Prise en charge des personnes âgées dans les services d’urgence de Bretagne Synthèse à partir de l’enquête régionale sur les urgences hospitalières Avril 2004 Service médical de Bretagne Frédéric Spinelli _________________________________________________________________________________________ Janvier 2005 RESULTATS DE L’ENQUÊTE SUR LA PRISE EN CHARGE DES URGENCES EN BRETAGNE VOLET PERSONNES AGEES A. Présentation de l'étude La première partie de cette étude comprendra une analyse spécifique de la population âgée accueillie dans les services et unités d'urgence de la région Bretagne. C'est un complément de l'enquête générale préalablement diffusée. Elle s'attache à relever toutes les informations propres aux malades de 75 ans et plus, et à les comparer quand cela est possible aux résultats de la population globale étudiée. Des résultats de la fiche structure relatifs à l'accueil des malades âgés ont également été pris en compte. Les recommandations du projet de SROS sur la prise en charge sanitaire des personnes âgées en Bretagne seront rappelées dans une seconde partie. L'illustration de ces recommandations viendra de l'exemple du fonctionnement de l'équipe d'appui et d'orientation gériatrique récemment constituée au Centre Hospitalier de Guingamp. Enfin seront exposées les recommandations de la Conférence de Consensus du 5 décembre 2003 sur le devenir de la personne de plus de 75 ans aux Urgences. B. Résultats de l'enquête "patients" personnes âgées de 75 ans et plus se rapportant aux 1. Caractéristiques de la population accueillie Il y a une sur-représentation des classes d'âge au-delà de 75 ans. Cette classe d'âge constitue 10 % du total des entrées le dimanche et 15,8 % en semaine. 3 Répartition en pourcentage des patients admis le dimanche 85 et plus 2.0 80 - 84 ans 75 - 79 ans 30 - 34 ans 3.5 6.9 4.6 7.1 6.7 7.0 5.7 6.7 6.7 20 - 24 ans 6.3 7.3 12.2 6.5 9.1 6.2 5 - 9 ans 0 - 4 ans 3.0 7.1 6.3 10 - 14 ans 2.0 5.0 25 - 29 ans 15 - 19 ans 2.7 4.6 55 - 59 ans 35 - 39 ans 2.8 5.1 60 - 64 ans 40 - 44 ans 2.7 4.8 65 - 69 ans 45 - 49 ans 3.5 4.1 70 - 74 ans 50 - 54 ans 3.8 2.4 8.3 5.9 6.9 6.0 8.4 Répartition en pourcentage des patients admis en semaine 85 et plus 2.0 5.9 2.4 80 - 84 ans 4.9 4.1 75 - 79 ans 70 - 74 ans 5.0 4.5 4.8 65 - 69 ans 3.3 5.1 4.6 60 - 64 ans 5.0 55 - 59 ans 7.1 50 - 54 ans 2.2 3.2 3.7 6.9 45 - 49 ans 40 - 44 ans 4.9 5.3 7.1 7.0 35 - 39 ans 30 - 34 ans 5.8 6.7 5.9 6.3 25 - 29 ans 5.1 6.3 20 - 24 ans 15 - 19 ans 9.2 6.5 8.6 6.2 10 - 14 ans 5 - 9 ans 8.9 5.7 5.9 0 - 4 ans 6.0 Répartition de la population en Bretagne 7.9 Répartition des patients admis (Source INSEE, projection population omphale 2002) 2. Le mode d'arrivée Il semble exister des pics de fréquentation identifiés pour les personnes âgées. En semaine, le maximum d'activité pour cette tranche d'âge se situe entre 09H00 et 11H00 puis entre 14H00 et 16H00 et le dimanche entre 10H00 et 13H00. Heures d'arrivée par classes d'âge - Semaine 4 % 14.0 < 10 ans 12.0 75 et plus Ensemble 10.0 8.0 6.0 4.0 2.0 0.0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 23 24 Heure d'arrivée % Heures d'arrivée par classes d'âge - Dimanche 14.0 < 10 ans 75 et plus Ensemble 12.0 10.0 8.0 6.0 4.0 2.0 0.0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 Heure d'arrivée Le mode d'adressage Ces personnes âgées sont majoritairement adressées par un médecin : près de 8 sur 10 le sont en semaine, et 6 sur 10 le dimanche. Par comparaison, si l'on considère l'ensemble des patients, près de 2 sur 3 (63,3 %) arrivent aux urgences sans être adressés par un médecin. La part des entrées à partir des établissements pour personnes âgées est de 11 % en semaine et 14 % le dimanche. Ces résultats peuvent être liés à la régulation, effective ou non, en amont des urgences. Le dimanche, les patients âgés sont moins souvent vus par un médecin et donc 5 plus facilement envoyés aux urgences. Il y a également moins de personnels disponibles ce jour là dans les établissements. Le mode de transport Toutes proportions gardées, le SMUR est 2 fois plus utilisé chez les personnes de plus de 75 ans. Il n'empêche que le VSL est le mode de transport privilégié par cette catégorie d'âge. Il concerne 1 personne sur 2 le dimanche et près de 2 sur 3 en semaine. Ainsi, moins de 1/4 de ces personnes âgées arrive par ses propres moyens (contre 80 % chez les 20-24 ans). 