1.3 Les aléas de la vie - Manuel de l`évolution biologique

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1.3 ­ Les aléas de la vie Des groupes, des espèces apparaissent brutalement, en remplacent d'autres, puis disparaissent à leur tour. L'histoire de la vie est une succession de ces événements dont le rythme semble aléatoire. Des exemples d’apparitions brusques de groupes entiers ainsi que de bouleversements massifs et universels seront tout d’abord présentés. Pour certains d'entre eux, en effet, on dispose d'un éventail assez large de faits et d'hypothèses. Sera évoquée enfin la disparition des Néandertaliens qui est devenue, sans doute, plus médiatique que scientifique.
1.3.1 ­ Les explosions évolutives ou radiations adaptatives
Trois explosions seront étudiées ; l'une date de la fin du Précambrien et les deux autres du début du Cambrien (fig. 1.1). À ces époques reculées, la Terre a donné naissance, sur de courts intervalles de temps, à une multitude d'organismes originaux dont un grand nombre a disparu définitivement, mais dont les autres sont à l'origine de tous les groupes actuels.
Trois exemples
­ La faune d'
É
diacara
À Édiacara, localité du sud de l'Australie, les travaux paléontologiques sur les formations précambriennes vieilles de 600 Ma ont commencé dans les années 1940. Ils ont été repris par Martin GLAESSNER dans les années 1970. La faune d'Édiacara a été retrouvée en Afrique et en Amérique du Nord. Les fossiles comprennent des formes évoquant les Cnidaires, Métazoaires rudimentaires, mais également des organismes dont on ne voit pas les relations avec les groupes actuels (fig. 1.15).
fig. 1.15
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La connaissance de ces organismes est très imparfaite : ces animaux étaient­ils diploblastiques ou triploblastiques, ou bien encore possédaient­ils un cœlome qui aurait constitué un squelette hydrostatique ?
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M. GLAESSNER voit dans ces fossiles les ancêtres de groupes modernes comme les Cnidaires, les Annélides, les Arthropodes et les Échinodermes. En revanche, selon Dolf SEILACHER, les animaux de cette faune appartiennent tous au même groupe qui diffère de tous les embranchements reconnus actuellement. Les différentes formes fossiles ne sont toujours que des variations autour d'un plan commun d'organisation : une forme aplatie constituant un matelas de symétries diverses. Apparentés à aucun groupe actuel, ils représentent une création originale restée sans lendemain, car on ne leur connaît aucun descendant.
­ La faune de Tommot
Le début du Cambrien, il y a 570 Ma, n'est pas marqué par l'apparition des célèbres Trilobites et de tous les groupes actuels ­ les Bryozoaires apparaîtront en dernier au Cambrien supérieur ­, mais par celle d'une faune dite tommotienne. Tommot est une ville de Sibérie orientale, à l'est du lac Baïkal.
Les couches tommotiennes contiennent une énorme quantité de « petites coquilles » hétérogènes, millimétriques, dont on ignore ce qu'elles représentent. Elles sont en forme de tubes, d'aiguilles ou de cônes (fig. 1.16).
fig. 1.16
On ne sait pas si ces « coquilles » représentent le squelette intégral d'animaux ou bien les fragments d'un squelette constitué de plaques non soudées. Ces fossiles ne possèdent aucune affinité avec les groupes modernes ; les plus connus de ces fossiles sont les Archéocyathes, classés à tort parmi les Coraux. Pour le paléontologue russe Alexis ROZANOV, spécialiste de cette faune, ces organismes ont fait 43
partie d'embranchements distincts qui se sont éteints aussi brusquement qu'ils sont apparus. Ses conclusions sont encore discutées.
­ La faune de Burgess
En 1909, le paléontologue américain Ch. WALCOTT a découvert les schistes de Burgess, datant du Cambrien moyen (540 Ma). Le gisement est situé dans les Rocheuses canadiennes, en Colombie Britannique. Extrêmement riche en fossiles, cette formation a été retrouvée jusqu'à 30 km autour du site, puis dans l'Idaho, l'Utah, en Pennsylvanie et, dernièrement, en Chine et au Groenland. Le site de Burgess a révélé un nombre de nouveautés taxinomiques considérables : la faune appartient à l'explosion démographique cambrienne, au cours de laquelle tous les grands groupes ont pris naissance. Seuls les Bryozoaires sont absents au début du Cambrien ; leur squelette n'était sans doute pas encore minéralisé. Pourtant le gisement de Burgess est également remarquable par la richesse exceptionnelle de ses fossiles d'animaux à corps mous.
Au cours de cinq campagnes de fouilles, Ch. WALCOTT a mis au jour 60 000 fossiles dont la plupart sont conservés au National Museum of Natural History de Washington. Il a effectué des descriptions d'animaux parfois incomplètes. En 1966, le paléontologue Harry WHITTINGTON, avec deux étudiants, Simon CONWAY­MORRIS et Derek BRIGGS, reprend les travaux ; il recense treize types d'organisation tout à fait uniques et vingt­deux espèces non assignées à une classe d'Arthropodes ou à un embranchement particulier. Dans son article « Les premiers Arthropodes » (La Recherche, n° 164, mars 1985), D. BRIGGS écrit : « Le gisement des schistes de Burgess du Cambrien moyen a livré la plus importante faune d'animaux à corps mous connue dans le monde. Environ cent­cinquante espèces animales réparties dans cent­vingt genres ont été découvertes, dont plus d'un tiers, c'est­à­dire quelques quarante­quatre genres, sont des Arthropodes. » La figure 1.17 illustre quelques­uns des spécimens étranges de Burgess.
Fig. 1.17
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Selon Stephen Jay GOULD, quinze à vingt espèces uniques de Burgess devraient être attribuées à de nouveaux embranchements ; aux trente­deux embranchements actuels, apparus dès le Cambrien, il faudrait ajouter une dizaine de phylums disparus de Burgess.
Ainsi, les faunes d'Édiacara, Tommot et Burgess illustrent trois exemples d'évolution originale qui semblent s’être déroulés sur une courte période de temps. L’époque d’Édiacara est caractérisée par l’apparition des premiers Métazoaires et celle de Burgess par l’apparition des premiers Métazoaires triploblastiques dont le succès évolutif est toujours actuel.
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Les origines probables
Les spéculations sur l'origine de ces explosions évolutives trouvent des réponses dans les domaines de la biologie, de la génétique, de l'écologie et de la géologie.
