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Communication FIESS 2011 par Pascale DELILLE
Groupe de recherche Communication et solidarité, UFR LACC, Université Blaise Pascal,
avec le soutien de la Région Auvergne et de la Région Ile- de-France
Le projet ESS Global : une réponse au déficit de communication et de visibilité de l’économie solidaire
L'économie sociale et solidaire souffre d'un déficit de visibilité; pourtant le message qu'elle véhicule
correspond à un projet de développement durable dans ses aspects sociaux et économiques. Il devrait
répondre aux préoccupations croissantes d’implication socio-responsable des citoyens et des pouvoirs
publics mais ce message n'arrive pas jusqu'à eux dans une forme identifiable ou pertinente. Des
éléments de compréhension, qui ont aussi donné les bases du projet à développer, ont émergé depuis
la réunion du groupe de travail au Luxembourg en 2009, lors des rencontres du RIPESS*
international.
Les particularités de la socio-responsabilité de l'économie sociale et solidaire (ESS) versus les
critères de RSE (responsabilité sociale des entreprises)
Le terme ESS est très polysémique, les modalités de participation et d'implication des parties
prenantes dans les structures de l'ESS sont plurielles (salariés, bénévoles, usagers, consommateurs
comme dans les AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), leur modèle
économique est très varié avec une pluralité de ressources et de financements. Mais ces pratiques
brouillent les frontières entre le monde marchand, le non marchand, l'économique, le militantisme, le
public et le privé et c'est une des grandes caractéristiques de l’économie solidaire. Développer des
réseaux coopératifs et solidaires intégrés dans l'activité économique produit le constat qu'il devient
difficile de dire commence le projet social et où se termine l'activité économique car les deux sont
intimement liés, ce qui fait la grande différence avec les démarches de responsabilité sociale des
entreprises (RSE) qui ajustent quelques axes de développement pour satisfaire à quelques critères, sans
remettre en cause leur modèle de développement. Pour l'économie sociale et solidaire, la socio-
responsabilité est au coeur du projet économique, elle lui est inhérente et insécable, mais il reste à
traduire cette solidarité pour la rendre lisible et évaluable, en particulier pour les consommateurs et les
politiques publiques.
Prise de conscience d’un besoin de référentiel de l’ESS et d’outils communs pour mieux
communiquer
Les pratiques de l’économie solidaire sont moins ancrées par les statuts traditionnels de l’économie
sociale (coopératives, mutuelles, associations et fondations) et sont plus orientées vers des finalités
sociétales. Elles ont besoin de se formaliser dans un message qui serve de référentiel et qui soit
facilement déclinable dans les pratiques. Une des causes du manque de visibilité réside dans le choix
volontaire des acteurs de laisser le champs peu défini, le plus ouvert possible, par peur de figer un
processus et d'obliger à un alignement jugé jusqu’alors arbitraire. Pourtant la diversité des activités de
l'économie sociale et solidaire est avancée comme frein à sa lisibilité et comme une difficulté par les
acteurs publics pour financer sereinement ce secteur.
Interactions de l'ESS avec ses parties prenantes
Les modalités de distributions jusqu’aux usagers/consommateurs finaux font partie du projet de
l'économie solidaire et du commerce équitable et certains revendiquent d'ailleurs l'appellation de
commerce équitable de proximité pour des circuits courts comme les AMAP , par exemple. Un
distributeur peut devenir un passeur d'information, participant ainsi à une éducation à la consommation
responsable, à travers l'explication du choix des différents labels d'agriculture biologique ou de
commerce équitable. Ces pratiques n'existent bien évidemment pas dans la grande distribution où
pourtant une partie des acteurs du commerce équitable ont choisi de revendre leurs produits: certaines
parties prenantes potentialisent la dynamique responsable et solidaire, plus que d'autres, avant
d'arriver aux usagers/consommateurs. D’où l’importance d’organiser la visibilité de la chaîne de
production pour maintenir la chaîne de valeur de la production à la distribution .