3. Les motifs médicaux Les pathologies prises en charge La traumatologie est la pathologie dominante : 25,4 % des admissions de cette classe d'âge le samedi et près de 30 % le dimanche*. Viennent ensuite les pathologies cardio-vasculaires (17 % et 23,7 %) et neurologiques (11 % et 10 %). Ces 2 pathologies représentent 1 motif d'entrée sur 3. % *Rappelons que cette affection représente plus de 50 % des motifs principaux d'entrée tous âges confondus ; et aussi plus nettement le dimanche. 30 29.5 Semaine Dimanche 25.4 25 23.7 20 17 15 11.1 10 9.4 8.9 8.4 7.6 6.3 5 2.5 2.1 2 1.6 1.1 5.8 4.9 4.2 4 3.7 1.1 3.2 3.1 3.2 2.9 2.1 1.6 0.7 0 0 0 0.5 1 1.6 ue ox ic om an ie O RL N eu -O r ol PH og -S ie to m at ol C og ar ie di ova sc ul ai re H Pn ép eu at m ool ga og st ie ro -e nt ér ol og ie D er m at ol og ie R U hu ro m lo gi at e ol -A og ie pp ar ei lg én ita l M Pé ot ifs di at sa ri e ns or ie nt To at xi io Tr co n a lo um Pa gi e at th o ol Ag lo og gi en ie e ts so ph ci al ys e iq et ue m s éd ic olé ga le bo liq -T rie ia t Ps yc h ol og ie m ét a ém at ol H do cr in En In fe ct io l og ie og ie 0 6 Le degré d'urgence à l'accueil Répartition selon les classifications GEMSA* et CCMU* Répartition des GEMSA % Semaine 80 Dimanche 70.5 70 64.2 60 50 40 28.4 30 22.4 20 10 2.2 0.1 4.7 3.9 2.1 0.9 0 0.5 0 GEMSA 1 GEMSA 2 GEMSA 3 GEMSA 4 GEMSA 5 GEMSA 6 Répartition des CCMU % 60 54.7 Semaine Dimanche 52.2 50 40 34.9 33.7 30 20 10 4.7 6.2 5.8 3.7 1.3 2.1 0.7 0 0 CCMU 1 CCMU 2 CCMU 3 CCMU 4 CCMU 5 CCMU 6 Près de 75 % des patients âgés accueillis sont hospitalisés en semaine (GEMSA 4 et 6, hospitalisation non programmée) ; un peu moins le dimanche : 69 %. En moyenne 1 patient sur 3 qui sera hospitalisé a plus de 75 ans, notamment dans les services d'hospitalisation complète. Le taux de prises en charge lourdes (groupe C : GEMSA 4, CCMU 4 et 5 et GEMSA 6, CCMU 4 et 5) représente 7,2 % des patients âgés accueillis en semaine, et 7,9 % le dimanche. * La signification de ces classifications figurent en annexes. 7 Rappel : Groupe A : GEMSA 2 et CCMU 1 Groupe B : GEMSA 4 et CCMU 1 GEMSA 5 et CCMU 1,2 et 3 Groupe C : GEMSA 4 et CCMU 4 et 5 GEMSA 6 et CCMU 4 et 5 Groupe D : tous les autres. % Répartition des groupes de patients 87.6 90 87.9 Semaine 80 Dimanche 70 60 50 40 30 20 10 7.2 1.6 2.6 3.6 7.9 1.6 0 Groupe A Groupe B Groupe C Groupe D Comparés aux résultats globaux, le taux de pathologies lourdes est 2 fois plus important pour les personnes âgées. La durée de séjour aux urgences Personnes âgées hospitalisées Personnes âgées non hospitalisées dimanche 5H53 3H20 semaine 5H12 3H08 En moyenne la durée de séjour aux urgences des personnes âgées est de 5 heures le dimanche et 4H40 en semaine. L'étude de l'échantillon, tous âges confondus, montre que le temps de séjour aux urgences est en moyenne de 3 heures en semaine et 2H30 le dimanche. Le devenir des patients accueillis 8 Domicile ou substitut Hospitalisation dans l'établissement Transfert Décès semaine 23,2 % 71,1 % 4,7 % 0,1 % dimanche 30 % 64,7 % 4,2 % - L'absence de régulation médicale en amont des urgences le dimanche pourrait expliquer un taux d'hospitalisation moindre et donc un taux plus important de retour à domicile. Les orientations inadéquates des personnes âgées à l'accueil des services d'urgence Si l'on s'en réfère au groupe A (GEMSA 2, CCMU 1) : En semaine : 1,6 % des passages. Le dimanche : 2,6 % des passages. Ces taux sont nettement plus bas que ceux observés tous âges confondus : 11,5 % des passages en semaine et 17,5 % le dimanche. Les orientations inadéquates des malades âgés hospitalisés, selon les urgentistes En semaine : 4 hospitalisations faisant suite à l'admission aux urgences sur 10 sont jugées inadéquates parmi lesquelles : 80,6 % devraient être hospitalisés dans un autre service de