Biologie : L'explication classique de type darwinien est celle du « tonneau écologique » vide qui se remplit. Des ressources sont inutilisées ; de nombreux organismes aux modes de vie très variés s'y installent. C'est le phénomène de la radiation adaptative : à la suite de spéciations rapides, une espèce va engendrer plusieurs lignées fortement apparentées, mais dont les adaptations sont très diverses. L'une des conditions favorables aux radiations est la colonisation d'espaces vierges ou abandonnés. La radiation cambrienne a été d'autant plus rapide que l'absence de compétition entre espèces a entraîné la multiplication de nombreuses lignées ; la Terre était pratiquement vide pour la première et la dernière fois : nombreux espaces vierges à coloniser. Mais, à la fin de l'ère Secondaire, c'est la disparition des Reptiles et la libération de niches écologiques (espaces abandonnés) qui ont favorisé la diversification des Euthériens, Mammifères placentaires. Une autre condition est l'acquisition d'un nouveau caractère, qui permet l'occupation d'espaces demeurés jusqu'alors inaccessibles : c'est le cas du vol chez les Insectes ou de la vascularisation chez les Végétaux, qui ont respectivement permis la conquête du milieu aérien et celle du milieu terrestre. Génétique : L'origine génétique des radiations est à rechercher dans l'effet de fondation et dans la dérive génique fortuite (voir la section 3.1.3 : « La variabilité et la dérive génique fortuite », et la section 4.2.3 : « La théorie synthétique »). Dans le premier cas (effet de fondation), un groupe plus ou moins important d'individus se sépare d'une population souche et colonise un nouveau territoire ; le polymorphisme restreint de ce groupe n'est pas représentatif de la diversité de la population souche. La nouvelle population acquiert d'emblée des caractéristiques qui lui sont propres (effet de fondation de premier ordre de Jean GÉNERMONT et Maxime LAMOTTE). Puis, par l'intermédiaire de la sélection naturelle, le polymorphisme limité et la pression écologique vont déstabiliser rapidement les interactions géniques (dominance allèlique et épistasie génique) et modifier la composition génotypique tant qu'un double et nouvel équilibre (épistatique et allélique) ne sera pas obtenu (effet de fondation de deuxième ordre, des mêmes auteurs). Dans le deuxième cas (dérive génique fortuite), une population, toujours de faible effectif, se sépare d'une population souche. Le polymorphisme génétique envisagé ici est dû aux gènes neutres (voir la section 4.3.2 : « La théorie neutraliste ») ; il est également réduit, si bien que, sous l'effet du hasard, 46
en l'absence de sélection, puisque les gènes sont neutres, et à la suite de nombreuses générations, la nouvelle population tend vers un type moyen original, différent de celui de la population souche. Mais des généticiens pensent que la rapidité des radiations est due à l’apparition de gènes de régulation du développement, en particulier de gènes homéotiques ou à des mutations qui les affectent. (cf. : « Que savons­nous de l’histoire évolutive des Eucaryotes ? 2. De la diversification des protistes à la radiation des multicellulaires », Médecine/Science n° 2, vol 12, fév. 96, Société Française de Génétique, André ADOUTTE, Agnès GERMOT, Hervé LE GUYADER et Hervé PHILIPPE.)
C’est pourquoi des biologistes soutiennent que de telles explosions démographiques prouvent en fait l'efficacité de la macroévolution (voir la section 4.3.1 : « La macroévolution de Richard GOLDSCHMIDT »), qui donne soudainement naissance à des nouveautés écologiques et taxinomiques. D’autres rejettent ces transitions génétiques brutales pour ne considérer que l'effet cumulatif de petites variations caractéristiques de la microévolution (voir les sections 3.1.2 : « Les mutations ponctuelles », et 4.2.3 : « La théorie synthétique »).
Écologie : Selon S. STANLEY, la théorie écologique dite « du moissonneur » explique ces explosions démographiques. Dans une communauté végétale, si une ou deux espèces s'imposent et monopolisent l'espace, la biomasse de matière végétale produite par cette communauté est importante et provient presque uniquement de ces deux espèces. Introduit dans ce milieu, le moissonneur végétarien consomme surtout les espèces les plus abondantes ; il facilite ainsi l'implantation ou le développement de nouvelles espèces, qui étaient jusqu'alors peu ou pas représentées. La figure 1.18 est une illustration simplifiée de ce modèle : le Lapin est le moissonneur qui s'attaque à l'espèce végétale la plus commune : la Carotte sauvage ; la place libérée est immédiatement occupée par des espèces concurrentes (Brome et Chardon) ou des espèces nouvelles (Cornouiller) ; la présence du Lapin entraîne celle de ses prédateurs tels que les Renards. L'introduction dans une chaîne écologique d'un nouveau maillon s'accompagne d'une diversification à différents niveaux.
Fig. 1.18
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Géologie : Pour James VALENTINE, l'histoire de la vie est une suite d'interactions entre le milieu et les organismes. Il estime que l'une des causes principales de pression du milieu tient à la tectonique des plaques. Les plaques lithosphériques rigides qui portent les continents dérivent en glissant sur le manteau supérieur plastique. Les continents se fragmentent, se heurtent et se soudent ou s'éloignent. Sous l'effet de cette dérive, la topographie, la surface et les conditions biotiques des océans et surtout des mers épicontinentales les plus peuplées, c'est­à­dire celles qui recouvrent le plateau continental peu profond, se trouvent parfois bouleversées. Les conséquences biologiques sont immenses : à l'époque qui nous occupe, tous les êtres vivants sont marins ; les premiers touchés sont donc les organismes littoraux. Actuellement, 95 % des espèces marines vivent dans les mers épicontinentales ; c'est pourquoi un bouleversement tectonique mineur entraîne parfois des bouleversements écologiques.
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La multiplication et la diversification des organismes sont des phénomènes discontinus entrecoupés par des extinctions souvent progressives, mais parfois brutales. C'est pourquoi une redistribution des groupes dans les différents écosystèmes a été possible à plusieurs reprises. La section suivante illustre et propose des explications de quelques extinctions.
Discussion de la notion de radiation
Les documents paléontologiques semblent indiquer que toutes les lignées issues d’une radiation sont apparues de novo, car elles ne sont précédées d’aucune forme ancestrale. Or le principe de l’ascendance commune établi par Darwin dans L’Origine des espèces, admis par tous les évolutionnistes, est en contradiction avec l’absence d’une histoire pré­radiative chez ces lignées. Par exemple, dès leur apparition, les Trilobites ont constitué des faunes géographiques séparées; ils devraient donc avoir initié une phase de diversification antérieure au Cambrien ; or nul fossile de ces hypothétiques formes précambriennes, non plus qu’aucune trace de leur activité, n’a jamais été retrouvé.
Des biologistes pensent que les radiations correspondent à de fortes accélérations de diversification au début desquelles une forme ancestrale donne très rapidement naissance à différentes lignées qui vont continuer de se différencier et s’éloigner irréversiblement les unes des autres. Selon A. COOPER et R. FORTEY (1998), cette thèse classique admet implicitement la complétude des archives paléontologiques et l’absence de toute histoire phylogénétique antérieure à l’explosion.
