SPEECH/05/ Viviane Reding Commissaire en charge de la société de l’information et des Médias SEMINAIRE "TVSF" Quelle régulation des médias à l'ère de la convergence : en faire plus avec moins ? Luxembourg, 30 Mai 2005 . Discours de Mme Viviane Reding Séminaire de la présidence du Luxembourg Conclusions des groupes d’experts Allocution d’ouverture Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, Rarement un texte de loi communautaire a fait l’objet d’une procédure de révision et de consultation aussi approfondie que celle à laquelle est soumise la directive Télévision sans frontières. Nous approchons maintenant des dernières étapes de cette procédure, puisque le moment est venu de prendre une décision. Les principales étapes de la révision ont été les suivantes : la consultation publique de 2003 la communication de la Commission intitulée «L'avenir de la politique de réglementation européenne dans le domaine de l'audiovisuel» 1, qui présente les conclusions tirées de la consultation publique et les travaux des groupes de réflexion qui se sont réunis l’année dernière et cette année. Mes services ont en outre commandé plusieurs études qui, prises dans leur ensemble, nous aident à mieux comprendre l’impact de la réglementation sur l’industrie du contenu. L’étude relative aux effets des articles 4 et 5 (promotion des œuvres européennes) est maintenant accessible au public; les premiers résultats de l’étude relative à l’impact de la réglementation de la publicité sont disponibles; l’étude devrait être finalisée dans les prochaines semaines, et le rapport intermédiaire relatif à l’étude portant sur des mesures de corégulation dans le domaine des médias a été achevé il y a peu. Il m’incombera de proposer à la Commission, plus tard dans l’année, un nouveau cadre réglementaire concernant la distribution des contenus audiovisuels. Un cadre communautaire moderne doit être à l’épreuve du temps et, je crois, neutre entre les plateformes. Cette neutralité permettra une concurrence saine entre tous les fournisseurs de services de contenus, garantira un cadre réglementaire cohérent et renforcera la sécurité juridique. 1 COM (2003)784 2 Cette réunion me donne pour la première fois l’occasion de présenter aux États membres les premières conclusions des consultations auxquelles nous avons procédé, et ce sur cinq questions essentielles: le champ d’application de la future réglementation du contenu audiovisuel la détermination de la compétence juridique la réglementation de la publicité le droit à l’information la promotion du contenu européen et des productions indépendantes 1. LE CHAMP D’APPLICATION DE LA FUTURE REGLEMENTATION La communication de 2003 conclut que la directive «Télévision sans frontières» (TSF) énonce des principes fondamentaux qui pourraient être considérés comme des objectifs d’action applicables à tous les types de fourniture de services audiovisuels, notamment les règles de protection des mineurs et l’identification claire de la publicité. Par contre, un certain nombre de dispositions détaillées de la directive TSF portent spécifiquement sur les programmations télévisuelles «linéaires» traditionnelles, par exemple, les dispositions relatives à la durée des écrans publicitaires et des spots de téléachat. Il faut donc tout d’abord définir les services auxquels s’appliqueraient les objectifs d’action considérés comme valables pour tous les types de fourniture de contenu audiovisuel. Ensuite, nous devons traduire ces objectifs en règles adaptées aux nouveaux services. Dès le début, la Commission a recensé deux principaux choix possibles. L’un était une révision limitée de la directive actuelle, qui introduirait davantage de souplesse en ce qui concerne la publicité et actualiserait les définitions, de façon à énoncer clairement que tous les services de programmation télévisuelle linéaires, quelle que soit la plateforme de distribution, entrent déjà dans le champ de la directive tel qu’il est actuellement défini. Le deuxième était la mise en place d’un cadre général applicable à toutes les formes d’offre électronique de contenu audiovisuel, qui inclurait donc ce type de contenu dans le cas d’une diffusion «non linéaire». La majorité des experts consultés est favorable à l’approche ambitieuse – ce qui correspond d’ailleurs au message donné par le Président Barroso en nommant un commissaire en charge de la Société de l’information et des Médias - avec l’instauration d’obligations à deux niveaux différents: i) des obligations fondamentales (notamment la protection des mineurs et de la dignité humaine) s’appliqueraient à tous les services de contenu audiovisuel et ii) un sous-groupe de services, les services audiovisuels dits «linéaires», qui reposent sur des émissions programmées, seraient soumis à des obligations de deuxième niveau semblables à celles énoncées dans la présente directive, simplifiées et modernisées. La principale différence entre services «linéaires» et services «non linéaires» réside dans le fait que, dans le deuxième cas, le téléspectateur peut regarder ce 3 qu’il désire quand il le désire. Ce type de service requiert une réglementation adaptée et plus légère. Les éléments à prendre en compte pour la définition des «services de contenu audiovisuel» seraient les suivants : • services définis par le traité (article 49), • pour la fourniture d’images animées combinées à du son, • au grand public, • par des réseaux électroniques. Cette définition exclurait toutes les formes de communication non commerciale, de par sa