médecine, 3,2 % autres (SSR, LS…), 8,1 % dans un autre service de chirurgie, 3,2 % devraient rentrer au domicile ou substitut, 3,2 % devraient intégrer le secteur médico-social, 1,6 % la psychiatrie. Le dimanche : Un peu moins de 3 hospitalisations sur 10 seraient inadéquates parmi lesquelles : 73,5 % devraient être hospitalisés dans un autre service de médecine, 8,8 % autres (SSR, LS…), 8,8 % dans un autre service de chirurgie, 2,9 % devraient rentrer au domicile ou substitut, 2,9 % devraient intégrer le secteur médico-social, 2,9 % la psychiatrie. Au total, parmi les patients âgés dont les hospitalisations sont jugées inadéquates, 73 à 80 % relèveraient d'un autre service de médecine (ou de chirurgie). 9 6,4 % des patients en semaine et 5,8 % le dimanche présenteraient un état clinique qui ne justifierait pas une hospitalisation. C. Résultats de l'enquête sur les structures de soins en rapport avec les personnes âgées La présence d'un gériatre dans le service des urgences est confirmé dans 2 UPATOU (CH de Dinan et Ploërmel), et 2 SAU (CH de Saint-Malo et le CHU de la Cavale Blanche à Brest). La présence d'un gériatre sur le tableau de garde, ou répondant à une procédure d'appel 24H/24, est effective dans 3 SAU. L'existence d'une filière gériatrique complète dans l'établissement est effective dans un seul SAU (CH de Vannes). D. Discussion Deux autres études se rapportant aux urgences hospitalières ont été réalisées ; l'une en 1999 dans la région Aquitaine, l'autre en 2002 dans la région Centre. Peu d'informations relatives aux personnes âgées ont été délivrées. On retiendra la proportion des patients âgés de 75 ans et plus de l'étude en Aquitaine : 13,5 %, et de l'étude en région Centre : 12,3 %. La population de patients âgés recensée aux urgences est estimée à 750 dans la présente étude, soit 13,8 % de la globalité de l'échantillon (tous âges confondus). Ces patients âgés représentent 15,8 % du total des entrées en semaine et 10 % le dimanche. Les pics de fréquentation des patients âgés aux urgences sont identifiés ; ils correspondent à la fin de matinée et au début, voire le milieu de l'après-midi. Les personnes âgées sont majoritairement adressées par un médecin. Le transport est assuré par le SAMU, et surtout par VSL pour 3 patients sur 4 accueillis. 1 patient hospitalisé sur 3 a 75 ans et plus. Le taux de pathologies lourdes est deux fois plus important chez les patients âgés. 10 La durée de séjour de cette population de malades est prolongée de 2 heures en moyenne par rapport à l'échantillon étudiée, tous âges confondus. Elle est aussi deux fois plus élevée le dimanche que la personne âgée soit hospitalisée ou non. Les taux d'inadéquation sont relativement faibles à l'accueil du service des Urgences. Par contre, les hospitalisations génèrent des taux d'inadéquation importants concernant près de 40% des malades. Enfin peu d'établissements hospitaliers de la Région Bretagne ont mis en place un accueil gériatrique, qu'il s'organise par l'intermédiaire d'un gériatre dans le service des urgences ou d'une filière gériatrique dans la structure. E. Recommandations du projet de SROS sur la prise en charge des personnes âgées en Bretagne Le fonctionnement d'une filière gériatrique complète, convergence de ces recommandations, doit répondre à trois objectifs : L'objectif n° 1 est de "permettre une évaluation gériatrique précoce de l'état de santé" pour définir les soins adaptés et l'orientation adéquate de la personne âgée. Cet objectif se décline en deux actions prioritaires dont le dénominateur commun est l'expertise gériatrique de la personne âgée : - promouvoir l'intervention d'un dispositif ambulatoire d'évaluation sur le lieu de vie, à la demande du médecin traitant. - promouvoir l'intervention d'un dispositif mobile d'évaluation au sein de l'hôpital. Pourquoi ? L'étude régionale du Service Médical a relevé les particularités du cheminement des personnes âgées avant, pendant et après leur prise en charge dans les services d'urgence. Rappelons qu'en amont de l'accueil aux urgences, la régulation par les médecins traitants