En revanche, d’autres biologistes considèrent que les explosions sont l’aboutissement d’un long processus évolutif inconnu jusqu’à présent dans les archives paléontologiques.
Des chercheurs se sont demandé quel était l’intervalle de temps nécessaire pour que les formes ancestrales donnent, au cours des radiations cambriennes, les différentes lignées. Mais l’absence de formes ancestrales précambriennes fossiles exige l’emploi d’autres méthodes que la paléontologie. C’est pourquoi G. WRAY, J. LEVINTON et L. SHAPIRO (1996) ont utilisé la biologie moléculaire. Après avoir choisi sept gènes qui assurent des fonctions différentes et qui sont soumis aux mêmes pressions sélectives et après avoir calibré leur horloge moléculaire (voir la section 2.2.2 : « L’horloge moléculaire ») avec les plus grandes précautions, ils sont arrivés à la conclusion que l’arbre phylogénétique des formes radiatives cambriennes a sans doute des racines qui s’implantent loin dans le Précambrien, jusqu’à 1 250 Ma et peut­être même au­
delà. D’autres études génétiques menées par N. SHUBIN, C. TABIN et S. CARROLL (1997) suggèrent également une histoire précambrienne de ces nouvelles lignées 49
cambriennes. L’étude des gènes codant pour des ARNr, en particulier l’ARNr 18S, permet aux biologistes de construire des arbres phylogénétiques avec une résolution minimum de 40 Ma. Malgré tout, dans certains cas, la radiation semble être si rapide que des lignées donnent l’impression d’apparaitre spontanément : c’est donc que la radiation a nécessité un laps de temps inférieur à 40 Ma, c’est­à­dire une vingtaine de millions d’années (cf. : « Que savons­nous de l’histoire évolutive des Eucaryotes ? 2. De la diversification des protistes à la radiation des multicellulaires », Médecine/Science n° 2, vol 12, fév. 96…).
La petitesse de ces précurseurs, peut­être d’une taille de quelques mm, jointe à leur rareté, fournit une explication à leur absence fossile ; on sait en effet que les animaux de petites tailles (Pucerons, Copépodes, Nématodes, etc.) n’ont laissé que de rares fossiles.
Bien qu’importantes, les explosions évolutives cambriennes n’auraient donc pas de réalité scientifique en soi, car elles seraient le résultat final d’un long processus évolutif phylogénétique qui demeure inconnu pour des raisons très difficiles à élucider. Si toutes les radiations semblent précédées d’une longue période de stabilité ou stase évolutive (voir la section 4.3.1 : « Le ponctualisme »), il est possible que cette stase constitue une phase préparatoire indispensable à la réalisation des radiations. Quelle que soit l’hypothèse retenue, A. COOPER et R. FORTEY soulignent que l’évolution progresse par innovations phylétiques (apparition de nouveaux taxons) et par radiations (diversification des adaptations) ; les deux phénomènes sont parfois dissociés.
1.3.2 ­ Les extinctions et les disparitions
Certaines d'entre elles ont été très brutales, affectant principalement la flore et la faune terrestres. La crise qui marque la fin du Secondaire sera abordée, non pas en raison de son importance, mais en raison des nombreux documents dont on dispose à son sujet. En revanche, d'autres extinctions ont été plus graduelles et discrètes, mais elles n'en soulèvent pas moins des interrogations sur l'origine de leur déterminisme. C'est pourquoi la disparition des Néandertaliens sera analysée ; concernant la préhistoire de l'humanité, elle suscite toujours autant de curiosité et de questions.
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Des extinctions massives et universelles
­ Leurs caractéristiques
Les extinctions sont quelquefois dévastatrices, rapides et, pour certaines, contingentes. Selon certains paléontologues, les faunes d'Édiacara et de Tommot n'ont laissé apparemment aucun descendant, alors que la faune de Burgess a été détruite à 95­96 %. Le Permien, qui a marqué la fin du Paléozoïque, a connu un semblable bouleversement : les Trilobites et les Poissons cuirassés, pour citer les plus célèbres, ont disparu définitivement. La fréquence de ces extinctions est élevée, ainsi que le montre la figure 1.19. Certains chercheurs américains ont cru reconnaître une périodicité dans les extinctions, mais leur conclusion est contestée.
Fig. 1.19
­ Leurs interprétations
Diverses interprétations sont proposées : facteurs liés à la biologie des espèces, loi générale des systèmes, intervention du hasard, régressions marines et perturbations de l'atmosphère.
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Facteurs intrinsèques favorables aux extinctions
Sans préjuger des causes externes qui ont pu précipiter des extinctions, il est possible de dégager quelques facteurs biologiques, précurseurs de la disparition d’espèces. Les disparitions d’espèces actuelles ont pour cause des événements observables. Certaines sont liées aux activités humaines ; d’autres semblent indépendantes. Leur étude dégage quelques caractéristiques communes, signes avant­coureurs d’une extinction ; Louis de BONIS en recense quatre principales : ­ populations peu nombreuses dans une aire de distribution limitée et discontinue,
­ grande taille des espèces ; ­ formes très spécialisées, c’est­à­dire inféodées à des biotopes peu étendus et particuliers ;
­ espèces en position terminale dans les réseaux trophiques.
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Les modifications du milieu
Les extinctions semblent résulter de modifications dans l'environnement qui s'effectuent à un rythme trop rapide pour que les organismes puissent s'y adapter par sélection naturelle. Dans ces conditions, animaux ou végétaux disparaissent, sauf s'ils possèdent une particularité passée jusqu'alors inaperçue et qui se révèle adaptative ; leur survie est assurée d’une façon tout à fait fortuite. Un exemple représentatif de ce phénomène aléatoire a été donné par J. KITCHELL, D. CLARK et A. GOMBOS à propos des Diatomées, Algues brunes unicellulaires. Au moment de la crise Crétacé/Tertiaire (65 Ma), 80 % de l’ensemble des espèces marines disparaissent ; les moins touchées sont les espèces benthiques, c'est­à­dire celles qui vivent sur le fond. Une grande partie du plancton (74 % des espèces phytoplanctoniques et 85 % des espèces zooplanctoniques), victime de cette crise, disparaît, sauf quelques espèces dont les Dinoflagellés et les Diatomées. L'abondance de ces dernières est cyclique et dépend de la concentration des eaux marines en sels minéraux remontés des profondeurs par des courants ascendants, les upwellings, eux­mêmes intermittents. Lorsque le taux des sels minéraux est trop faible, par suite d'un arrêt de l'upwelling et d'une trop grande consommation, elles forment alors des spores qui restent dormantes pendant toute la période défavorable. C'est peut­être grâce à cette sporulation, liée à des conditions de vie défavorables, que les Diatomées et d'autres organismes sont sortis indemnes de cette crise.