La coopération économique entre acteurs de l’ESS reste peu développée, ce qui limite
considérablement les possibilités de cohérence de ce secteur et contribue à morceler sa lisibilité. Les
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raisons en sont multiples mais beaucoup d’outils soutiennent plutôt le développement d’activités
individuelles sous forme de micro- ou petites entreprises, encouragés par les politiques
communautaires, plutôt que le développement de projet associatifs ou coopératifs.
Rendre le champs de l'ESS visible et structuré par des partenariats économiques internes
L'affiliation à une fédération professionnelle ne suffit pas à produire une cohérence visible du champ
de l'économie solidaire. Un véritable développement économique endogène serait nécessaire pour
mailler et potentialiser le champ, c'est-à-dire une mise en réseau par des coopérations « fortes »,
c'est-à-dire des interactions économiques plutôt que des liens faibles de reconnaissance
identitaire.
La vision brésilienne et québécoise des réseaux d’économie solidaire présents au forum LUX'09 du
RIPESS à Luxembourg, dans l'atelier Communication, présente une coopération entre acteurs qui se
structure d'abord en B to B (Business to Business) et se pose en préalable à la constitution d'une
vision politique partagée et non l'inverse (Delille P. Terrier C., 2009): il faut d'abord démontrer la
viabilité du projet économique (de sa viabilité sociétale même s'il doit être subventionné) et sa
capacité à se fédérer et à se mailler avec ses parties prenantes, y compris (et surtout) avec ses pairs,
pour qu'on puisse lui accorder la crédibilité d' avoir un possible impact dans une transformation
sociale. Sinon, on reste dans l'incantatoire utopique qui ne convaincra plus personne.
Les valeurs sociales et solidaires ont du mal à vraiment investir le plan économique et marchand et le
modèle d’organisation de la communauté des logiciels libres a été évoqué comme pouvant convenir à
l'économie solidaire: pas de projet macro-politiques mais un ensemble de pratiques relativement
consensuelles et des communautés de travail qui se forment et se défont au fur et à mesure que la
nécessité de développement avance et se modifie, qui fonctionnent sur un mode de travail en réseau et
en cooptation, à géométrie variable, avec toute latitude de former de nouvelles communautés
affinitaires, si des individus le jugent opportun. Les décisions se prennent au plus prêt de l'opérationnel
et il n'y a pas de méta-organisation, qui pense pour tous et décide des orientations.
Le Projet ESS Global est né de ces réflexions : comment accroître la coopération économique des
acteurs de l'ESS entre eux et l’interfacer avec leurs parties prenantes (version expérimentale
http://www.essglobal.info/fr/)
Améliorer la visibilité et l’efficacité de ce projet par des plates-formes internet collaboratives à la
gestion décentralisée au plus près des acteurs, devrait inciter aux projets communs et à la coopération
économique. Recenser des bonnes pratiques pour qu’elles puissent essaimer, organiser des formes de
coopération, créer des chaînes intégrées de productions socio-responsables et solidaires, en travaillant
sur l’interopérabilité des plates-formes, développer l’internationalisation des interactions entre acteurs
de l’ESS, devrait augmenter les parts de marché de l’ESS dans l'économie « mainstream ».
Pour cela, de nombreuses actions sont mises en place, avec différents objectifs :
politiques pour créer des communautés d’acteurs et de partenaires, diffuser l’information sur
les projets dans différents media (communautaires, nationaux ou internationaux) et auprès des
réseaux de consommateurs responsables
économiques pour favoriser des coopérations endogènes ou mutualiser les achats entre
entreprises de l’ESS, faciliter le développement local
temporels pour respecter le rythme de croissance de l’ESS afin qu'elle reste compatible avec
les objectifs solidaires et de consommation responsable. Il convient par exemple d’éviter la
pression et la mise en concurrence des maillons faiblement structurés du secteur.
Favoriser le développement local et la couverture durable et fonctionnelle des territoires a aussi é
évoquée comme une priorité de déploiement : le travail en réseau et la possibilité d'acheter à distance
devrait favoriser l'implantation ou le maintien d'activités traditionnelles ou très spécifiques, dans des
zones peu peuplées, rejoignant en cela, le mouvement « Slow food », pour la préservation de la
diversité culturelle et économique.