parait effective puisque en semaine 8 patients âgés sur 10 sont adressés par un médecin. Cette information est à considérer favorablement. Des hospitalisations inutiles sont ainsi probablement évitées. Lorsque l'adressage aux urgences n'a pas d'autres alternatives, les inadéquations à l'accueil rapportées par les médecins urgentistes sont peu importantes, comparées à la globalité de l'échantillon, tous âges confondus. Mais la durée de séjour dans le service des urgences est en moyenne 2 heures plus longue que pour les autres catégories d'âge. Lorsque le malade âgé doit être hospitalisé dans un service de médecine ou de chirurgie, son temps de transit aux urgences approche les 6 heures ! 11 L'éventualité d'une hospitalisation secondaire concerne 75 % des patients âgés de 75 ans et plus en semaine (69 % le dimanche). Ainsi 1 patient hospitalisé sur 3 est une personne âgée ; son orientation dans un service de court séjour sera inadéquat 4 fois sur 10 ( en semaine ). Ces constats illustrent la nécessité de l'évaluation gériatrique préconisée. Réalisée en amont des urgences, elle a pour but de limiter les passages inappropriés estimés à 20 % dans l'étude régionale. Les durées de séjour prolongées, près de 6 heures en moyenne s'il y a hospitalisation à suivre, sont sources de déstabilisation préjudiciable de l'état de santé de la personne âgée. Réalisée dans le service des urgences, elle contribue à réduire le risque d'orientations inadaptées dont on a évalué l'importance. Ces services de spécialités d'organes sont en règle générale moins motivés et adaptés pour accueillir une population âgée en perte d'autonomie. Les enjeux sont multiples et bien identifiés dans le projet de SROS sur la prise en charge sanitaire des personnes âgées : "une prise en charge globale, médico-psycho-sociale de type gériatrique est nécessaire pour éviter de négliger certains problèmes pouvant entraîner une décompensation en cascade chez le patient âgé fragile et a fortiori polypathologique, l'absence d'anticipation conduisant le plus souvent à une perte d'autonomie fixée, éthiquement inacceptable et posant de gros problèmes d'évolution". La filière gériatrique complète telle qu'elle est préconisée dans le SROS, répond à deux autres objectifs : - Développer la prévention et les prises en charge ambulatoires. Il s'agit de favoriser le maintien de la personne âgée dans son milieu de vie. - Assurer l'accès à une hospitalisation adaptée pour délivrer le traitement requis par son état de santé à la personne âgée. La partie de l'étude régionale consacrée aux structures de soins a révélé que peu d'établissements disposaient de gériatres dans les services d'urgence. Une filière gériatrique interne se retrouve dans un seul établissement breton. Les unités hospitalières de court séjour gériatriques ou de type hôpital de jour ou de semaine sont en nombre limité. Composantes de la filière de soins gériatriques, elles sont complétées par les unités mobiles de gériatrie dont les missions d'information, de consultation et d'évaluation se déroulent dans les services d'urgences et les services de spécialités d'organes. L'Equipe mobile d'Appui et d'Orientation Gériatrique du Centre Hospitalier de Guingamp est devenue opérationnelle au cours du premier trimestre 2004. Elle n'a donc pas été prise en compte par l'étude régionale mais son organisation et son fonctionnement tels que constatés sur le terrain valent d'être rapportés. F. Organisation et fonctionnement de l'Equipe d'Appui et d'Orientation Gériatrique du Centre Hospitalier de Guingamp 12 Le Projet d'Etablissement 2002-2006 a prévu la mise en place d'une filière gériatrique interne. Elle se compose d'un pôle gériatrique d'hospitalisation (comprenant un service de court séjour ouvert en 2006, un SSR de 30 lits et un EHPAD de 300 lits), et d'une équipe mobile de gériatrie dite d'Appui et d'Orientation Gériatrique (E.A.O.G.). Cette E.A.O.G. est composée d'un ETP d'IDE, ancienne formatrice à l'école d'aide-soignante, de 0,5 ETP de gériatre, d'un ETP d'assistante sociale et de 0,5 ETP de secrétaire. Une chargée de