1.3 Les aléas de la vie - Manuel de l`évolution biologique

1.3 - Les aléas de la vie
Des groupes, des espèces apparaissent brutalement, en remplacent d'autres,
puis disparaissent à leur tour. L'histoire de la vie est une succession de ces
événements dont le rythme semble aléatoire. Des exemples d’apparitions brusques de
groupes entiers ainsi que de bouleversements massifs et universels seront tout
d’abord présentés. Pour certains d'entre eux, en effet, on dispose d'un éventail assez
large de faits et d'hypothèses. Sera évoquée enfin la disparition des Néandertaliens
qui est devenue, sans doute, plus médiatique que scientifique.
1.3.1 - Les explosions évolutives ou radiations adaptatives
Trois explosions seront étudiées ; l'une date de la fin du Précambrien et les deux
autres du début du Cambrien (fig. 1.1). À ces époques reculées, la Terre a donné
naissance, sur de courts intervalles de temps, à une multitude d'organismes originaux
dont un grand nombre a disparu définitivement, mais dont les autres sont à l'origine de
tous les groupes actuels.
Trois exemples
- La faune d' É diacara
À Édiacara, localité du sud de l'Australie, les travaux paléontologiques sur les
formations précambriennes vieilles de 600 Ma ont commencé dans les années 1940.
Ils ont été repris par Martin GLAESSNER dans les années 1970. La faune d'Édiacara a été
retrouvée en Afrique et en Amérique du Nord. Les fossiles comprennent des formes
évoquant les Cnidaires, Métazoaires rudimentaires, mais également des organismes
dont on ne voit pas les relations avec les groupes actuels (fig. 1.15).
fig. 1.15
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La connaissance de ces organismes est très imparfaite : ces animaux étaient-ils
diploblastiques ou triploblastiques, ou bien encore possédaient-ils un cœlome qui
aurait constitué un squelette hydrostatique ?
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M. GLAESSNER voit dans ces fossiles les ancêtres de groupes modernes comme
les Cnidaires, les Annélides, les Arthropodes et les Échinodermes. En revanche, selon
Dolf SEILACHER, les animaux de cette faune appartiennent tous au même groupe qui
diffère de tous les embranchements reconnus actuellement. Les différentes formes
fossiles ne sont toujours que des variations autour d'un plan commun d'organisation :
une forme aplatie constituant un matelas de symétries diverses. Apparentés à aucun
groupe actuel, ils représentent une création originale restée sans lendemain, car on ne
leur connaît aucun descendant.
- La faune de Tommot
Le début du Cambrien, il y a 570 Ma, n'est pas marqué par l'apparition des
célèbres Trilobites et de tous les groupes actuels - les Bryozoaires apparaîtront en
dernier au Cambrien supérieur -, mais par celle d'une faune dite tommotienne.
Tommot est une ville de Sibérie orientale, à l'est du lac Baïkal.
Les couches tommotiennes contiennent une énorme quantité de « petites
coquilles » hétérogènes, millimétriques, dont on ignore ce qu'elles représentent. Elles
sont en forme de tubes, d'aiguilles ou de cônes (fig. 1.16).
fig. 1.16
On ne sait pas si ces « coquilles » représentent le squelette intégral d'animaux ou bien
les fragments d'un squelette constitué de plaques non soudées. Ces fossiles ne
possèdent aucune affinité avec les groupes modernes ; les plus connus de ces
fossiles sont les Archéocyathes, classés à tort parmi les Coraux. Pour le
paléontologue russe Alexis ROZANOV, spécialiste de cette faune, ces organismes ont fait
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partie d'embranchements distincts qui se sont éteints aussi brusquement qu'ils sont
apparus. Ses conclusions sont encore discutées.
- La faune de Burgess
En 1909, le paléontologue américain Ch. WALCOTT a découvert les schistes de
Burgess, datant du Cambrien moyen (540 Ma). Le gisement est situé dans les
Rocheuses canadiennes, en Colombie Britannique. Extrêmement riche en fossiles,
cette formation a été retrouvée jusqu'à 30 km autour du site, puis dans l'Idaho, l'Utah,
en Pennsylvanie et, dernièrement, en Chine et au Groenland. Le site de Burgess a
révélé un nombre de nouveautés taxinomiques considérables : la faune appartient à
l'explosion démographique cambrienne, au cours de laquelle tous les grands groupes
ont pris naissance. Seuls les Bryozoaires sont absents au début du Cambrien ; leur
squelette n'était sans doute pas encore minéralisé. Pourtant le gisement de Burgess
est également remarquable par la richesse exceptionnelle de ses fossiles d'animaux à
corps mous.
Au cours de cinq campagnes de fouilles, Ch. WALCOTT a mis au jour 60 000
fossiles dont la plupart sont conservés au National Museum of Natural History de
Washington. Il a effectué des descriptions d'animaux parfois incomplètes. En 1966, le
paléontologue Harry WHITTINGTON, avec deux étudiants, Simon CONWAY-MORRIS et
Derek BRIGGS, reprend les travaux ; il recense treize types d'organisation tout à fait
uniques et vingt-deux espèces non assignées à une classe d'Arthropodes ou à un
embranchement particulier. Dans son article « Les premiers Arthropodes » (La
Recherche, n° 164, mars 1985), D. BRIGGS écrit : « Le gisement des schistes de Burgess du
Cambrien moyen a livré la plus importante faune d'animaux à corps mous connue dans le
monde. Environ cent-cinquante espèces animales réparties dans cent-vingt genres ont été
découvertes, dont plus d'un tiers, c'est-à-dire quelques quarante-quatre genres, sont des
Arthropodes. » La figure 1.17 illustre quelques-uns des spécimens étranges de
Burgess.
Fig. 1.17
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Selon Stephen Jay GOULD, quinze à vingt espèces uniques de Burgess devraient
être attribuées à de nouveaux embranchements ; aux trente-deux embranchements
actuels, apparus dès le Cambrien, il faudrait ajouter une dizaine de phylums disparus
de Burgess.
Ainsi, les faunes d'Édiacara, Tommot et Burgess illustrent trois exemples d'évolution
originale qui semblent s’être déroulés sur une courte période de temps. L’époque
d’Édiacara est caractérisée par l’apparition des premiers Métazoaires et celle de
Burgess par l’apparition des premiers Métazoaires triploblastiques dont le succès
évolutif est toujours actuel.
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