référence aux «services définis par le traité». Toutes les formes de communication individuelle seraient également exclues par la mention «au grand public». Les participants aux groupes de réflexion ont en général convenu que les obligations fondamentales, applicables à tous les services de contenu audiovisuel, devraient porter sur les aspects suivants: • protection des mineurs et de la dignité humaine • identification du contenu commercial et obligations minimales en matière de qualité • droit de réponse • identification de base / exigences en matière de cartouches de titre Protection des mineurs et de la dignité humaine La directive pourrait prévoir que les États membres prennent des mesures appropriées afin que les mineurs ne voient normalement pas des images susceptibles de nuire à leur développement: utilisation de dispositifs de filtrage, horaires de diffusion, etc. Identification du contenu commercial et obligations minimales en matière de qualité La directive sur le commerce électronique définit les communications commerciales comme tout message destiné à promouvoir un produit, un service ou une marque. Cette définition couvre donc toute forme de publicité ou de parrainage qui implique une compensation financière. Les téléspectateurs devraient être en mesure d’identifier ce type de contenu. Des obligations à caractère qualitatif sont appropriées pour la publicité sur l’alcool et sur le tabac et pour la publicité s’adressant aux mineurs. L’équilibre que crée l’actuelle directive TVSF me paraît satisfaisant et suffisant. Droit de réponse Complément naturel du droit d’expression, et donc droit fondamental, le droit de réponse devrait être reconnu et garanti en tenant compte des particularités de chaque type de média. 4 Identification de base / exigences en matière de cartouches de titre Il s’agirait pour les fournisseurs de services de contenu audiovisuel de devoir communiquer des informations sur leur identité, qui soient aisément, directement et en permanence accessibles, de façon à ce que les parties puissent exercer leurs droits. Des affaires récentes ont montré que cela est utile non seulement pour les services «non linéaires», mais aussi pour les services traditionnels, dits «linéaires». 2. CHOIX DE LA JURIDICTION S’agissant de la compétence territoriale, les experts ont confirmé la conviction de la Commission que le principe de la réglementation par le pays d’origine est fondamental pour les services de contenu audiovisuel et ont étudié la question de possibles contournements des réglementations nationales dans le domaine de l’audiovisuel. Ils ont en outre discuté d’une éventuelle modification des critères énoncés dans l’article 2 de la directive Télévision sans frontières dans le but de garantir une application effective et correcte de la directive. Dans les documents de consultation préparés pour servir de base aux débats au sein des groupes de réflexion, la Commission renvoie à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, selon laquelle un État membre peut appliquer sa réglementation à des émissions diffusées par un radiodiffuseur établi dans un autre État membre, si: 1. les émissions en question sont destinées au premier État membre et 2. le choix de l'établissement a été fait dans le seul but de se soustraire à la législation de cet État membre.2 Mes services ont en outre présenté plusieurs propositions visant à améliorer les règles existantes et à garantir l’application effective et correcte de la directive tout en tenant compte des problèmes soulevés par certains États membres. L’idée de clarifier les critères actuels, tels que «une part importante des effectifs» a été approuvée. Différents problèmes concernant la détermination de l’État membre compétent, y compris des problèmes liés à un contournement supposé de la législation de l’État membre de réception sont dus, notamment, à des interprétations divergentes des critères énoncés dans la directive. Quant à la question des critères techniques dont la récente affaire AlManar a montré les faiblesses, les experts ont soutenu l’idée d’une inversion de l’ordre des critères de l’article 2, paragraphe 4, de la directive Télévision sans frontières, à savoir «capacité satellitaire» et «liaison montante». L’introduction de ce changement pourrait faciliter l’application effective de la directive et permettre une répartition plus égale entre les États membres de la responsabilité de veiller au respect du droit 2 Affaire C-23/93, SA/Commissariaat voor de Media, point 21. 5 communautaire. Par ailleurs, les experts étaient d’avis que la directive en vigueur devrait être adaptée aux nouveaux progrès techniques et, par conséquent, prendre en considération le rôle joué par l’opérateur de multiplexage, qui regroupe les programmes de différents radiodiffuseurs dans une seule liaison numérique montante vers le satellite. Une discussion a eu lieu parallèlement avec les États membres au sein du comité de contact et va continuer dans cette enceinte. Ce séminaire nous offre une occasion supplémentaire de le faire, et il y en aura d’autres, notamment la conférence de Liverpool. 