Philippe JANVIER considère, par exemple, que la fin des Poissons cuirassés (deux de ces Poissons sont représentés sur la figure 1.20) à l'ère Primaire est due à une régression marine, c'est­à­dire un retrait permanent de la mer.
Fig. 1.20
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Les Poissons cuirassés vivaient principalement au sein des milieux périrécifaux, dans des eaux peu profondes où Arthropodes et Mollusques abondants attiraient leurs prédateurs. Il a suffi d'une régression de grande amplitude pour bouleverser ces milieux et éliminer la majorité de leurs habitants.
Cette explication rejoint celle de la tectonique des plaques (voir la section 1.1.3), dont les conséquences sont identiques : bouleversement de l'écologie de niches fragiles et très peuplées. De plus, les perturbations météorologiques sont telles qu'il s'ensuit une crise climatique catastrophique. La fin de l'ère Secondaire est également caractérisée par une régression sans précédent correspondant à une baisse du niveau des mers, estimée parfois à 200 m. Les bouleversements des biotopes consécutifs à cette régression ne peuvent être que dramatiques. Mais ils ont été progressifs et ils ont commencé à se faire sentir bien avant, par exemple, la crise planctonique du Crétacé terminal : une régression n'explique pas toujours à elle seule des extinctions brutales. Lorsqu'une régression modifie complètement la répartition des écosystèmes péricontinentaux, les formes marines littorales doivent être affectées en premier lieu. Or, la régression de la fin du Crétacé affecte principalement les espèces planctoniques et pélagiques, organismes non inféodés directement aux milieux littoraux. Les extinctions ont donc des causes multiples qu'il est difficile d'apprécier.
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Des perturbations de l'atmosphère
Pour certains biologistes, la destruction brutale d'écosystèmes est liée à des perturbations de l'atmosphère, responsables de l'interruption de la photosynthèse, de variations de la température et de l'augmentation du taux des rayons ultraviolets, connus pour leurs effets mutagènes. Marquant la fin du Primaire, le Permien a connu une crise de très grande ampleur ; d’après Louis de BONIS, cette extinction concerne en milieu marin 96% des espèces et 83% des genres (Récifs, Brachiopodes, Bryozoaires, Échinodermes, Crinoïdes, Fusulines, Ammonoïdes...) et de nombreux taxons d'Amphibiens et de Reptiles en milieu continental. Bien que plus réduite, la crise du Crétacé/Tertiaire possède des archives paléontologiques plus récentes et bien documentées ; la disparition des Ammonites, des Bélemnites et surtout celle des Dinosaures ont frappé l’imagination et retenu l’attention des scientifques. Les paléontologues estiment que cette extinction a frappé 60 à 75 % des espèces vivantes.
Les biologistes et les géophysiciens ont expliqué d’une façon convaincante les conséquences d'un bouleversement climatique. La projection dans la haute atmosphère d'une importante quantité d'aérosols, particules de gaz ou de solides dont le diamètre est inférieur à 1 micromètre, et de poussières entraîne de telles perturbations. Si les projections atteignent la haute atmosphère turbulente (altitude supérieure à 12 km), elles sont rapidement réparties autour du globe. Un écran opaque se forme entre la Terre et le Soleil. La Terre n'étant plus normalement réchauffée par le Soleil, les températures baissent brutalement et un hiver rigoureux s'installe pendant plusieurs mois. Dans la haute atmosphère, les températures s'inversent et deviennent positives. Mais l'accumulation dans l'atmosphère de vapeur d'eau et de CO2 libérés par la Terre provoque un effet de serre : le rayonnement solaire traverse ces gaz qui sont imperméables au rayonnement infrarouge émis par la Terre, les températures des terres et des mers redeviennent positives ; la vapeur d'eau se condense et des pluies acides tombent. L'absence permanente de lumière empêche la photosynthèse. L'absence de production primaire perturbe ou interrompt les réseaux trophiques.
Certains tenants de ce scénario discutent encore sur l’origine de ces perturbations : pour ne citer que les hypothèses les plus vraisemblables, il s'agit de l'impact d'un météore, d'éruptions volcaniques ou du passage de la Terre dans un nuage interstellaire.
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Des extinctions rapides selon la thèse météoritique : elle est soutenue, en particulier, par Luis et Walter ALVAREZ, Frank ASARO et Helen MICHEL puis par Robert ROCCHIA (1994). Les controverses ont commencé en 1970, quand L. et W. ALVAREZ, F. ASARO et H. MICHEL se sont intéressés à la couche sédimentaire séparant le Crétacé et le Tertiaire, appelée couche C/T ou encore K/T (d'après le nom allemand du Crétacé : Kreite). En 1980, à Gubbio, dans la province d'Ombrie en Italie, ils ont découvert une concentration anormalement élevée d'iridium. Dans les sédiments marquant la fin du Mésozoïque (ère Secondaire), la couche C/T comprend principalement une forte concentration en iridium (10 à 50 ng g­1, soit 1 mg t­1), mais aussi en osmium, en palladium et en platine. La concentration moyenne de l'iridium dans les roches terrestres est de 0,05 ng g­1. Le graphique de la figure 1.21­A montre dans les terrains C/T l'abondance de l'iridium, dont la masse totale est évaluée à 500 000 t. Le pic de cette courbe est sujet à discussions ; il représente soit une période sédimentaire très courte, quelques milliers d'années, soit une période beaucoup plus longue, quelques centaines de milliers d'années, 500 000 à 1000 000, au cours de laquelle la sédimentation a été plutôt rare.
fig. 1.21 A et B
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L'iridium revêt une importance particulière car il se trouve uniquement soit dans les couches profondes de la Terre, et sa concentration n'y dépasse pas 0,05 ng g­1, soit dans les objets interstellaires à raison de 500 ng g­1.