coordination du CLIC local et le cadre infirmier du SSR se joignent aux réunions de synthèse hebdomadaires de l'équipe. Ses missions sont celles définies dans la circulaire du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins gériatrique. Son objectif est d'aborder le plus tôt possible la personne âgée hospitalisée pour un motif social ou médical ; connaître son environnement familial, ses conditions de vie, et évaluer son degré d'autonomie : c'est une identification précoce du profil gériatrique qui peut être réalisé dans le service des urgences. Il donnera des indications sur les risques de pertes fonctionnelles ou de séjour prolongé. Son intervention peut avoir lieu en amont de l'hospitalisation au cours d'une "consultation gériatrique avancée" dans la cellule gérontologique du CLIC (seuls les CLIC du niveau 3 le permettent). Le plus souvent il s'agit de troubles cognitifs signalés par le médecin traitant. Cette anticipation peut éviter l'hospitalisation. Les liens ville-hôpital sont importants. En préalable à toute hospitalisation, les structures d'hébergement de personnes âgées et de plus en plus de médecins traitants renseignent une fiche de liaison comprenant des informations d'ordre sociales et un tableau de variables de la grille AGGIR à compléter. Une fois hospitalisés, et parfois dans le service des urgences même, les patients en attente de placement sont pris en charge par l'assistante sociale. Les patients à risque de perte d'autonomie sont repérés par l'IDE de l'équipe et bénéficient très vite (dans les 24 à 48 heures) d'une évaluation de l'autonomie, des fonctions cognitives, du cadre de vie… L'hospitalisation peut parfois être évitée par activation du réseau gériatrique local (SSIAD, EHPAD, CLIC). Admis en court séjour (il n'existe pas encore de court séjour gériatrique), l'évaluation médicale gériatrique globale complète l'identification précoce du profil gériatrique réalisé par l'infirmière. Le dépistage des troubles cognitifs est systématique. Le médecin gériatre de l'équipe, en collaboration avec le praticien du service, oriente le bilan et la thérapeutique. Le patient âgé hospitalisé est alors suivi jusqu'à la sortie du service. Pendant la durée de son hospitalisation, l'infirmière de l'E.A.O.G. rencontrera la famille ou contactera la structure d'hébergement ; le gériatre anticipera le placement en SSR s'il se justifie. L'assistante sociale en collaboration avec le CLIC envisagera si besoin le placement en institution. Le dossier du patient fera de toute façon l'objet d'une réflexion en réunion hebdomadaire de l'E.A.O.G. Le CLIC de Guingamp tient un registre à jour des places disponibles dans les structures de l'hébergement de son territoire d'intervention : places en hébergements complets, temporaires et en accueil de jour particulièrement pour une prise en charge des troubles cognitifs. 13 Une fiche de liaison "suite hospitalisation" est remise au patient lors de sa sortie de l'hôpital par le secrétariat de l'E.A.O.G. Lorsque la clinique le justifie, une réévaluation de l'état cognitif à distance (3 mois) est programmée au CLIC du réseau gériatrique. Une évaluation du fonctionnement de cette équipe mobile gériatrique se fera au cours du second trimestre 2005. G. Devenir de la personne de plus de 75 ans aux urgences : recommandations de la Conférence de Consensus du 5 décembre 2003 Exposé synthétique de la Conférence de Consensus La Société Francophone de Médecine d'Urgence a élaboré un certain nombre de recommandations devant la complexité de la prise en charge de la personne très âgée aux urgences. Elle a également proposé des outils d'évaluation favorisant la prise de décision quant au devenir de la personne accueillie. Ont été abordés : - Les critères d'admission : le jury recommande une information large et actualisée sur les filières de soins gériatriques et leur utilisation en direction des médecins généralistes, régulateurs et des établissements de soins. - Les informations et les éléments immédiats nécessaires à la prise en charge à l'arrivée dans le service (éléments d'ordre