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Il apparaît de plus en plus clairement qu'un tissu économique diversifié, peu concentré, est beaucoup
moins vulnérable aux crises et préserve le tissu social d'écarts brutaux de l'activité économique
solvable. Par contre, les entités qui composent ce tissu économique fluide sont individuellement
fragiles et le développement en réseau les protège en partie. Dans des zones faiblement peuplées, le
subventionnement public se justifie par une demande insuffisante et maintient une activité qui se
rapproche d'un service d'intérêt général (le problème se pose en France dans les mêmes termes qu'au
Canada). L’usage des monnaies complémentaires permet d’organiser des péréquations, de supporter
une gouvernance participative et d’orienter la consommation responsable.
Le partenariat avec les pouvoirs publics et les usagers/clients /consommateurs : à partir de ces
nouveaux outils (informations en ligne, fonctionnalité en réseau), le forum brésilien d’ES a développé
une diffusion systématique des appels d'offres publics sur le site et les acheteurs publics sont aussi
aidés dans leur rédaction par une meilleure connaissance des possibilités du marché de l'économie
solidaire et par la cartographie du site. Ainsi, le classement par thématiques et territoires, avec les
informations données sur les capacités de réponses des organisations, aident les pouvoirs publics à
élaborer les appels d’offres et leur évitent aussi de coûteuses études de marché. Les acteurs peuvent
répondre en créant des groupements momentanés d'entreprises, pour « faire masse » et il est aussi
plus facile de trouver des sous-traitants en interne partageant les mêmes valeurs, en cas de pic
d’activité.
Participation des usagers: la géolocalisation des productions de biens et services draine les
consommateurs responsables au plus près de leur bassin de vie. De nombreuses possibilités de circuits
courts producteurs-consommateurs se dessinent aussi à travers cette configuration, avec des achats
groupés qui permettent de réduire les coûts ; et un commerce électronique, qui permet de réduire les
lieux de dépôts-ventes des produits. Les québécois éditent régulièrement un catalogue « Acheter
solidaire » qui regroupe thématiquement les offres de produits disponibles à la vente. Une visibilité
accrue (traçabilité sociale) des conditions de production et de l'organisation sociale autour de la
prestation de services, devrait faciliter la consommation responsable des usagers de la plate-forme et
des pouvoirs publics.
Le respect de la diversité des outils et des pratiques a été plusieurs fois évoqué, pour installer l'idée
qu'il fallait se garder de vouloir uniformiser les outils et de se développer tous sur le même modèle,
mais bien plutôt travailler sur l'interopérabilité des outils et l'articulation de référentiels différents. La
préservation de la diversité économique est une condition favorable à la survie des systèmes, ainsi que
l'organisation décentralisée et en réseau. Il apparaît aussi important de travailler sur les plus petits
dénominateurs communs et un thesaurus partagé, pour pouvoir faire dialoguer les systèmes. Les outils
du web sémantique apparaissent comme une opportunité pour organiser linteropérabilité des
systèmes grâce à la norme SKOS/RDF, et créer une ontologie spécifique de l’ESS.
L’enjeu est donc, quel que soit la logique interne des sites partenaires, d’être capable d’exprimer dans
un vocabulaire commun les informations à partager : structures, personnes, événements, thématiques...
L'ambition du projet ESS Global, dans le cadre du RIPESS* international est de rendre visible et de
faire dialoguer au service de la co-responsabilité sociétale et de la « bio-diversité » économique, des
chaînes intégrées d’ESS entre elles et avec leurs parties prenantes.
Le projet auvergnat de plate-forme d’échanges solidaires (PES) réunissant plus d'une trentaine de
structures et têtes de réseau, initié par le CREDIS et co-financé par le Conseil Régional d’Auvergne, a
relancé une dynamique ascendante d'enrichissement du réseau français BDIS (http://www.la-
bdis.org/-Le-BDIS-en-region-.html) Ce projet s'intègre dans la dynamique portée par le groupe de
recherche Communication et solidarité, de l’université Blaise Pascal, depuis la conception de l’atelier
Communication de l’ESS, lors des rencontres du RIPESS, au Luxembourg en 2009 jusqu'aux récents
séminaires sur la création d'un pôle d'innovation sociale en Auvergne.
*RIPESS : réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire
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