Diarrhées graves néo

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Diarrhées graves néo-natales
Apport de la morphologie
Nicole Brousse, Danielle Canioni, Natacha Patey-Mariaud de Serre
Hôpital Necker – Enfants Malades
Le terme de diarrhée grave rebelle du nourrisson est réservé à des diarrhées résistantes aux
traitements habituels et dépendantes d’une nutrition parentérale prolongée ou définitive. Ce
cadre exclut les diarrhées dites graves prolongées (« protracted ») et les diarrhées secondaires
aux déficits immunitaires. Les caractéristiques cliniques, biologiques, histologiques et
immunohistochimiques permettent une classification des diarrhées graves rebelles en
diarrhées d’origine immune, auto-immune ou non, et en diarrhées non immunes associées à
des anomalies morphologiques épithéliales (de type dysplasique ou de type microvillositaire).
L’objectif de cette mise au point est de décrire les anomalies morphologiques et
immunohistochimiques des diarrhées graves rebelles en essayant de préciser leurs
mécanismes.
1 - diarrhées graves rebelles d’origine immune
Ce groupe des diarrhées graves rebelles « immunes » peut être séparé en deux sous-groupes
en fonction de l’existence d’une pathologie immune propre au tube digestif ou de l’existence
d’une association à une pathologie immune extra-digestive.
Les diarrhées graves immunes sont caractérisées morphologiquement par un infiltrat mononucléé plus ou moins intense du chorion fait de lymphocytes surtout CD3+, CD4+ et CD25
+/-. L’atrophie villositaire est variable. Les altérations épithéliales sont constantes et associent
des lésions glandulaires comportant des cellules en apoptose, des abcès cryptiques voire des
destructions partielles ou totales.
A - diarrhées graves immunes
Le chorion contient un infiltrat inflammatoire fait essentiellement de cellules mononucléées présentant des signes d’activation lymphocytaire T (cellules CD3+, CD4+,
CD25+, DR+).
B - diarrhées graves auto-immunes
Elles sont définies par la présence d’auto-anticorps circulants anti-entérocytes. Le
diagnostic est évoqué sur les caractères morphologiques d’entéropathie immune
associés aux manifestations cliniques et/ou biologiques auto-immunes extra-digestives.
Il repose sur la mise en évidence d’auto-anticorps anti-entérocytes, dont la signification
reste inconnue (caractère primitif ou secondaire ?). Elle peut traduire l’émergence et la
pérennisation d’un clone auto-réactif aux entérocytes chez des patients présentant une
anomalie du système immunitaire.
Mars 2005
Deux formes particulières et très rares sont décrites, l’entéropathie auto-immune liée à
l’X dans le cadre du syndrome IPEX et l’entéropathie auto-immune à auto-anticorps
anti-cellules à gobelet.
Le syndrome IPEX (Immune dysregulation, Polyendocrinopathy, Enteropathy, X
linked syndrome) correspond à une mutation du gène FOX P3 intervenant dans la
régulation des lymphocytes T CD4+. Sur le plan morphologique, l’infiltration du
chorion par des lymphocytes T CD4+ activés est massive, associée à des nécroses
glandulaires et à une atrophie villositaire. Une étude récente d’un cas a montré une
amélioration des signes cliniques et morphologiques après greffe de moelle osseuse
HLA – identique.
L’entéropathie auto-immune à auto-anticorps anti-cellules à mucus est
exceptionnelle, certainement mésestimée. Elle atteint tout le tube digestif. Elle est
caractérisée sur le plan morphologique par un aspect d’entéropathie auto-immune, un
infiltrat mononucléé du chorion et surtout l’absence de cellules à mucus. Les études en
immunofluorescence indirecte mettent en évidence la présence d’auto-anticorps
circulants anti-cellules à mucus.
2 - diarrhées graves rebelles non immunes, d’origine épithéliale
A – atrophie micro-villositaire
L’atrophie micro-villositaire entraîne une diarrhée sécrétoire. Elle est caractérisée par
des anomalies de la bordure en brosse prédominant au niveau de l’épithélium de
surface. La bordure entérocytaire est désorganisée, voire absente. Le diagnostic est
difficilement évoqué sur la coloration de routine, l’Hématéïne-Eosine. Ce diagnostic est
posé grâce à des colorations complémentaires, essentiellement le PAS et l’étude
immunohistochimique avec l’anticorps anti-CD10. La coloration par le PAS met en
évidence une accumulation anormale sous forme de granules PAS + dans la partie
apicale du cytoplasme des entérocytes, avec un aspect dit en double contour. L’étude
immunohistochimique avec un anticorps anti-CD10 met en évidence des inclusions ou
granules intra-cytoplasmiques positifs à la partie apicale des entérocytes. La maladie
atteint préférentiellement l’intestin grêle, peut atteindre le côlon, parfois l’estomac. Elle
pourrait correspondre à un défaut dans le transport des vésicules de membrane à la
surface apicale des entérocytes.
Classiquement un examen en microscopie électronique était demandé pour faire le
diagnostic d’atrophie micro-villositaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui lorsqu’un
aspect clinique évocateur, l’image morphologique aidée par les colorations par le PAS
et/ou l’anti-CD10 sont caractéristiques. Ces examens suffisent aujourd’hui au diagnostic
sans qu’il soit nécessaire de faire une étude, toujours lourde, de microscopie
électronique.
B – dysplasie épithéliale
La diarrhée grave rebelle du nourrisson d’origine épithéliale ou « tufting enteropathy »
atteint l’intestin grêle et le côlon. Elle est définie par des anomalies morphologiques
caractéristiques de l’épithélium de surface, avec un épithélium hyperplasique et
« dysplasique » présentant des images en houppette (« tuft »), correspondant à des
images d’entassement sans détachement des entérocytes. Différentes anomalies en
particulier de la matrice extra-cellulaire (laminine …) ont été décrites, sans que l’on
sache aujourd’hui leur signification.
Mars 2005
Conclusion
La classification des diarrhées graves rebelles du nourrisson repose sur une étude
morphologique « simple », permettant de suggérer pour certaines les mécanismes
étiopathogéniques. Elle est provisoire et ne tient pas compte des bases moléculaires,
encore inconnues. La rareté de ces pathologies, la difficulté du diagnostic et la
méconnaissance de leurs mécanismes nécessitent des études multi-centriques et multinationales. La création d’un centre de référence des maladies pédiatriques digestives
rares est une première étape à une meilleure connaissance physiopathologique et une
meilleure prise en charge thérapeutique.
Références :
1. B. Cuenod et al.
Classification of in tractable diarrhea in infancy using clinical and immunohistological
criteria.
Gastroenterology 1990; 99 : 1037-43
2. N. Brousse et al.
Diarrhée grave rebelle du nourrisson. Un cadre à démembrer.
Ann. Pathol. 1994; 14 : 333-338
3. O. Baud et al.
Treatment of the immune dysregulation, polyendocrinopathy, enteropathy, X-linked
syndrome (IPEX) by allogeneic bone marrow transplantation
N.Engl. J. Med. 2001; 344 : 1758-62
4. L. Moore et al.
Autoimmune enteropathy with anti-goblet cell antibodies
Hum Pathol. 1995; 26 : 1162-1168
5. P.M. Sherman et al.
Neonatal enteropathies : defining the causes of protracted diarrhea of infancy
JPGN 2004; 38:16-26
Mars 2005
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