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Pour expliquer les extinctions et les fortes concentrations d'iridium de la fin du Secondaire, l'idée d'un impact météoritique s'impose rapidement. Pour les uns, la vitesse des extinctions est rapide, mais pour d'autres elle est relativement lente. L'adhésion à l'une ou l'autre de ces deux thèses dépend de la datation des anomalies de la couche C/T. Enfouie dans 6 m de calcaires, celle de Gubbio, par exemple, composée d'argile, est épaisse de 20 cm ; d'après les études sur la vitesse de sédimentation, les calcaires se sont formés en 500 000 ans et l'argile en 1 000 ans. Pour Jan SMIT, la couche C/T qu'il étudie à Caravaca en Espagne s'est même formée en 50 ans. Les arguments des défenseurs de cette thèse sont les suivants :
­ L'analyse des fossiles de Foraminifères et d'autres organismes marins unicellulaires, ainsi que celle d'Invertébrés planctoniques, montre une disparition rapide. ­ La forte teneur en iridium est le signe d'un événement brutal d'ampleur mondiale, telle qu'une collision météoritique. La Terre est soumise constamment à un bombardement de micrométéorites ; celles­ci apportent de l'iridium dans les sédiments. Sa teneur dans les calcaires sous­ et sus­jacents devrait être uniforme et égale à celle des argiles C/T médians. Ce n'est le cas ni à Gubbio ni dans les 95 sites C/T, que les sédiments soient marins ou continentaux. De part et d’autre de la limite C/
T, la concentration en iridium est supérieure à la normale (fig. 1.21­A) ; cela tient à la grande mobilité de cet élément dans les sédiments et à sa grande solubilité dans l’eau.
­ Des grains de quartz ont été choqués. En 1990, au microscope électronique à balayage, Bruce BOHOR et Donald TRIPLEHORN ont observé des grains de quartz choqués qui présentent de multiples lamelles caractéristiques du métamorphisme d'impact ; le nombre de lamelles augmente avec la force de l'impact. De dimensions très modestes (0,1 micromètre), les lamelles sont constituées de verre contenant parfois des microcristaux de quartz. Les grains de quartz choqués ont été retrouvés dans des sédiments marins et continentaux et leur répartition est mondiale.
­ La stishovite, que John HORNE a découverte dans la couche C/T, est un excellent indicateur d'un impact météoritique. Forme particulière du quartz, elle n'apparaît qu'à de très hautes pressions, développées, par exemple, au cours d'explosions nucléaires ou d'impacts météoritiques. Ces pressions sont bien supérieures à celles du métamorphisme général.
­ Des microsphérules riches en magnétites nickellifères (fig. 1.21­B) sont présentes dans les argiles C/T. Au moment de leur entrée dans l'atmosphère, les météorites fondent partiellement ; il se forme alors des petites cloques de fusion ou sphérules de 58
quelques dizaines de micromètres, qui sont projetées dans l'atmosphère au moment de la collision. Celles­ci contiennent un grand nombre de cristaux de magnétites composés de nickel, de fer, de chrome, d'aluminium et de magnésium, alors que les magnétites terrestres ne contiennent que du fer et du titane. Le phénomène aurait duré au maximum 3 000 ans, mais il peut avoir été plus court. Si l'iridium peut, en effet, rester longtemps en suspension dans l'eau, il n'en est pas de même pour les magnétites nickellifères qui sédimentent très rapidement ; et leur dépôt ne peut être perturbé que par des phénomènes mécaniques localisés d’origine sédimentaire ou biologique : le pic de la courbe des magnétites (fig. 1.21­B) correspond donc à une très courte période.
­ De nombreuses macrosphérules d'impactite basaltique de 1 mm de diamètre sont présentes dans les argiles espagnoles et italiennes. Composées de basalte fondu, elles résultent de la projection de basalte qui fond au moment du choc et se refroidit ensuite instantanément dans l'atmosphère. Le basalte projeté proviendrait des fonds océaniques.
Si la Terre a subi un impact météoritique, les chercheurs estiment que la météorite, d'une masse de 1012 t, responsable des extinctions C/T, aurait mesuré 10 km de diamètre. Au moment de l'impact, sa vitesse de 10 km s­1 lui aurait permis de libérer une énergie évaluée à 1023 J, soit l'équivalent de 20 000 milliards de tonnes de TNT. Le cratère formé aurait eu probablement 150 km de diamètre et 30 à 40 km de profondeur. Comme les astronomes savent que sur la Lune les collisions ont été fréquentes, il a pu en être de même sur la Terre dont l'environnement spatial était identique. Actuellement, on estime la masse de ces projectiles entre 10 000 et 15 000 t par an ; mais il est possible que les retombées aient été parfois plus importantes et que certains météores aient atteint des tailles considérables, comme en témoigne le célèbre Meteor Crater dans l'Arizona. Le cratère, de dimensions modestes, 1 200 m de diamètre et 180 m de profondeur, fut creusé par une météorite de 25 m de diamètre dont la masse est estimée à 65 000 t. Mais comme 70 % des collisions s'effectuent en milieu marin, elles passent inaperçues. Les cratères continentaux disparaissent rapidement sous l'effet de l'érosion. Cependant quelques­uns de grandes dimensions sont connus : le Montagnais, au large de la Nouvelle­Écosse, le seul cratère sous­
marin identifié, est large de 60 km et vieux de 50 Ma. Le cratère de Manicouagan au Québec, formé il y a 210 Ma et occupé par un lac, mesure aujourd'hui 75 km de diamètre. Les plus vieux cratères, ceux de Sudbury, dans l'Ontario au Canada, et de Vredefort en Afrique du Sud, datent de 2 000 Ma et devaient avoir une largeur de 150 à 200 km. La possibilité de plusieurs impacts lors de la période C/T reste probable. L'abondance du quartz choqué et les variations de la teneur en chrome des 59
magnétites le laissent supposer. Trois sites d'impact ont été proposés : le cratère de Manson dans l'Iowa aux États­Unis, le cratère de Chicxulub dans la péninsule du Yucatan au Mexique et dans la partie Nord­Ouest de l’océan Pacifique, où les chercheurs ont trouvé des fragments argileux ou des sphérules riches en iridium et en spinelles. Les spinelles se forment dans des conditions particulières réunies au moment d'un impact, lorsque la pression partielle du dioxygène est égale à la pression atmosphérique. Ces projections ont été dispersées sur 2.10 6 km2. On estime le diamètre de la météorite du Pacifique à 2 km. Cependant l'abondance des quartz choqués laisse présumer un impact en milieu continental plutôt qu'en milieu marin, dont la trace a été recherchée à proximité immédiate de l'Amérique du Nord, continent riche en roches quartzifères. Des relevés magnétiques et gravimétriques ont révélé des anomalies liées à une structure circulaire de 180 à 310 km de diamètre, enfouie sous un kilomètre de sédiments, à Chicxulub. L'analyse de cette structure infirme l'hypothèse d'une caldera volcanique (cratère d'effondrement circulaire) ; il s'agit bien d'un cratère d'impact. Les datations isotopiques à l'argon et paléomagnétiques donnent à ce cratère d'impact un âge correspondant à celui de la limite C/T : le cratère de Chicxulub est à peu près contemporain du bouleversement qui a marqué la fin du Secondaire.
