Chapitre 4 :
COUPLAGE DES EVENEMENTS GEOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES
AU COURS DU TEMPS
Introduction
B.O. : « A l’échelle des temps géologies, des modifications brutales et globales liées
à des événements planétaires, affectent le monde vivant : ce sont les crises. Elles
alternent avec des périodes plus longues de relative stabilité »
Problème : Quelles sont les caractéristiques des crises et quelles sont leurs
origines ?
I Les crises biologiques, repères dans l’Histoire de la Terre.
A : Les cinq grandes crises de l’Histoire de la Terre
- On estime que 99,9% des espèces fossiles ont disparu. Cependant les processus
d’extinction n’ont pas un aspect continu. La figure 1 montre que le nombre d’espèces
disparues augmente périodiquement. Ces extinctions massives montrent l’existence
de crises biologiques.
Eres I/II : 90% des espèces disparaissent.
Eres II/III : 60% des espèces disparaissent (crise KT)
- Chaque crise est accompagnée d’un grand nombre d’apparition d’espèces. Tout se
passe comme si les espaces libérés par les espèces disparues étaient colonisés par
de nouvelles espèces.
B : Analyse d’une crise biologique : la crise Crétacé Paléocène
1) Les changements biologiques en milieu marin
a Cas des organismes unicellulaires : les cocolithophoridées et les Foraminifères
- Données quantitatives : La figure 2 montre que le passage KT se marque par une
couche d’argile (qq mm) présente à l’échelle du globe terrestre séparant deux
types de marnes (calcaires + argiles) dont le calcaire provient des coquilles de
microplanctons. On en déduit que la chute du taux de calcaire provient de
l’extinction des espèces de microplancton.
- Données qualitatives : On constate sur la figure 2b l’extinction des espèces de
plancton à la limite KT. De nouvelles espèces apparaissent ensuite (Cf TP).
b Cas de la macrofaune, exemple des ammonites
Aucune ammonite ne franchit la limite KT. Leur extinction est totale.
La figure 3 montre une grande diversité des espèces avant la crise : les
extinctions de tous les groupes d’ammonites sont brutales et synchrones.
2) Changements biologiques en milieu continental
a Cas de la flore
La figure 4 montre une diminution de la quantité de pollen à la limite KT : 40% des
plantes à fleurs ont disparu. Or les végétaux sont les premiers maillons des
chaînes alimentaires...
b Cas de la faune
La figure 5 montre que le passage de la limite KT s’effectue selon 4 modalités :
Apparition d’espèces
Disparition complète
Augmentation, développement d’un groupe
Réduction du groupe
Aucune modification du groupe
BILAN : Une crise comme la crise KT est marquée par des extinctions brutales,
synchrones, massives, globales. Ces extinctions sont suivies de l’apparition et de la
diversification de nouvelles espèces.
SCHEMA (**)
II Les causes géologiques des crises biologiques
Des modifications brutales des conditions physico-chimiques de la planète (climat,
éclairement…) ont accompagné les disparitions et changements dans la faune et la
flore, à la limite Crétacé Paléocène (Cf I). Les changements physico-chimiques et
les changements biologiques sont attribués à des causes d’origine géologique (donc
non liées à des processus biologiques de type sélection naturelle).
Problème :
Comment expliquer la disparition de plus de 60% d’espèces en pleine
expansion (dinosaures, ammonites…) en une durée brève et simultanément sur
toute la planète ?
La cause de l’extinction est forcément une catastrophe à l’échelle du globe. Deux
théories seront exposées et confrontées : un impact d’un astéroïde (A) et un
volcanisme paroxysmique (B).
A : Les Une cause d’origine extra-terrestre : un impact météoritique
(Alvarez et Asaro)
Fait 1 : Durée très brève des extinctions (1000 ans environ)
L’estimation de la durée de la crise peut être réalisée sur une colonne
stratigraphique entre le Maastrichtien et le Danien. L’extinction est donc
instantanée à l’échelle des temps géologiques. Cette durée est bien sûr
compatible avec une cause brutale de type catastrophe…Laquelle ?
Fait 2 : Teneur en iridium de la couche d’argile
- La couche limite est riche en argile car elle correspond à une brutale
baisse du taux de calcaire ce qui correspond à la disparition d’organismes à
coquille calcaire comme les foraminifères et les Coccolithophoridées.
