celle-ci comme "une
expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou
potentiel, ou décrite en termes d'un tel dommage". Cette définition propose de ne pas réduire
la notion de douleur aux seules causes lésionnelles car, en plus de la caractéristique du
stimulus nociceptif dans une région spécifique du corps, l'expérience subjective de cette
douleur ressentie et exprimée est fonction de paramètres socio-culturels.
La douleur est une expérience subjective par excellence avec différentes composantes :
Composante sensori-discriminative permettant à l'individu de décoder le message sensoriel :
localisation, durée, intensité et qualité.
Composante affectivo-émotionnelle, touchant l'affectivité et l'émotion du sujet qui vit la
sensation désagréable.
Composante cognitivo-comportementale activant les processus d'attention, d'interprétation du
signal cognitif, d'anticipation et de référence à des expériences douloureuses antérieures. Tout
cela participe aux décisions d'adopter des comportements adéquats.
La douleur est généralement divisée en douleur aiguë ou douleur chronique.
La douleur aiguë est récente, transitoire et disparaît rapidement après un traitement
étiologique ciblé et une fois le processus de cicatrisation terminé. La douleur aiguë est
généralement provoquée par des agressions mécaniques, thermiques, électriques ou
chimiques. La douleur aiguë est donc une douleur-signal, elle participe au diagnostic qui
amène le patient à consulter. L'origine d'une douleur aiguë est généralement unifactorielle et
l'approche médicale classique est suffisante, le traitement est curatif.
La douleur chronique par contre est une douleur maladie qui dure au-delà de 3 à 6 mois.
Elle résulte de séquelles traumatiques ou chirurgicales ou d'une maladie guérie (postzostérienne) ou évolutive (pathologique rhumatismale). Cette douleur entraîne différents
retentissements sur le plan physique, psychologique et social constituant un syndrome
douloureux qui évolue pour son propre compte. La douleur chronique n'a plus aucune
fonction, ni aucun objectif biologique. Son origine est multifactorielle et le modèle médical
classique ne suffit plus mais une approche pluridisciplinaire avec non pas un objectif
thérapeutique curatif mais réadaptatif.
On distingue habituellement 3 types de douleurs
Les douleurs d'origine nociceptive
Le processus pathologique stimule de façon excessive des récepteurs périphériques et active
ainsi le système de transmission des messages nociceptifs vers la moelle et vers le système
nerveux central. Des processus lésionnels (post-traumatiques, postopératoires), infectieux
(abcès), inflammatoires (rhumatismes) activent le système nociceptif par un excès de
messages, une hyperstimulation. Le fonctionnement du système sensoriel est normal (absence
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de lésion neurologique) et la topographie est régionale sans topographie neurologique
systématisée.
Cependant, dans certains cas de douleurs viscérales, la douleur est référée. Elle est ressentie à
distance de la lésion causale. La stimulation des nocicepteurs périphériques ne peut pas à elle
seule expliquer la genèse de ces douleurs, probablement celles-ci font intervenir des
phénomènes d'excitations d'autres métamères centraux.
Les douleurs neuropathiques
Elles résultent d'une lésion ou d'un dysfonctionnement du système nerveux périphérique ou
central. Sous cette dénomination sont regroupés plusieurs syndromes d'origine et de
topographie différentes qui ont en commun une lésion totale ou partielle des voies sensitives
afférentes soit au niveau radiculaire, médullaire ou cérébral.
Ces douleurs sont fréquentes et se retrouvent suite à une destruction ou à une lésion d'une
structure du système nerveux périphérique :
douleurs des amputés (douleur fantôme)
lésion traumatique d'un plexus brachial
lésions toxiques (post-chimiothérapie ou alcool), métaboliques (diabète), infectieux (postzostériennes), douleurs cruralgique ou algoneurodystrophie.
Elles se retrouvent également suite à une destruction ou à une lésion du système nerveux
central :
- accidents vasculaires thalamiques
- section de moelle
- maladie démyélisante (sclérose en plaque).
La description clinique de ces douleurs revêtent une sensation de brûlure, de décharge
électrique paroxystique, de dysesthésies ou paresthésies avec souvent une allodynie et une
hyperalgie, des troubles sensitifs, parfois moteurs dans une région dépendant d'un nerf ou d'un
tronc nerveux.
Certains troubles observés semblent secondaires aux mécanismes initiaux, plutôt de
mécanismes "réflexes" mettant en jeu le système nerveux autonome (ex : syndrome
douloureux régional complexe).
Les mécanismes physiopathologiques de ces douleurs ne sont que partiellement et très peu
connus :
- développement et création aberrante de potentiels d'action dans les neurones désafférentés
génération ectopique de potentiels d'action dans les afférences lésées mise en jeu réflexe du
système nerveux sympathique
- transmission éphatique entre afférences primaires et afférences sympathiques et motrices.
Les douleurs idiopathiques et psychogènes
Il s'agit habituellement d'un diagnostic d'exclusion.
La description de la douleur par le malade est fort riche, mais aussi imprécise et variant avec
le temps et ne permettant pas d'évoquer un cadre nosologique connu.
Il est vraisemblable que dans ces cas-là co-existent des problèmes somatiques, indétectables
par les moyens mis à notre disposition aujourd'hui et que ces problèmes entraînent ou sont
favorisés par d'autres problèmes d'ordre psychosocial (ex : fibromyalgie, glossodynies,
coccydynies, céphalées de tension, ...).
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Les douleurs psychogènes se rencontrent chez des patients présentant simultanément des
problèmes psychopathologiques reconnus et chez qui la plainte reste "sine materia" et en
dehors de tout cadre nosologique connu.
La psychologie de la nociception
Elle fait intervenir un système cible spécifiquement unidirectionnel impliquant des neurones
qui, à partir des terminaisons nerveuses libres, acheminent le message nociceptif de la
périphérie vers la moelle puis vers le système nerveux central où un système complexe de
traitement de l'information et des processus de contrôle descendants confère à l'information
nociceptive son caractère prioritaire.
L'évaluation de la douleur reste une étape importante car sur elle repose le diagnostic et
le traitement de la douleur.
Laisser au patient le temps de se raconter.
La localisation, l'intensité, le décours dans le temps et la description détaillée des
caractéristiques d'une douleur peuvent aider le médecin à mieux comprendre la
problématique
S'intéresser aux répercussions physiques, psychiques, professionnelles et sociales aide
aussi le patient à se sentir entendu
Evaluer les traitements déjà entrepris et les résultats des différents traitements, ceci
évite bien des échecs thérapeutiques
S'intéresser aux "croyances physiopathologiques" des patients concernant le problème
permet de réajuster avec eux leurs conceptions
Demander clairement ce qu'ils attendent d'une prise en charge.
Les buts d'une consultation de douleur chronique :
- obtenir un diagnostic clinique correct et de proposer des thérapeutiques
pharmacologiques afin de soulager les symptômes.
- motiver les patients à adhérer à une prise en charge plus globale car la douleur
chronique sévère est un problème bio-psycho-social.
- apprendre au patient à mieux gérer cette problématique car la médecine a ses propres
limites et n'a pas de remède miracle.
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