Un certain nombre de points sont réfutés par d'autres chercheurs. Les datations délicates sont sujettes à caution ; aussi les avis partagés donnent­ils lieu à des explications très différentes sur l'origine des extinctions.
Vincent COURTILLOT considère que la couche C/T, seule, représente un intervalle de temps beaucoup plus important ­ 500 000 ans ­ au cours duquel la sédimentation a été peu abondante.
L'enrichissement en iridium de la couche C/T semble artificiel ; le dépôt de la mince couche d'argile a duré environ 500 000 ans (fig. 1.21­A). La teneur en iridium présente des fluctuations et les concentrations anormales n'intéressent pas seulement la couche C/T. Le temps de dépôt de l'iridium, plus long que prévu, est confirmé par sa forte concentration dans les terrains sous­ et sus­jacents : l'iridium reste concentré dans les sédiments sur 30 cm de part et d'autre de la couche C/T, épaisse elle­même de 20 cm, soit 80 cm au total concernés par l'anomalie en iridium. Si le temps de suspension de l'iridium dans l'eau est assez long, cela explique pourquoi la concentration de l'iridium reste élevée de part et d'autre de la couche C/T lors d'éruptions volcaniques ; mais ce temps ne permet pas de comprendre pourquoi, dans l'hypothèse de l'impact météoritique, cet élément est concentré au­dessous de la couche C/T.
Les macrosphérules d'impactite basaltique peuvent avoir une origine éruptive.
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Des extinctions lentes selon la thèse volcanique : c'est la thèse de Vincent COURTILLOT, Jean BESSE et Didier VANDAMME qui rejettent l'hypothèse du météore. Leurs arguments sont les suivants :
­ D'après leurs dernières analyses de datation, les extinctions se sont étalées sur plusieurs dizaines de milliers d'années. L'observation du nanoplancton et, en particulier, des Foraminifères contenus dans des sédiments texans et tunisiens, par Gerta KELLER, a permis de reconnaître une première extinction 300 000 ans avant la couche C/T et une deuxième 50 000 ans après.
­ En 1983, William ZOLLER découvre de l'iridium dans les laves du Kilauéa. Sa répartition mondiale est due à sa grande volatilité. Il est, en effet, présent dans les gaz volcaniques sous forme de fluorure, composé lui aussi très volatil (sa température d'ébullition est de 53°C), qui est entraîné rapidement par les courants atmosphériques. ­ Le seul épisode volcanique d'importance mondiale de la fin du Secondaire, actuellement repérable, est celui du Deccan, en Inde. Les éruptions se sont étalées entre 1 Ma et 500 000 ans ; la fossilisation de deux inversions magnétiques seulement dans ce trapp est la confirmation indirecte de sa courte durée. Les coulées basaltiques d'une épaisseur variable (50 à 2 400 m) recouvrent 2 millions de km2. L’hypothèse du rôle joué par ce volcanisme secondaire est renforcée par les résultats des travaux de Paul RENNE sur le volcanisme permien. Par des datations très précises utilisant le rapport 40Ar/39Ar , P. RENNE et son équipe (1995) ont calculé que les éruptions sibériennes ont à peu près coïncidé avec les extinctions massives du Permien. Les trapps sibériens, en effet, ont rejeté dans l'atmosphère, en moins d'un million d'années, 2 à 3 millions de km3 de cendres et d'aérosols volcaniques qui ont été capables de provoquer une baisse des températures, une glaciation et une régression marine de grande ampleur, bouleversant l'écologie terrestre.
­ La composition des argiles C/T diffère de celle des argiles situées de part et d'autre. Alors que le minéral ordinaire des argiles est l'illite, il est remplacé dans la couche C/T par de la smectite, forme d'altération du basalte.
Certaines propositions de cette thèse sont à leur tour réfutées :
­ Si l'iridium est présent dans les laves secondaires du Deccan, sa faible teneur n'explique cependant pas les concentrations de la couche C/T. D'après des estimations, la source mantellique devrait être enrichie d'un facteur 10 non seulement en iridium ­ afin de justifier les 500 000 t ­ mais aussi en platine, osmium, palladium, 61
rhodium et ruthénium, pour que les rapports entre ces différents éléments soient conservés.
­ Les éruptions du Deccan n'ont pas été assez violentes pour envoyer dans l'atmosphère une énorme quantité de matériaux ; mais, selon V. COURTILLOT, les projections se sont produites immédiatement au moment du dégazage, lorsque le magma est apparu en surface.
Qu'il s'agisse de météores ou d'éruptions volcaniques, ces événements auraient déclenché des incendies gigantesques. Ils seraient à l'origine des suies abondantes dans les argiles C/T. Le dépôt des suies est tel qu'il aurait résulté d'incendies qui auraient brûlé l'équivalent de 3 % des forêts intertropicales actuelles. Dans le même temps, les pyrotoxines libérées en quantité dans l'atmosphère élimineraient les espèces sensibles, alors que les autres subsisteraient ; c'est pourquoi la disparition ou au contraire le maintien de certaines espèces paraît aléatoire. Des extinctions lentes selon la thèse du nuage interstellaire : V. HUGHES et David ROUTLEDGE, ou bien Maurice RENARD et Robert ROCCHIA (1984), sont peu convaincus par la thèse volcanique ; ils critiquent également l'hypothèse de la météorite, en particulier l'argument relatif au temps de dépôt de l'iridium (beaucoup plus long que celui admis jusqu'à présent) et au temps de formation de la couche argileuse C/T, dont la faible épaisseur ne s'explique pas par un temps de sédimentation court, mais par une absence de sédiment sur une période longue. Ils regrettent, en outre, l'absence de point d'impact. À la recherche d'un phénomène interstellaire lent expliquant l'anomalie en iridium, ils ont calculé que la Terre aurait traversé à cette époque un nuage de matière interstellaire, dont la poussière a une composition proche de celle des météorites. Selon les astronomes, le système solaire se déplace dans la galaxie et traverse tous les 150 Ma un tel nuage issu de l'explosion d'étoiles de fortes masses. Le temps de passage de la Terre dans ce nuage (500 000 ans) est compatible avec les 80 cm (incluant la couche C/T) enrichis en iridium et l'accumulation des 1012 t de matières extraterrestres. L'occultation de 90 % des radiations solaires, jointe à un spectre lumineux plus pauvre en rayons ultraviolets et en radiations bleues, a été suffisante pour briser les réseaux trophiques. Les radiations bleues sont très utilisées au cours de la photosynthèse et pénètrent profondément en milieu aquatique, jusqu'à 200 m ; les radiations rouges, également efficaces, sont arrêtées dès les premiers mètres : les réseaux trophiques marins sont donc plus sensibles aux variations de la composition du spectre lumineux que les réseaux terrestres.
