Jean-Pierre Raffarin impose le gel de la redevance pour l

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Jean-Pierre Raffarin impose le gel de la redevance pour
l'audiovisuel public
Les budgets des médias publics progresseront de 2 % en moyenne. Une augmentation
du temps de publicité sur France Télévisions ne serait pas à l'ordre du jour.
La redevance pour l'audiovisuel public restera de 116,5 euros en 2002, a annoncé Jean-Jacques
Aillagon, ministre de la culture et de la communication, jeudi 12 septembre. Matignon a donc
imposé sa ligne.
Après avoir refusé d'augmenter les tarifs d'EDF, comme le
souhaitait pourtant son ministre de l'économie, et du timbre,
comme le souhaitait La Poste, Jean-Pierre Raffarin n'a pas
accédé au souhait de M. Aillagon d'augmenter cette ressource
essentielle au service public de l'audiovisuel, en la portant à
120 euros.
Critiqué par certains pour privilégier la baisse de l'impôt sur le
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revenu, qui bénéficie aux ménages les plus aisés, M. Raffarin
avait déjà laissé entrevoir l'issue de la partie en déclarant fin
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familles les plus modestes, et on ne me fera pas changer d'avis
• LE MONDE | 13.09.02 | 12h38
sur la question" (Le Mondedu 28 août).
Loin de se sentir désavoué, M. Aillagon a déclaré à l'Agence France-Presse qu'il éprouvait "une très
grande satisfaction devant cet arbitrage, qui maintient la redevance et assure un développement
de moyens convenables". La rue de Valois se veut en effet conciliante en arguant que la hausse
avait été demandée à la suite d'une note interne qui prévoyait un recouvrement médiocre en 2002 :
"En fait, il devrait augmenter de 2 %", indique-t-on dans l'entourage du ministre. Cette correction
à la hausse est notamment due à l'effet Coupe du monde 2002 de football. Le Mondial est propice
au renouvellement du parc de téléviseurs.
En 2003, le budget de l'audiovisuel public (France Télévisions, Arte, INA, Radio France, RFO et RFI)
augmentera donc de 2 %. Le ministre a précisé que ces 2 % ne sont qu'une moyenne : "Certaines
sociétés seront au-dessus, d'autres en dessous."
Le gouvernement profite également du report de la télévision numérique terrestre (TNT) à 2004,
qui devrait permettre à France Télévisions de faire moins de dépenses, et donc de disposer d'un
budget "relativement difficile mais raisonnable", selon Ghislain Achard, directeur général délégué
du groupe. Selon le contrat d'objectifs et de moyens signé avec le gouvernement Jospin au terme
de la loi sur l'audiovisuel d'août 2000, le groupe devait disposer de 3,1 % d'augmentation. "Nous
ne sommes pas inquiets, poursuit M. Achard. Nous avions prévu des économies dans le cadre du
contrat d'objectifs et de moyens, nous allons continuer sur les frais de gestion, notamment afin
d'augmenter de plus de 2 % le financement des grilles de programmes, qui sont notre priorité."
Les syndicats, eux, manifestent leur inquiétude : "Ce sont de nouvelles économies qui vont
entraver le développement des chaînes", estime notamment le SNRT-CGT.
Gelée en 2003, la redevance reste néanmoins un épineux dossier. Le premier ministre a demandé
à M. Aillagon "une réflexion approfondie sur le financement de l'audiovisuel public en concertation
avec les partenaires concernés", indique un communiqué de Matignon.
Rue de Valois, on indique que le chantier a commencé. M. Aillagon avait déclaré pendant l'été que
la lutte contre la fraude allait être renforcée, proposant à M. Raffarin le rattachement de la
redevance à la taxe d'habitation afin d'en faciliter le recouvrement et de limiter la fraude.
Aujourd'hui, on estime de 6 % à 7 % le pourcentage des foyers qui évitent la redevance. Le taux
est de deux tiers pour les résidences secondaires.
D'autres hypothèses plaident pour une augmentation de la publicité, qui représente 28 % des
recettes du groupe France Télévisions (la redevance représentant 66 %). Aux termes de la loi
Trautmann, le temps moyen consacré à la publicité a été progressivement réduit de 12 à 8 minutes
par heure sur France 2. L'hypothèse d'une augmentation est toutefois vigoureusement démentie
dans les ministères et au siège de France Télévisions.
L'annonce du gel de la redevance a une nouvelle fois soulevé les protestations des créateurs : la
société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (l'ARP) a estimé qu'il privait ainsi "le service
public des moyens lui permettant de renforcer sa politique en faveur de la création
cinématographique et audiovisuelle" ; la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)
a jugé que ce gel n'était "pas compatible avec un service public fort, comme l'avait appelé de ses
vœux le président de la République (...). Cette stagnation des ressources ne peut permettre au
service public d'affirmer sa singularité face aux chaînes privées et de répondre à ses missions".
La Société des réalisateurs français (SRF) et la Société civile des auteurs multimédias (SCAM) et la
SACD, réunies au sein des Etats généraux de la création audiovisuelle, veulent relancer le débat
sur la suppression totale de la publicité sur le service public, pour laquelle ils militent depuis des
années. Outre une augmentation de la redevance pour la mettre au niveau des autres pays
européens, ils proposent l'instauration d'une sorte de taxe Tobin : un écot serait prélevé sur
chaque transaction publicitaire. Dans un marché qui a atteint 30,5 milliards d'euros en 2000, cette
taxe pourrait rapporter 1,5 milliard d'euros par an, soit, par exemple, les trois quarts du budget de
France Télévisions ou trois fois le budget de Radio France.
Bénédicte Mathieu
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 14.09.02
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