- L’argile est riche en iridium : on y mesure un pic de 10 ppm. Sachant que la
teneur de la croûte terrestre en iridium est de 0,03 ppm et celle d’une
météorite de 500 ppm, seul un objet extra-terrestre peut être à l’origine de
ce pic…
Fait 3 : Présence à l’échelle du globe de débris d’impact :
- Quartz choqués : ce sont des grains de quartz de la croûte continentale.
Ils présentent des déformations lamellaires caractéristiques d’une collision
avec un objet lourd et rapide.
- Sphérules basaltiques : ce sont des particules de croûte océanique fondue
et déformées par une trajectoire balistique dans l’atmosphère (forme de
gouttelette).
- Magnétites nickélifères : ce sont des particules provenant de la fusion d’un
matériel riche en Nickel dans une atmosphère oxydante. Seules les
météorites contiennent suffisamment de Nickel pour en être à l’origine.
- Acides aminés exotiques, comme l’isovaline, ne pouvant provenir que du
cosmos car ils n’existent pas sur Terre…
BILAN : La répartition mondiale de ces débris et de la couche d’argile à iridium
suggère l’existence d’un impact gigantesque au moment de la crise KT. On estime
alors à 10 Km le diamètre de la météorite, 10 Km/sec sa vitesse et 10
8
mégatonnes
sa puissance (10
5
fois plus qu’une bombe H). Le cratère doit mesurer 150 Km environ
et se situe entre la croûte continentale (quartz choqué) et la croûte océanique
(basaltes). Pourtant en 1993 on ne l’a toujours pas identifié.
Fait 4 : Découverte du cratère de l’impact au Yucatan
Identifié pour la première fois grâce à une étude gravimétrique, le cratère
est visible grâce aux nombreuses traces de raz-de-marée et quartz choqués
datant tous de 65 Ma.
B : Une cause d’origine intra-terrestre : une gigantesque série d’éruptions
volcaniques (Courtillot)
Fait 1 : Durée des extinctions pas si brèves que ça !
- L’âge d’une roche n’est connue qu’à + 100.000 ans près.
- L’âge de la couche d’argile en iridium n’est pas constante à l’échelle du
globe (ce qui est très discuté actuellement).
- Certains paléontologues estiment que les extinctions se sont étalées sur un
peu moins d’un millions d’années (400.000 ans avant et 300.000 ans après).
Fait 2 : restes de coulée de lave gigantesque au Deccan (Indes)
- 2.400 mètres de coulées en escaliers (trapps en hollandais), soit 2.106
Km3 de lave, se sont déposés il y a 65 Ma en 500.000 ans environ en Indes.
On remarque que chaque phase paroxysmale du volcanisme correspond aux
grandes phases d’extinction déterminées par les paléontologues.
Fait 3 : traces d’éruption dans la couche d’argile
- Quartz choqués et sphérules peuvent être associés au volcanisme. L’iridium
également car une météorite ayant la même composition chimique moyenne
de la Terre, les laves du manteau terrestre sont naturellement riches en
iridium...
En revanche les magnétites nickélifères et les acides aminés exotiques de la
couche d’argile ne peuvent provenir d’une éruption.
III Des conséquences communes pour les deux catastrophes
1) L’hiver d’impact ou d’éruption
- Les poussières d’impact et les cendres obscurcissent le ciel pendant plusieurs
années.
- Les sulfates dégagés par les cheminées volcaniques augmentent considérablement
l’albédo de la Terre dont l’atmosphère réfléchit une grande partie des
rayonnements solaires.
Ce froid et ce faible ensoleillement sont à l’origine d’une chute de la photosynthèse
et donc d’une destruction par les premiers maillons de tous les écosystèmes
terrestres (marins et continentaux).
2) Un énorme effet de serre
Quelques années après, le phénomène inverse se produit : les 30.10
9
de tonnes de
CO
2
émit par les volcans sont à l’origine d’un puissant effet de serre qui augmente
fortement les températures. A priori seuls de petits animaux homéothermes et
nocturnes peuvent franchir une telle succession d’événements. C’est le cas de la
plupart des mammifères vivant à l’époque...
BILAN : Les deux évènements ont bien eu lieu simultanément il y a 65 Ma et ont
peut être renforcé leurs effets. Dans tous les cas on ne peut trancher
définitivement parce que la durée exacte des extinctions n’est pas connue.
On retiendra toutefois que toutes les crises biologiques de l’Histoire de la Terre
peuvent être associées à un épisode volcanique comparable à celui des trapps du
Deccan et/ou aux traces de collision avec un astéroïde.
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