médical, psychologique, environnemental et social) : le jury recommande un repérage de la fragilité chez toute personne très âgée selon des grilles d'évaluation proposées, et des relations étroites entre services d'urgence et gériatrie. - Les particularités de l'examen clinique et des examens complémentaires. Une des recommandations appuyées se rapporte au diagnostic des pathologies iatrogènes fréquemment retrouvés chez la personne âgée. - Les recommandations de prescriptions, conséquences du thème précédent. - Les orientations, comprenant les critères de non hospitalisation, l'organisation optimale des conditions de sortie et le rôle de la filière gériatrique. - La réanimation et les soins palliatifs ont également fait l'objet de recommandations. 14 En conclusion Le jury a justifié la complexité de la prise en charge de la personne âgée de plus de 75 ans aux urgences par "un manque important des données scientifiques". A tous les niveaux de cette prise en charge, "les niveaux de preuves sont le plus souvent faibles". H. Conclusion et préconisations La Conférence du Consensus sur le devenir de la personne âgée de plus de 75 ans aux urgences le sous-entend : le nombre et la proportion de patients âgés fragiles admis de manière non programmée à l'hôpital souvent par la voie des urgences sont en augmentation du fait du vieillissement de la population. La présente étude régionale montre sous différents aspects les difficultés rencontrées par les services d'urgence lorsqu'une personne âgée polypathologique s'y présente : relatives inadéquations des passages, durées de séjour prolongées, inadéquations fréquentes des patients aux services d'hospitalisation. Puis s'en suivent des séjours hospitaliers prolongés par des sorties retardées parce qu'elles n'ont pas été anticipées ; le personnel médical et non médical n'est pas, le plus souvent, préparé ou motivé à cette prise en charge médico-sociale. La circulaire du 18 mars 2002 rappelle l'objectif de doter à terme tous les établissements hospitaliers, siège d'un SAU, d'un service de court séjour gériatrique. Les médecins urgentistes pourraient alors collaborer avec un gériatre ou l'équipe mobile gériatrique, concept émergeant qu'il convient de promouvoir. Dans l'esprit de la circulaire, cette équipe mobile n'est envisageable que s'il existe une unité de court séjour. Mais il existe des exemples de fonctionnement d'équipes mobiles gériatriques rattachées sur un plan fonctionnel à un pôle d'évaluation (consultation, hospitalisation de jour, de semaine…). Les préconisations déduites du volet gériatrique de cette étude régionale sur les urgences sont inspirées du projet de SROS sur la prise en charge sanitaire des personnes âgées, et de la circulaire du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins gériatriques. Elles peuvent s'énoncer ainsi : - Inciter prioritairement les Centres Hospitaliers siège d'un SAU à organiser une filière gériatrique intra hospitalière avec la mise en place d'une équipe mobile gériatrique, s'accompagnant du recrutement de personnel adéquat. - Activer l'évolution des CLIC vers le label de niveau 3 ; ils sont le support indissociable d'un véritable réseau gérontologique ville-hôpital. 15 Enfin une implication optimale des médecins et des gestionnaires hospitaliers pour la concrétisation de ces recommandations passe par une reconnaissance et une valorisation de ces activités par la T2A. Références bibliographiques 1) Prise en charge de la personne âgée de plus de 75 ans aux urgences. Texte de la Conférence de consensus la Revue de Gériatrie, tome 29 n° 3, mars 2004. 2) Les Centres Locaux d'Information et de Coordination (CLIC). Revue du soignant en Gériatrie, août 2003 n° 1. 3) Circulaire DHOS/02/DGS/SD5D n° 2002/157 du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins gériatrique. 4) Identification précoce du profil gériatrique en salle d'urgences : présentation de la gille SEGA. La Revue de Gériatrie, tome 29 n° 3, mars 2004. 5) Unité mobile de gériatrie : objectifs et modalités de fonctionnement. Le Concours Médical, tome 126 n° 3, du 24 novembre 2004. 16