3. PUBLICITE Il ressort des réunions du groupe de réflexion 2 sur la publicité que la directive TSF parvient à ménager un équilibre délicat entre les divers intérêts en jeu. Les discussions sur le futur cadre réglementaire ont confirmé que les différentes parties concernées ont des intérêts contradictoires en ce qui concerne la publicité télévisée, plutôt qu’elles n’ont permis de trouver des solutions susceptibles de les satisfaire toutes. Mon sentiment est que les radiodiffuseurs ont besoin d’une plus grande souplesse pour pouvoir financer leurs activités et faire face aux défis qui résulteront de l’émergence de nouvelles technologies et de la diversification des services et des chaînes. Je crois, en outre, que les détenteurs de droits et les téléspectateurs doivent continuer à bénéficier d’un certain degré de protection de leurs intérêts légitimes dans le cadre télévisuel traditionnel et de quelques règles minimales de protection dans l’environnement des services audiovisuels en ligne. J’en conclus donc, pour le moment, que les règles de nature «qualitative», c'està-dire, par exemple, les règles relatives à la publicité pour les alcools, les médicaments ou les produits ou services destinés aux mineurs sont adaptées. D’un autre côté, nous devons simplifier et actualiser les restrictions quantitatives. Nous pourrions notamment supprimer les restrictions quotidiennes applicables à la publicité, tout en maintenant une limite horaire. Je suis d’avis qu’une protection particulière restera nécessaire, sous une forme simplifiée pour les œuvres cinématographiques et les programmes destinés aux enfants. 4. DROIT A L’INFORMATION De même que pendant la consultation publique de 2003, les experts des groupes de réflexion nous ont fourni des réponses contradictoires au sujet de la valeur ajoutée d’introduire un droit à des extraits courts dans la législation communautaire. Les organisateurs d’événements ont plaidé pour une autorégulation, ainsi que les radiodiffuseurs qui veulent conserver leurs droits d’exclusivité. En revanche, les agences de presse ont demandé l’accès à des 6 reportages brefs en invoquant le droit à l’information, en particulier en envisageant la possibilité de donner accès aux informations aux petits organismes de radiodiffusion télévisuelle qui n'ont pas les moyens d'acheter les droits. Je n’exclus pas qu’il soit nécessaire de définir des règles minimales concernant le droit aux reportages brefs dans la législation communautaire. En tout cas il faudra prévoir dans le droit communautaire que le droit aux reportages brefs soit exercé de manière non discriminatoire. 5. PROMOTION DES ŒUVRES EUROPEENNES ET DES PRODUCTIONS INDEPENDANTES Suite à la vaste consultation publique de 2003 sur la révision de la directive, la Commission a constaté un large consensus pour conserver, sur le fond, les dispositions de la directive relatives à la promotion des œuvres européennes et des productions indépendantes. Les producteurs, les scénaristes et les syndicats ont proposé d’augmenter la proportion majoritaire d’œuvres européennes, tandis que les organismes privés de radiodiffusion et certains États membres ont estimé que les quotas applicables au temps de diffusion constituaient une entrave exagérée à la liberté de programmation des diffuseurs. Une majorité d'États membres se sont déclarés en faveur d'un maintien du statu quo. Un quatrième groupe d’experts sur la diversité culturelle s’est réuni la semaine dernière à Bruxelles. Les premières conclusions que je peux tirer de ces discussions peuvent être résumées comme suit: Il n’est pas nécessaire aujourd’hui de relever ou d’abaisser la part majoritaire du temps de diffusion réservé à des œuvres européennes prévue à l’article 4 ou la part minimale du temps de diffusion réservé à des productions indépendantes visée à l’article 5. D’après les données reçues, la diffusion d'œuvres européennes a constamment augmenté. Par ailleurs, outre leur incidence sur la programmation d’œuvres européennes, les articles 4 et 5 ont permis l'accomplissement d'objectifs culturels. Globalement, les articles 4 et 5 ont contribué à un renforcement de l’industrie audiovisuelle européenne. Les experts ont par ailleurs réfléchi aux moyens de contrôler plus efficacement l’application des articles 4 et 5; ce contrôle pourrait être effectué par des contrôles tels qu’ils existent en ce moment pour veiller au respect d’autres dispositions de la directive TVSF. En conclusion: Voici, comme je l’ai dit, les premières conclusions que je tire des discussions menées au sein des groupes de réflexion et des autres contributions que nous avons reçues. Le présent séminaire a pour but de poursuivre la discussion avec vous, représentants des États membres. Mes services vont maintenant commencer à rédiger les documents de synthèse qui seront publiés avant l’été. Les documents de synthèse donneront des orientations politiques claires pour le 7 futur cadre législatif applicable aux services de contenu audiovisuel et seront soumis à une consultation publique au cours de l’été, en vue de préparer une grande conférence sur l’audiovisuel organisée conjointement avec la Présidence britannique. Cette conférence aura lieu du 20 au 22 septembre 2005 à Liverpool. Je souhaite que la Commission adopte sa proposition de nouvelle directive à la fin de 2005. Mesdames et Messieurs: la convergence offre des possibilités prometteuses pour le développement de services de contenu et d’information utilisant au mieux les TIC. Elle est une chance de compétitivité pour l’industrie audiovisuelle européenne. Je souhaite mettre en place les conditions qui permettront de répondre aux attentes des entreprises et des consommateurs, tout en stimulant l’industrie européenne du contenu et des TIC. Cela nécessite d’instaurer des conditions de saine concurrence, des règles claires et une meilleure sécurité juridique. Ces principes guideront mon action pour les échéances à venir. 8