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Le choix d'une de ces trois hypothèses, météore, volcan ou nuage, est donc étroitement lié à l'estimation du temps de dépôt de la couche C/T. Mais aucune d'entre elles n'excluant les autres, ces événements ont pu se produire tous les trois simultanément.
Certaines extinctions sont plus discrètes, car beaucoup moins générales que les précédentes ; mais elles n'en laissent pas moins planer un certain mystère, que des auteurs tentent de lever. C'est le cas des Néandertaliens, apparus en Europe il y a 200 000 ans et disparus vers 35 000 ans B­P (c'est­à­dire Before Present, le présent étant fixé à l'année 1950).
Une extinction ponctuelle et locale : les Néandertaliens
Il y a 100 000 ans, la Terre est encore peuplée d’espèces humaines très différentes : Homo neanderthalensis, H. rhodesiensis, H. heidelbergensis, H. erectus, H. sapiens, H. floresiensis ; mais, depuis 30 000 ans, seule notre espèce subsiste. En 70 000 ans, cinq espèces réparties sur les continents africain, asiatique et européen ont disparu. Si l’origine de ces disparitions reste toujours inexpliquée, elle n’en demeure pas moins l’objet de spéculations, en particulier celle des Néandertaliens qui ont été assez proches d’H. sapiens par la géographie, la technologie et l’intellect pour lui donner le statut de sapiens, et dont on possède de nombreux fossiles.
Les Néandertaliens forment une lignée principalement européenne bien que de rares sites aient été trouvés en Asie. Absents en Afrique, ils ont colonisé l'Europe, le bassin méditerranéen, l'Asie occidentale et centrale soviétique en 125 000 ans au cours desquels leurs traits se sont progressivement accentués. Quelques uns des plus marquants sont résumés dans la fig. 1.22 : front fuyant, crâne allongé en « bombe », torus sus­orbitaire développé, mandibule robuste dépourvue de menton. Ces caractéristiques originales, bien éloignées de celles de l’Homme moderne, ont été à l’origine d’un rejet et d’un mépris des Néandertaliens par les scientifiques qui voyaient en eux des caricatures humaines, plus proches des Singes que de l’Homme. Fig. 1.22
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En 1921, dans Les Hommes fossiles ; éléments de paléontologie humaine (Paris, Masson, 1921), Marcellin BOULE (1861­1942) a écrit que « le crâne de Néanderthal, avec ses caractères évidents d’infériorité, avec une conformation qui le rapproche de certains crânes de grands Singes, venait à l’appui des idées évolutionnistes ; il représentait, aux yeux des naturalistes philosophes, comme une forme primitive diminuant la profondeur du fossé qui sépare actuellement les Singes des Hommes... D’éminents anthropologistes, avec Virchow, le considéraient comme une pièce de nature pathologique ou comme un crâne d’idiot » (p. 22). L'étude de nombreux sites français néandertaliens, au Moustier et à La Ferrassie en Dordogne, à La Chapelle­aux­Saints en Corrèze, dont M. BOULE a reconstitué l'homme fossile en 1913, à La Quina en Charente, à Saint­
Césaire en Charente Maritime..., a complètement modifié l'image de ces hommes préhistoriques dont certains traits anatomiques et culturels sont résolument modernes : la station bipède identique à la nôtre, un cerveau, bien que de forme plus allongée, au volume supérieur au nôtre ; une culture comprenant au moins des pratiques funéraires ; une industrie lithique complexe, partagée par des Homo sapiens sapiens contemporains. Après avoir étudié des silex taillés par la technique dite Levallois, Eric BOÉDA a démontré, en effet, que leurs méthodes de taille nécessitaient une intelligence conceptuelle développée ; le tailleur de silex obtenait des éclats de formes prédéterminées à partir d'un même nucléus, bloc de silex préparé pour le débitage d’éclats adaptés à des usages différents. Ainsi, en raison des points communs 64
culturels et morphologiques avec notre espèce Homo sapiens, Homo neanderthalensis est devenu progressivement entre 1950 et 1960 une sous­espèce de H. sapiens : Homo sapiens neanderthalensis. Cependant, au vu de leurs caractéristiques morphologiques particulières, il est indubitable que les Néandertaliens constituent un exemple parfait d’espèce paléontologique bien distincte d’Homo sapiens.
Les paléoanthropologues estiment qu'ils sont apparus il y a plus de 200 000 ans B­P et ont disparu vers 35 000 ans B­P. Cet intervalle de temps (fig. 1.23) correspond, selon l'échelle stratigraphique, à la fin du Pléistocène moyen et au début du Pléistocène supérieur, ou, selon l'échelle climatique alpine, au début de la glaciation Riss et au milieu de la suivante baptisée Würm, ou encore, selon l'échelle typologique classique des industries lithiques (remise en question depuis 1980), aux industries acheuléenne (de Saint Acheul dans la Somme), moustérienne (du Moustier en Dordogne) et chatelperronienne (de Chatelperron dans l’Allier). D’après cette échelle typologique, l’industrie acheuléenne a produit des outils à partir d’éclats retouchés à l’aide d’un percuteur de pierre, d’os ou de bois de Cervidé ; l’industrie moustérienne est celle des Néandertaliens typiques qui ont produit des outils sur éclats retouchés pour entretenir ou modifier leur tranchant ; l’industrie chatelperronienne est celle des derniers Néandertaliens d’Europe occidentale qui ont produit non plus des éclats mais des lames par de nouvelles méthodes de taille qui permettent le débitage en série.
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Fig. 1.23
La date d'apparition des Néandertaliens est approximative, car ce groupe s'est individualisé lentement, soit directement à partir de Pré­néandertaliens, d'après les 66
uns, soit à partir de populations préexistantes formées par des H. sapiens de type archaïque, ancêtres également des H. sapiens modernes, d'après les autres. Selon la plupart des scientifiques, l’acquisition de leurs particularités morphologiques résulte des variations climatiques que les Néandertaliens ont dû affronter, provoquant un isolement géographique et une diminution de l’effectif des populations locales : conditions favorables à une spéciation (voir § 3.3.2 : La spéciation par révolution génétique). Isolement et diminution entraînent à leur tour une réduction du pool génétique et du flux génique existant entre eux et les populations des régions voisines. À ceci s’ajoute certainement l’effet de la dérive génique fortuite (voir § 3.1.3 : La variabilité et la dérive génique fortuite) qui aboutit, chez les populations d’effectif réduit, à la perte imprévisible d’une partie des gènes et à l’apparition des caractéristiques spécifiques, comme c’est le cas pour les Néandertaliens dont les traits se sont accusés au cours du temps. Trouvé pour la première fois à Mauer près de Heidelberg (Allemagne) sous la forme d’une mandibule, Homo heidelbergensis (600 000­ 200 000 ans B. P.), classé parfois parmi les H. erectus, serait un ancêtre des Néandertaliens. En revanche, leur disparition est assez brutale puisqu'elle s'est effectuée à peu près en 10 000 ans. Elle a commencé au Moyen­Orient il y a 40 000 ans, s'est poursuivie en Europe centrale il y a 35 000 ans et s'est terminée en Europe occidentale 30 000 ans auparavant. D'après Erik TRINKAUS, spécialiste des Néandertaliens, elle se serait même effectuée en 1 000 ans dans certaines de nos régions. Sur cette disparition progressive énigmatique, deux hypothèses principales sont formulées :
1) Les Néandertaliens constitueraient un rameau éteint, mais les croisements possibles avec les Hommes modernes auraient entraîné une certaine continuité génétique dont l'importance est encore très discutée. Cette thèse, soutenue notamment par Fred SMITH et Erik TRINKAUS, s'appuie sur la présence de caractères morphologiques communs aux Néandertaliens et aux premiers Hommes modernes, qui intéressent principalement le squelette facial. Des Néandertaliens tardifs, comme celui de la Quina et de Saint­Césaire, présentent quelques traits progressifs, mais les différences morphologiques avec les premiers Hommes modernes sont néanmoins importantes. Si une hybridation s'était produite il y a 35 000 ans, des caractères néandertaliens devraient être encore présents dans les populations actuelles. Or, aucun n'a été retrouvé, pas même chez les Australiens, dont le bourrelet ou torus sus­
orbitaire, parfois très développé, fait penser à un caractère primitif. Une étude approfondie du squelette de ces derniers a montré qu'il est moderne à part entière. D’après Christine COUTURE et Jean­Jacques HUBLIN (« Les Néandertaliens », p. 141 et 143 dans Origine et évolution des populations humaines, Comité des Travaux 67
Historiques et Scientifiques , Paris, 2005) : « l’existence d’éventuels hybrides ne saurait non plus trancher la question. D’une part leur existence n’est guère établie, d’autre part on connaît chez les mammifères de nombreux cas d’hybridation entre des espèces distinctes mais proches (…) Enfin les proportions corporelles des premiers européens modernes prêchent en faveur d’une origine tropicale et contrastent avec les proportions hyper­arctiques des Néandertaliens. » 2) Les Néandertaliens formeraient une branche qui a disparu sans laisser de descendance et ils ne seraient pas à l’origine des Hommes modernes. William W. HOWELLS, Christopher STRINGER, Anne­Marie TILLIER, Jean­Jacques HUBLIN et Bernard VANDERMEERSCH expliquent la disparition totale de ce groupe, à défaut de la rapidité avec laquelle il s'est éteint. Selon eux, en Afrique subsaharienne, des H. sapiens archaïques ont évolué progressivement vers des formes plus modernes apparues déjà il y a 150 000 ans qui se sont étendues vers le nord et peut­être l'ouest en supplantant les Néandertaliens. En 1991, lors d'un séminaire, B. VANDERMEERSCH a souligné d'une part que les caractères squelettiques propres aux Néandertaliens s'accentuent dans le temps ­ la néandertalisation a été progressive ­ et d'autre part qu'aucun fossile connu ne présente des caractères hybrides résultant d'un croisement éventuel. De l'avis de nombreux spécialistes, cette hypothèse semble la plus probable. Si des hybrides ont existé, leur effectif ne pouvait être que limité et leur rareté rendrait la découverte de leur fossile extraordinaire.
Des scientifiques avancent d'autres hypothèses moins solides : 1) La première époque glaciaire subie par les Néandertaliens aurait provoqué chez les Néandertaliens des adaptations morphologiques et physiologiques qui se sont révélées néfastes au cours de l'interglaciaire.
2) La fin de la glaciation aurait entraîné des bouleversements climatiques tels que le gibier et surtout les gros Mammifères, dont ils se nourrissaient, auraient disparu. Mais on ne connaît pas exactement leur régime alimentaire
Ces deux premières hypothèses ne précisent pas que les Néandertaliens ont connu une glaciation (Riss) et un interglaciaire sans pour autant disparaître. C'est pendant la glaciation Würm (fig. 1.23) que l'on assiste à leur extinction, alors que les Hommes modernes contemporains survivent et se développent.
3) La rencontre de deux civilisations, celle des Néandertaliens et celle des Homo sapiens, aurait été fatale à la première. Les archéologues sont d'accord pour dire que la compétition a été plus culturelle que belliqueuse bien qu’aucune trace de compétition n’a été enregistrée.
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L'étude des explosions et des extinctions spécifiques nous enseigne que l'histoire de l'évolution ne se résume pas en un simple catalogue dans lequel les faunes et les flores s'enchaînent les unes aux autres. Cependant, beaucoup de problèmes demeurent non résolus, en particulier, celui de la disparition totale et plus ou moins brutale d'organismes divers (Trilobites, Bélemnites, etc.). L'argument classique est celui de l'aptitude à la compétition, de la survie du plus apte. Mais il est circulaire : comment savoir quel est l'organisme le plus apte ? C'est celui qui survit. Comment savoir quel est l'organisme qui survivra ? C'est le plus apte. Pour briser le cercle, il faudrait être capable d'identifier, avant les extinctions, les plus aptes par différentes qualités. Ainsi, selon Stephen J. GOULD, des 25 plans d'organisations d'Invertébrés présents à Burgess, 21 ont disparu et 4 ont eu un énorme développement puisqu'ils sont l'origine de divers groupes d'Arthropodes actuels : Chélicérates, Crustacés et Uniramés, ces derniers composés des Insectes et des Myriapodes, qui représentent plus des trois­quarts des espèces actuelles. Mais aucun élément n'indique la supériorité de certains groupes sur les autres. Aucune explication ne s'impose, sinon celle qui fait appel au hasard. Or l'existence de ce dernier est parfois remise en cause, car pour certains il n'est que le reflet de notre ignorance. Les arguments favorables à la théorie de l'évolution de la vie se sont imposés à travers des recherches paléontologiques portant sur de longues périodes. Depuis la publication de L'Origine des espèces de Charles DARWIN en 1859, la notion de filiation a été introduite en biologie. Ce principe énonce que tous les organismes descendent d'un ancêtre commun. Pour retrouver la chronologie de cette filiation, il a donc fallu utiliser des méthodes de datation de plus en plus précises et variées, puis, pour établir l'arbre généalogique, définir des critères de classification qui reflètent l'évolution des filiations. La section suivante expose le principe des différentes méthodes de datation et les critères de classification retenus selon l'objectif fixé : classification de simple détermination ou classification généalogique ou évolutive.
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